LA COUR,
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 9 décembre 1992 par la cour d'appel d'Anvers;
Sur le premier moyen : violation des articles 1235, alinéa 1er, 1376 à 1378, 1382 et 1383 du Code civil, et 1398, alinéa 2, du Code judiciaire,
en ce que l'arrêt attaqué condamne la demanderesse à payer au défendeur "la somme qui a été effectivement payée à tort (435.000 francs) augmentée des intérêts compensatoires (181.142 francs) déduction faite de ce qui a déjà été remboursé (382.400 francs) soit un solde de 233.742 francs augmenté des intérêts judiciaires" (arrêt p. 3, alinéa 3), par les motifs que "suite à l'arrêt du 9 avril 1986 (la demanderesse) est tenue, en vertu de l'article 1398, alinéa 2, du Code judiciaire, de restituer intégralement les payements faits par le défendeur à la demanderesse;
qu'en effet, la partie qui a procédé à l'exécution provisoire d'un jugement l'a fait à ses propres risques et doit en supporter les conséquences si, comme en l'espèce, le jugement est réformé en degré d'appel;
que cette obligation de restitution comprend tout ce qui a été payé et, en outre, une indemnisation complète du préjudice causé par cette exécution provisoire;
que cela résulte d'une responsabilité objective (risque) de celui qui a procédé à l'exécution provisoire de sorte qu'aucune faute ne doit être établie dans son chef et que ni la bonne foi ni la mauvaise foi ne jouent un rôle en l'espèce;
que, dès lors, il suffit pour l'autre partie de prouver que l'exécution provisoire a causé un dommage pour que la partie adverse en soit déclarée responsable; que le dommage doit être prouvé selon les règles du droit commun;
qu'en outre, cette mesure d'exécution peut éventuellement aussi impliquer une responsabilité du chef de faute sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil si elle a été mal exécutée, par exemple en cas d'exécution légère ou de poursuite de l'exécution après la réformation du jugement déclaré exécutoire par provision;
que lorsque le jugement de réformation du 9 avril 1986 fait apparaître le caractère indu, il ne constitue toutefois que le fondement de l'action en répétition des payements effectués en raison de l'exécution provisoire du jugement du 18 mars 1980" (arrêt pp. 2-3), et il considère, en ce qui concerne l'indemnisation réclamée par le défendeur du chef des difficultés financières qu'il aurait subies en raison de l'exécution, "qu'en outre, le défendeur ne prouve pas que la demanderesse aurait agi de manière négligente ou légère lors de cette exécution et qu'aucun abus de droit dans le chef de la demanderesse ne résulte des circonstances qu'il invoque; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'accorder des dommages et intérêts",
alors que la défendeur réclamait 435.000 francs augmentés de 181.142 francs à titre d'intérêts compensatoires, calculés au taux d'intérêt légal à partir des différentes dates de paiement jusqu'à la date de la citation devant le juge des saisies (23 octobre 1986) et que, compte tenu du remboursement de 382.400 francs effectué par la demanderesse le 26 septembre 1986, il a réclamé un solde définitif de 233.742 francs augmenté des intérêts judiciaires à partir du 23 octobre 1986;
que le caractère indu des paiements effectués par le défendeur n'est apparu qu'au moment où le jugement du tribunal de commerce de Turnhout du 18 mars 1980, sur la base duquel le demandeur a procédé à l'exécution, a été réformé par la cour d'appel d'Anvers du 9 avril 1986;
et alors que, première branche, celui qui en raison de l'autorisation du juge a procédé à l'exécution provisoire d'un jugement impliquant le paiement d'une somme d'argent, est obligé, nonobstant opposition ou appel, en cas de réformation de la décision attaquée, de rembourser ce qui a été payé en exécution de la décision annulée étant donné que, conformément à l'article 1235 du Code civil, tout ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition;
qu'en vertu de l'article 1378 du Code civil, s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il n'est tenu de restituer les intérêts que du jour du payement; que le fait que, conformément à l'article 1398, alinéa 2, du Code judiciaire, l'exécution provisoire "n'a lieu qu'aux risques et périls de la partie qui la poursuit", ne peut y déroger, le créancier qui procède à l'exécution sachant qu'il agit à ses risques et périls, plus spécialement qu'il sera tenu à remboursement en cas de réformation du jugement, et qu'il agit aussi tout à fait régulièrement en vertu d'un titre exécutoire qui lui confère expressément ce droit, de sorte qu'il ne peut pas être tenu, sauf mauvaise foi, de payer des intérêts compensatoires pour la période pour laquelle le caractère indu du paiement perçu n'a pas encore été constaté par le juge d'appel;
que l'arrêt attaqué répond au moyen invoqué par la demanderesse dans ses conclusions suivant lequel "elle n'était pas de mauvaise foi, de sorte qu'elle n'était redevable d'aucun intérêt pour la période antérieure à l'arrêt de 1986", que l'obligation de remboursement de celui qui a procédé à l'exécution provisoire comporte tout ce qui a été payé et, en outre, une indemnisation complète du dommage causé par cette exécution provisoire, "de sorte qu'aucune faute ne doit être établie dans son chef et que ni la bonne foi ni la mauvaise foi ne jouent un rôle en l'espèce"; de sorte que l'arrêt attaqué ne pouvait décider légalement que la bonne foi ou la mauvaise foi de la demanderesse lors de l'exécution provisoire ne joue aucun rôle dans la détermination de l'étendue de l'obligation de remboursement de l'indu, et, dès lors, ne pouvait légalement condamner la demanderesse à payer des intérêts compensatoires sur les sommes payées par le défendeur à compter de leurs dates respectives de paiement (violation des articles 1235, alinéa 1er, 1376 à 1378 du Code civil, et 1398, alinéa 2, du Code judiciaire),
et alors que, seconde branche, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil, seul celui qui cause un dommage à autrui est obligé de le réparer; que le fait que, conformément à l'article 1398, alinéa 2, du Code civil, l'exécution provisoire " n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit", ne déroge pas aux règles de droit commun en matière de responsabilité du chef de faute prévue par les dispositions légales précitées, et n'instaure nullement "une responsabilité objective" en vertu de laquelle il suffirait pour la personne lésée de démontrer que l'exécution provisoire a causé un dommage pour que la partie adverse en soit déclarée responsable, sans faute et sans mauvaise foi;
qu'en effet, le créancier qui procède à l'exécution sait qu'il agit à ses risques et périls, spécialement qu'il sera tenu au remboursement en cas de réformation du jugement, et que même lorsqu'il agit sur la base d'un titre exécutoire qui lui confère expressément ce droit, il ne peut procéder à l'exécution d'une manière qui excède les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et raisonnable; de sorte qu'en décidant que celui qui procède à l'exécution provisoire est tenu au remboursement ainsi qu'à l'indemnisation intégrale de la partie adverse sans devoir établir l'existence d'une faute, et en condamnant, dès lors, la demanderesse malgré la constatation qu'elle n'a pas commis de faute et qu'elle n'a pas davantage abusé de son droit de procéder à l'exécution provisoire, au paiement d'intérêts compensatoires sur les sommes payées par le défendeur à partir de leurs dates de paiement respectives, l'arrêt attaqué viole les articles 1382 et 1383 du Code civil.
Attendu qu'en vertu de l'article 1398, alinéa 2, du Code judiciaire, lorsque le juge a accordé l'exécution provisoire du jugement, celui qui la poursuit agit à ses risques et périls et sans préjudice des règles du cantonnement;
Qu'il s'ensuit qu'en cas de réformation ou d'annulation totale ou partielle du jugement, la partie qui en a poursuivi l'exécution est tenue, outre de rembourser ce qu'elle a reçu en vertu de la décision réformée ou annulée, d'indemniser le dommage né de la seule exécution, sans qu'il soit requis qu'il y ait eu mauvaise foi ou faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil;
Que le moyen manque en droit;
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi;
Condamne la demanderesse aux dépens.