LA COUR,
Vu le jugement attaqué, rendu le 6 mars 1997 par le tribunal de commerce de Nivelles, statuant en degré d'appel;
Sur le moyen pris de la violation des articles 9, 577, 591, 1°, et, en tant que de besoin, 640 du Code judiciaire, et de l'article 149 de la Constitution coordonnée,
en ce que le jugement attaqué reçoit l'appel de la demanderesse et l'en déboute et partant connaît du recours formé contre le jugement a quo, rendu le 28 juillet 1995 par le juge de paix du canton de Wavre; que le jugement attaqué confirme ainsi le jugement a quo qui, en condamnant la demanderesse à payer à la défenderesse sub 1° une indemnité d'éviction de 756.000 francs, sur la base de l'article 25.6°, de la loi sur les baux commerciaux (section II du titre VIII du livre III du Code civil), tranchait ainsi un litige résultant d'un bail commercial liant la demanderesse et la défenderesse sub 1°,
alors que, (...);
seconde branche, dût-on même admettre - quod non - que l'article 577, alinéa 2, du Code judiciaire pût s'appliquer à l'appel des décisions rendues en premier ressort par le juge de paix en vertu d'une de ses compétences spéciales, encore cet article 577, alinéa 2, ne saurait-il justifier, en l'espèce, la compétence du tribunal de commerce de Nivelles; qu'en effet la compétence générale du tribunal de première instance pour connaître de l'appel des jugements rendus en premier ressort par le juge de paix (article 577, alinéa 1er, du Code judiciaire) ne cède en faveur de la compétence du tribunal de commerce que lorsque la contestation tranchée par le juge de paix est une contestation entre commerçants et relative aux actes réputés commerciaux par la loi ou aux lettres de change (article 577, alinéa 2, du Code judiciaire); qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que la demanderesse n'avait plus la qualité de commerçant au moment où est née la contestation qui l'oppose aux défendeurs; que, loin de constater cette qualité de commerçant dans le chef de la demanderesse, le jugement attaqué constate qu'en 1975 la demanderesse a cédé son fonds de commerce au défendeur sub 2° d'abord, à la défenderesse sub 1° ensuite et que les commerces en cause étaient ceux de la défenderesse sub 1° et de la fille de la demanderesse; que le tribunal de commerce de Nivelles n'avait dès lors en toute hypothèse pas de compétence "ratione materiae" pour connaître en degré d'appel de la contestation opposant la demanderesse aux défendeurs; que la compétence d'attribution ou "ratione materiae" des juridictions ne peut, aux termes de l'article 9 du Code judiciaire, être étendue sauf si la loi en dispose autrement; que, partant, cette compétence est d'ordre public et que, même dans le silence des parties, le juge doit la vérifier; que, lorsque le tribunal de première instance ou le tribunal de commerce statuant en degré d'appel doit soulever d'office son incompétence, l'article 640 du Code judiciaire lui impose de renvoyer la cause au tribunal d'arrondissement; d'où il suit que le jugement attaqué qui reçoit l'appel de la demanderesse dirigé contre un jugement du juge de paix qui avait statué sur une contestation entre un non-commerçant, la demanderesse, et les défendeurs, méconnaît illégalement la compétence générale du tribunal de première in
stance comme juge d'appel des décisions du juge de paix (violation des dispositions visées au moyen et spécialement de l'article 577, alinéa 1er, du Code judiciaire) et étend illégalement la compétence du tribunal de commerce comme juge d'appel des décisions du juge de paix (violation des articles 9, 577, spécialement alinéa 2, et 591,1°, du Code judiciaire); qu'à tout le moins, le jugement attaqué viole l'article 640 du Code judiciaire en ne renvoyant pas d'office le litige au tribunal d'arrondissement pour qu'il y soit statué sur la question de la compétence du tribunal de commerce; qu'à tout le moins, à défaut de constater la qualité de commerçant de la demanderesse dans le litige qui l'opposait aux défendeurs, le jugement attaqué met la Cour dans l'impossibilité de contrôler la légalité de sa décision relative à la compétence d'attribution ou "ratione materiae" du tribunal de commerce de Nivelles pour connaître dudit litige en degré d'appel et, partant, n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée); qu'à défaut de cette constatation, la décision du jugement attaqué relative à cette compétence d'attribution ou "ratione materiae" du tribunal de commerce de Nivelles n'est pas légalement justifiée (violation de toutes les dispositions, autres que l'article 149 de la Constitution coordonnée, visées au moyen) :
Quant à la seconde branche :
Attendu qu'en vertu de l'article 577 du Code judiciaire, le tribunal de commerce ne connaît de l'appel des jugements rendus en premier ressort par le juge de paix que s'il porte sur des contestations entre commerçants relatives aux actes réputés commerciaux par la loi ou sur des contestations relatives aux lettres de change;
Attendu que le jugement attaqué constate, d'une part, que la demanderesse a cédé son fonds de commerce en 1975 et que sa fille "entame une exploitation commerciale dans les lieux" lors de l'expiration du bail litigieux mais, d'autre part, que la demanderesse "vend notamment des jeans, chemises ..." et qu'elle s'est fait "une spécialité de la vente de la marque ... que (la défenderesse) ne vendait qu'occasionnellement";
Que ces constatations mettent la Cour dans l'impossibilité de vérifier si la demanderesse a la qualité de commerçant et, partant, si le tribunal de commerce, en recevant l'appel, a fait une exacte application de l'article 577 précité;
Que le jugement attaqué n'est pas régulièrement motivé;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé;
PAR CES MOTIFS,
Casse le jugement attaqué;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause devant le tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant en degré d'appel.