L. P.
demandeur en cassation,
représenté par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation,
contre
SOCIETE ROYALE LE CHEVAL DE TRAIT ARDENNAIS, union professionnelle,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2001 par la cour du travail de Liège, section de Neufchâteau.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Christian Storck a fait rapport.
Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu.
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants :
1.Premier moyen
Dispositions légales violées
-articles 1315 et 1998 du Code civil;
-article 870 du Code judiciaire;
-articles 18, 37, 41, 84 et 85 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail;
-article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt valide avec effet rétroactif au 1er mars 1997 le préavis notifié par le sieur E. le 10 février 1997, considère en conséquence que le demandeur a en partie presté un préavis et ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer «quant au solde de l'indemnité de préavis», aux motifs que
«1.Les premiers juges ont considéré qu'il ressort du procès-verbal du conseil d'administration de [la défenderesse] que son président, le sieur E., avait bien qualité pour notifier [au demandeur] la résiliation de son contrat moyennant préavis, ledit procès-verbal étant signé par le baron de F. (président en titre) et par le sieur O. (secrétaire général en titre), et qu'au demeurant, il n'est pas contestable que cette décision a été ratifiée par [la défenderesse].
2.L'article 10, alinéa 3, de la loi du 31 mars 1898 sur les unions professionnelles dispose qu'à moins de dispositions spéciales dans les statuts, l'union est représentée dans tous les actes juridiques par ses directeurs ou par celui d'entre eux que l'assemblée générale aura délégué à cet effet.
3.Les statuts de [la défenderesse] (version 1926) indiquent que le pouvoir de licencier appartient soit, collégialement, au conseil de direction (article 16), soit, conjointement, au président du conseil de direction et au secrétaire général, en vertu d'une clause de double signature (article 17).
4.La lecture de la liste des membres composant l'union [défenderesse] conformément à celle qui fut régulièrement entérinée par le Conseil d'Etat le 26 juin 1970 et publiée au Moniteur belge (application de l'article 6 de la loi susdite du 31 mars 1898) révèle que la présidence est légalement dévolue au baron P. d. F. d. J. et la fonction de secrétaire général à M. O. alors que le sieur E. n'apparaît qu'en sa qualité de 'membre effectif, administrateur'.
5.Il est dès lors permis de considérer que le sieur E. n'était pas titulaire du pouvoir de licencier [le demandeur].
6.Par décision du 30 septembre 1998, le Conseil d'Etat a toutefois entériné la décision de l'assemblée générale de [la défenderesse] du 10 janvier 1998 portant révision des statuts [de celle-ci] et emportant ratification des actes accomplis par les différents organes de [la défenderesse] qui se sont succédé depuis le dernier entérinement de la composition du conseil de direction en 1970.
7.Cette ratification opère rétroactivement et s'étend nécessairement aux actes accomplis par le docteur E. en sa qualité de président de l'union [défenderesse] et notamment à la lettre de préavis envoyée [au demandeur] le 10 février 1997 (cfr Cass., 7 mars 1969, Pas., 1969, I, 602).
8.Même si l'on devait considérer que la ratification ne devait pas s'étendre aux actes accomplis par E., quod non, il n'en resterait pas moins que la ratification peut aussi être tacite et qu'en l'occurrence, il est évident que le conseil d'administration était au courant du licenciement [du demandeur] et l'a approuvé.
9.Surabondamment, il y a encore lieu de relever que le défaut de qualité du docteur E. est imputable au défaut de suivi de dossier par [le demandeur], à qui l'auditorat du Conseil d'Etat avait écrit personnellement, et que celui-ci tente de tirer argument de ses propres négligences dans l'exercice de ses fonctions».
Griefs
1.1.Première branche
Dans ses conclusions d'appel, le demandeur contestait que la défenderesse pût tirer argument du procès-verbal de l'assemblée générale de [la défenderesse] du 10 janvier 1998, concluant que celui-ci stipulait en son quatrième point: «'le président propose ensuite à l'assemblée d'accorder décharge au directeur et aux commissaires. Il attire l'attention de l'assemblée sur la circonstance que cette décharge comporte ratification de tous les actes accomplis par les différents organes de [la défenderesse] et ressortant notamment des comptes annuels successifs établis dans des conditions dont la régularité statutaire pourrait être sujette à contestation en raison du défaut d'entérinement des nominations et modifications statutaires'. [.] Il apparaît assez clair que la décision de l'assemblée générale n'emporte que l'approbation des comptes annuels successifs de [la défenderesse]. Il est de doctrine et de jurisprudence constantes que si la ratification du mandant peut être tacite, la volonté de ratifier doit cependant être certaine. En l'espèce, le congé du 10 février 1997 ne ressort pas des comptes annuels successifs».
Par aucune considération, l'arrêt ne rencontre cette défense circonstanciée quant à la nature et à la portée des actes ratifiés par l'assemblée générale de [la défenderesse]; il n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
1.2.Deuxième branche
Dans ses conclusions d'appel, le demandeur faisait valoir qu'il ne résultait «d'aucune des pièces versées aux débats que l'assemblée générale ou le conseil de direction eussent été avisés du licenciement [du demandeur]».
En vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il appartient à la partie qui prétend avoir ratifié l'acte unilatéral de licenciement accompli par une personne sans pouvoir d'établir cette ratification. En vertu de l'article 1998, alinéa 2, du Code civil, si la ratification peut être tacite, elle ne peut s'induire que d'un acte qui suppose nécessairement l'approbation, par les personnes compétentes pour licencier, de ce qui a été fait par la personne incompétente. L'arrêt, qui admet «que le pouvoir de licencier appartient soit, collégialement, au conseil de direction [.] soit, conjointement, au président du conseil et au secrétaire général, en vertu d'une clause de double signature» et qui se borne, pour retenir l'existence d'une ratification tacite, à la seule considération qu'« il est évident que le conseil d'administration était au courant du licenciement [du demandeur] et l'a approuvé», décharge illégalement la demanderesse de la preuve que les personnes ayant le pouvoir de licencier ont ratifié l'acte (violation des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire). En outre, à défaut d'indiquer de quel acte ou attitude il déduit cette ratification, l'arrêt ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision au regard de l'article 1998, alinéa 2, du Code civil. Il n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
1.3.Troisième branche
En vertu de l'article 37 de la loi du 3 juillet 1978, l'employeur qui veut rompre avec préavis doit mentionner le début et la durée du préavis, informant ainsi le travailleur avec certitude non seulement de sa volonté de rompre mais aussi de la date à laquelle ce dernier sera libéré de son obligation de travailler; en vertu de l'article 84 de la même loi, l'employé auquel l'employeur a donné congé peut résilier le contrat moyennant un préavis réduit; enfin, le travailleur qui a reçu un congé peut, en vertu des articles 41 et 85 de la loi, s'absenter pour retrouver du travail.
En vertu de l'article 1998 du Code civil, l'employeur n'est pas lié par un congé avec préavis donné par une personne n'ayant pas le pouvoir de licencier. Il peut certes ratifier l'acte accompli; toutefois, le congé avec préavis ne peut être validé rétroactivement que sous la réserve de ne pas préjudicier aux droits acquis par le travailleur, tiers à l'acte unilatéral de licenciement moyennant préavis. Tant que l'employeur n'a pas ratifié le congé avec préavis, le travailleur ne [peut] savoir si et à quelle date les relations de travail prendront fin; il ne peut faire valoir contre l'employeur les droits que lui donnent les articles 41, 84 et 85 de la loi du 3 juillet 1978. Enfin, il n'est pas, à l'expiration du prétendu préavis, libéré de son obligation de travailler. Il s'en déduit qu'à peine de faire perdre au travailleur tous les droits résultant d'un congé avec préavis, la ratification ne peut avoir d'effet rétroactif.
L'arrêt retient une ratification par l'assemblée générale de [la défenderesse] le 10 janvier 1998. En faisant rétroagir cette ratification au 1er mars 1997, date de prise de cours du préavis envoyé par le sieur E. le 10 février 1997, pour en déduire que le demandeur a presté partiellement son préavis et n'a plus droit qu'à un solde d'indemnité de préavis, l'arrêt viole toutes les dispositions légales visées au moyen, à l'exception des articles 18 de la loi du 3 juillet 1978 et 149 de la Constitution.
Quant à la ratification tacite par le conseil d'administration, l'arrêt ne la situe pas dans le temps, ne permettant pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la règle que la ratification ne peut avoir d'effet rétroactif qu'à la condition de ne pas préjudicier aux droits des tiers; l'arrêt n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
1.4.Quatrième branche
Dans ses conclusions d'appel, le demandeur faisait valoir que, par sa lettre du 24 mars 1998, l'auditorat près le Conseil d'Etat invitait la défenderesse «à lui adresser les exemplaires des nouveaux statuts corrigés et signés par les seules personnes habilitées à la représenter, à savoir le baron d. F. d. J. (président) et M. O. (secrétaire général) [.]; que, faute d'avoir été membre de [la défenderesse], le [demandeur] ne disposait évidemment pas du pouvoir d'effectuer [les] modifications [nécessaires] aux textes des statuts ainsi qu'à la liste des membres de [la défenderesse]; que, si les modifications proposées par l'auditorat près le Conseil d'Etat furent adressées au [demandeur], c'est uniquement en sa qualité de directeur, salarié, de la [défenderesse]; qu'en dépit de son inaptitude à opérer les modifications nécessaires, le [demandeur] n'a cependant cessé d'insister auprès des membres effectifs de [la défenderesse] afin que les régularisations et modifications interviennent; que, le 25 août 1996, le [demandeur] sollicitait même la possibilité d'être investi de la responsabilité de travailler à ces modifications; que cette autorisation ne sera jamais donnée au [demandeur]».
L'arrêt, qui décide que le défaut de qualité du docteur E. est imputable au manque de suivi du dossier par le demandeur au seul motif que «l'auditorat du Conseil d'Etat (lui) avait écrit personnellement», ne rencontre pas la défense circonstanciée du demandeur; il n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
En outre, en vertu de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978, le travailleur ne répond que de son dol et de sa faute lourde; il ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente dans son chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel. Pareille négligence est dès lors sans incidence sur les droits que le demandeur tirait des articles 37, 41, 84 et 85 de la loi du 3 juillet 1978 tels qu'exposés par la troisième branche du moyen; en se fondant sur cette négligence pour lui dénier ces droits, l'arrêt viole, partant, ces dispositions légales.
2 .Second moyen
Dispositions légales violées
-article 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail;
-article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt, pour fixer à trente mois le délai de préavis qui aurait dû être notifié au demandeur, décide que celui-ci n'a été occupé au service du même employeur au sens de l'article 82 de la loi du 3 juillet 1978 qu'à partir du 1er mars 1972, écartant ainsi sa prétention à voir calculer son ancienneté à partir du 24 février 1958, aux motifs que
«5.Les termes 'le même employeur' figurant à l'article 82 [.] de la loi du 3 juillet 1978 visent l'unité économique d'exploitation que constitue l'entreprise même si elle a changé de direction et sans que le service effectué chez ce même employeur doive avoir été accompli en exécution du même contrat de travail, et sans égard à la modification de sa nature juridique (cf. Cass., 18 avril 1985, J.T.T., 1985, 356).
6.La continuité de l'ancienneté n'est pas subordonnée à la condition de l'existence d'un lien de droit entre les entreprises successives formant une unité économique d'exploitation (Cass., 9 mars 1992, C.D.S., 1992, 296).
7.L'entreprise est la même lorsque son activité économique est la même ou, à tout le moins, similaire ou complémentaire et l'exigence d'un lien de droit entre les employeurs successsifs est superflue [.].
8.En l'espèce, il ne peut être considéré que les activités du Comité provincial de l'insémination artificielle du Luxembourg, association sans but lucratif, dénommé dans la suite Association provinciale de l'insémination artificielle (APIA), où (le demandeur) a exercé les fonctions d'employé chargé des opérations de testage du 24 février 1958 au 22 février 1972 étaient similaires à celles de [la défenderesse] qui est une union professionnelle ayant pour objet la promotion du cheval de trait ardennais, aucun rapport n'existant d'ailleurs entre les fonctions d'agent de 'testage' et de secrétaire avec missions extérieures».
Griefs
En vertu de l'article 82, spécialement § 2, alinéa 2, et § 3, l'ancienneté est calculée en fonction de la période de «service chez le même employeur»; ces termes visent l'unité économique d'exploitation que constitue l'entreprise; pour que deux entreprises constituent une même unité économique d'exploitation, il n'est pas nécessaire que leurs activités soient similaires si elles ont poursuivi un objectif social complémentaire; il n'est pas plus requis que le travailleur ait eu, à leur service, des activités identiques.
La cour du travail l'a admis en droit mais, d'une part, a refusé de se prononcer sur les éléments de fait invoqués par le demandeur pour établir la complémentarité entre le Comité provincial d'insémination artificielle du Luxembourg et la défenderesse et, d'autre part, a exclu la notion de même employeur au motif que les fonctions du demandeur étaient différentes.
Dans ses conclusions, le demandeur faisait valoir
que le Comité provincial d'insémination artificielle du Luxembourg, devenu ensuite l'Association provinciale de l'insémination artificielle (A.P.I.A.), «faisait partie d'un ensemble de sociétés et d'associations aux formes juridiques variables réunies au sein de la 'Maison de l'éleveur' à Marloie et ayant en commun la promotion de l'élevage dans la région; que globalement ces sociétés étaient subdivisées en quatre grands groupes: 1° chevaux - porcs - porcherie - contrôle laitier, 2° syndicats d'élevage - inspection, 3° syndicats d'exploitation - petits élevages, 4° insémination artificielle». Il soutenait que, dès l'origine, il fournissait ses prestations au service de diverses associations réunies à la Maison de l'éleveur; à titre d'exemple, il soulignait que «les agents d'inspection sont en effet chargés de l'identification de tous les produits bovins, porcins et chevalins qui doivent être inscrits dans les livres généalogiques et fournissent ainsi la matière première de l'activité essentielle à toutes les sociétés d'élevage; que ces agents de testage étaient rémunérés par l'association des éleveurs de bétail qui récupérait auprès des autres sociétés la quote-part de chacune au prorata des activités et selon une clé de répartition convenue entre les conseils d'administration; [.] que la complémentarité d'objet social entre les diverses associations et en l'occurrence entre l'A.P.I.A. et la [défenderesse] ne fait aucun doute».
Il invoquait également qu'« en janvier 1967, conscientes de la confusion fonctionnelle et des 'rapports étroits' unissant leur personnel ainsi que confrontées aux nécessités d'une rationalisation des ressources humaines et financières, les diverses sociétés adoptèrent, compte tenu de leur proximité et de leur vocation commune, les conclusions d'une étude réalisée par les conseillers de zootechnie de l'Etat, dont A. S., portant sur le statut du personnel et consacrant notamment, par la définition d'un cadre juridique, la pratique du cumul de fonctions dans les diverses associations et de la mobilité de ce personnel en leur sein [.]; que l'objectif résidait notamment et explicitement dans la perspective d'assurer au personnel des associations concernées la possibilité de réaliser une 'carrière honnête' sans que les structures existantes au niveau des diverses entités, 'les diverses sociétés d'élevage', ne pussent faire obstacle à la poursuite d'une carrière plane rythmée par des promotions au sein des associations sours; que les propositions de cette étude furent ainsi approuvées tant par l'A.P.I.A. que par la [défenderesse] [.] lors de la réunion de son conseil d'administration le 20 janvier 1967».
Dans ses conclusions additionnelles, il rappelait que la pièce 3 établissait que le rapport relatif au statut du personnel des diverses associations avait été adopté par la plupart des membres du conseil et que cette pièce établissait également que «pour l'occasion, le conseil d'administration de [la défenderesse] souscrit conjointement avec les autres associations une police d'assurance-groupe pour l'ensemble du personnel des associations».
Par aucune considération, l'arrêt ne rencontre cette défense circonstanciée. Il n'est, par conséquent, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
En outre, les circonstances que le Comité provincial d'insémination artificielle du Luxembourg, devenu l'Association provinciale de l'insémination artificielle, et la défenderesse avaient en commun la promotion de l'élevage dans la même région, que, pour réaliser ce but commun, ces associations s'étaient installées dans les mêmes locaux, qu'elles avaient convenu entre elles de se partager les services des mêmes personnes par la pratique du cumul des fonctions avec récupération de la quote-part de chacune au prorata, qu'elles s'étaient entendues afin d'encourager la mobilité du personnel entre les différentes associations et avaient souscrit une police d'assurance-groupe pour l'ensemble de ce personnel étaient pertinentes pour établir qu'elles poursuivaient un objectif social complémentaire au sein de la même unité économique d'exploitation et constituaient ainsi un «même employeur» au sens de l'article 82, § 2, alinéa 2, et § 3, de la loi du 3 juillet 1978.
L'arrêt ne décide dès lors pas légalement que l'ancienneté du demandeur ne devait pas être calculée à partir du 24 février 1958 (violation de l'article 82 de la loi du 3 juillet 1978). A tout le moins, à défaut de se prononcer sur la réalité et la pertinence des critères invoqués pour établir l'existence d'une unité économique d'exploitation, l'arrêt ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n'est partant pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
IV. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Attendu qu'en énonçant que "la décision de l'assemblée générale de [la défenderesse] du 10 janvier 1998 [...] emport[e] ratification des actes accomplis par les différents organes de [celle-ci] qui se sont succédé depuis [...] 1970" et que "cette ratification [...] s'étend nécessairement aux actes accomplis par le docteur E. en sa qualité de président de [la défenderesse] et notamment à la lettre de préavis envoyée [au demandeur] le 10 février 1997", l'arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur reproduites en cette branche du moyen ;
Que celui-ci, en cette branche, manque en fait ;
Quant à la troisième branche :
Attendu qu'en vertu de l'article 1998, alinéa 2, du Code civil, le mandant n'est tenu de ce qui a pu être fait par le mandataire au-delà du pouvoir donné à celui-ci qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement ;
Que la ratification a un effet rétroactif à la condition de ne pas préjudicier aux droits acquis par les tiers ;
Attendu que le congé moyennant préavis donné à un travailleur au nom de l'employeur par un mandataire qui excède son pouvoir ne lie pas l'employeur ;
Qu'aussi longtemps qu'il n'est pas ratifié par celui-ci, cet acte ne sortit aucun des effets que la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail attache au congé ;
Que, dès lors, sa ratification par l'employeur ne saurait porter atteinte à un droit que le travailleur aurait acquis en vertu de cette loidu fait du congé ;
Que, dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit;
Et attendu que, les considérations de l'arrêt relatives à la ratification du congé litigieux par l'assemblée générale de la défenderesse suffisant à fonder la décision que critique le moyen, celui-ci, qui ne saurait, dans la mesure où, en cette branche, il fait grief à l'arrêt de ne pas préciser la date de la ratification de cet acte par le conseil d'administration de la défenderesse, en entraîner la cassation, est, dès lors, dénué d'intérêt et, partant, irrecevable;
Quant à la deuxième et à la quatrième branche:
Attendu que les considérations de l'arrêt relatives à la ratification du congé litigieux par l'assemblée générale de la défenderesse, que critique vainement la troisième branche du moyen, suffisent à fonder la décision que critique celui-ci;
Que, dans la mesure où il conteste la légalité de cette décision ou prétend que la Cour ne serait pas en mesure d'en contrôler la légalité, le moyen qui, en ces branches, ne saurait entraîner la cassation, est, dès lors, dénué d'intérêt et, partant, irrecevable;
Attendu que, pour le surplus, dès lors qu'elle admettait la ratification de l'acte litigieux, la cour du travail n'était plus tenue de répondre aux conclusions du demandeur contestant qu'il eût pu commettre une faute ayant entraîné le défaut de pouvoir du mandataire qui a accompli cet acte, lesdites conclusions ayant perdu toute pertinence;
Que, dans cette mesure, le moyen, en sa quatrième branche, ne peut être accueilli;
Sur le second moyen:
Attendu que l'arrêt énonce qu'«il ne peut être considéré que les activités du Comité provincial de l'insémination artificielle du Luxembourg [.], dénommé dans la suite Association provinciale de l'insémination artificielle, où [le demandeur] a exercé les fonctions d'employé chargé des opérations de testage du 24 février 1958 au 22 février 1972, étaient similaires à celles de [la défenderesse], qui est une union professionnelle ayant pour objet la promotion du cheval de trait ardennais»;
Que, par cette appréciation qui gît en fait, l'arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur et justifie légalement sa décision que les deux personnes morales au service desquelles le demandeur a été successivement employé ne constituent pas une unité technique d'exploitation et, dès lors, un même employeur au sens de l'article 82, § 2, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1978;
Et attendu que, pour le surplus, la cour du travail, ayant ainsi fondé sa décision, n'était pas tenue de répondre aux conclusions du demandeur reproduites au moyen et relatives à la similitude des fonctions qu'il avait exercées au service de ces deux employeurs;
Que le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de deux cent cinquante et un euros quarante-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme de quatre cent dix-huit euros quatre-vingt-un centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Pierre Marchal, les conseillers Christian Storck, Daniel Plas, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononcé en audience publique du treize janvier deux mille trois par le premier président Pierre Marchal, en présence du premier avocat général Jean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier adjoint Christine Danhiez.