I.
PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES.
II.
CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME,
partie civile,
Mes Raf Verstraeten, Caroline De Baets et Luc Walleyn, avocats au barreau de Bruxelles.
III.
ASBL LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, association sans but lucratif,
partie civile,
tous les pourvois contre
VLAAMSE CONCENTRATIE, association sans but lucratif, et consorts,
prévenus,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, et Me Stefaan Sonck, avocat au barreau de Bruxelles.
I. La décision attaquée
Les pourvois sont dirigés contre l'arrêt rendu le 26 février 2003 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Etienne Goethals a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
III. Les moyens de cassation
(.)
IV. La décision de la Cour
A. Sur la recevabilité du pourvoi du demandeur sub I:
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'une copie complète de la déclaration de pourvoi a été signifiée aux parties contre lesquelles ce pourvoi est dirigé;
Que l'exploit de la signification aux défenderesses ne mentionne qu'un arrêt rendu par défaut le 10 mars 2003 par la cour d'appel de Bruxelles, à charge des défenderesses;
Que le pourvoi est irrecevable;
B. Sur la recevabilité du pourvoi de la demanderesse sub III:
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le pourvoi a été signifié;
Que le pourvoi est irrecevable;
C. Sur l'examen du moyen du demandeur sub I:
Attendu qu'il n'y a pas lieu de répondre au moyen invoqué par le demandeur qui ne concerne pas la recevabilité du pourvoi;
D. Sur l'examen des moyens du demandeur sub II:
1. Second moyen - première et troisième branches
Attendu qu'en vertu de l'article 150 de la Constitution, le jury est établi entre autres pour les délits politiques et de presse, à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie;
Que ledit article ne précise pas ce qu'est un «délit politique» ni les conditions d'une telle infraction;
Attendu qu'un délit ne peut constituer un délit politique:
- que s'il résulte nécessairement de la nature même du délit qu'il consiste en une atteinte portée directement à l'existence, à l'organisation ou au fonctionnement des institutions politiques;
- ou s'il a été commis dans le but de porter une telle atteinte aux institutions politiques et que le fait, vu les circonstances particulières de sa commission, a ou peut avoir directement une telle atteinte pour conséquence;
Attendu que ces institutions politiques comprennent notamment la forme de l'Etat, les parlements, l'autorité et les prérogatives constitutionnelles du Roi, l'ordre de successibilité au trône, l'exercice du pouvoir par le ministre et les droits politiques des citoyens;
Attendu qu'un parti politique ne représente pas lui-même une institution politique, même s'il peut constituer un moyen de fonctionnement des institutions politiques;
Attendu que les juges d'appel ont décidé que:
- le groupement ou l'association qui, de façon manifeste et répétée, pratique la discrimination ou la ségrégation ou prône celles-ci dans les circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, est un parti politique;
- dans la mesure où le délit mis à charge des défenderesses est prouvé, sa commission visait, d'une part, à permettre à un parti politique, précisément le Vlaams Blok, de continuer à exister et, d'autre part, à apporter un soutien substantiel à ce parti;
- ce parti politique ne peut continuer à exister que moyennant la commission par tous les membres de ce parti du fait mis à charge;
- le Vlaams Blok étant un parti politique, le délit incriminé peut être assimilé à un «pur délit politique», bien que le fait d'enfreindre l'article 3 de la loi du 10 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ne constitue certes pas en soi un délit politique;
- la commission du fait par les défenderesses porte directement atteinte aux institutions du pays, notamment en raison de certaines activités de ce parti politique;
Attendu que, par ces motifs, les juges d'appel violent l'article 150 de la Constitution et ne justifient pas légalement leur décision que la prévention constitue en l'espèce un délit politique, de sorte qu'ils sont incompétents;
Qu'en ces branches, le moyen est fondé;
2. Les autres griefs
Attendu qu'il n'y a pas lieu de répondre aux autres griefs qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue;
E. Sur l'étendue de la cassation:
Attendu que la cassation de la décision rendue sur les actions civiles dirigées par le demandeur sub II contre les défenderesses entraîne l'annulation de la décision rendue sur l'action publique exercée à charge des défenderesses, par laquelle les juges d'appel se refusent le droit de se prononcer sur l'action publique, ainsi que sur les actions civiles d'autres parties civiles, fondées sur ces préventions, nonobstant l'irrecevabilité de leur pourvoi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;
Laisse les frais du pourvoi du demandeur sub I à charge de l'Etat;
Condamne les défenderesses aux frais du pourvoi du demandeur sub II;
Condamne la demanderesse sub III aux frais de son pourvoi;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Etienne Goethals, Jean-Pierre Frère, Dirk Debruyne et Luc Van hoogenbemt, et prononcé en audience publique du dix-huit novembre deux mille trois par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier adjoint principal Paul Van den Abbeel.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Close et transcrite avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Le greffier délégué, Le conseiller,