BUREAU BELGE DES ASSUREURS AUTOMOBILES,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. AP ASSURANCES, société anonyme,
2. D.V. L.,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
3. ROYAL NEDERLAND SCHADEVERZEKERING,
4. ZEEUWSE INTERNATIONALE TRANSPORTONDERNEMING,
Me Adolphe Houtekier, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 juin 2002 par la cour d'appel d'Anvers.
II. La procédure devant la Cour
Le premier président a renvoyé la présente cause devant la troisième chambre par l'ordonnance rendue le 2 février 2004.
Le président de section Boes a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
III. Les moyens
IV. La décision de la Cour
Attendu que les juges d'appel ont constaté, d'une part, que l'accident a été causé par un camion immatriculé en Allemagne et donc par un véhicule ayant son stationnement habituel à l'étranger et, d'autre part, que le conducteur du véhicule ayant causé le dommage, qu'ils considèrent comme étant responsable de l'accident, a été dûment identifié ;
Attendu que la directive CEE du 24 avril 1972 du Conseil a instauré un régime dont les caractéristiques principales peuvent être résumées comme suit :
1. abstention d'effectuer un contrôle de la carte verte pour les véhicules qui ont leur stationnement habituel dans un Etat membre et qui pénètrent sur le territoire d'un autre Etat membre, sur la base d'un accord conclu entre les bureaux nationaux d'assurance, aux termes duquel chaque bureau national se porte garant pour le règlement des sinistres pour lesquels il existe un droit à indemnité et qui sont survenus sur leur territoire par un véhicule assuré ou non, dans les conditions fixées par sa législation nationale ;
2. tout véhicule communautaire qui circule sur le territoire de la Communauté est présumé être assuré, et les législateurs de tous les Etats membres rendent obligatoire l'assurance de la responsabilité légale à laquelle peut donner lieu la mise en circulation de ces véhicules ;
Attendu que selon l'article 2, alinéa 2, de la directive du conseil du 24 avril 1972, les bureaux nationaux des assureurs se portent garants pour les règlements des sinistres survenus sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté Economique Européenne et provoqués par la circulation d'un véhicule ayant son stationnement habituel sur le territoire d'un autre Etat membre de la CEE dans les limites et dans les conditions fixées par leur propre législation nationale, même si le véhicule n'est pas ou est insuffisamment assuré selon la législation du pays de stationnement ; que l'arrêt de la Cour de justice du 21 juin 1984 statue en ce sens ;
Que, comme l'a constaté la Cour de Justice des Communautés Européennes dans ses arrêts des 21 juin 1984 et 6 octobre 1987, le régime instauré par la directive est fondé sur un accord conclu entre les bureaux nationaux en vertu duquel le bureau qui a réglé le dommage dispose d'une action récursoire contre le bureau du pays dans lequel le véhicule ayant causé le dommage a son stationnement habituel, ce qui implique que le véhicule est identifié ;
Que, conformément à l'article 1.4 de ladite directive, il faut entendre par " territoire où le véhicule a son stationnement habituel " : le territoire de l'Etat où le véhicule est immatriculé ou dans le cas où il n'existe pas d'immatriculation pour un genre de véhicule mais que ce véhicule porte une plaque d'assurance ou un signe distinctif analogue à la plaque d'immatriculation, le territoire de l'Etat où cette plaque ou signe sont délivrés, ou dans le cas où il n'existe ni immatriculation ni plaque d'assurance ni signe distinctif pour certains types de véhicules, le territoire de l'Etat du domicile du détenteur ;
Attendu que l'article 2, ,§ 2, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs dispose que " les véhicules automoteurs ayant leur stationnement habituel à l'étranger (...) sont admis à la circulation en Belgique à la condition que le Bureau agréé ou créé à cette fin en application de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances assume lui-même, à l'égard des personnes lésées, la charge de réparer conformément aux dispositions de la présente loi les dommages causés en Belgique par ces véhicules " ;
Attendu que, toutefois, conformément à l'article 50, ,§ 1er, 1°, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances tel qu'il était en vigueur avant sa nouvelle numérotation par l'arrêté royal du 12 août 1994 et à l'article 80, ,§ 1er, 1°, de cette loi, tel qu'il était en vigueur après la nouvelle numérotation par l'arrêté royal du 12 août 1994 et avant son abrogation par la loi du 22 août 2002, toute personne lésée peut obtenir du Fonds commun de garantie la réparation des dommages résultant de lésions corporelles causées par un véhicule automoteur lorsque le véhicule qui a causé l'accident n'est pas identifié ; qu'au sens de cette disposition, un véhicule est identifié lorsque la personne au nom de laquelle il est immatriculé est connue ou lorsque l'état de ce véhicule en matière d'assurance peut être connu ;
Qu'il résulte de la connexité de ces dispositions que lorsqu'il est établi que le véhicule ayant causé le dommage a son stationnement à l'étranger, mais que seul le conducteur responsable peut être identifié, sans que la personne au nom de laquelle il est immatriculé soit connue ou sans que l'état du véhicule en matière d'assurance puisse être connu, le bureau national du règlement ne peut pas davantage être tenu en tant que seul autre assureur d'indemniser le dommage subi par les personnes lésées ;
Attendu qu'en décidant que la demanderesse est tenue d'indemniser les défendeurs et les défenderesses, sans constater que la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé est connue ou que l'état d'assurance du véhicule peut être connu, l'arrêt viole les dispositions légales citées par le moyen ;
Que le moyen est fondé ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, les conseillers Ernest Waûters, Ghislain Dhaeyer, Greta Bourgeois et Eric Dirix, et prononcé en audience publique du premier mars deux mille quatre par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier adjoint principal Lisette De Prins.