A. E.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
CENTRE PUBLIC D'AIDE SOCIALE D'OSTENDE.
I. La décision attaquée
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2002 par la cour du travail de Gand, section de Bruges.
II. La procédure devant la Cour
Le premier président a renvoyé la présente cause de la troisième chambre à l'audience plénière de la Cour par ordonnance du 18 mars 2004.
Le président de section Robert Boes a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
III. Les moyens
(.)
IV. Décision de la Cour
1. Moyen unique
Attendu que, conformément à l'article 1er de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale, toute personne a droit à l'aide sociale qui a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine;
Que l'article 57, § 1er, de ladite loi, charge les centres publics d'aide sociale d'assurer aux personnes et aux familles l'aide due par la collectivité;
Attendu que l'article 57, § 2, alinéa 1er, de cette même loi dispose que, par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d'aide sociale se limite à l'octroi de l'aide médicale urgente à l'égard d'un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume;
Que cette disposition doit être lue en combinaison avec la disposition de l'article 191 de la Constitution en vertu de laquelle tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi; que l'article 57, § 2, précité contient une telle exception pour les personnes qui séjournent illégalement dans le Royaume;
Que par cette disposition le législateur a pour objectif de décourager les étrangers séjournant illégalement à prolonger leur séjour en Belgique;
Attendu que l'article 2 de la loi du 22 décembre 1999 relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume énumère les catégories d'étrangers qui, dans la mesure où ils séjournent effectivement en Belgique au 1er octobre 1999, peuvent introduire une demande de régularisation de leur séjour;
Que l'article 14 de cette même loi dispose que hormis les mesures d'éloignement motivées par l'ordre public ou la sécurité nationale, ou à moins que la demande ne réponde manifestement pas aux conditions de l'article 9, il ne sera pas procédé matériellement à un éloignement entre l'introduction de la demande et le jour où une décision négative a été prise en application de l'article 12;
Qu'il ressort de cette disposition qu'en vue de réaliser la possibilité de régularisation de leur séjour accordée à certaines catégories d'étrangers, sous réserve des exceptions qu'il prévoit, le législateur a interditl'exécution de toute mesure d'éloignement qui aurait été justifiée par la situation de cet étranger, pour la durée de l'instruction de la demande;
Que la loi autorise ainsi l'étranger, qui a introduit une demande de régularisation sur la base de la loi du 22 décembre 1999, à séjourner sur le territoire du Royaume; que, dès lors, tant qu'il n'a pas été statué sur sa demande il ne peut être considéré, en ce qui concerne l'aide qui lui est apportée, comme une personne qui séjourne illégalement dans le Royaume au sens de l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976;
Qu'en statuant autrement, l'arrêt viole l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976;
Que le moyen est fondé;
2. Les dépens
Attendu que vu l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, les dépens sont à charge du défendeur;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;
Condamne le défendeur aux dépens;
Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre plénière, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les présidents de section Claude Parmentier et Robert Boes, les conseillers Ernest Waûters, Ghislain Dhaeyer, Greta Bourgeois, Philippe Echement, Christian Storck et Daniel Plas, et prononcé en audience publique du sept juin deux mille quatre par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.