C. J., A., M.,
inculpée,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Laurence Heusghem, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
LE CHOCOLATIER MANON, s.p.r.l. dont le siège est établi à Bruxelles, rue Tilmont, 64
partie civile,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Baudouin Paquot et Sylvie Lacombe, avocats au barreau de Bruxelles.
I. La décision attaquée
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 mars 2004 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Frédéric Close a fait rapport.
L'avocat général Raymond Loop a conclu.
III. Les moyens de cassation
La demanderesse présente six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
IV. La décision de la Cour
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision relative à la preuve par vidéosurveillance :
Sur le deuxième moyen:
Attendu qu'en vertu de l'article 9, § 1er, de la convention collective de travail n° 68 du 16 juin 1998 relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l'égard de la surveillance par caméras sur le lieu du travail, rendue obligatoire par arrêté royal du 20 septembre 1998, l'employeur doit, préalablement et lors de la mise en ouvre de la surveillance par caméras, informer les travailleurs de tous les aspects de cette surveillance visés au paragraphe 4 de cette disposition;
Attendu qu'en se bornant à considérer que «l'information préalable de la mise en ouvre de la surveillance par caméra aurait en l'espèce privé de tout effet pratique la surveillance projetée» et «que l'absence d'information préalable, à la supposer contraire au prescrit de l'article 9 de la convention collective de travail n° 68 du 16 juin 1998, n'entraîne pas l'illégalité du mode de preuve utilisé», la chambre des mises en accusation n'a pas légalement justifié sa décision ;
Que le moyen est fondé;
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui dit l'action publique recevable:
Sur le cinquième moyen:
Attendu qu'en tant qu'il est pris de la violation de la foi due au dossier répressif, le moyen est irrecevable, à défaut de précision;
Attendu qu'il n'est pas contradictoire, d'une part, de décider que l'action publique est recevable et, d'autre part, de considérer «que l'illégalité alléguée, à la supposer établie», entraînerait la nullité de la partie de la procédure faisant suite au mode de preuve dont l'illégalité est alléguée, cette partie dût-elle correspondre à l'ensemble de la procédure d'instruction;
Attendu qu'en considérant que «contrairement à ce que [la demanderesse affirme] en conclusions, il existe dans le dossier d'autres modes de preuve dont la légalité n'est pas contestée», les juges d'appel ont répondu, sans en donner une interprétation inconciliable avec leurs termes et, dès lors, sans violer la foi qui leur est due, aux conclusions de la demanderesse soutenant que la vidéosurveillance constituait le point de départ de l'instruction et que son illégalité s'étendait à l'ensemble de la procédure;
Qu'à ces égards, le moyen manque en fait;
Attendu que, pour le surplus, les règles relatives à l'administration de la preuve exigent que les preuves entachées d'illégalité ou d'irrégularité soient écartées des débats en même temps que les éléments qui en sont la suite, mais admettent que le juge se prononce sur la base d'autres éléments de preuve qui, sans être affectés d'un vice, sont soumis à la libre discussion des parties ; qu'il appartient à la chambre des mises en accusation qui constate l'illégalité de certaines preuves, de considérer en fait, et dès lors souverainement, si et dans quelle mesure celles-ci se trouvent à l'origine des autres actes d'instruction ou se confondent avec eux, de sorte que les droits de la défense et le droit à un procès équitable sont compromis de manière irréparable;
Attendu que, dès lors, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision que l'illégalité dénoncée par le demandeur ne saurait entraîner «l'irrecevabilité des poursuites, mais seulement la nullité de la partie de la procédure subséquente au mode de preuve dont l'illégalité est alléguée»;
Que, dans cette mesure, le moyen manque en droit;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;
C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rejetant la demande de devoirs d'instruction complémentaires:
Sur le sixième moyen:
Attendu que l'arrêt énonce que «le préjudice allégué par la partie civile (à supposer les faits établis) est certain même si son évaluation exacte est contestée (au demeurant, les inculpations visent 'des sommes d'un montant total indéterminé')»; qu'ainsi les juges d'appel ont répondu, sans contradiction, aux conclusions d'appel de la demanderesse soutenant que la chambre du conseil avait laissé sans réponse ses conclusions sollicitant des devoirs complémentaires et que cette omission affectait la régularité de l'ordonnance; qu'il ne résulte pas de cette considération qu'ils ont méconnu la présomption d'innocence;
Que le moyen ne peut être accueilli;
D. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui dit non recevable l'appel de la demanderesse dans la mesure où il vise à contester dans son chef l'existence de charges suffisantes de culpabilité:
Attendu que pareille décision n'est pas définitive au sens de l'article 416, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle et est étrangère aux cas visés au second alinéa de cet article;
Que le pourvoi est irrecevable;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner les premier, troisième et quatrième moyens, qui ne pourraient entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt en tant qu'il statue sur la preuve par vidéosurveillance ;
Rejette le pourvoi pour le surplus;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Condamne le demandeur aux trois quarts des frais de son pourvoi et laisse le quart restant à charge de l'Etat;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation autrement composée.
Lesdits frais taxés à la somme de cent soixante-sept euros quarante-sept centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Francis Fischer, président de section, Frédéric Close, Paul Mathieu, Benoît Dejemeppe et Philippe Gosseries, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf juin deux mille quatre par Francis Fischer, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier adjoint principal.