P. J. et P. M.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
État belge, ministre des Finances,
Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 11 mars 2003 par la cour d'appel d'Anvers.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.
L'avocat général Dirk Thijs a conclu.
III. Les faits
L'arrêt attaqué confirme une décision du directeur régional des contributions directes qui n'accueille que partiellement la réclamation dirigée contre les impositions indiciaires pour:
- l'exercice d'imposition 1993, numéro de rôle 759451863
- l'exercice d'imposition 1994, numéro de rôle 76548235
- l'exercice d'imposition 1995, numéro de rôle 779849810
IV. Les moyens de cassation
(.)
V. La décision de la Cour
1. Sur le premier moyen:
1.1. Quant à la première branche:
Attendu qu'en cette branche, le moyen ne concerne que l'imposition pour l'exercice d'imposition 1994, établie sous le numérode rôle 76548235;
Attendu que les juges d'appel ont décidé que les demandeurs sont tenus de renverser la présomption de l'article 341 du Code des impôts sur les revenus (1992) en prouvant que l'aisance supérieure provient de revenus réalisés avant la période imposable ou d'autres revenus que ceux qui sont imposables à l'impôt sur les revenus;
Qu'au regard de cette décision, les juges d'appel n'étaient pas tenus de répondre au moyen de défense devenu sans objet par lequel les demandeurs tentent de justifier l'insuffisance indiciaire de l'exercice 1993 en se référant à un retrait fait le 23 mars 1994, à savoir après la période imposable, de 211.182 Shekel auprès de la banque A. Safra en Israël;
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli;
1.2. Quant à la seconde branche:
Attendu qu'en cette branche, le moyen ne concerne que l'imposition pour l'exercice 1995, établie sous le numéro de rôle 779849810;
Attendu que pour justifier l'insuffisance indiciaire constatée, les demandeurs ont invoqué qu'au cours de l'année 1994, ils ont emprunté un montant de 200.000 dollars auprès de Jenling Trading Ltd et ont produit, à titre de preuve, une attestation du prêteur et de la Kredietbank établissant que leur compte a été crédité de la contre-valeur en francs belges;
Que les juges d'appel ont rejeté ce moyen de défense en considérant que l'emprunt de 200.000 dollars n'était pas suffisamment prouvé pour valoir comme preuve contraire vérifiable; qu'ainsi, ils ont déclaré que les pièces produites n'étaient pas de nature à soutenir de manière crédible l'existence effective de l'emprunt allégué;
Que, par cette motivation, les juges d'appel ont rejeté le moyen de défense des demandeurs, ont répondu à leurs conclusions et ont motivé régulièrement la décision;
Attendu que, par cette décision, les juges d'appel ont apprécié en fait la valeur probante des pièces produites mais n'ont pas décidé qu'une preuve contraire ne pouvait être fournie sur la base d'une confirmation d'un prêteur ou d'une banque;
Que dans la mesure où, en cette branche, il invoque la violation des règles de preuve, le moyen repose sur une lecture erronée de l'arrêt;
Attendu qu'en appréciant la valeur probante des pièces justificatives qui sont produites devant lui et en décidant que ces pièces n'apportent pas la preuve requise, le juge ne viole pas les droits de la défense;
Attendu que dans la mesure où il invoque une violation de l'article 341 du Code des impôts sur les revenus (1992), le moyen, en cette branche, se fonde sur la thèse vainement invoquée selon laquelle les pièces justificatives que les demandeurs ont produites contiennent une preuve suffisante pour justifier l'insuffisance indiciaire constatée par l'administration;
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli;
2. Sur le second moyen:
1.1. Quant à la première branche:
Attendu qu'en se référant à la jurisprudence de la Cour dans des affaires similaires pour fonder leur décision, les juges d'appel n'ont pas attribué de portée réglementaire à cette jurisprudence;
Attendu que les juges d'appel ont fondé leur décision sur leur interprétation propre de la loi, alors qu'ils ne se réfèrent à la jurisprudence de la Cour que pour contrôler leur propre décision;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait;
1.2. Quant à la deuxième branche:
Attendu que l'article 341 du Code des impôts sur les revenus (1992) dispose que, sauf preuve contraire, l'évaluation de la base imposable peut être faite, pour les personnes morales comme pour les personnes physiques, d'après des signes ou indices d'où résulte une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés;
Qu'en vertu de cette disposition, les dépenses constatées durant une période imposable et considérées comme signes et indices d'où résulte une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés, sont présumées provenir de revenus imposables;
Qu'il ne suit pas de l'article 341 que les revenus imposables qui sont pris en compte sur la base de l'insuffisance indiciaire constatée sont présumés provenir d'une activité professionnelle;
Qu'il appartient à l'administration, qui prouve l'existence de revenus non déclarés sur la base de la présomption contenue à l'article 341, de prouver que ces revenus constituent un revenu professionnel;
Attendu que l'administration peut apporter cette preuve à l'aide des moyens de preuve qui sont à sa disposition en vertu de l'article 340 du Code des impôts sur les revenus (1992);
Que ceci implique que la preuve visée peut être apportée sur la base de présomptions de l'homme;
Attendu que le juge du fond constate souverainement l'existence des faits sur lesquels il se fonde; que les conséquences qu'il en déduit au titre de présomptions de l'homme sont laissées à ses lumières et à sa prudence et qu'il n'est pas requis que ces présomptions se déduisent nécessairement desdits faits; qu'il suffit qu'elles puissent en résulter;
Que la Cour se borne à contrôler si le juge n'a pas violé la notion juridique de «présomptions de l'homme» et notamment s'il n'a pas déduit des faits constatés par lui des conséquences qui, sur leur fondement, ne seraient susceptibles d'aucune justification;
Attendu que les juges d'appel pouvaient déduire du fait que le demandeur était un associé actif que les revenus imposables qui ont été déterminés sur la base des insuffisances indiciaires constatées provenaient de son activité professionnelle d'associé actif;
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli;
1.3. Quant à la troisième branche:
Attendu que les demandeurs ont conclu de la manière invoquée par le moyen, en cette branche;
Que les juges d'appel n'ont pas répondu au moyen de défense visé et, dès lors, n'ont pas régulièrement motivé leur décision;
Qu'en cette branche, le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il maintient la majoration d'impôt appliquée;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Greta Bourgeois, Luc Huybrechts, Ghislain Londers et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du vingt-deux octobre deux mille quatre par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Conclusions de Monsieur l'avocat général Dirk THIJS :
Les demandeurs ont été imposés pour les exercices 1933, 1994 et 1995 d'après des signes et indices et l'insuffisance indiciaire constatée a été imposée à titre de rémunération d'un associé actif en appliquant une majoration d'impôt pour insuffisance de versements anticipés et un accroissement d'impôt de respectivement 10% (exercice 1993) et 20% (exercices 1994 et 1995).
Par l'arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 11 mars 2003, attaqué en l'espèce, le pourvoi fiscal des demandeurs a été rejeté. Les juges d'appel ont décidé que l'insuffisance indiciaire a été imposée à juste titre comme rémunération d'un associé actif, dès lors que le contribuable est un associé actif et que les demandeurs ont contesté à tort l'accroissement d'impôt et la majoration infligés pour cause de défaut de versements anticipés.
Dans la deuxième branche du second moyen, les demandeurs allèguent d'abord la violation de certaines dispositions du Code des impôts sur les revenus (1992), dont l'article 341, en argumentant que "en décidant , sans plus, dans son arrêt attaqué que l'insuffisance indiciaire peut être qualifiée de revenu professionnel, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision " (accentuation du texte ajoutée).
Ce grief repose également sur une lecture erronée de l'arrêt attaqué et manque en fait.
L'arrêt n'a, en effet, pas décidé que l'insuffisance indiciaire doit, sur la base de l'article 341 du Code des impôts sur les revenus (1992), être qualifiée " par définition " ou " sans plus " de revenu professionnel, dès lors qu'il n'en a décidé ainsi que sur la base de l'élément que le demandeur est un associé actif.
La violation invoquée par la branche du moyen de l'article 157 du Code des impôts sur les revenus 1992 est irrecevable, dès lors que le grief est entièrement déduit de la violation vainement invoquée de dispositions fiscales dont il est question précédemment.
Enfin, les demandeurs invoquent la violation des règles de la preuve concernant la preuve par présomptions, en affirmant que la cour d'appel ne pouvait décider légalement sur la base des constatations de fait que l'insuffisance indiciaire devait être considérée comme un revenu professionnel.
Conformément à la jurisprudence de Votre Cour, le juge du fond constate souverainement l'existence des faits sur lesquels il se fonde ; les conséquences qu'il déduit de ces faits, au titre de présomptions, sont laissées aux lumières et à la prudence de ce juge et il n'est pas requis que ces présomptions se déduisent nécessairement desdits faits ; il suffit qu'elles puissent en résulter (Cass., 22 mars 2001, A.C., 2001, n° 156).
Votre Cour se borne à contrôler si le juge n'a pas violé ou dénaturé la notion de " présomptions de l'homme" et notamment s'il n'a pas déduit des faits constatés par lui des conséquences qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification (Cass., 28 janvier 1999, n° 52 ; Cass., 21 décembre 1990, Bull., 1991, n° 218 ; Cass., 22 mars 1990, Bull., 1990, n° 441).
Les juges d'appel pouvaient déduire de l'élément de fait que le demandeur était un associé actif, que les revenus imposables qui ont été déterminés sur la base des insuffisances indiciaires constatées, constituent des rémunérations d'associé actif.
Dès lors, le grief ne peut être accueilli.
De surcroît il faut remarquer que la question de savoir si une insuffisance indiciaire indique un revenu professionnel supplémentaire ou un revenu d'origine indéterminée supplémentaire, a été discutée maintes fois dans la jurisprudence et la doctrine (voir A. TIBERGHIEN, Handboek voor fiscaal recht, 1999, n° 1725 et les références qui y sont reprises).
A ce propos, Votre Cour a non seulement décidé que les revenus imposables qui ont été constatés d'après des signes et indices sont des revenus réalisés au cours de la période imposable, mais aussi que ces revenus sont des revenus professionnels.
Dans différents arrêts Votre Cour a affirmé, notamment, " qu'en vertu de l'article 247 du Code des impôts sur les revenus, les dépenses, placements, investissements et accroissements d'avoirs constatés au cours d'une période imposable, considérés comme des signes et indices d'où il résulte une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés, sont présumés, sauf preuve contraire par le redevable, résulter des revenus imposables, c'est-à-dire (ou de) revenus professionnels réalisés au cours de la période imposable (Cass., 26 avril 2001, R.G. F.99.0164.N, inéd. ; Cass., 2 janvier 1997, R.G. F.96.0074.F, Bull., 1997, n° 3 ; Cass., 8 octobre 1993, R.G. F.1972.N, en cause PRINZIE, inéd., (voir copie en annexe à la pce. 9 du dossier de la procédure) ; Cass., 4 janvier 1991, R.G. F.1803.N, Bull., 1991, n° 255 ; Cass., 21 décembre 1982, Bull., 1983, n° 242 ; F.J.F., 1983, n° 68 ; Cass., 22 novembre 1966, Pas., 1967, I, 382).
En se référant à cette jurisprudence de la Cour de cassation, l'Administration est d'avis qu'en application de l'article 157 de ce code précité, l'existence d'une insuffisance indiciaire peut entraîner l'application d'une majoration d'impôt pour absence ou insuffisance de versements anticipés (Q. n° 1330 du 21 avril 1998, DIDDEN, Bull. Q. R. Chambre, 1997-98, 19954). En réponse à une question parlementaire du sénateur Peeters (n° 135 du 14 mars 1983, Bull. contr., 1983, n° 619, p. 1822) le Ministre des Finances a répondu que pour les contribuables qui exercent une activité professionnelle dont le montant des revenus ne peut être déterminé avec certitude (par exemple pour des serveurs ou employés de maison) le surplus de ressources est réputé provenir de cette activité professionnelle. Dans d'autres cas de salariés ou pensionnés, le surplus des ressources est réputé constituer un " revenu global imposable d'origine indéterminée ".
Le traitement fiscal d'un contribuable ayant une activité professionnelle indépendante a déjà fait l'objet d'une question parlementaire en 1976. Lorsque le contribuable exerce une activité professionnelle indépendante, il faut supposer, selon le ministre, que le surplus de revenus ainsi constaté provient de cette activité, sous réserve de la preuve contraire apportée par le contribuable ou par l'administration au moyen d'éléments de faits bien déterminés (Q. parl. N° 11 du 9 novembre 1976, DE VIDTS, Bull. Q. R., 1976-77, 213, Bull.
contr., 1976, 548, p. 327).
La doctrine est d'avis qu'il ne peut être admis automatiquement que les revenus imposables constatés d'après des signes et indices constituent des revenus professionnels. Selon les auteurs une telle interprétation ne trouverait pas de fondement dans le texte de la loi ou dans les travaux préparatoires (Voir not. M. BALTUS, " L'étonnante extension du champ d'application de la présomption légale attachée aux signes et indices d'aisance ", J.D.F., 1997, 230-231 ; G. GEMIS, note sous Anvers, 19 mars 1985, A.F.T., 1986, 133 ; W. HUBER, " Bewijs en verweer bij indiciaire taxatie ", A.F.T., 1996, n° 4, 10).
L'auteur Luc MAES analyse la jurisprudence de la Cour de cassation citée en tenant compte de l'évolution de notre système d'imposition. Lorsque l'administration fait usage de la taxation d'après signes et indices,
elle procède à une évaluation globale des revenus imposables. La base imposable des habitants du royaume consiste en différentes catégories de revenus, à savoir les revenus des biens immobiliers, des biens mobiliers, les revenus divers et les revenus professionnels (article 6 du Code des impôts sur les revenus). La base imposable constatée d'après signes et indices, comprend, dès lors, la totalité des revenus, sans qu'il soit encore nécessaire d'indiquer la nature des revenus concernés. Depuis la réforme fiscale radicale des impôts sur les revenus en 1962, il n'existe plus qu'une seule assiette dans l'impôt des personnes physiques, à savoir le revenu global net. La jurisprudence de la Cour de cassation qui qualifie le surplus de ressources de revenus professionnels, serait due, selon l'auteur, aux nombreux arrêts qui ont été rendus en matière du système d'imposition cédulaire. Dans ce système, la taxation indiciaire pouvait être appliquée afin de déterminer la base imposable dans l'impôt des sociétés, de sorte que l'évaluation faite rapportait aussi un revenu professionnel. Mais après la réforme de 1962 la qualification automatique de revenu professionnel ne serait plus possible (L. MAES, " Recente ontwikkelingen in de taxatie volgens tekenen en indiciën ", in Liber Amicorum Albert Tiberghien, 1984, 288 ; L. MAES, " de aanslag op grond van tekenen en indiciën.
Evolutie van de indiciaire belastingheffing in 50 jaar ", T.F.R., 1988, 229-230).
" Slechts in één geval zou men (volgens deze auteur) kunnen beschouwen dat het vermoedelijk meerinkomen voortvloeit uit de beroepsactiviteit, namelijk als het vast en zeker is dat de belastingsplichtige enkel en alleen zijn beroepsactiviteit heeft uitgeoefend, geen occasionele prestaties heeft verricht en uit geen enkele andere bron inkomsten heeft behaald " (L. MAES, o.c., T.F.R., 1988, 230, n° en marge 24, in fine).
Je rejoins ce point de vue qui est suivi en pratique par l'administration et pouvait résister en règle à l'appréciation faite par les chambres fiscales des cours d'appel (Voir Gand, 25 octobre 2001, en cause BOTHUYNE Jackie et TAELMAN Ingrid, n° 1997/FR/95, cause dans laquelle l'administration qualifie les revenus non déclarés de revenus professionnels au motif que les contribuables avaient déclaré uniquement des revenus en tant qu'associé actif, ce qui explique, selon la cour, le lien causal que fait l'administration entre l'insuffisance indiciaire et les revenus déclarés ; En ce sens : Gand, 19 janvier 2000, ann. 2 à la pce. 9 du dossier de la procédure ; Anvers, 18 février 1997, dern. ann. à la pce. 9 du dossier de la procédure ; Anvers, 14 septembre 1993, F.J.F., n° 94/63).
La législation fiscale n'empêche d'ailleurs pas que lors de la taxation l'administration fiscale peut faire usage des différents moyens de preuve qui sont à sa disposition. Dans les cas où l'administration a prouvé l'existence d'une insuffisance indiciaire sur la base de l'article 341 du Code des impôts sur les revenus 1992, elle a le droit, en application de l'article 340 de ce code, de prouver que les revenus ainsi constatés proviennent de revenus professionnels. A titre de présomption de fait, il peut être déduit de l'élément de fait que le contribuable est un associé actif selon les déclarations fiscales, que les revenus à justifier ont été réalisés dans le cadre de cette activité professionnelle.
Dans un arrêt du 4 mai 2000, Votre Cour a affirmé " que (la) majoration d'impôt (pour cause de défaut ou d'insuffisance de versements anticipés ) est aussi appliquée lorsque les bénéfices, rémunérations et profits visés à l'article 89, ,§ 1er, du Code des impôts sur les revenus apparaissent d'une insuffisance indiciaire constatée à la lumière des indices en application de l'article 247 du Code des impôts sur les revenus 1964 (à présent l'article 341 C.I.R.1992 " (Cass., 4 mai 2000, Bull., 2000, n° 272).
Il ressort de cette jurisprudence qu'une fois la base imposable déterminée d'après signes et indices et pour autant que les revenus reçoivent une qualification certaine, les mêmes effets juridiques doivent être attachés aux revenus ainsi constatés qu'aux revenus ayant la même qualification qui auraient été démontrés légalement d'une autre manière. (H. SYMOENS, " Belastingvermeerdering op inkomsten vastgesteld volgens tekenen en indiciën ", T.F.R., juin 2000, n° 184, 639).
Vu la référence expresse de l'article 157 du Code des impôts sur les revenus 1992 à des catégories bien définies de revenus professionnels, une majoration d'impôt pour cause d'insuffisance de versements anticipés ne peut pas, à mon avis, être appliquée, à défaut d'une qualification expresse de la base imposable indiciaire comme étant l'une de ces catégories.
Dès lors qu'en l'espèce il n'a pas été contesté que le défendeur en cassation est un associé actif et que les revenus professionnels qu'il a déclarés ne consistent que dans les rémunérations d'associé actif, alors qu'il n'apparaît nullement qu'il aurait exercé une autre activité professionnelle durant la période imposable litigieuse, l'administration pouvait, sur la base de présomptions de fait (article 340 du Code des impôts sur les revenus), qualifier l'insuffisance indiciaire de rémunérations d'associé actif soumises à une majoration pour cause d'insuffisance de versements anticipés.
Finalement l'attention doit être attirée sur le contexte de l'article 341 du Code des impôts sur les revenus 1992 qui autorise l'administration fiscale à percevoir l'impôt dans les cas où le contribuable a fait des dépenses qu'il n'aurait pu faire sur la base des revenus qu'il a déclarés.
Si l'administration fiscale veut pouvoir faire usage efficacement de la méthode de taxation indiciaire afin de faire correspondre le plus possible la perception de l'impôt à la réalité, ceci suppose que, dans le cadre de la présomption légale instaurée par cette disposition légale, elle dispose de la possibilité d'attribuer une certaine qualification à l'insuffisance indiciaire, et peut particulièrement l'imposer comme bénéfices, actifs ou rémunérations d'administrateurs et associés actifs, si pour cela les éléments sont présents (voir supra).
Le contribuable qui a dissimulé les revenus visés, qui ne sont pas uniquement soumis à une majoration d'impôt pour cause d'insuffisance de versements anticipés, mais également soumis à des cotisations sociales, n'aura, dans le cadre d'une taxation indiciaire d'un revenu d'une origine indéterminée, pas intérêt, en effet, à libérer la nature réelle des revenus soustraits avec lesquels les dépenses non justifiées ont été faites.
D'autre part, le contribuable qui est imposé indiciairement sur des bénéfices, actifs ou rémunérations d'administrateur et associé actif, dispose évidemment de la possibilité de contester la qualification des revenus et il peut prouver au moyen d'éléments positifs et contrôlables que les dépenses à justifier ont été faites au moyen de revenus ne provenant pas de son activité professionnelle indépendante.
Dans la troisième branche du second moyen les demandeurs ont allégué que l'arrêt n'a pas répondu au moyen de défense invoqué dans les conclusions qui affirme que dans les avis de modification concernant les exercices d'imposition 1994 et 1995, l'application d'un accroissement d'impôt de 20% devait être motivé, dès lors que conformément à l'article 226 de l'arrêté royal du 27 août 1993 d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, un tel accroissement n'est possible qu'en cas d'une deuxième infraction de déclaration incomplète ou inexacte sans intention d'éluder l'impôt.
Le moyen, en cette branche, paraît fondé, dès lors que l'arrêt décide seulement qu'après la constatation d'une insuffisance indiciaire, l'accroissement d'impôt ne pouvant être annulé, c'est à tort que les demandeurs ont contesté l'accroissement d'impôt.
Conclusion : CASSATION de l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur l'accroissement d'impôt appliqué aux exercices d'imposition 1994 et 1995.