M. J. A., G.,
prévenu,
Mes Hein Diependaele et Bruno De Gryse, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
S. J.,
partie civile.
I. La décision attaquée
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 mai 2004 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Luc Van hoogenbemt a fait rapport.
L'avocat général Patrick Duinslaeger a conclu.
III. Les moyens de cassation
(.)
IV. La décision de la Cour
A. Sur l'examen des moyens:
1. Sur le premier moyen:
1.1. Quant à la première branche:
Attendu que l'article 150 de la Constitution dispose que le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie;qu'un délit de presse est le délit commis par abus de la manifestation des opinions dans des écrits imprimés et publiés; que l'appréciation d'un tel délit requiert celle de l'opinion exprimée;
Attendu que l'usage abusif d'informations obtenues en consultant le dossier répressif, fût-ce dans des écrits imprimés et publiés, ne requiert toutefois pas l'appréciation d'une opinion et, partant, ne constitue pas un délit de presse; que l'appréciation de ce délit appartient au tribunal correctionnel;
Qu'en cette branche, le moyen manque en droit;
1.2. Quant à la seconde branche:
Attendu qu'en cette branche, le moyen qui est dirigé contre un motif surabondant, est irrecevable;
2. Sur le deuxième moyen:
2.1. Quant à la première branche:
Attendu que l'exercice de la liberté d'expression comportant des devoirs et des responsabilités, l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales autorise des restrictions à cette liberté; que ces restrictions peuvent avoir pour conséquence que certaines informations ou idées ne peuvent être reçues ou communiquées;
Attendu que l'interdiction faite par l'article 460ter du Code pénal à l'inculpé ou à la partie civile de faire un usage abusif d'informations obtenues en consultant le dossier afin de préserver l'instruction, la vie privée ou l'intégrité morale de la personne citée dans le dossier, satisfait aux conditions et aux buts de l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Attendu qu'en condamnant le demandeur du chef d'avoir été coauteur d'une infraction à l'article 460ter du Code pénal, les juges d'appel n'ont pas méconnu la garantie des libertés d'expression, d'investigation et de communication des informations instaurée par l'article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli;
Attendu que, pour le surplus, les juges d'appel ont répondu aux moyens de défense du demandeur;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait;
2.2. Quant à la seconde branche:
Attendu que le juge doit non seulement décider si une restriction établie par la loi aux libertés visées à l'article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales satisfait in concreto aux conditions et aux buts de l'article 10.2 de cette Convention, mais il doit également vérifier in concreto si la sanction qu'il impose est proportionnelle aux objectifs énoncés;
Attendu que les juges d'appel ont d'abord décidé que l'article 460ter du Code pénal, qui rend punissable l'usage abusif, par l'inculpé ou la partie civile, des informations obtenues en consultant le dossier répressif, satisfait aux restrictions établies par l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Qu'ils considèrent qu'une autre décision «aurait l'effet néfaste d'accroître la pression des médias sur les inculpés et les parties civiles en vue d'obtenir aussi vite que possible une copie d'un dossier pénal, et de mettre en péril le secret de l'information, lié à la présomption d'innocence de tout inculpé»;
Qu'ils ont ainsi vérifié si la déclaration de culpabilité est in concreto nécessaire et proportionnelle aux libertés protégées par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux restrictions autorisées à ces libertés, et ont répondu aux moyens de défense du demandeur;
Attendu qu'ensuite, par les motifs qu'ils ont énoncés et qui ne sont pas critiqués par le moyen, en cette branche, les juges d'appel ont apprécié in concreto la sanction à imposer;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait;
2.3. Quant à la troisième branche:
Attendu que la circonstance que l'article 10.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit également la liberté d'investigation et le secret des sources du journaliste, ne fait pas obstacle à ce que les restrictions légales à la liberté d'expression qui satisfont aux conditions et aux buts de l'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'appliquent à lui aussi;
Attendu que les restrictions légales visées ne requièrent pas que, par exemple, les informations aient été obtenues illégalement, soient inexactes ou ne soient pas d'intérêt public;
Attendu qu'en condamnant le demandeur du chef d'avoir été coauteur d'une infraction à l'article 460ter du Code pénal, les juges d'appel n'ont pas méconnu la liberté de la presse déduite de l'article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli;
Attendu que, pour le surplus, la Cour peut contrôler intégralement la légalité de l'arrêt attaqué;
Que dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait;
B. Examen d'office de la décision rendue sur l'action publique
Attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Ghislain Dhaeyer, les conseillers Luc Huybrechts, Jean-Pierre Frère, Paul Maffei et Luc Van hoogenbemt, et prononcé en audience publique du sept décembre deux mille quatre par le conseiller faisant fonction de président Ghislain Dhaeyer, en présence de l'avocat général Patrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.