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06/01/2005 | BELGIQUE | N°C.02.0247.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 janvier 2005, C.02.0247.N


M. J.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre
DETY, société privée à responsabilité limitée dont le siège social est établi à Etterbeek, rue de l'Escadron, 15,
défenderesse en cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 21 novembre 2001 par le tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degré d'appel.
II. La procédure devant la

Cour
Le conseiller Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général délégué Philippe de Koster...

M. J.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre
DETY, société privée à responsabilité limitée dont le siège social est établi à Etterbeek, rue de l'Escadron, 15,
défenderesse en cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 21 novembre 2001 par le tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degré d'appel.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général délégué Philippe de Koster a conclu.
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente trois moyens libellés dans les termes suivants:
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- articles 1134, 1147, 1149, 1150 et 1891 du Code civil;
- article 149 de la Constitution coordonnée.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué
«Reçoit les appels tant principal qu'incident et les dit partiellement fondés dans la mesure ci-après précisée;
Déclare l'appel principal non fondé ;
Déclare l'appel incident fondé comme suit:
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sous la seule émendation que le montant principal de la condamnation [du demandeur], soit quatre cent septante-deux mille francs, est remplacé par un montant de cinq cent vingt et un mille cinq cents francs;
Condamne [le demandeur] aux dépens d'appel»,
et fonde cette décision notamment sur ce
«Que, dès lors qu'il est établi que [le demandeur] n'avait reçu le véhicule de remplacement qu'à charge de le rendre à la [défenderesse], il y a lieu de considérer qu'il était tenu d'une obligation de restitution que ni la qualification du contrat avenu entre les parties ni les conditions de sa négociation ne justifient d'écarter ;
[.] Que l'obligation de restitution d'une chose implique de devoir la rendre sans dégradation anormale et s'analyse comme une obligation de résultat (De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. II, 3e éd., n° 596 A) dont, en application de l'article 1147 du Code civil, [le demandeur] ne peut se libérer que s'il justifie 'que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée', c'est-à-dire s'il parvient à faire la preuve de la cause étrangère 'avec tous les caractères requis pour qu'elle soit libératoire' (De Page, op. cit., n ° 604) qui sont, d'une part, l'impossibilité absolue d'exécution et, d'autre part, l'exclusion de toute faute dans son chef (De Page, op. cit., n° 599) ;
[...] Que [le demandeur] allègue, à cet égard, que l'état vicieux dans lequel se trouvait, du fait de l'usure de ses pneus, le véhicule qui lui a été confié est la seule cause de l'accident dans lequel il a été impliqué ;
[...] Que, quant à l'état des pneus du véhicule accidenté, il y a lieu de relever que, si [le demandeur] indique dans sa déclaration de partie en cause: 'les pneus arrières étant lisses, j'ai percuté les blocs en béton et me suis retourné', et si l'agent verbalisateur a précisé qu'ils étaient 'lisses' (sans, par ailleurs, faire mention de cette circonstance dans la genèse de l'accident qu'il donne dans sa relation des faits), ces imputations contrastent avec 'l'excellent état du véhicule' relevé par l'expert Herman Goetghebuer désigné par ordonnance de référé du 6 juin 1997 ainsi qu'avec les constatations précises que cet expert a pu faire ;
Que ce dernier consigne, en effet, à cet égard, à la page 5 de son rapport:
'En ce qui concerne les pneus équipant la voiture lors de mes constatations le 26 juin 1997, j'ai relevé que les pneus avant étaient à l'état neuf.
En ce qui concerne les pneus arrière, le pneu arrière droit est fort usé mais les rainures ont encore deux millimètres de profondeur, le pneu arrière gauche est davantage usé, il n'est pas complètement lisse mais la profondeur des sculptures n'atteignait plus deux millimètres de profondeur' ;
Que ces constatations de l'expert ne sont pas anodines dès lors qu'elles ont été faites par lui en toute connaissance de cause puisqu'il était alerté par [le demandeur] qui lui avait indiqué imputer l'accident à 'une usure excessive et tout à fait anormale des pneus de la voiture' ;
Que les insinuations selon lesquelles la [défenderesse] aurait procédé au remplacement des pneus après le dépannage du véhicule accidenté ne sont fondées sur aucun élément susceptible de leur apporter le moindre crédit ;
Qu'au contraire, les opérations de changement de pneus alléguées auraient, en effet, laissé des traces que l'expert n'aurait pas manqué de relever, alors même que les photos qu'il a prises attestent de la présence de boue sur les quatre roues du véhicule qu'il a examiné ;
Que, par ailleurs, l'attestation, établie le 11 juillet 1997 par le sieur A. B. M. - qui se prétend témoin de l'accident et du caractère lisse des quatre pneus - et communiquée par [le demandeur] à l'expert judiciaire, ne peut être retenue dès lors que les circonstances dans lesquelles elle a été sollicitée et obtenue ne sont pas établies et que [le demandeur] lui-même n'aurait pas manqué de relever que les pneus avant étaient lisses si tel avait été le cas ;
[...] Qu'il se déduit de ce qui précède qu'il n'est pas établi à suffisance de droit que le véhicule confié [au demandeur] par la [défenderesse] était atteint d'un vice tel qu'il ait rendu impossible [au demandeur] l'exécution de son obligation de restitution ;
[...] Que, par ailleurs, en toute hypothèse, [le demandeur] reste en défaut d'établir que, 'dans la genèse des événements, [il] est vraiment exempt de tout reproche, quel qu'il soit', et 'que l'intervention de la cause étrangère se réalise d'une manière telle que toute faute du débiteur soit exclue dans les événements qui l'ont précédée, préparée ou accompagnée' (De Page, op. cit., n° 599 B) ;
Que son allégation d'avoir pris un virage à plus ou moins vingt kilomètres à l'heure et d'avoir dérapé sur la chaussée mouillée et très glissante ne suffit pas à prouver, 'par l'ensemble des circonstances, qu'il a été dans l'impossibilité absolue de commettre une faute' (De Page, op. cit., n° 604) ;
[...] Qu'il faut relever, au contraire, que l'embardée du véhicule en cause contredit de manière évidente la vitesse [.] alléguée et qu'une vitesse inadaptée à la configuration des lieux et à l'état mouillé et glissant de la route peut expliquer l'accident litigieux ;
[...] Que, dans ces conditions, il n'est pas établi que le vice allégué du véhicule a été une cause de l'accident;
[...] Que [le demandeur] est, dès lors, tenu de réparer les dégradations constatées sur ce véhicule lors de sa restitution».
Griefs
1.1. Première branche
Par les motifs reproduits au moyen, le jugement attaqué met la responsabilité de l'accident à la charge du seul demandeur au motif «que l'embardée du véhicule en cause contredit de manière évidente la vitesse alléguée de vingt kilomètres à l'heure et qu'une vitesse inadaptée à la configuration des lieux et à l'état mouillé et glissant de la route peut expliquer l'accident litigieux».
En relevant qu'une vitesse inadaptée peut expliquer l'accident, le jugement attaqué ne constate pas que tel serait le cas mais n'exprime qu'une opinion dubitative sur la cause de l'accident et n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée).
1.2. Deuxième branche
Par les motifs reproduits au moyen, le jugement attaqué met la responsabilité de l'accident à la charge du seul demandeur, sans avoir égard au vice résultant de ce que les pneus du véhicule accidenté étaient lisses.
Sans doute, la décision «qu'il n'est pas établi à suffisance de droit que le véhicule confié [au demandeur] par la (défenderesse) était atteint d'un vice tel qu'il ait rendu impossible [au demandeur] l'exécution de son obligation de restitution» peut-elle, sous réserve du grief formulé par la première branche du moyen, justifier la décision que le demandeur est l'un des responsables de l'accident mais ni ce motif ni aucun autre ne justifient légalement la décision que le vice des pneus du véhicule confié au demandeur par la défenderesse n'engagerait pas également la responsabilité de celle-ci.
Prise dans son ensemble, ainsi qu'elle doit l'être, la motivation du jugement attaqué doit se comprendre en ce sens qu'elle considère comme non établi, non tout vice du véhicule accidenté susceptible d'être l'une des causes de l'accident, mais seulement «un vice tel qu'il ait rendu impossible [au demandeur] l'exécution de son obligation de restitution».
Le jugement attaqué n'a dès lors pu exclure toute responsabilité de la défenderesse dans la responsabilité de l'accident litigieux en raison d'un vice affectant le véhicule confié par elle au demandeur sans méconnaître les principes de la responsabilité contractuelle (violation des articles du Code civil visés au moyen).
1.3. Troisième branche
A tout le moins, les motifs du jugement attaqué ne permettent-ils pas de discerner s'il a considéré que n'était pas établi tout vice du véhicule susceptible d'avoir causé l'accident ou seulement «un vice tel qu'il ait rendu impossible [au demandeur] l'exécution de son obligation de restitution».
En raison de cette ambiguïté, le jugement attaqué n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée).
A défaut d'avoir régulièrement constaté l'absence de tout vice du véhicule susceptible d'avoir causé l'accident ou l'absence de relation causale entre un tel vice et l'accident, le jugement attaqué met la Cour dans l'impossibilité d'exercer le contrôle de légalité qui lui est confié et, pour cette raison encore, ne motive pas régulièrement sa décision (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée).
2. Deuxième moyen
Dispositions légales violées
Articles 1134, 1147, 1149 et 1150 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué
«Reçoit les appels tant principal qu'incident et les dit partiellement fondés dans la mesure ci-après précisée;
Déclare l'appel principal non fondé ;
Déclare l'appel incident fondé comme suit:
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sous la seule émendation que le montant principal de la condamnation [du demandeur], soit quatre cent septante-deux mille francs, est remplacé par un montant de cinq cent vingt et un mille cinq cents francs ;
Condamne [le demandeur] aux dépens d'appel»,
et fonde cette décision notamment sur ce
« Que [le demandeur] fait grief au premier juge d'avoir alloué à [la défenderesse] la somme de 198.000 francs qu'elle réclamait au titre de chômage d'attente en raison du fait que l'immobilisation de son véhicule était la conséquence du refus [du demandeur] des évaluations faites par l'expert de [la défenderesse] ;
[.] Qu'en l'espèce, il apparaît que [la défenderesse], exploitant un garage, n'a pu, dès la récupération de son véhicule, concevoir aucun doute quant au déclassement de ce dernier ;
Que, cependant, il faut constater que [le demandeur] a contesté à tort la valeur du véhicule en estimant le montant expertisé, et ultérieurement confirmé, comme relevant 'de la pure fantaisie' et 'dépassant largement la cotation';
[...] Que, dans ces conditions, [la défenderesse] ne pouvait connaître le montant de l'indemnité de remplacement auquel elle pouvait prétendre et ne disposait pas des informations nécessaires au remplacement par un véhicule similaire, dans les circonstances concrètes de l'espèce (Cass., 13 septembre 1995, Pas., 1995, 1, 804) ;
[...] Que, par ailleurs, il est constant que c'est l'attitude [du demandeur] qui, par son refus d'accepter l'évaluation de l'expert de [la défenderesse], a rendu nécessaire le recours à une expertise judiciaire et obligé [la défenderesse] à la conservation du véhicule sinistré jusqu'au terme de l'expertise judiciaire».
Griefs
Pour évaluer le préjudice causé par une faute contractuelle, le juge doit apprécier celui-ci in concreto.
Le jugement attaqué admet que la défenderesse «n'a pu, dès la récupération de son véhicule, concevoir aucun doute quant au déclassement de ce dernier».
Il confirme néanmoins la condamnation du demandeur au paiement d'une somme de 198.000 francs au titre de chômage d'attente et ce, par le motif que le demandeur a contesté à tort la valeur expertisée du véhicule déclassé et que, par suite, la défenderesse ne pouvait connaître le montant de l'indemnité de remplacement à laquelle elle pouvait prétendre.
Le jugement attaqué, pour évaluer le préjudice résultant du chômage d'attente, érige ainsi en règle qu'avant de prendre la décision de remplacer son véhicule, la partie préjudiciée a le droit non seulement de savoir que son véhicule peut être considéré comme irréparable mais encore et surtout de connaître le montant qui lui sera accordé.
Ce faisant, le jugement méconnaît l'obligation du juge d'apprécier le dommage in concreto et viole, partant, les articles du Code civil visés au moyen.
3. Troisième moyen
Dispositions légales violées
- articles 1134, 1147, 1149 et 1150 du Code civil;
- article 149 de la Constitution coordonnée.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué
«Reçoit les appels tant principal qu'incident et les dit partiellement fondés dans la mesure ci-après précisée;
Déclare l'appel principal non fondé ;
Déclare l'appel incident fondé comme suit:
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sous la seule émendation que le montant principal de la condamnation [du demandeur], soit quatre cent septante-deux mille francs, est remplacé par un montant de cinq cent vingt et un mille cinq cents francs ;
Condamne [le demandeur] aux dépens d'appel»,
et fonde cette décision notamment sur ce
«Qu'il est constant que c'est l'attitude [du demandeur] qui, par son refus d'accepter l'évaluation de l'expert de [la défenderesse], a rendu nécessaire le recours à une expertise judiciaire et obligé [la défenderesse] à la conservation du véhicule sinistré jusqu'au terme de l'expertise judiciaire ;
[...] Qu'à défaut de justificatif, il convient d'évaluer le préjudice qui en est résulté pour [la défenderesse] sur la base de 150 francs par jour qu'elle indique et qui correspond au montant normal d'une place de parking dans un garage ;
Que la seule circonstance que [la défenderesse] exploite un garage n'exclut pas qu'elle puisse prétendre à une indemnité de ce chef, en raison de l'embarras que lui a causé la nécessité de la conservation du véhicule accidenté».
Griefs
3.1. Première branche
Le demandeur avait fait valoir dans ses conclusions d'appel
«Que la [défenderesse] postulait des frais de gardiennage d'un import de 49.500 francs en prétendant qu'elle aurait dû conserver le véhicule litigieux dans ses ateliers jusqu'à
la venue de l'expert et que ce véhicule aurait occupé une place généralement réservée à un véhicule en réparation ou en entretien, ce qui aurait généré un manque à gagner;
[...] Que, relativement à ce chef de préjudice, à juste titre, le premier juge a fait droit à l'argumentation développée par [le demandeur] en constatant : 'Les frais de gardiennage ne sont pas justifiés par la défenderesse qui exerce la profession de garagiste et qui ne justifie pas que le véhicule sinistré occupait un emplacement consacré à un véhicule en réparation';
[...] Qu'à bon droit, le jugement [entrepris] a rappelé que, s'agissant d'une perte totale, il n'était nullement établi que le véhicule litigieux aurait occupé l'emplacement d'un véhicule en réparation et qu'il était au contraire probable que ce véhicule sinistré et en attente d'expertise fut conservé par la [défenderesse] à un autre endroit qu'à l'emplacement d'un véhicule en réparation ;
[...] Que, vainement, pour tenter de justifier ce poste et son appel incident, la [défenderesse] invoque la remarque faite par l'expert judiciaire Goetghebuer relativement à la location par mois d'un emplacement s'agissant de frais de parking pour une longue durée, car, indéniablement, cet expert a omis de prendre en considération le fait qu'il s'agissait d'un garagiste qui disposait suffisamment de place pour ne pas avoir subi de frais de gardiennage;
[...] Qu'en outre, ce n'est pas parce que l'expert indique que les frais de parking et de dépannage ne sont pas compris que cela signifie qu'ils existent ;
[.] Qu'au surplus, étant garagiste, il appartient d'autant plus à la [défenderesse] de prouver que le véhicule litigieux aurait occupé une place généralement réservée à un véhicule en réparation ou en entretien, et à défaut, ce chef de préjudice doit être rejeté ([la défenderesse] n'établit du reste aucun préjudicie commercial alors qu'elle en justifierait aisément si elle avait dû refuser un autre véhicule faute de place) ;
[...] Que la [défenderesse] tente de faire croire qu'un garage de son envergure ne disposerait pas d'emplacements suffisants à l'extérieur de ses ateliers pour y stationner les véhicules confiés par ses clients, dont le véhicule [...] litigieux; que ce raisonnement est totalement irréaliste et contraire à la vérité, en sorte qu'il y a lieu de déclarer non fondé l'appel incident introduit par [la défenderesse] concernant l'indemnisation des frais de gardiennage».
Le jugement attaqué évalue les frais de gardiennage au prix d'une place de parking sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions susdites, si le gardiennage imposé à la défenderesse lui avait occasionné l'immobilisation d'une place de parking.
Le jugement attaqué ne répond dès lors pas à ces conclusions circonstanciées et n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée).
3.2. Seconde branche
Les motifs du jugement attaqué ne permettent pas de discerner s'il a évalué ex aequo et bono ou in concreto le dommage résultant des frais de gardiennage.
Il n'est légalement justifié dans aucune de ces interprétations.
Le juge ne peut recourir à une évaluation ex aequo et bono que s'il donne les motifs pour lesquels il écarte les éléments d'évaluation proposés et qui justifient que le recours à l'évaluation ex aequo et bono puisse seul être admis.
En l'espèce, le jugement attaqué n'indique pas pourquoi il écarte l'évaluation in concreto proposée par les conclusions reproduites au moyen et pourquoi le recours à une évaluation ex aequo et bono pourrait seul être admis.
Il ne justifie dès lors pas légalement le recours à une telle évaluation (violation des articles du Code civil, visés au moyen).
Si le jugement attaqué devait être interprété comme ayant évalué in concreto le préjudice résultant des frais de gardiennage, il n'aurait pas davantage justifié légalement une telle évaluation à défaut d'avoir constaté que - ce que le demandeur contestait - le gardiennage avait occasionné à la défenderesse l'immobilisation d'une place de parking (violation des articles du Code civil visés au moyen).
A tout le moins, le jugement attaqué ne serait-il pas régulièrement motivé dans cette interprétation dès lors que, à défaut d'avoir constaté l'immobilisation d'une place de parking - immobilisation contestée dans les conclusions reproduites au moyen -, il met la Cour dans l'impossibilité d'exercer le contrôle de légalité qui lui est confié (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée).
IV. La décision de la Cour
Sur le premier moyen:
Quant aux trois branches réunies:
Attendu que le jugement attaqué considère qu'en vertu de la convention liant les parties, le demandeur était tenu envers la défenderesse de l'obligation de résultat de lui restituer le véhicule litigieux «sans dégradation anormale» et n'eût été libéré de cette obligation qu'en établissant «la cause étrangère 'avec tous les caractères requis pour qu'elle soit libératoire' [.] qui sont, d'une part, l'impossibilité absolue d'exécution et, d'autre part, l'exclusion de toute faute dans son chef»;
Que, par les motifs que le moyen reproduit et critique, le jugement attaqué décide que le demandeur ne fait pas la preuve que seraient réunies les conditions auxquelles la cause étrangère eût pu être admise en sa faveur;
Que le moyen, qui, en chacune de ses branches, suppose que le jugement attaqué a statué sur la responsabilité de l'accident dans lequel le véhicule litigieux a été impliqué, manque en fait;
Sur le troisième moyen:
Quant aux deux branches réunies:
Attendu que, pour accorder à la défenderesse une indemnité de cent cinquante francs par jour en raison de la nécessité où elle s'est trouvée d'assurer la conservation du véhicule accidenté, le jugement attaqué considère «que la seule circonstance que [la défenderesse] exploite un garage n'exclut pas qu'elle puisse prétendre à [pareille] indemnité [.] en raison de l'embarras que lui a causé [cette] nécessité» et, «à défaut de justificatif», évalue ladite indemnité «au montant normal d'une place de parking dans un garage»;
Que le jugement attaqué répond ainsi aux conclusions du demandeur reproduites dans la première branche du moyen en leur opposant que l'indemnité allouée à la défenderesse se justifie lors même que celle-ci n'a pas dû immobiliser une place dans son garage et indique les raisons pour lesquelles il évalue ex æquo et bono le préjudice qu'il attribue à l'«embarras» subi par la défenderesse;
Qu'en chacune de ses branches, le moyen manque en fait;
Sur le deuxième moyen:
Attendu que le juge doit, en règle, apprécier in concreto le dommage causé au créancier par l'inexécution de l'obligation;
Attendu qu'en érigeant en règle, par les considérations que reproduit le moyen, que, bien qu'elle eût su que le véhicule était irréparable, la défenderesse était en droit d'en différer le remplacement jusqu'à ce que lui fût connue l'indemnité à laquelle elle pourrait prétendre, sans indiquer les circonstances propres à la cause justifiant cette évaluation de l'indemnité d'attente, le jugement attaqué méconnaît l'obligation d'apprécier le dommage in concreto et viole les dispositions légales visées au moyen;
Que celui-ci est fondé;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu'il inclut dans le dommage de la défenderesse une somme de cent nonante-huit mille francs en principal à titre d'indemnité d'attente et qu'il statue sur les dépens;
Rejette le pourvoi pour le surplus;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé;
Condamne le demandeur à la moitié des dépens; réserve l'autre moitié pour qu'il y soit statué par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en degré d'appel.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent nonante-sept euros quatorze centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Christian Storck, Albert Fettweis, Daniel Plas et Christine Matray, et prononcé en audience publique du six janvier deux mille cinq par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général délégué Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.02.0247.N
Date de la décision : 06/01/2005
1re chambre (civile et commerciale)
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

CONVENTION - FORCE OBLIGATOIRE (INEXECUTION)DommageVéhiculeRemplacementChômage d'attenteAppréciation in concreto

Méconnaît l'obligation d'apprécier in concreto le dommage causé par l'inexécution de l'obligation, le jugement qui, pour évaluer le préjudice résultant du "chômage d'attente", érige en règle qu'avant de remplacer son véhicule qu'elle savait irréparable, la partie préjudiciée a le droit de connaître le montant qui lui sera accordé.


Parties
Demandeurs : M.J.
Défendeurs : DETY, société privée à responsabilité limitée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degré d'appel, 21 novembre 2001


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2005-01-06;c.02.0247.n ?
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