OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation,
contre
S. M.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 avril 2003 par la cour du travail de Bruxelles.
La procédure devant la Cour
Le conseiller Daniel Plas a fait rapport.
Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu.
Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- article 2 du Code civil;
- articles 2, 85 et 100 du Code pénal;
- article 32 de la loi du 14 février 1961 d'expansion économique, de progrès social et de redressement financier;
- article 154, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage tel qu'il était en vigueur avant et après sa modification par l'arrêté royal du 29 juin 2000;
- article 13 de l'arrêté royal du 29 juin 2000 modifiant l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de la réforme des sanctions administratives;
- articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955;
- articles 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New York le 19 décembre 1966, approuvé par la loi du 15 mai 1981;
- principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi;
- principe général du droit de l'effet immédiat de la loi nouvelle;
- principe général du droit de l'application immédiate de la loi pénale la moins sévère.
Décisions et motifs critiqués
Réformant le jugement dont appel, l'arrêt met partiellement à néant la décision notifiée le 29 avril 1999 par le demandeur au défendeur et réduit l'exclusion du défendeur du bénéfice des allocations de chômage à une période d'une semaine.
Les motifs pour lesquels l'arrêt en décide ainsi sont les suivants:
«II. Sur l'exclusion du bénéfice des allocations à partir du lundi qui suit la notification de la décision
10. Le chômeur qui a perçu indûment des allocations du fait qu'il ne s'est pas conformé aux dispositions de l'article 71, alinéa 1er, 3° [ou] 4°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 ou, dans certaines conditions, 5° du même article, peut être exclu du bénéfice des allocations de chômage pendant une certaine durée (article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991).
L'article 71, alinéa 1er, 3°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 oblige le chômeur à compléter sa carte de contrôle conformément aux directives de l'ONEM. Il doit notamment signaler qu'il réside à l'étranger lorsque les jours de vacances sont épuisés, en marquant ces journées de la lettre 'A' (voir instructions sur la carte de contrôle). [Le défendeur] a en tout cas été absent à partir du 3 juillet [1998]. Il n'a pas signalé cette absence. Il n'a indiqué ni qu'il prenait des vacances ('V') ni qu'il résidait à l'étranger pour un autre motif ('A'). La sanction est donc justifiée, dans son principe.
11. L'arrêté royal du 29 juin [2000] relatif à la réforme des sanctions administratives a modifié le régime de ces sanctions. En 1999, lorsque [le demandeur] a prononcé la décision attaquée, l'exclusion devait être prononcée pour quatre semaines au moins et vingt-six semaines au plus. Aujourd'hui, la durée minimale a été réduite à une semaine. En outre, un simple avertissement ou le sursis sont possibles (nouvel article 157bis de l'arrêté royal du 25 novembre 1991).
[Le demandeur], et après lui le juge, doivent apprécier la durée de la sanction d'exclusion, dans la fourchette fixée par la réglementation. En règle générale, ils retiennent une durée moyenne et la modulent ensuite en fonction des circonstances aggravantes ou atténuantes.
12. La cour du travail doit fixer la sanction, en tant compte de la fourchette en vigueur au moment où elle statue, de une à vingt-six semaines.
13. L'objet du procès de sécurité sociale est le droit aux allocations sociales. Ce n'est pas la décision attaquée. Le juge ne vérifie donc pas la décision attaquée. La fonction juridictionnelle ne consiste pas à vérifier si l'institution de sécurité sociale a bien appliqué la législation en vigueur à l'époque de sa décision. Le juge statue sur le droit aux allocations sociales, tel qu'il se présente au jour où il prend sa décision.
Il est indifférent que [le demandeur] intervienne avant le juge pour statuer sur la mesure d'exclusion. Le juge examine le droit aux allocations pendant la période d'exclusion. Il exerce un contrôle de pleine juridiction sur la hauteur de l'exclusion. Tout ce qui relève du pouvoir d'appréciation [du demandeur] est soumis au contrôle du juge du travail. Le juge intervient notamment dans l'appréciation des faits et il statue sur les droits de l'assuré social. L'intervention préalable [du demandeur] ne limite pas le pouvoir du juge de statuer sur la hauteur de l'exclusion (Cass., 2 février 1998, Pas., p. 152).
14. La sanction administrative de l'article 154, 1°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 est une sanction pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques [...].
Elle a en effet exclusivement un caractère répressif et préventif. Elle n'a pas de caractère indemnitaire. Elle ne touche pas aux conditions d'octroi du droit: [le défendeur] est exclu par ailleurs du droit aux allocations parce qu'il ne remplit pas la condition d'octroi, celle de résider en Belgique. La sanction administrative est une exclusion supplémentaire. Le comportement qu'elle sanctionne est d'ailleurs une infraction pénale dans les cas les plus graves, lorsqu'il y a intention frauduleuse (article 175 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991).
La sanction administrative est suffisamment grave pour constituer une sanction au sens du droit international. La gravité de la sanction s'apprécie en fonction du maximum. Il s'agit ici de six mois de ressources pour le chômeur et, le cas échéant, pour sa famille également. C'est le cas en l'espèce, [le défendeur] est en effet chef de ménage et il a cinq enfants.
L'article 154, 1°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 est une règle générale qui concerne la population dans son ensemble et non un groupe particulier d'individus, au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle concerne en effet l'ensemble de la population des chômeurs. Elle s'applique à toute personne qui se trouve dans l'hypothèse déterminée par la loi, le chômage. C'est donc une loi générale, au même titre que la loi fiscale qui concerne l'ensemble des contribuables [...], ou que toutes les mesures pénales au sens strict du Code pénal belge qui ne concernent qu'une partie de la population, mais toute la population qui se trouve dans l'hypothèse visée par la loi: les chômeurs (article 175 de l'arrêté royal du
25 novembre 1991), les employeurs, les commerçants, les vendeurs, les organes de société, etc.
Le fait que [le demandeur] intervienne avant le juge n'affecte pas le caractère pénal de la sanction. C'est le cas aussi en matière fiscale ou d'amendes administratives de la loi du 30 juin 1971. Certaines amendes fiscales ont un caractère pénal [...]. Les amendes administratives ont ce caractère également (Cass., 3 avril 2000, Pas., p. 681).
Le caractère administratif des sanctions, le fait qu'il ne s'agisse pas d'une peine au sens strict du Code pénal belge, c'est-à-dire qu'il ne s'agisse pas d'une amende ou d'un emprisonnement n'affectent pas le caractère pénal de la mesure au sens de la Convention européenne des droits de l'homme [...].
15. Pour régler l'application de la loi dans le temps, le juge doit donc appliquer les principes généraux du droit répressif, et notamment le principe de l'application immédiate de la loi pénale la moins sévère inscrit dans l'article 2, alinéa 2, du Code pénal [...]. Cette loi la moins sévère exprime en effet la conception actuelle du législateur sur la prévention et la répression des infractions administratives en matière de chômage.
Lorsqu'il statue sur le droit aux allocations sociales, le juge ne doit pas nécessairement appliquer la législation en vigueur pendant la période pour laquelle les allocations sont demandées. En règle générale il exerce en effet un pouvoir de pleine juridiction sur le droit aux allocations sociales, c'est-à-dire qu'il a les mêmes pouvoirs que dans n'importe quel contentieux soumis aux cours et tribunaux. Il ne fait pas ce que l'administration aurait dû faire, il fait ce que le juge doit faire compte tenu des éléments du procès. Il détermine donc la loi qu'il doit appliquer, suivant les règles d'application de la loi dans le temps. Ces règles peuvent conduire à appliquer une législation différente de celle qui était en vigueur pendant la période pour laquelle les allocations sont demandées.
La différence de traitement qui découle de l'application immédiate de la loi pénale la moins sévère résulte de ce principe même, tel qu'il est inscrit dans l'article 2 du Code pénal: celui qui est poursuivi plus tard a plus de chance de se voir appliquer une loi moins sévère. Cette différence de traitement est objectivement justifiée par le moment des poursuites. Elle est raisonnable: elle découle de la volonté du législateur, lorsque celle-ci est plus favorable au délinquant. Ce n'est pas une discrimination.
16. En appliquant immédiatement la loi pénale, moins sévère sur la hauteur de la sanction administrative, le juge n'apprécie pas l'opportunité de l'acte administratif et il ne viole pas le principe de la séparation des pouvoirs. Il se contente de statuer sur la hauteur de la sanction administrative, qui relève de son pouvoir de pleine juridiction [...], en appliquant la loi désignée par les règles sur l'application de la loi dans le temps.
17. En l'espèce, la hauteur de la sanction doit être déterminée en tenant compte des circonstances atténuantes suivantes.
Il s'agit d'une première infraction.
[Le défendeur] ne doit pas être disponible sur le marché de l'emploi ; sa présence en Belgique a donc moins de signification que pour un chômeur ordinaire. Il est dispensé de l'obligation de se soumettre au contrôle des chômeurs. Il a donc perdu une chance de prouver sa présence en Belgique par le contrôle ou de se faire rappeler, à l'occasion d'un tel contrôle, l'obligation de marquer sur sa carte les jours de vacances et de résidence à l'étranger. Il subit déjà une exclusion importante, de près de trois mois d'allocations, alors qu'il est chef de famille et qu'il a cinq enfants.
En raison de ces circonstances, la cour [du travail] réduit la durée de l'exclusion au minimum d'une semaine».
Griefs
1. Première branche
En vertu de l'article 154, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, le chômeur qui a perçu indûment des allocations du fait qu'il ne s'est pas conformé aux dispositions de l'article 71, alinéa 1er, 3° et 4°, du même arrêté royal, pouvait être exclu du bénéfice des allocations de chômage pendant quatre semaines au moins et vingt-six semaines au plus.
L'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 fut modifié par l'article 8 de l'arrêté royal du 29 juin 2000 modifiant l'arrêté royal du
25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de la réforme des sanctions administratives de telle manière que dorénavant le chômeur pouvait être exclu pendant une semaine au moins. En vertu de son article 13, l'arrêté royal du 29 juin 2000 entre en vigueur le premier jour du mois qui suit sa publication au Moniteur belge, c'est-à-dire le 1er août 2000, l'arrêté royal du 29 juin 2000 ayant été publié le 13 juillet 2000.
Suivant l'article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif.
Conformément au principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi, une loi nouvelle ne s'applique pas aux effets des situations nées sous le régime de la loi antérieure qui ne se produisent ni ne se prolongent après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Or, il ressort de l'arrêt que la conduite du défendeur ainsi que la décision du demandeur excluant le défendeur du droit aux allocations de chômage sont antérieures à l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation du 29 juin 2000.
En considérant que l'objet du procès de sécurité sociale est le droit aux allocations sociales et que le juge statue sur le droit aux allocations sociales, tel qu'il se présente au jour où il prend sa décision, la cour du travail ne justifie pas légalement sa décision qu'elle doit fixer la sanction en tenant compte de la fourchette en vigueur au moment où elle statue.
En effet, le droit aux allocations de chômage, même s'il doit être apprécié au moment où le juge statue, doit être examiné conformément à la législation applicable suivant les règles d'application de la loi dans le temps.
Or, le recours introduit par le défendeur n'a pas d'effet suspensif en vertu de l'article 7, § 11, alinéa 3, de l'arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
Il s'ensuit que, lorsqu'elle statue sur le recours introduit par le défendeur, la cour du travail examine son droit aux allocations durant la période d'exclusion visée dans la décision administrative attaquée. La cour du travail ne prononce donc pas elle-même une sanction à charge du défendeur, mais se limite à trancher la contestation qui existe entre le demandeur et le défendeur quant au droit aux allocations du défendeur pendant la période durant laquelle il est exclu. La situation à propos de laquelle la cour du travail a dû se prononcer est donc bien antérieure à son intervention et l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 29 juin 2000.
En se fondant sur ce motif pour décider que le défendeur est exclu du droit aux allocations de chômage pour une période d'une semaine, l'arrêt viole par conséquent les dispositions des articles 2 du Code civil, 154, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (comme précisé dans le moyen) et 13 de l'arrêté royal du 29 juin 2000 modifiant l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de la réforme des sanctions administratives, ainsi que le principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi.
2. Deuxième branche
Pour décider si une sanction administrative constitue une sanction pénale au sens de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il y a lieu de vérifier si elle concerne sans distinction toute la population et non uniquement un groupe déterminé doté d'un statut
particulier, si elle prescrit un comportement déterminé et prévoit une sanction en vue de son respect, si elle ne concerne pas seulement une réparation pécuniaire d'un préjudice mais tend essentiellement à sanctionner en vue d'éviter la réitération d'agissements similaires, si elle se fonde sur une norme à caractère général dont le but est à la fois préventif et répressif et si elle est très sévère eu égard à son montant; si, après examen de tous ces éléments, il apparaît que les aspects répressifs sont prédominants, la sanction administrative doit être considérée comme une sanction pénale au sens de la disposition de droit international mentionnée.
En considérant que l'article 154 est une règle générale qui concerne la population dans son ensemble et non un groupe particulier d'individus, puisqu'il concerne toute la population qui se trouve dans l'hypothèse visée par la loi, notamment les chômeurs, la cour du travail assimile à tort les chômeurs à la population en tant que telle et estime qu'une sanction administrative qui ne concerne qu'un groupe déterminé de la population est une sanction pénale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Au motif que la sanction visée à l'article 154 est très sévère, la cour du travail ne peut décider qu'il s'agit d'une sanction pénale, cette sanction ne consistant qu'en une privation temporaire du bénéfice des allocations et ne pouvant pas être exprimée dans un montant et l'application de l'article 154 ne requérant aucune intention frauduleuse.
En décidant que la sanction administrative de l'article 154, 1°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 est une sanction pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, bien que la mesure visée à l'article 154 ne concerne que le groupe particulier des chômeurs et ne consiste qu'en une privation temporaire du bénéfice des allocations et bien que l'application de cette mesure ne requière aucune intention frauduleuse, la cour du travail méconnaît les notions légales de «groupe déterminé doté d'un statut particulier» et de «peine» (violation des articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New York le 19 décembre 1966, approuvé par la loi du 15 mai 1981). En se fondant sur ce motif pour décider que le défendeur n'est exclu du droit aux allocations de chômage que pour une période d'une semaine, l'arrêt viole en outre les dispositions des articles 2 du Code civil, 154, alinéa 1er, de l'arrêté royal du
25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (comme précisé dans le moyen) et 13 de l'arrêté royal du 29 juin 2000 modifiant l'arrêté royal du
25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de la réforme des sanctions administratives, ainsi que le principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi.
3. Troisième branche
En vertu de l'article 2 du Code pénal, la peine la moins forte sera appliquée lorsque la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction.
Cette disposition légale ne s'applique qu'aux peines pénales.
La sanction administrative visée à l'article 154 de l'arrêté royal du
25 novembre 1991 ne peut être considérée comme une sanction pénale. En effet, l'arrêté royal fait clairement la distinction entre les sanctions administratives, visées aux articles 153 et suivants de l'arrêté, et les sanctions pénales, visées aux articles 175 et 176 de l'arrêté. L'application de l'article 154 ne requiert aucune intention frauduleuse au contraire de celle de l'article 175. En outre, ce n'est pas le juge mais le directeur du bureau de chômage qui décide d'infliger une sanction au chômeur concerné et ces sanctions administratives qui ne consistent pas en une amende, peine de travail ou emprisonnement, ne sont pas inscrites au casier judiciaire et n'ont pas le caractère infamant qui s'attache à une sanction pénale.
L'article 2, alinéa 2, du Code pénal n'est d'ailleurs pas applicable lorsqu'un arrêté antérieur est remplacé par un arrêté ultérieur pris en exécution de la même loi sans que la loi elle-même ait été modifiée.
En se fondant sur ce que la sanction administrative, visée à l'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, est une sanction pénale au sens de la Convention européenne et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la cour du travail applique cependant le principe de l'application immédiate de la loi pénale la moins sévère au motif que la sanction minimale visée à l'article 154 a été réduite à l'exclusion pour une semaine par l'arrêté royal du 29 juin 2000 sans que l'article 32 de la loi du 14 février 1961 d'expansion économique, de progrès social et de redressement financier ait été modifié.
En se fondant sur ces considérations pour décider que les principes de droit pénal s'appliquent en l'espèce, la cour du travail viole l'article 2, alinéa 2, du Code pénal et le principe général du droit de l'application immédiate de la loi pénale la moins sévère, ainsi que l'article 32 de la loi du 14 février 1961 d'expansion économique, de progrès social et de redressement financier. En se fondant sur ce motif pour décider que le défendeur n'est exclu du droit aux allocations de chômage que pour une période d'une semaine, la cour du travail viole en outre les dispositions des articles 2 du Code civil, 154, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (comme précisé dans le moyen) et 13 de l'arrêté royal du 29 juin 2000 modifiant l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de la réforme des sanctions administratives, ainsi que le principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi.
4. Quatrième branche
En vertu de l'article 100 du Code pénal, les dispositions de l'article 85 de ce code ne seront appliquées aux infractions prévues par des lois et règlements particuliers sauf dispositions contraires dans ces lois et règlements.
Ni la loi du 14 février 1961 d'expansion économique, de progrès social et de redressement financier, ni l'arrêté royal du 25 novembre 1991 ne contiennent une disposition prévoyant que la sanction visée à l'article 154 de cet arrêté peut être réduite au-dessous de quatre semaines.
La cour du travail décide que la hauteur de la sanction doit être déterminée en tenant compte des circonstances atténuantes énumérées dans l'arrêt.
En réduisant la durée de l'exclusion du défendeur au minimum d'une semaine en raison de ces circonstances atténuantes, la cour du travail viole les articles 85 et 100 du Code pénal, 32 de la loi du 14 février 1961 d'expansion économique, de progrès social et de redressement financier, 154, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (comme précisé dans le moyen) et 13 de l'arrêté royal du 29 juin 2000 modifiant l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de la réforme des sanctions administratives.
La décision de la Cour
Quant aux première, deuxième et troisième branches réunies:
Attendu que saisies d'un recours du chômeur contre la décision du directeur du bureau de chômage qui l'exclut du bénéfice des allocations en vertu de l'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, les juridictions du travail exercent un contrôle de pleine juridiction sur cette décision; que, dans ce cadre, elles sont amenées à apprécier elles-mêmes l'importance de la sanction à appliquer au chômeur;
Attendu que la sanction prévue par cet article n'est pas une peine au sens de l'article 2, alinéa 2, du Code pénal;
Attendu que cette disposition, de même que les articles 7.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, consacrent toutefois le principe général du droit de l'application de la loi nouvelle plus douce;
Que ce principe, qui déroge au principe de la non-rétroactivité de la loi, suffit à justifier légalement la décision d'appliquer l'arrêté royal du 29 juin 2000 qui abaisse à une semaine le minimum de la sanction édictée en cas de manquement à l'article 154 précité;
Attendu que les griefs allégués dans le moyen, en ces branches, sont sans incidence sur cette légalité et, partant, fussent-ils fondés, ne sauraient entraîner la cassation;
Que le moyen, en ces branches, est irrecevable;
Quant à la quatrième branche:
Attendu que, contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, l'arrêt ne fait pas application de l'article 85 du Code pénal mais, en tenant compte des circonstances atténuantes qu'il énonce, se borne à indiquer les raisons pour lesquelles il fait choix du minimum de la sanction établie par l'article 154 précité après sa modification par l'arrêté royal du 29 juin 2000;
Que, reposant sur une lecture inexacte de l'arrêt, le moyen, en cette branche, manque en fait;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de nonante-quatre euros septante-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent nonante-quatre euros quarante-trois centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Philippe Echement, les conseillers Christian Storck, Didier Batselé, Daniel Plas et Sylviane Velu, et prononcé en audience publique du quatorze mars deux mille cinq par le président de section Philippe Echement, en présence du premier avocat général Jean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier adjoint principal Fabienne Gobert.