N° C.04.0336.F
ORDRE DES AVOCATS DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE, représenté par son conseil d'administration, poursuites et diligences de son président,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice,
défendeur en cassation.
N° C.04.0351.F
ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE, représenté par son conseil d'administration, poursuites et diligences de son président,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,
La décision attaquée
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2002 par la cour d'appel de Liège.
La procédure devant la Cour
Par ordonnances du 7 mars 2005, le premier président a renvoyé les causes devant la troisième chambre.
Le conseiller Christian Storck a fait rapport.
Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu.
Le moyen de cassation
A l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.04.0351.F, le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
Articles 17, 18 et 495 du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt dit irrecevable l'action du demandeur tendant à obtenir la nomination immédiate de quatre psychiatres à temps plein à l'établissement de défense sociale de Paifve et le condamne «aux deux tiers des dépens des deux instances envers [le défendeur], liquidés, selon états admissibles, à 109,07 euros (dépens d'instance selon conclusions d'instance), 186,92 euros (requête d'appel) et 218,15 euros (indemnité de procédure d'appel)», par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits.
Griefs
En règle, en vertu des articles 17 et 18 du Code judiciaire, sauf si la loi en dispose autrement, l'action en justice ne peut être admise si le demandeur n'y a pas un intérêt personnel et direct, c'est-à-dire un intérêt propre.
En ce qui concerne l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'Orde van Vlaamse balies, l'article 495 du Code judiciaire en dispose autrement et déroge ainsi auxdits articles 17 et 18.
En effet, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'Orde van Vlaamse balies, dotés de la personnalité juridique en vertu de l'article 488 du Code judiciaire, ont pour mission, aux termes de l'article 495,
«de veiller à l'honneur, aux droits et aux intérêts professionnels communs de leurs membres et sont compétents en ce qui concerne l'aide juridique, le stage, la formation professionnelle des avocats stagiaires et la formation de tous les avocats appartenant aux barreaux qui en font partie.
Ils prennent les initiatives et les mesures utiles en matière de formation, de règles disciplinaires et de loyauté professionnelle ainsi que pour la défense des intérêts de l'avocat et du justiciable.
Chacun d'eux peut faire, en ces matières, des propositions aux autorités compétentes».
L'article 495 du Code judiciaire confère ainsi à l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et à l'Orde van Vlaamse balies une mission d'intérêt général et le droit de prendre toutes initiatives et toutes mesures utiles pour la défense des intérêts des avocats, qui tiennent de leur affiliation à l'Ordre leur qualité professionnelle, mais aussi pour la défense des justiciables.
Sous l'empire de l'article 493 ancien du Code judiciaire, il était déjà admis que la défense des intérêts de l'avocat comprenait, comme pour les unions professionnelles, le droit d'agir en justice lorsque les intérêts de la profession étaient menacés et ne se limitait pas à la faculté de «faire [...] des propositions aux autorités compétentes». L'article 495 nouveau ne modifie en rien cette compétence et ne fait pas de distinction entre les initiatives et mesures que l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'Orde van Vlaamse balies peuvent prendre pour la défense des intérêts de l'avocat et celles qu'ils peuvent prendre pour la défense des intérêts du justiciable.
L'arrêt qui, pour dire irrecevable l'action du demandeur et le condamner à une quotité des dépens [du défendeur], considère que «l'article 495 nouveau du Code judiciaire ne contient aucune dérogation explicite [aux articles 17 et 18 du Code judiciaire] qui donnerait auxdits ordres la possibilité d'agir judiciairement pour la défense des intérêts des justiciables» et que, «même si une telle compétence pourrait s'avérer utile aux intérêts des avocats et des justiciables, elle doit être coulée de manière explicite dans une loi, ce que les textes actuels, interprétés à la lumière des travaux préparatoires, n'envisagent pas», n'est pas légalement justifié (violation des articles 17, 18 et 495 du Code judiciaire).
La décision de la Cour
Attendu que les pourvois sont dirigés contre le même arrêt; qu'il y a lieu de les joindre;
Quant au pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.04.0336.F:
Attendu que le demandeur se désiste de son pourvoi;
Quant au pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.04.0351.F:
Sur le moyen:
Attendu qu'à moins que la loi n'en dispose autrement, la demande formée par une personne physique ou morale ne peut, en vertu de l'article 17 du Code judiciaire, être admise si le demandeur n'a pas pour la former un intérêt personnel et direct, c'est-à-dire un intérêt propre;
Attendu que l'article 495, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que l'Ordre des barreaux francophones et germanophone a, en ce qui concerne les barreaux qui en font partie, pour mission de veiller à l'honneur, aux droits et aux intérêts professionnels communs de leurs membres et est compétent en ce qui concerne l'aide juridique, le stage, la formation professionnelle des avocats stagiaires et la formation de tous les avocats appartenant aux barreaux qui en font partie;
Attendu qu'en autorisant l'Ordre à prendre les initiatives et les mesures utiles en matière de formation, de règles disciplinaires et de loyauté professionnelle, ainsi que pour la défense des intérêts de l'avocat et du justiciable, et à faire, en ces matières, des propositions aux autorités compétentes, les deuxième et troisième alinéas de cet article n'ont pas pour effet d'étendre la mission que lui confie le premier alinéa mais de préciser les modalités suivant lesquelles s'exerce cette mission;
Que ces dispositions, qui ne dérogent pas à l'article 17 du Code judiciaire, ne permettent pas à l'Ordre de former une demande ayant pour objet de défendre les intérêts du justiciable;
Que le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.04.0336.F et C.04.0351.F;
Décrète le désistement du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.04.0336.F;
Condamne le demandeur aux dépens de ce pourvoi;
Rejette le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.04.0351.F;
Condamne le demandeur aux dépens de ce pourvoi.
Les dépens taxés, dans la cause numéro C.04.0336.F, à la somme de quatre cent quarante-cinq euros trente-huit centimes envers la partie demanderesse, et, dans la cause numéro C.04.0351.F, à la somme de quatre cent quarante-cinq euros trente-huit centimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent quarante-trois euros vingt-six centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Philippe Echement, les conseillers Christian Storck, Daniel Plas, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du quatre avril deux mille cinq par le président de section Philippe Echement, en présence du premier avocat général Jean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.