H. J.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
Ordre des médecins,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre la décision rendue sur renvoi le 11 octobre 2004 par le Conseil d'appel de l'Ordre des médecins d'expression néerlandaise, à la suite d'un arrêt de la Cour du 30 mai 2003.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Greta Bourgois a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
III. Les faits
Attendu qu'il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que:
1. Par décision du 9 novembre 2000 du conseil provincial du Limbourg, des sanctions disciplinaires ont été imposées au demandeur du chef des faits établis:
- du chef de la prévention 1: avoir fait preuve d'agissements négligents: réprimande;
- du chef de la prévention 2: avoir fait de la publicité pour son cabinet, ce qui revient à recruter des patients: 29 jours de suspension du droit d'exercer l'art médical;
- du chef de la prévention 3: avoir exploité son cabinet médical comme un commerce: 26 jours de suspension du droit d'exercer l'art médical;
2. Par décision du 13 mai 2002 du conseil d'appel, la sanction disciplinaire de réprimande est infligée au demandeur du chef du fait n°1 mis à charge et la sanction disciplinaire de deux mois de suspension du droit d'exercer l'art médical du chef des préventions 2 et 3 jointes;
3. Le pourvoi en cassation du demandeur était uniquement dirigé contre la condamnation à la sanction disciplinaire de deux mois de suspension du droit d'exercer l'art médical du chef des faits confondus des préventions 2 et 3;
4. L'arrêt de la Cour du 30 mai 2003 casse la décision attaquée et renvoie la cause devant le Conseil d'appel de l'Ordre des médecins, autrement composé;
5. La décision attaquée du conseil d'appel du 11 octobre 2004 déclare le demandeur coupable des faits de la prévention 1, dans la mesure où ils ont trait à la partie «en ne garantissant notamment pas la continuité des soins» et lui inflige une sanction disciplinaire de deux mois de suspension du droit d'exercer l'art médical; déclare le demandeur coupable des faits 2 et 3 confondus et lui inflige la sanction disciplinaire d'un mois de suspension du droit d'exercer l'art médical;
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants:
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil;
- articles 19, 23, 1082, alinéa 1er, 1095 et 1110 du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
Le premier moyen s'oppose à la décision du conseil d'appel en tant qu'il statue à nouveau sur la prévention 1, à savoir le traitement médical négligent, notamment: (.)
Le conseil d'appel déclare cette prévention non établie dans la mesure où elle est relative à (.). Il déclare, par contre, la prévention 1 établie dans la mesure où elle concerne un manque de continuité des soins. Sur la base de ces faits déclarés établis sous la prévention 1, une sanction disciplinaire de deux mois de suspension du droit d'exercer l'art médical est infligée au demandeur.
Griefs
Le juge qui prend connaissance d'un litige sur renvoi après cassation partielle, n'a de juridiction que dans les limites du renvoi. Un tel renvoi est en principe restreint à l'étendue de la cassation, y compris les décisions indissociables et les décisions qui sont la conséquence de la décision cassée. La cassation d'une décision est limitée à la portée du moyen qui en est à la base.
Il suit des antécédents qu'en l'espèce, par son pourvoi du 12 juin 2002 dirigé contre la décision du Conseil d'appel de l'Ordre des médecins du
13 mai 2002, le demandeur n'avait critiqué la décision attaquée, par son moyen unique de cassation, que dans la mesure où elle déclarait le demandeur coupable des préventions 2 et 3, à savoir faire de la publicité et exploiter son cabinet comme un commerce et où elle lui a infligé sur cette base une sanction disciplinaire de deux mois de suspension.
Par son moyen unique de cassation, le demandeur ne critiquait par conséquent pas la décision du 13 mai 2002, dans la mesure où cette décision ne le déclarait pas coupable des faits de la prévention 1 dans la mesure où ils concernaient (.) et où elle l'en acquittait, ni dans la mesure où la décision du 13 mai 2002 le déclarait coupable des faits de la prévention 1 dans la mesure où ils concernaient la partie relative notamment à un manque de continuité de soins et où elle lui infligeait, sur la base du fait partiellement établi de la prévention 1, la sanction disciplinaire de la réprimande. La décision du 13 mai 2002 avait, dès lors, acquis force de chose jugée en tant qu'elle se prononçait sur la prévention 1.
Il s'ensuit, en outre, que la cassation prononcée par la Cour le 30 mai 2003 était nécessairement limitée à la décision du Conseil d'appel du 13 mai 2002 sur les préventions 2 et 3, ces faits confondus étant déclarés établis, et une sanction disciplinaire de deux mois de suspension lui étant infligée du chef de ces faits confondus des préventions 2 et 3. Il s'ensuit que le renvoi par la Cour par l'arrêt du 30 mai 2003 était, dès lors, limité à la décision sur les préventions 2 et 3. En statuant, toutefois, à nouveau sur la prévention 1 et en déclarant partiellement fondés ces faits de la prévention 1 et en infligeant sur cette base une sanction disciplinaire de deux mois de suspension du droit d'exercer l'art médical au demandeur, le Conseil d'appel viole le sens et la portée de l'arrêt du 30 mai 2003 et viole, ainsi, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Les juges d'appel ont aussi violé l'autorité de chose jugée revenant à l'arrêt du 30 mai 2003 (violation de l'article 23 du Code judiciaire), ainsi que la force de chose jugée de la décision du 13 mai 2002 sur ce point (violation de l'article 28 du Code judiciaire). En statuant, finalement, à nouveau sur la prévention 1 et en condamnant le demandeur sur cette base à une suspension de deux mois du droit d'exercer l'art médical, le Conseil d'appel excède sa juridiction de prendre connaissance du litige entre les parties dans les limites où il a été soumis à cette juridiction de renvoi et viole, ainsi, les articles 1082, alinéa 1er, 1095 et 1110 du Code judiciaire.
2. Second moyen
(.)
IV. La décision de la Cour
1. Sur le premier moyen:
Attendu qu'en vertu de l'article 1082, alinéa 1er, du Code judiciaire, si l'arrêt ou le jugement attaqué contient plusieurs chefs, la requête énonce l'indication précise de ceux contre lesquels le pourvoi est dirigé;
Qu'en vertu de l'article 1095 du même code la Cour ne peut connaître que des chefs de la décision indiqués dans la requête introductive;
Qu'en vertu de l'article 1110 du même code, lorsque la cassation est prononcée avec renvoi, celui-ci a lieu devant une juridiction souveraine du même rang que celle qui a rendu la décision attaquée;
Attendu qu'ainsi, en cas de cassation, celle-ci est, en règle, limitée aux chefs de la décision contre lesquels le pourvoi est dirigé;
Qu'en statuant à nouveau sur la prévention 1 dont l'appréciation ne lui a pas été soumise, le conseil d'appel excède sa juridiction de connaître du litige dans les limites de sa saisine;
Que le moyen est fondé;
2. Sur le second moyen
(.)
3. Renvoi
Attendu que le conseil d'appel autrement composé devant lequel il y aurait lieu de renvoyer la cause serait tenu de se conformer à cet arrêt en ce qui concerne le point de droit que la Cour a jugé;
Que la cassation prononcée ne laisse plus rien à juger;
Qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse la décision attaquée en tant qu'elle se prononce sur la prévention 1;
Rejette le pourvoi pour le surplus;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement cassée;
Condamne la défenderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Ernest Waûters, les conseillers Greta Bourgeois, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du trois juin deux mille cinq par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Didier Batselé et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,