S. A. B.A. et cons.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,
contre
FONDS DES ACCIDENTS DU TRAVAIL, et cons.,
défendeurs en cassation.
La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2003 par la cour du travail de Liège, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 8 octobre 2001.
La procédure devant la Cour
Le conseiller Daniel Plas a fait rapport.
Le premier avocat général Jean-François Leclercq a conclu.
Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
Articles 15, 20, 20bis et 59quinquies, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail (l'article 15 après sa modification par la loi du 9 août 1985 mais avant sa modification par la loi du 29 avril 1996; les articles 20bis et 59quinquies, tels qu'ils ont été introduits par l'arrêté royal n° 285 du 31 mars 1984).
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt fait droit à l'action du premier défendeur tendant au payement en sa faveur, par application de l'article 59quinquies de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, de la rente viagère due en vertu de l'article 20bis de la même loi par l'assureur-loi aux ascendants de la victime d'un accident du travail mortel aux motifs que:
«En vertu de l'article 20bis de la loi du 10 avril 1971, les rentes allouées au père et à la mère de la victime restent dues jusqu'au moment où la victime aurait atteint l'âge de 25 ans, à moins que les parents puissent fournir la preuve que la victime était leur principale source de revenus.
Il appartient aux parents d'apporter la preuve de ce que la victime était la principale source de revenus et non pas seulement que la victime était une source de revenus plus ou moins importante pour les parents.
Il convient dès lors d'établir les revenus de la victime ainsi que les revenus globaux des ascendants, et ce sans distinguer l'origine, la nature ou la destination des revenus dont disposent les parents, et de vérifier ensuite si la part de la victime est principale par rapport à l'ensemble des revenus des ascendants (cf. Cass., 18 janvier 1993, J.T.T., 1993, p. 204). Les allocations familiales dont disposent les parents de la victime doivent donc être prises en compte.
Il n'est pas contesté que le revenu global des ascendants de la victime au moment de l'accident doit être évalué à 59.861 francs (les allocations de chômage et les allocations familiales). D'autre part, la part de la victime dans les revenus de ses ascendants peut être évaluée à 30.000 francs. En effet, il n'est nullement établi que la victime remettait à ses parents la totalité de son salaire (50.000 francs), devant subvenir à ses besoins propres, en ce compris l'achat et l'entretien d'une voiture. De ces éléments, il n'est pas établi que la victime constituait la principale source de revenus de ses ascendants.
Il convient de confirmer le jugement dont appel quant à la demande de transfert représentant les capitalisations des rentes».
Griefs
Suivant l'article 20bis de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, la rente viagère prévue à l'article 15 de la loi reste due aux ascendants, au-delà de la date à laquelle la victime aurait atteint 25 ans, si les bénéficiaires de la rente prouvent que la victime était leur principale source de revenus.
La notion de "principale source de revenus" est appréciée en évaluant la part de la victime dans les revenus globaux des ascendants au moment de l'accident.
Ne font pas partie des revenus globaux pris en considération pour ce calcul les allocations familiales perçues par les ascendants de la victime.
Par conséquent, en décidant que les allocations familiales perçues par les demandeurs devaient être intégrées à leurs revenus globaux pour l'application de l'article 20bis de la loi du 10 avril 1971 et en considérant, pour cette raison, que les revenus de la victime ne constituaient pas leur principale source de revenus, l'arrêt méconnaît l'ensemble des dispositions légales visées au moyen.
Question préjudicielle
Dans l'hypothèse où [la] Cour considérerait que les allocations familiales perçues par les ascendants doivent être comprises dans les revenus globaux de ceux-ci à prendre en considération pour vérifier si la victime était leur principale source de revenus au sens de l'article 20bis de la loi du 10 avril 1971, les demandeurs invitent [la] Cour à poser à la Cour d'arbitrage la question suivante:
«L'article 20bis de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, en ce qu'il doit être interprété comme imposant, pour calculer si les revenus de la victime d'un accident mortel constituaient la principale source de revenus de ses ascendants, d'inclure dans le revenu global de ceux-ci les allocations familiales perçues pour les autres enfants, ne crée-t-il pas une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution entre les ascendants bénéficiant d'allocations familiales et ceux qui n'en bénéficient pas?».
La décision de la Cour
Attendu que par son arrêt du 8 octobre 2001, la Cour a cassé, sur le pourvoi du défendeur, l'arrêt rendu le 20 septembre 1999 par la cour du travail de Bruxelles au motif que celui-ci avait, en violation de l'article 20bis de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, refusé d'inclure le montant des allocations familiales dans l'ensemble des revenus dont disposaient les parents de la victime;
Attendu que l'arrêt attaqué, qui tient compte du montant des allocations familiales pour calculer le revenu global des demandeurs, est conforme à l'arrêt de la Cour du 8 octobre 2001;
Qu'en vertu de l'article 1119, alinéa 2, du Code judiciaire, aucun recours en cassation n'est admis contre cette décision;
Que, partant, le moyen est irrecevable;
Et attendu que, le moyen étant irrecevable pour un motif propre à la procédure devant la Cour, la question préjudicielle proposée par les demandeurs ne doit pas être posée à la Cour d'arbitrage;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Vu l'article 68 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, condamne les défendeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre-vingt-un euros nonante-deux centimes en débet envers les parties demanderesses.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Philippe Echement, les conseillers Christian Storck, Daniel Plas, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du six juin deux mille cinq par le président de section Philippe Echement, en présence du premier avocat général Jean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.