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06/12/2005 | BELGIQUE | N°P.05.1138.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 décembre 2005, P.05.1138.N


S. E.,
partie civile,
Me Raf Verstraeten et Me Caroline De Baets, avocats au barreau de Bruxelles.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 juin 2005 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Luc Huybrechts a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens dans un mémoire. Ce mémoire est annexé au présent arrêt et en fait partie intégrante.
IV. Eléments de fait
L

e 6 juin 1994, le demandeur s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction de Bruxe...

S. E.,
partie civile,
Me Raf Verstraeten et Me Caroline De Baets, avocats au barreau de Bruxelles.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 juin 2005 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Luc Huybrechts a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens dans un mémoire. Ce mémoire est annexé au présent arrêt et en fait partie intégrante.
IV. Eléments de fait
Le 6 juin 1994, le demandeur s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction de Bruxelles contre inconnu pour "diffamation", fait cependant requalifié dans la procédure devant la Cour comme suit:"avoir, dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, le 16 mars 1994, méchamment imputé un fait précis qui est de nature à porter atteinte à son honneur ou à l'exposer au mépris public, et dont la preuve légale n'est pas rapportée, alors que la loi admet cette preuve [.]".
La chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles décida par ordonnance du 14 octobre 2003 qu'il n'y a pas lieu de poursuivre et condamna le demandeur aux frais.
Sur l'appel du demandeur, la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles considéra, par arrêt du 23 décembre 2003, que l'instruction était incomplète et enjoignit au juge d'instruction d'accomplir un acte d'instruction complémentaire, c'est-à-dire de procéder à l'identification du dénonciateur anonyme et d'ordonner son audition relativement au mobile de sa déclaration anonyme.
Dans l'arrêt attaqué, la chambre des mises en accusation considère "Qu'il n'y a aucun motif de procéder, sur la base des articles 136 ou 235 du Code d'instruction criminelle, à l'évocation et à la désignation d'un membre de la présente chambre en qualité de 'conseiller instructeur' chargé de la poursuite de l'instruction de cette affaire; que le juge saisi a en effet tâché d'accomplir les actes d'instruction complémentaires ordonnés dans l'arrêt du 23 décembre 2003, mais n'y est pas parvenu au motif que les deux verbalisants concernés refusent de révéler l'identité du dénonciateur anonyme; que ni le juge d'instruction, ni les membres de la chambre des mises en accusation ne disposent de moyens légaux pour contraindre les verbalisants à révéler cette identité". Sur cette base, la chambre des mises en accusation déclare non fondé l'appel du demandeur, confirme l'ordonnance attaquée et condamne le demandeur aux frais de son appel.
V. La décision de la Cour
1. Sur le premier moyen
Attendu que les articles 28quinquies, § 1er, et 57, § 1er, du Code d'instruction criminelle disposent que l'information et l'instruction sont secrètes et que toute personne qui est appelée à y prêter son concours professionnel est tenue au secret, et punissent celle qui viole ce secret des peines prévues à l'article 458 du Code pénal;
Attendu que cette obligation de secret professionnel contraint au secret à l'égard de quiconque est étranger à une instruction déterminée; que, par contre, il n'existe en principe pas d'obligation de secret au sein de l'instruction sauf, à ce jour, dans le cas des articles 75bis, 75ter et 86bis à 86quinquies du Code d'instruction criminelle, insérés par la loi du 8 avril 2002 relative à l'anonymat des témoins;
Attendu que, tant avant la loi du 8 avril 2002 qu'actuellement, la personne collaborant à l'instruction qui est entendue en témoignage sous serment par le juge d'instruction ou le juge pénal en application, selon le cas, de l'article 80, de l'article 157 ou de l'article 355 du Code d'instruction criminelle, peut refuser de révéler l'identité de la personne qui a fait la dénonciation du fait instruit, lorsque ledit collaborateur a, pour des motifs raisonnables, pu décider, en âme et conscience, de promettre l'anonymat au dénonciateur dans l'intérêt de l'action publique et aux fins de protection dudit dénonciateur;
Attendu que, toutefois, le droit de taire le nom du dénonciateur n'est pas absolu et le juge doit vérifier in concreto si le témoin ne détourne pas ce droit de son but légal;
Attendu que le juge peut tenir compte à cet égard de la circonstance qu'au moment de la dénonciation, il n'existait aucune justification raisonnable pour assurer l'anonymat au dénonciateur;
Que si cette justification raisonnable est effectivement présente, le juge peut tenir compte de toutes les circonstances de fait, telles que la circonstance que l'instruction a finalement abouti à un non-lieu, qu'au moment du témoignage il ne se justifie plus de craindre pour la protection du dénonciateur, et du droit de l'inculpé mis hors de cause d'obtenir éventuellement des dommages-intérêts pour diffamation, calomnie ou dénonciation calomnieuse;
Attendu que, lorsque le juge considère que le témoin ne peut invoquer le droit au silence et que ce dernier refuse néanmoins de parler, le témoin est punissable de l'amende prévue, selon le cas, par l'article 80, l'article 157 et/ou l'article 355 du Code d'instruction criminelle, et ce sans préjudice des dommages-intérêts éventuels; qu'ainsi, il existe bel et bien un moyen légal de contraindre éventuellement le verbalisant à révéler le nom de la personne qui a fait une déclaration;
Qu'en statuant en sens contraire, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision;
Qu'en cette branche, le moyen est fondé;
2.Sur le second moyen
Attendu qu'il n'y a plus lieu d'examiner le moyen;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;
Laisse les frais à charge de l'Etat;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
(.)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Luc Huybrechts, Jean-Pierre Frère, Dirk Debruyne et Luc Van hoogenbemt, et prononcé en audience publique du six décembre deux mille cinq par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Patrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Jean de Codt et transcrite avec l'assistance du greffier adjoint principal Patricia De Wadripont.
Le greffier adjoint principal, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.05.1138.N
Date de la décision : 06/12/2005
2e chambre (pénale)

Analyses

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Preuve testimoniale - Personne collaborant à l'instruction - Témoignage sous serment - Dénonciateur d'un fait - Anonymat - Refus de révéler l'identité du dénonciateur /

Tant avant la loi du 8 avril 2002 qu'aujourd'hui encore, la personne collaborant à l'instruction qui est entendue en témoignage sous serment par le juge d'instruction ou le juge pénal en application, selon le cas, de l'article 80, de l'article 157 ou de l'article 355 du Code d'instruction criminelle, peut refuser de révéler l'identité de la personne qui a fait la dénonciation du fait instruit, lorsque ledit collaborateur a, pour des motifs raisonnables, pu décider, en âme et conscience, de promettre l'anonymat au dénonciateur dans l'intérêt de l'action publique et aux fins de protection dudit dénonciateur.


Références :

Dans le contexte de cette affaire, il faut comprendre par "personne collaborant à l'instruction" les fonctionnaires de police qui ont dressé un procès-verbal sur la base des informations obtenues par le dénonciateur. Cass., 10 janvier 1978, Bull et Pas., 1978, 515. En 1994, sur la base d'une dénonciation anonyme, une enquête avait été entamée à l'encontre du demandeur en cassation qui, à son tour, déposa plainte avec constitution de partie civile contre inconnu pour calomnie et diffamation. L'instruction menée contre le demandeur se termina par un non-lieu rendu par l'ordonnance de la chambre du conseil de Bruxelles le 26 octobre 1999, de sorte que l'enquête à charge d'inconnu au préjudice du demandeur pouvait être reprise. Les verbalisants, convoqués comme témoins devant le juge d'instruction, refusèrent à plusieurs reprises de révéler l'identité du dénonciateur. L'arrêt attaqué décida que ni le juge d'instruction, ni la juridiction d'instruction ne dispose des moyens légaux pour contraindre les verbalisants à révéler cette identité. En se focalisant sur la problématique du dénonciateur anonyme, l'arrêt de la chambre des mises en accusation et, mutatis mutandis, le moyen, semblent passer à côté du coeur du problème: après la mise hors de cause du demandeur, l'inconnu en question dans la présente affaire n'est plus un dénonciateur anonyme, mais bel et bien un auteur présumé. L'une ou l'autre négligence semblant s'être produite, le ministère public avait conclu en l'espèce au rejet du pourvoi sur la base d'une autre approche des moyens invoqués.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2005-12-06;p.05.1138.n ?
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