DEXIA BANQUE Belgique s.a., et cons.,
inculpée et partie civile,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. la procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation sous I (acte n° 264 du 25 octobre 2005) est dirigé contre un arrêt rendu le 11 octobre 2005, n° 1496 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le pourvoi en cassation sous II (acte n° 266 du 26 octobre 2005) est dirigé contre un arrêt rendu le 11 octobre 2005, n° 1496 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le pourvoi en cassation sous III (acte n° 265 du 25 octobre 2005) est dirigé contre un arrêt rendu le 11 octobre 2005, n° 1497 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le pourvoi en cassation sous IV (acte n° 267 du 26 octobre 2005) est dirigé contre un arrêt rendu le 11 octobre 2005, n° 1497 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
La demanderesse présente deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Jean-Pierre Frère a fait rapport.
L'avocat général Patrick Duinslaeger a conclu.
II. les faits
1. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le 31 octobre 2002, le procureur général de Gand a pris des réquisitions devant la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, sur la base de l'article 136bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.
2. Ces réquisitions nécessaires "pour le bon déroulement de l'instruction"avaient pour objet la désignation d'un conseiller-juge d'instruction, en remplacement du juge d'instruction d'Ypres qui était saisi d'une instruction depuis le 22 décembre 2000, connue au parquet du procureur du Roi de Ypres sous le numéro de notice 71.B.98.464.000, à charge de notamment J.L., P.H. et autres, ci-après «dossier LHSP».
3. La requête a été traitée à l'audience du 19 novembre 2002. Le procès-verbal de cette audience mentionne que le ministère public est entendu et dépose des pièces et qu'étaient présents le président P. Boudolf et les conseillers A. Van de Putte et P. Brad.
4. Par arrêt du 26 novembre 2002, la chambre des mises en accusation reçoit la requête et l'accueille dans la mesure suivante:
- elle évoque l'instruction ;
- elle décide de décharger le juge d'instruction;
- elle désigne un conseiller-juge d'instruction pour poursuivre l'instruction;
- elle réserve la décision sur les frais;
- elle constate que la procédure s'est déroulée sans débat et à huis clos;
- étaient présents: P. Boudolf, président et T. Denys et A. Van de Putte, conseillers.
5. A la date de l'arrêt mentionné, la demanderesse n'était pas concernée par cette instruction, ni en tant qu'inculpée, ni en tant que partie civile et elle n'y était pas intervenue.
6. Par requête du 26 septembre 2005, le procureur général de Gand a demandé, sur la base des articles 793 et suivants du Code judiciaire, la rectification du procès-verbal de l'audience du 19 novembre 2002 dans la mesure où celui-ci indique en raison d'une «erreur matérielle manifeste» la composition du siège lors du traitement de la cause comme «P. Boudolf, président, et A. Van de Putte et P. Brad conseillers», alors que, suivant la requête, étaient en réalité présents: «P. Boudolf, président, et T. Denys et A. Van de Putte, conseillers».
7. A l'audience de la chambre des mises en accusation du 11 octobre 2005 à laquelle la requête en rectification est traitée, la demanderesse comparaît en tant que partie intervenante volontaire, en tant qu'inculpée et en tant que partie civile. A cet effet, elle dépose des conclusions.
8. L'arrêt avant dire droit du 11 octobre 2005 (n° 1496) dit que la demanderesse n'a ni intérêt, ni qualité pour intervenir volontairement et déclare irrecevable sa requête.
9. Sur le fond, la chambre des mises en accusation corrige, par arrêt du 11 octobre 2005 (n° 1497), le procès-verbal de l'audience du 19 novembre 2002 tel que demandé et dit pour droit qu'il y a lieu de lire la mention de la composition du siège dans cet acte comme: «P. Boudolf, président et T. Denys et A. Van de Putte, conseillers».
III. la décision de la Cour
Désistement
10. La demanderesse se désiste sans acquiescement de ses pourvois en cassation sous II et IV, au motif que «les arrêts attaqués ne constituent pas des décisions directement susceptibles d'un pourvoi en cassation au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle et que, dès lors, les pourvois en cassation sont prématurés».
11. Les pourvois en cassation sous I et III sont formés contre les mêmes arrêts. Le désistement, sans acquiescement, de ces pourvois en cassation a, dès lors, manifestement lieu pour les mêmes motifs.
12. Les arrêts attaqués sont rendus sur les réquisitions du ministère public en rectification du procès-verbal de l'audience du 19 novembre 2002.
L'arrêt n° 1497 constitue une décision définitive. Cet arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation immédiat. Un pourvoi en cassation peut être formé simultanément contre l'arrêt avant dire droit n° 1496 et contre l'arrêt définitif n° 1497.
13. Les désistements qui reposent sur une erreur, ne peuvent, dès lors, pas être décrétés.
Recevabilité des pourvois en cassation sous II et IV
14. Un pourvoi en cassation régulier ne peut être formé si le demandeur n'a ni qualité ni intérêt pour introduire ce recours.
15. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'au moment de sa demande d'intervention volontaire dans la procédure en rectification, la demanderesse avait les qualités d'inculpée ainsi que de partie civile dans le dossier pénal.
16. La demanderesse a formé un pourvoi en cassation en qualité de partie civile et d'inculpée ainsi qu'en qualité de partie intervenante volontaire.
17. Sauf dérogation résultant d'une loi spéciale, les dispositions du Code judiciaire relatives à l'intervention ne sont pas applicables aux juridictions pénales, la procédure à suivre étant déterminée par la nature de la juridiction qui instruit la cause et le Code d'instruction criminelle et les lois relatives à la procédure pénale indiquant de manière limitative les personnes pouvant agir en tant que parties devant ces juridictions.
Il s'ensuit que l'intervention volontaire d'un tiers devant la juridiction pénale n'est recevable qu'à la condition qu'une loi spéciale le prévoie expressément ou que le juge pénal soit exceptionnellement autorisé en vertu de la loi à prononcer une condamnation, une sanction ou une autre mesure contre ce tiers. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
18. Lorsque, dans les déclarations relatives aux pourvois en cassation sous II et IV, la demanderesse adopte la qualité de partie intervenante volontaire, elle ne peut toutefois faire valoir un autre intérêt que l'intérêt qu'elle a en sa qualité soit de partie civile, soit d'inculpée. Il s'ensuit que la qualité de partie intervenante volontaire adoptée par la demanderesse coïncide avec sa qualité de partie civile ou d'inculpée.
19. Les pourvois en cassation que la demanderesse a introduits le 26 octobre 2005 en qualité de partie intervenante volontaire contre les arrêts n°1496 et 1497 du 11 octobre 2005, ne peuvent, dès lors, avoir d'autre objet que les mêmes intérêts que ceux des pourvois qu'elle a formés contre les mêmes arrêts en qualité de partie civile ou d'inculpée.
20. Sauf les exceptions prévues par la loi, en vertu de l'article 438 du Code d'instruction criminelle, un second pourvoi en cassation formé par une même partie contre la même décision est irrecevable. Il suffit pour cela que le pourvoi en cassation qui est dirigé contre la même décision émane du même demandeur, en la même qualité et avec un intérêt identique.
21. Le pourvoi sous II que la demanderesse a introduit le 26 octobre 2005 en qualité de partie intervenante volontaire contre l'arrêt n° 1496 du 11 octobre 2005, constitue un second pourvoi en cassation par rapport au pourvoi en cassation que la demanderesse a introduit le 25 octobre 2005 contre le même arrêt en qualité de partie civile et d'inculpée.
22. Le pourvoi en cassation sous IV que la demanderesse a formé le 26 octobre 2005 en qualité de partie intervenante volontaire, de partie civile et d'inculpée contre l'arrêt n° 1497 du 11 octobre 2005, constitue un second pourvoi par rapport au pourvoi en cassation que la demanderesse a introduit le 25 octobre 2005 contre le même arrêt en qualité de partie civile et d'inculpée.
23. Dès lors, les pourvois en cassation sous II et IV sont irrecevables.
Recevabilité des moyens
24. Suivant le mémoire, la demanderesse ne présente les moyens qu'à «l'appui des pourvois en cassation formés le 26 octobre 2005 par Me Jan Kerkhofs loco Me Hans Rieder et Me René Verstringhe». Ce sont les pourvois sous II et IV.
25. Il ressort de ce qui précède que les deux pourvois en cassation auxquels le mémoire et les moyens ont trait, sont irrecevables.
26. En matière répressive, l'indication dans le mémoire du pourvoi en cassation auquel les moyens se rapportent, ne constitue pas une formalité substantielle dont le non-respect entraîne l'irrecevabilité des moyens.
Pour la recevabilité des moyens il est, toutefois, requis qu'ils concernent une décision faisant l'objet d'un pourvoi en cassation recevable.
Par conséquent, la Cour, en dépit de la référence dans le mémoire à un pourvoi en cassation irrecevable, après le rejet du désistement sans acquiescement pour cause d'erreur sur la recevabilité d'un pourvoi en cassation antérieur, peut recevoir les moyens qui concernent la même décision attaquée par les deux pourvois en cassation subséquents. En effet, après le rejet du désistement, ces moyens concernent une décision régulièrement attaquée, sans que la moindre confusion demeure à ce sujet.
27. Étant donné le rejet du désistement, les pourvois en cassation sous I et III sont recevables. Par conséquent, les moyens sont réputés concerner les pourvois en cassation du 25 octobre 2005, qui ont les mêmes décisions pour objet que les pourvois en cassation irrecevables du 26 octobre 2005.
Sur le second moyen
28. Les articles 793 et suivants du Code judiciaire concernant la procédure en matière d'interprétation et de rectification des jugements et arrêts s'appliquent en matière répressive. Ni le Code d'instruction criminelle ni aucun principe général du droit ne réglementent distinctement cette procédure, de sorte que l'article 2 du Code judiciaire ne constitue pas un obstacle à cette application.
Le juge pénal peut ainsi légalement, à la requête du ministère public, rectifier une erreur matérielle manifeste contenue, notamment, dans un acte de la procédure.
La procédure en rectification d'une telle erreur ne concerne pas le caractère authentique de l'acte à corriger et n'y déroge pas.
29. Aussi, est-ce à tort que le moyen suppose qu'en rectifiant à la requête du ministère public une erreur matérielle manifeste dans un procès-verbal d'audience, l'arrêt viole «de toute façon» les articles 2 et 793 à 801 du Code judiciaire.
30. Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
31. Pour le surplus, la chambre des mises en accusation décide de rectifier une mention du procès-verbal de l'audience du 19 novembre 2002 qu'elle considère comme une «erreur manifeste», sur la base qu' «il suit clairement des mentions expresses de l'arrêt du 26 novembre 2002 que la chambre des mises en accusation a traité la cause le 19 novembre 2002 dans la composition qui a rendu l'arrêt du 26 novembre, notamment en écoutant le membre du ministère public».
Le chambre des mises en accusation reprend aussi les motifs de la requête du ministère public, sous réserve des déclarations qui étaient jointes à cette requête.
32. Sur la base de ces motifs, les juges ont pu légalement décider que les juges qui ont rendu l'arrêt du 26 novembre 2002, sont les mêmes que ceux qui ont traité et jugé la cause.
33. Ainsi, l'arrêt décide légalement de rectifier le procès-verbal de cette audience du 19 novembre 2002.
34. Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le premier moyen
35. Dès lors qu'il suit de la réponse au second moyen que les juges ont de toute façon légalement décidé de rectifier le procès-verbal de l'audience du 19 novembre 2002, le premier moyen, fût-il fondé, ne saurait entraîner la cassation, faute d'intérêt.
36. Le moyen est, dès lors, irrecevable.
Le dispositif,
La Cour
Rejette les pourvois en cassation.
Condamne la demanderesse aux frais de chacun de ses pourvois en cassation.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Ghislain Dhaeyer, Etienne Goethals, Jean-Pierre Frère et Dirk Debruyne, et prononcé en audience publique du trente et un janvier deux mille six par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Paul Mathieu et transcrite avec l'assistance du greffier adjoint principal Patricia De Wadripont.
Le greffier adjoint principal, Le conseiller,