R. M.-C., demanderesse en cassation,
représentée par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
contre
M. M.-G. P.,
défendeur en cassation.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2004 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le président de section Philippe Echement a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens libellés comme suit:
Premier moyen
Dispositions légales violées
- articles 213, 229, 231, 1349 et 1353 du Code civil;
- principe général du droit suivant lequel les renonciations à un droit ne se présument pas et ne peuvent se déduire que de faits non susceptibles d'une autre interprétation;
- article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué a déclaré non fondée la demande en divorce dirigée par la demanderesse contre le défendeur, pour adultère de ce dernier, sur pied des articles 229 et 231 du Code civil pour les motifs suivants :
«3. En ce qui concerne la demande en divorce formée par [la demanderesse]
Comme déjà relevé, l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 20 avril 1993 a confirmé le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 28 novembre 1990 en ce qu'il a autorisé le divorce des parties aux torts [du défendeur], sur la base de l'article 231 du Code civil, et ce en raison d'un constat d'adultère dressé le 20 avril 1989.
L'arrêt précité, bien que cassé sur d'autres points, est devenu définitif en date du 18 septembre 1993 en ce qu'il autorise le divorce des parties à la demande de [la demanderesse]. Cette dernière a cependant renoncé à faire transcrire le divorce ainsi obtenu.
Contrairement à ce que [le défendeur] soutient, la nouvelle demande en divorce de [la demanderesse] n'est pas irrecevable. Certes, [la demanderesse] ne peut pas fonder sa nouvelle demande en divorce sur des faits déjà jugés. Cependant, le grief qu'elle invoque n'est pas le même qu'en 1993, à savoir l'adultère [du défendeur] constaté le 20 avril 1993, mais un fait nouveau, à savoir la liaison actuelle [du défendeur] avec Madame H.
La relation adultère actuelle [du défendeur] avec Madame H. est établie et d'ailleurs non contestée.
Le caractère offensant de l'adultère est présumé par la loi. Il appartient toutefois au juge de vérifier s'il n'apparaît pas des circonstances de la cause que ce caractère ferait défaut dans le litige qui lui est soumis.
Bien que l'écoulement du temps ne fasse pas nécessairement disparaître le caractère offensant de l'adultère, il doit être constaté en l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, que [la demanderesse], qui était au courant depuis le 20 avril 1989 de la liaison [du défendeur] avec Madame H. mais a décidé, en 1993, de ne pas faire transcrire le divorce qu'elle a obtenu, n'a pas pu être offensée par la poursuite de cette relation adultère au-delà de cette date, soit dix ans après la séparation de fait des parties.
La nouvelle demande en divorce de [la demanderesse] apparaît dès lors non fondée».
Griefs
Première branche
La motivation qui précède est manifestement contradictoire en ce que :
d'une part, elle relève, pour apprécier la recevabilité de la demande formée par la demanderesse, que celle-ci n'est pas déduite des mêmes faits que ceux ayant donné lieu au précédent arrêt du 28 novembre 1990 (à savoir le «constat d'adultère dressé le 20 avril 1989») par lequel la demanderesse avait obtenu que soit prononcé un divorce pour cause d'adultère à charge du défendeur, et qu'elle n'avait pas fait transcrire, mais que cette demande repose sur «un fait nouveau, à savoir 1a liaison actuelle [du défendeur] avec Madame H.»,
et, d'autre part, elle relève, pour apprécier le fondement de cette demande, qu'il doit «(...) être constaté en l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances de 1a cause, que [la demanderesse], qui était au courant depuis le 20 avril 1989 de la liaison [du défendeur] avec Madame H., mais a décidé, en 1993, de ne pas faire transcrire le divorce qu'elle avait obtenu, n'a pas pu être offensée par la poursuite de cette relation adultère au-delà de cette date, soit dix ans après la séparation de fait des parties».
Il est contradictoire de déclarer la demande en divorce de la demanderesse recevable parce qu'elle repose sur un fait nouveau, différent de l'adultère constaté le 20 avril 1989, à savoir la liaison actuelle du défendeur avec Madame H., et de dire ensuite que la demanderesse n'a pu être offensée par cette liaison puisque la demanderesse était au courant de celle-ci depuis le 20 avril 1989 et néanmoins n'a pas fait transcrire l'arrêt de la cour d'appel du 18 septembre 1993 autorisant le divorce aux torts du défendeur sur la base de l'adultère constaté le 20 avril 1989.
Dans la mesure même où la liaison actuelle du défendeur avec la dame H. est un fait nouveau par rapport à l'adultère constaté le 20 avril 1989, il est contradictoire de rejeter la demande en divorce fondée sur cette nouvelle liaison aux motifs que la demanderesse la connaissait déjà le 20 avril 1989 et que la demanderesse n'a pas fait transcrire le divorce qu'elle a obtenu sur la base de l'adultère constaté ce jour-là.
La décision de rejet de la demande en divorce de la demanderesse pour des faits nouveaux d'adultère, à charge du défendeur, n'est dès lors pas régulièrement motivée et viole l'article 149 de la Constitution.
Seconde branche
Conformément à l'article 213 du Code civil : «Les époux ont le devoir d'habiter ensemble ; ils se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance».
Suivant l'article 229 du Code civil : «Chaque époux pourra demander le divorce pour adultère de son conjoint».
Enfin, l'article 231 du Code civil prévoit que : «Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves de l'un d'eux envers l'autre».
Sur la base de ces dispositions, un époux qui fait constater un premier adultère de son conjoint et obtient le bénéfice d'un divorce déclaré aux torts dudit conjoint, sur pied des articles 229 et 231 du Code civil, mais ne fait pas transcrire ce divorce, notamment parce qu'il souhaite que la relation matrimoniale soit poursuivie, conserve le droit, si des faits nouveaux d'adultère de la part de son conjoint se produisent contrairement à ses espérances, d'introduire une nouvelle demande en divorce fondée sur ces faits nouveaux d'adultère, l'adultère étant toujours, au surplus, présumé injurieux.
Il est un principe premier du droit du mariage que l'obligation de fidélité qui en découle (cf. article 213 du Code civil) perdure aussi longtemps que dure le lien matrimonial, et s'oppose à tout mécanisme de disparition du caractère offensant de l'adultère, a fortiori d'un nouvel adultère.
Conformément au principe général du droit cité en tête du moyen, la demanderesse ne pourrait être présumée avoir renoncé à invoquer le caractère injurieux du nouvel adultère que si la non-transcription du divorce qu'elle a obtenu en 1993 ne pouvait s'expliquer que par sa volonté de renoncer à son droit de demander le divorce.
De plus, lorsque l'adultère est établi, il en résulte une présomption d'injure grave.
En l'espèce, l'arrêt n'a pas légalement décidé que la liaison du défendeur avec la dame H. avait perdu son caractère gravement injurieux en raison de la non-transcription du divorce que la demanderesse a obtenu en 1993.
Comme dit plus haut, l'obligation de fidélité subsiste pendant toute la durée du mariage en manière telle qu'une renonciation au caractère offensant de l'adultère ne peut être déduite de l'écoulement du temps mais uniquement de faits faisant apparaître de manière certaine que l'autre époux ne se sent plus offensé.
En l'occurrence la circonstance que la demanderesse n'a pas fait transcrire un divorce obtenu sur la base d'un adultère antérieur peut s'expliquer par la volonté de la demanderesse de tenter une réconciliation, par son refus de «légaliser» la nouvelle liaison du défendeur ou pour toute autre raison.
Le seul fait que, parallèlement à la non-transcription du divorce obtenu sur la base de l'adultère constaté le 20 avril 1989, la demanderesse a formé une nouvelle demande en divorce fondée sur la liaison «actuelle» du défendeur avec la dame H., tend à prouver que la demanderesse a été offensée et est toujours offensée par ce nouvel adultère.
En disant que ce dernier est un fait nouveau par rapport à l'adultère constaté le 20 avril 1989, l'arrêt a lui-même admis, implicitement du moins, que la renonciation au bénéfice du divorce obtenu sur la base d'un premier adultère ne peut être interprétée comme une renonciation à se prévaloir de l'actuelle liaison du défendeur avec la dame H. et de son caractère gravement fautif et injurieux.
Il s'ensuit que l'arrêt n'a pas pu légalement décider que la demanderesse n'a pas été offensée par la relation actuelle du défendeur avec la dame H. étant donné qu'elle connaissait cette liaison «depuis le 20 avril 1989» et qu'elle n'a pas fait transcrire le divorce qu'elle a obtenu en 1993 sur la base de «l'adultère constaté le 20 avril 1989» (violation des articles 213, 229 et 231 du Code civil, des articles 1349 et 1353 du Code civil sur la preuve par présomption de l'homme et du principe général du droit cité en tête du moyen, dispositions qui interdisent la déduction d'une renonciation à un droit, en l'occurrence, la perte du caractère offensant d'un adultère, de faits susceptibles de plusieurs interprétations).
Second moyen
Dispositions légales violées
- articles 3, principalement alinéa 3, et 301 du Code civil;
- article 570, alinéa 2, 1°, du Code judiciaire;
- article 3 de la loi du 27 juin 1960 sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un des conjoints au moins est étranger.
Décisions et motifs critiqués
La décision par laquelle l'arrêt attaqué a décidé de retenir la loi belge comme étant la loi régissant les obligations alimentaires entre parties, en tant que loi applicable à la cause du divorce et, partant, devant également être appliquée aux effets du divorce (obligations alimentaires), le divorce étant en l'occurrence prononcé sur la base de l'article 231 du Code civil (injures graves) aux torts de la demanderesse.
La décision en découlant suivant laquelle la demande de pension alimentaire après divorce de la demanderesse doit être déclarée non fondée en application de l'article 301 du Code civil, en particulier § 1er, qui ne permet d'accorder une pension alimentaire qu'à l'époux qui a obtenu le divorce.
Les motifs de l'arrêt :
«4. En ce qui concerne (la demande) de pension alimentaire après divorce
[.]
4.2. Devant la cour [d'appel], comme devant le premier juge, [le défendeur] soutient que la demande de pension alimentaire après divorce formée par [la demanderesse] est irrecevable ou à tout le moins non fondée.
Si la recevabilité de cette demande - formée à un moment où les actions en divorce n'étaient pas encore jugées - ne pose pas problème, il en est autrement en ce qui concerne son fondement.
Il n'est pas contesté que la législation belge ne permet au tribunal d'accorder une pension alimentaire après divorce qu'à l'époux qui a obtenu le divorce (article 301 du Code civil), ce qui n'est pas le cas de [la demanderesse] en l'espèce.
Cependant, [la demanderesse] fonde sa demande de pension alimentaire après divorce sur la loi britannique, qui est celle de la première résidence conjugale des parties, ou, subsidiairement, sur la loi française, qui est celle de sa résidence habituelle.
4.3. La détermination de la loi qui, en matière de pension alimentaire après divorce, doit prévaloir dans l'hypothèse où le créancier et le débiteur d'aliments sont de nationalité différente, est très controversée.
Un premier courant rattache la pension alimentaire après divorce à la loi qui régit les effets du mariage, au motif que seul l'état préexistant de mariage justifie le droit d'une des parties à une pension à charge de l'autre. Cette option soulève de nouvelles questions lorsque les ex-époux sont de nationalité différente.
Certains retiennent alors la loi des 'effets personnels' du mariage, qui pourrait être celle de la dernière résidence conjugale des parties. C'est la solution préconisée par l'avocat général Liekendael dans ses conclusions avant l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1994 (Pas., 1994, I, 603).
Cette solution, qui n'est envisagée par aucune des parties, conduit en l'espèce à l'application de la loi irlandaise, les parties ayant résidé en Irlande de 1975 jusqu'à leur séparation en 1983.
D'autres retiennent la loi des 'effets patrimoniaux' du mariage, qui pourrait être celle de la première résidence conjugale. C'est la thèse principale de [la demanderesse].
Cette solution conduit en l'espèce à l'application de la loi britannique, les parties ayant eu leur première résidence conjugale en Grande-Bretagne.
Un deuxième courant rattache la pension alimentaire après divorce à la loi qui a été appliquée à la cause du divorce. C'est la solution retenue par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, qui a été ratifiée par une quinzaine de pays, pour la plupart membres de l'Union européenne, mais pas par la Belgique.
Cette solution conduit en l'espèce à l'application de la loi belge.
Enfin, un courant doctrinal récent estime qu'il n'y a pas de raison de soustraire les obligations alimentaires entre ex-conjoints au régime de droit commun des aliments. C'est la thèse subsidiaire de [la demanderesse]. Elle est appuyée par des spécialistes de droit international privé, réunis à la session d'Helsinki de l'Institut de droit international (cf. N. Watté, Les conséquences juridiques du divorce en droit international privé, note sous Cass., 16 juin 1994, R.C.J.B., 1996, p. 31).
Cette solution conduit en l'espèce à l'application de la loi française, la créancière d'aliments ayant depuis plus de vingt ans sa résidence habituelle en France, où se localisent donc les besoins à satisfaire.
4.4. D'un point de vue conceptuel, le rattachement de la pension alimentaire après divorce à la loi qui régit les effets du mariage est très contestable. Bien que la notion de divorce implique nécessairement la préexistence d'un mariage, la dissolution du mariage met fin aux relations entre époux en tant que tels. En ce sens, la pension alimentaire après divorce est bien une conséquence juridique du divorce, et non du mariage.
Il semble donc logique que la loi qui a été appliquée à la cause du divorce soit également appliquée aux effets du divorce.
L'article 301 du Code civil fait d'ailleurs partie du chapitre intitulé 'des effets du divorce'.
La référence à la loi sur la base de laquelle le divorce a été prononcé fait correspondre l'attribution d'aliments au mode de
dissolution du mariage intervenu. Elle fait du divorce et de ses conséquences 'une entité juridique cohérente' (N. Watté, o. c., p. 33).
Ainsi, par exemple, lorsque, selon la loi du divorce, le demandeur en divorce est considéré ou présumé être la partie contre laquelle la dissolution du mariage est prononcée, c'est ôter un élément substantiel au régime de la dissolution que d'attribuer des aliments en fonction des besoins du créancier par l'application d'une loi distincte (F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, t. II, Larcier, 1993, p. 353).
La cour [d'appel] considère que c'est bien la législation belge qui régit les obligations alimentaires futures entre les parties, dont le divorce est prononcé sur la base de l'article 231 du Code civil belge. En conséquence, la demande de pension alimentaire après divorce formée par [la demanderesse] n'est pas fondée, le divorce étant prononcé à ses torts».
Griefs
L'arrêt décide ainsi que doit être appliquée à la demande d'une pension alimentaire formée par la demanderesse la loi qui a régi la cause du divorce, en l'espèce la loi belge, car «la loi applicable aux effets du divorce doit être la même que celle appliquée aux causes», ceci ayant pour conséquence qu'est non fondée la demande de la demanderesse d'une pension puisque, selon l'article 301 du Code civil belge, seul l'époux qui obtient le divorce peut solliciter le paiement d'une pension par l'époux aux torts duquel le divorce est prononcé.
La demanderesse avait toutefois soutenu en conclusions, à titre principal - ce que l'arrêt rappelle d'ailleurs - que la loi applicable à la pension alimentaire après divorce, était la loi régissant le statut personnel des époux, qui correspondait à la loi britannique en tant que loi de la nationalité préférentielle du défendeur, ou en tant que loi de la première résidence conjugale des époux.
En ordre subsidiaire, la demanderesse s'était prévalue de la loi française, loi applicable aux obligations alimentaires, en tant que loi du pays où la demanderesse a sa résidence habituelle, dès lors qu'elle serait déclarée créancière d'aliments.
Tant la loi britannique que la loi française permettent à la demanderesse de faire valoir un droit à obtenir une pension alimentaire après divorce à charge du défendeur.
La décision de l'arrêt suivant laquelle la législation belge régit les obligations alimentaires après divorce puisque le divorce entre parties a été prononcé (aux torts de la demanderesse) sur la base de l'article 231 du Code civil belge n'est pas légalement justifiée.
En effet, la demande de l'époux divorcé tendant à obtenir une pension de l'autre époux est si étroitement liée aux relations personnelles des époux, dont elles apparaissent comme une survivance, qu'elle ne peut être jugée qu'en application de la loi régissant le statut personnel des ex-conjoints.
Lorsque ceux-ci ont la même nationalité, leur statut personnel est régi par la loi de leur nationalité commune. Lorsque, comme en l'espèce, les ex-conjoints sont de nationalité différente, la demande d'une pension alimentaire doit être jugée en appliquant la loi nationale de l'un ou de l'autre mais certainement pas une loi étrangère à l'un et à l'autre puisque, comme il vient d'être dit, cette demande est étroitement liée à leur statut personnel.
En l'espèce, l'application de la loi anglaise, loi de la nationalité du défendeur et loi de la première résidence conjugale, paraît s'imposer.
Ceci est indirectement confirmé par l'article 3 de la loi du 27 juin 1960 sur l'admissibilité du divorce lorsqu'un des conjoints au moins est étranger. Ledit article 3 dispose que «la détermination des causes du divorce relève de la loi belge».
Cette disposition est limitative et permet d'induire que lorsque, comme en l'espèce, aucun des deux ex-époux n'a la nationalité belge, la détermination des effets du divorce ne relève certainement pas de la loi belge.
Dès lors, en décidant que la législation belge, l'article 301 du Code civil plus particulièrement, plutôt que la loi anglaise ou subsidiairement la loi française, est applicable à la demande de pension alimentaire après divorce, l'arrêt viole l'article 3, principalement l'alinéa 3, du Code civil qui détermine de façon restrictive les cas d'application de la loi belge aux étrangers et qui prévoit implicitement en son alinéa 3 que tout ce qui touche au statut personnel de personnes étrangères est régi en Belgique par leur loi nationale, sauf atteinte, inexistante en l'espèce, à l'ordre public belge ou à une règle d'ordre public belge (comp. article 570, alinéa 2, 1°, du Code judiciaire).
L'arrêt viole également l'article 3 précité de la loi du 27 juin 1960 citée en tête du moyen ainsi que l'article 301 du Code civil en l'appliquant dans les circonstances décrites ci-dessus.
La décision de la Cour
Sur le premier moyen:
Quant à la première branche:
Il n'est pas contradictoire de décider, d'une part, que la nouvelle demande en divorce de la demanderesse est recevable au motif qu'elle est fondée sur un fait nouveau et, d'autre part, que ce fait nouveau n'est pas offensant pour la demanderesse.
Quant à la seconde branche:
L'arrêt décide qu'«eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, [la demanderesse], qui était au courant depuis le 20 avril 1989 de la liaison [du défendeur] avec la dame H. mais a décidé, en 1993, de ne pas faire transcrire le divorce qu'elle avait obtenu, n'a pu être offensée par la poursuite de cette relation adultère au-delà de cette date, soit dix ans après la séparation de fait des parties».
L'arrêt décide que la liaison du défendeur a perdu son caractère gravement injurieux,non en raison de l'absence de transcription du divorce obtenu par la demanderesse en 1993, mais «eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause».
Le moyen manque en fait.
Sur le second moyen:
Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la demanderesse est de nationalité française, que le défendeur a les nationalités irlandaise et britannique, que les parties se sont établies d'abord en Angleterre, puis en Irlande, et qu'actuellement, la demanderesse a sa résidence habituelle en France tandis que le défendeur réside en Belgique.
L'arrêt confirme, par une décision non critiquée, le jugement entrepris en ce qu'il prononce le divorce aux torts de la demanderesse sur la base de l'article 231 du Code civil belge.
L'arrêt rattache la demande de pension alimentaire après divorce à la loi appliquée à la cause du divorce, soit en l'espèce la loi belge, et décide que cette demande n'est pas fondée en vertu de l'article 301 du Code civil, le divorce ayant été prononcé aux torts de la demanderesse.
Le moyen soutient que la demande de pension alimentaire après divorce est si étroitement liée aux relations personnelles des ex-époux qu'elle ne peut être jugée qu'en application de la loi régissant leur statut personnel, que lorsque ceux-ci ont des nationalités différentes, la demande doit être jugée en appliquant la loi nationale de l'un ou de l'autre et qu'en l'espèce l'application de la loi anglaise, loi de la nationalité du défendeur et loi de la première résidence conjugale, paraît s'imposer.
Lorsque, comme en l'espèce, les ex-époux n'ont pas la même nationalité et résident dans des pays différents, le choix de la loi régissant leur statut personnel conduit à appliquer la loi de la résidence habituelle du créancier d'aliments.
Si le juge avait appliqué la loi régissant le statut personnel des parties, il eût dû faire choix de la loi de la résidence habituelle de la demanderesse, soit la loi française.
En vertu de l'article 8 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, entrée en vigueur en France le 1er octobre 1977, la loi appliquée au divorce régit, dans l'Etat contractant où celui-ci est prononcé ou reconnu, les obligations alimentaires entre les époux divorcés. L'article 3 de ladite convention dispose que la loi désignée s'applique indépendamment de toute condition de réciprocité, même s'il s'agit de la loi d'un Etat non contractant.
Dès lors, à supposer qu'elle eût fait application de la loi française, la cour d'appel eût dû constater que cette loi renvoyait à la loi du divorce, soit la loi belge.
Dénué d'intérêt, le moyen est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent nonante-deux euros quarante-six centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, le président de section Philippe Echement, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis et Daniel Plas, et prononcé en audience publique du dix février deux mille six par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.