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27/04/2006 | BELGIQUE | N°C.04.0093.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 avril 2006, C.04.0093.N


FORTIS COMMERCIAL FINANCE, s.a.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
PARIS EXPRESS SERVICE, s.a.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 juin 2003 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
Articles 1121, 1165, 1689, 1690 et 1691 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt

attaqué déclare l'appel de la défenderesse recevable et fondé, déclare l'appel incident et la nouv...

FORTIS COMMERCIAL FINANCE, s.a.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
PARIS EXPRESS SERVICE, s.a.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 juin 2003 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
Articles 1121, 1165, 1689, 1690 et 1691 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué déclare l'appel de la défenderesse recevable et fondé, déclare l'appel incident et la nouvelle demande de la demanderesse recevables mais non fondés et l'en déboute, confirme le jugement dont appel dans la mesure où il déclare la demande originaire de la demanderesse fondée et où il taxe les dépens, annule le jugement dont appel pour le surplus et, statuant à nouveau, déclare la demande de la demanderesse tendant à obtenir la condamnation de la défenderesse au paiement d'une somme de 4.877.474 francs, majorée des intérêts judiciaires, non fondée et déboute la demanderesse de cette demande.
Cette décision est fondée sur les motifs suivants:
«2. La société anonyme Paris Express se réfère au contrat de factoring qui a été conclu entre la société privée à responsabilité limitée F1 Courier et la société anonyme Belgo-Factors et invoque la disposition de l'article 1er des conditions générales de ce contrat suivant lequel les créances sur les débiteurs qui interviennent aussi en tant que créancier, ne peuvent être cédées à la société de factoring.
La société anonyme Paris Express en déduit que les factures litigieuses n'ont pas été légalement cédées par la société privée à responsabilité limitée F1 Courier à la société anonyme Paris Express dès lors qu'elles sont débitrice et créancière l'une à l'égard de l'autre.
La société anonyme Paris Express dépose des photocopies de dix-sept factures qu'elle a émises au nom de la société privée à responsabilité limitée F1 Courier au cours de la même période que les factures litigieuses.
Les factures émises par la société privée à responsabilité limitée F1 Courier et la société anonyme Paris Express à leurs noms respectifs concernaient des prestations de même nature, à savoir des prestations de transport.
La société anonyme Paris Express énonce, dès lors, à juste titre qu'elle-même et la société privée à responsabilité limitée F1 Courier étaient tant créancière que débitrice l'une à l'égard de l'autre.
La société anonyme Fortis, auparavant société anonyme Belgo-Factors, remarque qu'elle n'était pas tenue de notifier le contrat de factoring à la société anonyme Paris Express, qu'elle devait uniquement notifier la cession à cette dernière et que, pour le surplus, en ce qui concerne ce contrat, il peut uniquement être fait application de l'article 1165 du Code civil, ce qui signifie que le contrat de factoring n'a d'effet qu'entre les parties contractantes, et que les tiers sont tenus de reconnaître le mode d'exécution de ce contrat.
L'article 1165 du Code civil dispose que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et qu'elles ne nuisent point aux tiers et ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 du Code civil.
Cela n'empêche toutefois pas que la société anonyme Paris Express peut invoquer non seulement l'existence de ce contrat mais aussi ses effets entre les parties contractantes comme moyen de défense contre la demande de la société anonyme Fortis - auparavant société anonyme Belgo-Factors.
Si un tiers, en-dehors de l'existence d'une clause à son avantage, ne peut réclamer l'exécution à son profit des obligations résultant de la convention, l'article 1165 du Code civil n'empêche pas au contraire qu'un tiers au contrat peut invoquer l'existence de ce contrat mais aussi les effets qu'il a entre les parties contractantes, soit pour fonder la demande qu'il introduit contre l'une des parties soit comme moyen de défense contre la demande qu'une des parties a introduit contre lui (voir Cass., 22 avril 1977, Pas., 1977, 860).
Cela signifie, en l'espèce, que la société anonyme Paris Express peut invoquer comme moyen de défense contre la demande de la société anonyme Fortis, auparavant société anonyme Belgo Factors, la clause du contrat suivant laquelle les créances sur les débiteurs qui interviennent aussi comme créanciers, ne peuvent être cédées à une société de factoring.
Dès lors que la société Paris Express démontre à suffisance qu'elle-même et la société privée à responsabilité limitée F1 Courier étaient créancière et débitrice l'une à l'égard de l'autre, il y a lieu de constater que les factures qui font l'objet de la demande de la société anonyme Fortis ne pouvaient être cédées par la société privée à responsabilité limitée F1 Courier à la société anonyme Paris Express.
Il s'ensuit que la société anonyme Fortis ne peut invoquer la cession pour s'opposer à la société anonyme Paris Express, de sorte que sa demande semble non fondée.
La circonstance que la société anonyme Belgo-Factors n'était pas tenue de notifier le contrat de factoring à la société anonyme Paris Express est sans pertinence dès lors que cela n'a pas pour conséquence que la société anonyme Paris Express ne pourrait pas invoquer l'existence ni les effets de ce contrat comme moyen de défense contre la demande.
La demande de la société anonyme Fortis, auparavant société anonyme Belgo-Factors, est dès lors rejetée comme étant non fondée.
3. Dès lors que l'appel de la société anonyme Paris Express est fondé, la demande de la société anonyme Fortis tendant à obtenir une indemnité du chef de recours téméraire et vexatoire est, dès lors, non fondée, ainsi que son appel incident.
Griefs
Conformément à l'article 1689 du Code civil, le transport de créance entre les parties ainsi qu'à l'égard des tiers est réalisé par le simple consentement, étant entendu que l'article 1690, alinéa 2, du Code civil dispose expressément que la cession n'est opposable au débiteur cédé qu'à partir du moment où elle a été notifiée au débiteur cédé ou reconnue par celui-ci.
Il ressort de cette disposition légale que seul le fait de la cession doit être notifié au débiteur cédé à l'exclusion du contenu du contrat de cession.
Le débiteur est en effet un tiers à l'égard de cette convention et le contenu de celle-ci ne l'intéresse pas.
Si le débiteur peut invoquer à l'égard du cessionnaire les exceptions qui existaient au moment de la notification de la cession de la créance, dès lors que la cession de la créance ne peut aggraver la situation du débiteur et que, sauf accord dérogatoire du débiteur, la créance est ainsi cédée dans l'état où elle se trouve au moment de la cession, il ne pourra pas puiser d'exception dans le contrat conclu entre le créancier originaire et le cessionnaire, qui reste pour lui une 'res inter alios acta', pour éviter le paiement de la créance cédée entre les mains du cessionnaire.
Aux termes de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.
En-dehors du cas d'une clause stipulée en sa faveur, un tiers ne peut réclamer l'exécution à son profit d'obligations qui résultent d'une convention; il ne peut pas davantage, dans le but de limiter ses obligations à l'égard d'un des contractants, invoquer une convention à laquelle il n'est pas partie, comme étant obligatoire. Enfin, il devra aussi reconnaître le fait de l'inexécution de cette convention.
Il ressort de ce qui précède que, dès que la cession de créance est notifiée au débiteur, celui-ci ne pourra se libérer qu'entre les mains du cessionnaire, le tout sous réserve des exceptions qu'il puise dans le rapport juridique qui sert de fondement à la créance cédée.
Il ressort, en l'espèce, des considérations de l'arrêt attaqué que les créances, dont le paiement est réclamé par la demanderesse, ont été cédées à la demanderesse, étant entendu que la défenderesse a contesté qu'elles avaient été cédées régulièrement, eu égard au contenu du contrat de factoring et que la demanderesse a envoyé huit notifications spécifiques de la cession avec une demande de paiement à la défenderesse, mentionnant à chaque fois que ladite facture lui a été cédée par la société privée à responsabilité limitée F1 Courier.
En outre, la demanderesse a invoqué explicitement à la page 3, numéro 4, de ses conclusions d'appel que la cession de toutes les factures, y compris les factures litigieuses, était immédiatement opposable à la défenderesse conformément aux dispositions de l'article 1690, alinéa 2, du Code civil, en raison de l'apposition au recto de chaque facture d'un autocollant vert indiquant la cession et du fait que seuls les paiements effectués entre les mains de la demanderesse pouvaient être considérés comme étant libératoires, de sorte que la cession de toutes les factures était opposable au destinataire des factures et qu'en outre, quelques jours après les factures, la défenderesse a encore reçu de la part de la demanderesse un avis de cession pour chaque facture comprenant au bas de ce document un formulaire de cession pré-imprimé afin de permettre au débiteur de régler cette facture par versement sur le compte de la demanderesse.
Conclusion
La cour d'appel ne pouvait légalement décider sur la base des constatations faites, desquelles il ressort, d'une part, que les factures litigieuses ont été cédées par le créancier originaire à la demanderesse et, d'autre part, que la notification de ces cessions à la défenderesse avait effectivement eu lieu, que, pour se défendre contre la demande de la demanderesse, la défenderesse pouvait invoquer une clause puisée dans le contrat de factoring conclu entre le créancier originaire et la demanderesse, suivant laquelle les créances sur les débiteurs qui interviennent aussi comme créancier ne pouvaient être cédées à la société de factoring, et méconnaît ainsi tout d'abord la force obligatoire relative due au contrat de factoring (violation des articles 1121, 1165, 1689 et 1690 du Code civil), méconnaît ensuite les effets juridiques liés à la notification de la cession de la facture au débiteur (violation des articles 1690, alinéa 2, et 1691 du Code civil) et, enfin, statue en violation de la règle suivant laquelle le débiteur ne peut invoquer à l'égard du cessionnaire que les exceptions qu'il puise dans la convention servant de fondement à la créance cédée, pour autant qu'elles existaient déjà au moment de la notification de la cession, à l'exclusion de celles qui concernent les rapports mutuels entre le créancier originaire-cédant et le cessionnaire (violation des articles 1165, 1689, 1690 et 1691 du Code civil).
La décision de la Cour
1. Suivant l'article 1690, alinéa 2, du Code civil, la cession de créance n'est opposable au débiteur cédé qu'à partir du moment où elle a été notifiée au débiteur cédé ou reconnue par celui-ci. Seul le fait de la cession doit être notifié au débiteur cédé.
2. La notification peut être faite tant à l'intervention du cédant qu'à celle du cessionnaire.
3. Lorsque la notification de la cession de créance est faite à la seule intervention du cessionnaire, le débiteur cédé ne peut invoquer à l'égard de ce cessionnaire que des moyens portant sur la cession même et non des moyens fondés sur la validité ou la teneur de la convention sous-jacente entre le cédant et le cessionnaire ou sur le respect de cette convention.
4. Les juges d'appel qui, après avoir constaté que les créances ont été cédées, ont considéré que la défenderesse, en tant que débiteur cédé, peut invoquer le moyen de défense, suivant lequel les créances ne pouvaient être cédées en vertu du contrat de cession, ont ainsi violé les dispositions légales visées au moyen.
5. Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il déclare l'appel recevable;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause ainsi limitée devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Ernest Waûters, les conseillers Greta Bourgeois, Eric Dirix et Albert Fettweis, et prononcé en audience publique du vingt-sept avril deux mille six par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Daniels Plas et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.04.0093.N
Date de la décision : 27/04/2006
1re chambre (civile et commerciale)

Analyses

OBLIGATION - Cession de créance - Notification /

Seul le fait de la cession de la créance doit être notifié au débiteur cédé ; cette notification peut être faite tant à l'intervention du cédant qu'à celle du cessionnaire.


Références :

Voir Cass., 28 octobre 1994, RG C.93.0047.N, n° 459.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2006-04-27;c.04.0093.n ?
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