BASF ANTWERPEN, s.a.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
EUROFTAL, s.a.,
représentée par ses liquidateurs
1. V.I. D.,
2. V. R.
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 avril 2004 par la cour d'appel de Gand.
Le président Ivan Verougstraete a fait rapport.
L'avocat général Dirk Thijs a conclu.
Les faits
Suivant l'arrêt les faits peuvent être résumés de la manière suivante:
Le 21 juin 1995, la société anonyme CNO, prédécesseur de la demanderesse, a conclu un contrat pour la livraison de services et d'énergie avec la défenderesse. L'article 7 du contrat prévoit les conditions de facturation et les modalités de paiement. Un système de provisions mensuelles et de paiement du solde tous les quatre mois a été convenu.
Le 15 septembre 2000, la défenderesse a déposé une demande de concordat, et le tribunal de commerce de Bruges, section de Ostende, lui a accordé , dans ses jugements des 28 septembre 2000 et 22 février 2001, un sursis provisoire jusqu'au 16 juin 2001.
En exécution du jugement du 28 septembre 2000, qui invitait les créanciers à faire une déclaration de leur créance, la société anonyme CNO a introduit une déclaration de sa créance sur la défenderesse pour un montant de 486.668,60 euros, qui a été admise.
Au cours de la période de sursis provisoire, la défenderesse a continué à se fournir en énergie auprès de la société anonyme CNO avec l'accord des commissaires au sursis.
La société anonyme CNO a facturé ces livraisons par voie de provisions conformément aux dispositions du contrat du 21 juin 1995. Lors du décompte final des livraisons faites par la société anonyme CNO pendant la période allant de janvier à avril 2001 inclus, elle a émis des notes de crédit le 15 juin 2001 pour un montant total de 173.644,92 euros dès lors que les factures de provision excédaient les livraisons effectivement effectuées.
Dans sa lettre recommandée du 18 juin 2001, la société anonyme CNO a réclamé aux commissaires au sursis la compensation légale entre sa dette de 173.644,92 euros résultant de ces notes de crédit et le montant de sa créance admise de 486.668,60 euros. La société anonyme CNO a ainsi réduit sa créance sur la défenderesse à 313.023,68 euros.
Les commissaires au sursis ont compensé toutefois la somme de 173.644,92 euros résultant des notes de crédit avec les livraisons d'énergie du mois de mai 2001, qui s'élevaient à 263.701,79 euros. Au mois de juin 2001, ils ont transféré la différence à la société anonyme CNO à concurrence de 90.056,87 euros et ont soutenu avoir ainsi liquidé toutes les livraisons effectivement effectuées par la société anonyme CNO au cours de la période de sursis provisoire.
La société anonyme CNO a contesté, par lettres recommandées des 4 et 20 juillet 2001, la compensation retenue par les commissaires au sursis. Elle a soutenu que la compensation était intervenue entre la déclaration de créance et les notes de crédit dont elle a informé les commissaires au sursis le 18 juin 2001 et qu'ils n'ont pas contestées.
Le 11 septembre 2001, le conseil de la demanderesse a sommé, à nouveau, les liquidateurs de la défenderesse à payer la somme de 173.644,92 euros. Il a invoqué une compensation conventionnelle intervenue auparavant et a proposé de citer la défenderesse en faillite afin d'éviter qu'on lui reproche de n'avoir pas demandé l'application de l'article 44 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire. La citation est introduite le 21 novembre 2001 et la demanderesse a invoqué qu'elle avait un intérêt légitime dans la déclaration de faillite de la défenderesse, sur la base de l'article 44 précité.
Dans son jugement du 8 août 2002, la troisième chambre du tribunal de commerce de Bruges, section de Ostende, a déclaré la demande de déclaration de faillite de la demanderesse non fondée à défaut d'intérêt.
Le 19 décembre 2002, la demanderesse a formé appel contre ledit jugement. La défenderesse a formé appel incident afin d'entendre dire pour droit que le droit de la demanderesse à la compensation entre le montant de 173.644,92 euros et sa créance de 486.688,60 euros était injuste.
Dans son arrêt du 26 avril 2004, la cour d'appel de Gand a déclaré l'appel de la demanderesse recevable mais non fondé. Ensuite, la cour d'appel a décidé pour droit que la demanderesse ne peut faire valoir une dette de la masse de 173.644,92 euros sur la défenderesse, comme prévu par l'article 44 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire.
Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- articles 149 de la Constitutioncoordonnée ;
- articles 1134, 1135, 1234, 1289, 1290, 1291, alinéa 1er, 1292, 1298, 1319, 1320 et 1322 du Code civil et 7 et 8 de la loi hypothécaire (formant le titre XVIII du Code civil);
- articles 13, spécialement alinéa 2, 15, § 1er, 21, spécialement § 1er, alinéa 1er et 2, 28, 32, 35, spécialement alinéa 1er, et 44 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué dit pour droit que la demanderesse ne peut faire valoir une dette de la masse de 173.644,92 euros sur la défenderesse comme prévu par l'article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997, sur la base notamment des considérations suivantes:
«2.2. Lorsque la demanderesse a fondé sa demande sur une créance prétendue de 173.644,92 euros qui constituerait une dette de la masse de la liquidation, les liquidateurs de la défenderesse forment une demande reconventionnelle qui tend à entendre dire pour droit que la créance de 173.644,92 euros ne constitue pas une dette de la masse.
La demanderesse ne conteste que le bien-fondé de cette demande reconventionnelle dans ses conclusions.
La cour constate à cet égard que la demanderesse (1) invoqué à tort la compensation entre 'sa créance de 486.668,60 euros' et 'ses notes de crédit de 173.644,92 euros' et (2) qu'elle ne peut prétendre à une dette de la masse de 173.644,92 euros à défaut d'opérations/commandes impayées, que la défenderesse a fait avant sa mise en liquidation au cours de la procédure en concordat auprès du prédécesseur de la demanderesse.
2.2.1. Les jugements des 28 septembre 2000 et 22 février 2001 ont accordé à la défenderesse avant sa mise en liquidation en exécution de la loi relative au concordat judiciaire un sursis provisoire du 28 septembre 2000 au 16 juin 2001.
Par ces décisions la loi du 17 juillet 1997 garantit aux créanciers le traitement égal de leurs créances pour lesquelles la loi leur demande de faire une déclaration (voir article 16 et 25 de la loi du 17 juillet 1997).
Il est statué sur la liquidation de ces créances au moment où les créanciers et le tribunal se prononcent sur le plan de redressement et sur le sursis définitif (voir les articles 31 et suivants de la loi du 17 juillet 1997).
L'approbation du plan de redressement par le tribunal, après que les créanciers admis ont déjà approuvé le plan, rend le plan contraignant pour tous les créanciers, la loi du 17 juillet 1997 assurant à nouveau le traitement égal des créanciers pour les créances qui existaient avant la procédure en concordat (voir article 35 de la loi du 17 juillet 1997).
Les actions qui résultent au cours de la procédure en concordat d'actes ou d'opérations accomplis par le débiteur afin d'assurer la continuité de l'entreprise dans l'attente de l'approbation du plan de redressement ont une finalité propre et se poursuivent indépendamment des créances qui existaient avant la procédure en concordat et le législateur a prévu une réglementation propre si elles restent dues en cas de faillite (voir l'article 44 de la loi du 17 juillet 1997).
2.2.2. Il s'ensuit que les créances pour lesquelles il y a eu une déclaration et qui ont été acceptées au passif, ne peuvent plus être 'légalement compensées' au cours de la procédure en concordat avec des décomptes résultant d'actes accomplis par le débiteur au cours du sursis provisoire afin d'assurer la continuité de l'entreprise dans l'attente de l'approbation du plan de redressement.
En outre, la demanderesse n'apporte pas la preuve d'une compensation conventionnelle qui aurait été convenue par les commissaires au sursis en violation de l'égalité de traitement des créanciers admis garantie par la loi du 17 juillet 1997. Cette affirmation est contredite de manière circonstanciée par la compensation faite par les commissaires en juin 2001 entre 'des notes de crédit s'élevant à 173.644,92 euros concernant des actes accomplis par la défenderesse avant sa mise liquidation au cours de la procédure en concordat et la somme de 263.701,79 euros de commandes/livraisons qui ont encore été exécutées au cours de la procédure en concordat'.
2.2.3. Au cours de la période allant du 17 juin (lorsqu'il a été mis fin au sursis provisoire) au 28 juin 2001 (date à laquelle le tribunal de commerce de Bruges a rendu contraignant pour tous les créanciers le plan de redressement approuvé) il ne pouvait pas davantage y avoir de 'compensation légale' sans déroger (1) à l'accord donné par la demanderesse et les autres créanciers le 15 juin 2001 à ce mode de liquidation des créances et (2) à la décision sur le concordat judiciaire qui se réalise par des opérations successives mais qui constitue un ensemble (voir aussi point 2.1.1. alinéa 3).
Le 28 juin 2001, le tribunal de commerce de Bruges, section de Ostende, a approuvé le plan de redressement, qui avait déjà été accepté le 15 juin 2001 par le prédécesseur de la demanderesse, qui prévoyait la compensation des créances avec 'le solde des revenus de l'actif de la défenderesse qui subsisterait après la liquidation des dettes de la masse prévue par l'article 44 de la loi du 17 juillet 1997' et a mis fin ainsi à la procédure en concordat. Les conditions prévues par le plan de redressement approuvé sont contraignantes pour tous les créanciers.
2.2.4. En cas de faillite, les actes accomplis par le débiteur au cours de la procédure en concordat avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis, sont considérées comme des dettes de la masse faillie qui seront liquidées par préférence aux autres créances (voir article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997).
Les actes accomplis en l'espèce par la défenderesse avant sa mise en liquidation au cours de la procédure en concordat avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis, concernent des commandes d'énergie. Seules 'les créances résultant de commandes d'énergie faites par la défenderesse avant sa mise en liquidation au cours de la procédure en concordat' bénéficient aussi de l'article 44, alinéa 2 de la loi du 17 juillet 1997.
Le prédécesseur de la demanderesse a compensé ces commandes/livraisons d'énergie d'abord de manière provisoire pour les compenser ensuite de manière définitive. Un paiement provisoire de ces commandes d'énergie requiert de toute façon une compensation définitive qui doit être calculée sur les actes/commandes qui ont été accomplis au cours de la procédure en concordat.
Il ressort des constatations faites sous le point 1.4.7. que les commissaires au sursis ont aussi liquidé les actes/commandes accomplis par la défenderesse avant sa mise en liquidation au cours de la procédure en concordat, de sorte que la demanderesse ne peut prétendre à une dette de la masse de 173.644,92 euros», (voir arrêt attaqué p. 10-13).
et
«Les liquidateurs de la défenderesse ont en outre défendu les intérêts des créanciers en contestant la prétention de la demanderesse qui tend à faire admettre sa créance de 173.644,92 euros en tant que dette de la masse. En raison du concours qui est né lors de la mise en liquidation de la société et en vertu du principe d'égalité dont le concours constitue l'expression, les créanciers doivent pouvoir compter sur le fait qu'un créancier non privilégié ne reçoit pas un montant plus important qu'eux-mêmes» (ibidem p. 10, premier tiret).
Griefs
(.)
Seconde branche
2.1. L'article 1289 du Code civil dispose que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes de la manière et dans les cas prévus par la loi.
Aux termes de l'article 1290 du même Code, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs et les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.
2.2.1. L'arrêt attaqué constate que:
(1) le 15 septembre 2000 ( avant sa mise en liquidation) la défenderesse a déposé une requête en vue d'obtenir un concordat judiciaire;
(2) le tribunal de commerce a autorisé le sursis provisoire jusqu'au 16 juin 2001;
(3) le plan de redressement déposé par la défenderesse (avant sa mise en liquidation) a été approuvé par les créanciers le 15 juin 2001 et par le tribunal de commerce le 28 juin 2001 et
(4) dans son jugement du 19 juillet 2001, le tribunal de commerce a ordonne la liquidation judiciaire de la défenderesse (avant sa mise en liquidation) (voir arrêt attaqué, p. 3-6, n° 1.4.2., 1.4.8.9).
2.2.2. L'arrêt constate en outreque :
(1) le prédécesseur de la demanderesse a conclu le 21 juin 1995 un contrat de livraison de services et d'énergie avec la défenderesse (avant sa mise en liquidation),
(2) le prédécesseur de la demanderesse a introduit le 9 novembre 2000 une déclaration de créance admise sur la défenderesse (avant sa mise en liquidation) à concurrence de 486.668,80 euros,
(3) au cours de la période de sursis provisoire, la défenderesse (avant sa mise en liquidation) a continué à se fournir en énergie avec l'accord des commissaires au sursis auprès du prédécesseur de la demanderesse,
(4) le prédécesseur de la demanderesse a émis des notes de crédit à concurrence de 173.644,92 euros étant donné que ses factures provisionnelles excédaient les livraisons effectivement fournies pour la période allant de janvier à avril 2001 et
(5) dans sa lettre du 18 juin 2001, le prédécesseur de la demanderesse a prétendu à une compensation légale entre sa dette de 173.644,92 euros résultant de notes de crédit et sa créance de 486.668,60 euros qui a été admise au passif de la défenderesse (avant sa mise en liquidation) (ibidem, p. 3-4, n° 1.4.1., 1.4.3.-5).
2.3.1. Le concordat judiciaire, comme en l'espèce celui de la défenderesse (avant sa mise en liquidation) accorde notamment un sursis provisoire au débiteur-demandeur du concordat judiciaire, ne vise pas la liquidation mais la continuité et le redressement de l'entreprise et ne fait dès lors pas naître une situation de concours entre les créanciers pour leurs créances qui existaient
avant la procédure en concordat et pour lesquelles ils ont fait une déclaration (voir not. art. 15, § 1er, 19 et 21 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire).
Il s'ensuit que:
(1) contrairement à ce que considère l'arrêt attaqué (voir arrêt attaqué p. 11, n° 2.1.1.), les créanciers ne doivent pas recevoir un traitement égal pour ces créances et/ou
(2) ni les articles 1291, alinéa 1er, 1298 du Code civil et/ou l'article 44 spécialement alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire ni aucune autre disposition légale ou principe général du droit n'interdit la compensation légale entre les dettes mentionnées ci-dessous. Il n'y a en effet pas de masse.
L'article 1298 du Code civil, aux termes duquel la compensation n'a pas lieu au préjudice des droits acquis à un tiers n'est dès lors pas applicable en l'espèce à défaut de concours, ni d'ailleurs les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire, qui garantissent l'égalité des créanciers en cas de concours. Le concordat judiciaire ne déroge en outre pas au caractère certain et exigible de la créance (cfr article 1291, alinéa 1er, du Code civil).
Contrairement qu'à ce que décide illégalement l'arrêt attaqué, la compensation légale est donc bien possible entre:
- d'une part, une dette du débiteur-demandeur du concordat judiciaire qui existait avant la procédure en concordat, pour laquelle il y a eu une déclaration et qui a été admise au passif (comme en l'espèce la dette litigieuse de la défenderesse (avant sa mise en liquidation) à l'égard du prédécesseur de la demanderesse et s'élevant à 486.668,60 euros)
- d'autre part, une dette du créancier dans le concordat judiciaire résultant d'actes accomplis par le débiteur-demandeur du concordat, au cours du sursis provisoire afin d'assurer la continuité de l'entreprise dans l'attente de l'approbation d'un plan de redressement (comme en l'espèce la dette litigieuse du prédécesseur de la demanderesse à l'égard de la défenderesse (avant sa mise en liquidation) de 173.644,92 euros).
Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que les juges d'appel ont visé par cette dernière dette, la dette prévue à l'article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire (voir not. arrêt attaqué, p. 11, n° 2.1.1. in fine, p. 4, n° 1.4.4.).
En décidant que les dettes litigieuses précitées ne peuvent être légalement compensées sur la base des considérations critiquées par le moyen, plus spécialement que:
(1) la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire garantit l'égalité de traitement pour les créances qui existaient avant la procédure en concordat et
(2) lesdites actions qui sont nées au cours de la procédure en concordat, poursuivent leur propre cours indépendamment des créances précitées (voir article 44 de la loi du 17 juillet 1997), l'arrêt attaqué viole lesdits articles 1289, 1290, 1291, alinéa 1er, 1292 et 1298 du Code civil, 7 et 8 de la loi hypothécaire, 15, § 1er et 44, spécialement alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire (voir arrêt attaqué p. 10-12, n° 2.2., 2.2.1.-3).
2.3.2. En outre, la compensation légale est un mode d'extinction des obligations prévu par la loi (voir article 1234 du Code civil) et pas une réalisation ou une voie d'exécution au sens des articles 13, alinéa 2 et 21 de la loi du 17 juillet 1997. Ni ces dispositions légales ni aucune autre disposition légale ou principe général du droit n'interdit la compensation légale conformément aux articles 1289 et 1290 du Code civil entre lesdites dettes (voir plus haut n° 2.3.1.)
et
Le concordat judiciaire qui accorde un sursis de paiement au débiteur, ne prive en outre pas la créance de son caractère certain et exigible (cfr article 1291 du code civil).
La décision attaquée (voir n° 2.3.1.) viole dès lors aussi les articles 1234 et 1291 du Code civil et 13, alinéa2 et 21 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire.
2.3.3. L'article 1292 du Code civil dispose, en outre, expressément que le terme de grâce n'est point un obstacle à la compensation (légale). Le sursis accordé lors du concordat judiciaire est soumis, par analogie à l'application de cette disposition légale.
La décision attaquée (voir plus haut n° 2.3.1.) viole, dès lors, aussi l'article 1292 du Code civil.
(.)
Résumé
Deuxième branche
En décidant que les dettes litigieuses précitées ne peuvent être légalement compensées sur la base des considérations critiquées par le moyen, plus spécialement que (en résumé):
(1) la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire garantit l'égalité de traitement pour les créances qui existaient avant la procédure en concordat et
(2) lesdites actions qui sont nées au cours de la procédure en concordat, poursuivent leur propre cours indépendamment des créances précitées (voir article 44 de la loi du 17 juillet 1997), l'arrêt attaqué viole lesdits articles 1289, 1290, 1291, alinéa 1er, 1292 et 1298 du Code civil, 7 et 8 de la loi hypothécaire, 15, § 1er et 44, spécialement alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire (pour le développement de ce grief la demanderesse se réfère au n° 2.1 et 2.3.1).
La décision attaquée viole aussi les articles 1234 et 1291 du Code civil et 13, alinéa 2 et 21 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire (pour le développement de ce grief la demanderesse se réfère aux n° 2.1 et 2.3.2.).
La décision attaquée viole aussi l'article 1292 du Code civil (pour le développement de ce grief la demanderesse se réfère aux n° 2.1 et 2.3.3.).
(.)
La décision de la Cour
Quant à la deuxième branche
1. L'article 1289 du Code civil dispose que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes.
2. Conformément à l'article 1290 du même Code, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs. Les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister simultanément, jusqu'à concurrence de leur montant respectif.
3. Conformément à l'article 9 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire, le concordat peut être accordé au débiteur s'il ne peut temporairement acquitter ses dettes ou si la continuité de son entreprise est menacée par des difficultés pouvant conduire, à plus ou moins bref délai, à une cessation de paiement. L'article dispose en outre que le concordat ne peut être accordé que si la situation financière de l'entreprise peut être assainie et si son redressement économique semble possible. Les prévisions de rentabilité doivent démontrer la capacité de redressement financier de l'entreprise.
4. La loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire implique le principe de fixation relatif aux créances des créanciers, sans qu'elle fasse naître en principe à l'égard des créances qui existaient avant la procédure en concordat, un concours qui exclut dans tous les cas une compensation légale. Cette procédure vise à garantir la continuité de l'entreprise ce qui a pour conséquence que les rapports contractuels avec le débiteur sont autant que possible maintenus.
5. La compensation légale reste, dès lors, possible entre une créance qui résulte d'une convention conclue avec le débiteur et pour laquelle une déclaration a été faite dans le concordat judiciaire et une dette à l'égard du débiteur qui est née au cours de la période de sursis provisoire à la suite de l'exécution ultérieure de cette convention qui tend à garantir la continuité de l'entreprise.
6. Les juges d'appel ont constaté que la période de sursis provisoire a été accordée par les jugements du tribunal de commerce de Bruges du 28 septembre 2000 et du 22 février 2001 jusqu'au 16 juin 2001.
Ils ont constaté en outreque :
- «le 9 novembre 2000, en exécution du jugement du 28 septembre 2000, qui a aussi invité les créanciers à faire une déclaration de leur créance, le prédécesseur de la demanderesse a déposé une déclaration de créance sur la défenderesse pour un montant de 486.668,60 euros. Cette déclaration a été admise»;
- «la défenderesse a continué à se fournir en énergie auprès du prédécesseur de la demanderesse au cours de la période de sursis provisoire avec l'accord des commissaires au sursis»;
- «le 15 juin 2001, lors de l'établissement du décompte final des livraisons qu'elle a effectuées au cours de la période allant de janvier à avril 2001, la défenderesse a émis des notes de crédit pour un montant de 173.644,92 euros ».
Les juges d'appel ont considéré que:
- la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire garantit l'égalité de traitement des créanciers pour les créances qui existaient avant la procédure en concordat;
- les actions qui résultent au cours de la procédure de concordat d'actes/opérations accomplis par le débiteur afin d'assurer la continuité de l'entreprise dans l'attente de l'approbation d'un plan de redressement ont leur propre finalité et se poursuivent indépendamment des créances mentionnées sous le 1.
7. Sur la base de ces considérations par lesquelles ils ont rejeté la compensation légale entre la créance de la demanderesse s'élevant à 486.668,60 euros et la demande de la défenderesse à concurrence de 173.644,92 euros et de la décision que la demanderesse ne peut prétendre à une dette de la masse de 173.644,92 euros qui est fondée sur ces considérations, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
8. En cette branche, le moyen est fondé.
Autres griefs
9. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il décide que la demanderesse invoque à tort la compensation entre sa créance de 486.668,60 euros et ses notes de crédit de 173.644,92 euros et dit pour droit que la société anonyme BASF Antwerpen ne peut pas faire valoir une dette de la masse de 173.644,92 euros au sens de l'article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire sur la société anonyme Euroftal en liquidation.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause ainsi limitée devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Ghislain Londers, Eric Dirix, Albert Fettweis et Beatrijs Deconinck, et prononcé en audience publique du premier juin deux mille six par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du président Verougstraete et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le président ,