C. L., S.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation.
I. la procédure devant la cour
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 juin 2006 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.
L'avocat général Raymond Loop a conclu.
II. la décision de la cour
Sur le premier moyen:
Il ressort du procès-verbal d'interrogatoire du demandeur par le juge d'instruction, établi le 18 mai 2006 avant que mandat d'arrêt soit décerné à sa charge, que la question lui a été posée de savoir s'il avait fait choix d'un conseil et qu'il y a répondu par l'affirmative en nommant ses deux conseils.
Le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen:
Quant à la première branche:
L'article 492bis du Code pénal punit les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage qu'ils savaient significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou associés.
Il suit des termes généraux de cette disposition légale et des travaux parlementaires qu'elle s'applique aux dirigeants de toute société civile ou commerciale revêtue de la personnalité juridique ou association sans but lucratif, sans distinguer selon que ces personnes morales sont ou non revêtues d'un caractère de droit public.
L'arrêt attaqué constate que le demandeur est un dirigeant de
l'Intercommunale pour la collecte et la destruction des immondices de la région de Charleroi, en abrégé ICDI, et que celle-ci «est une société civile ayant adopté la forme commerciale d'une société coopérative à responsabilité limitée».
Il décide, dès lors, légalement que l'article 492bis précité est applicable au demandeur.
Quant à la deuxième branche:
L'arrêt attaqué énonce que «l'intérêt personnel avec lequel doit avoir agi l'inculpé ne doit pas avoir pour but uniquement de lui procurer un avantage matériel personnel, comme il le soutient à tort; qu'il peut aussi être d'ordre moral, à savoir, par exemple, le souci d'intérêts électoraux [et] que précisément [le demandeur] était échevin de la Ville de Charleroi lors de la commission des faits infractionnels qui lui sont reprochés».
Ainsi, l'arrêt répond aux conclusions du demandeur, par lesquelles celui-ci contestait avoir agi à des fins personnelles, au sens de l'article 492bis précité, et motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche:
Le moyen, en cette branche, reproche à l'arrêt de considérer que le demandeur a fait valoir en conclusions que «seul l'intérêt matériel personnel du prévenu de faits d'abus de biens sociaux pourrait justifier des poursuites de ce chef et, dans le cadre de la mise en détention préventive, faire l'objet d'une telle incrimination», alors que ces conclusions n'énonçaient pas cette limitation.
Par les motifs reproduits dans la réponse à la deuxième branche du moyen, l'arrêt statue cependant sur la défense du demandeur reproduite au moyen, en cette branche, comme il eût dû le faire s'il n'y avait pas eu la violation alléguée de la foi due à ses conclusions.
Dénué d'intérêt, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Sur le troisième moyen:
L'arrêt considère qu'il existe, dans le chef du demandeur, des indices sérieux de culpabilité concernant les faits pour lesquels il a été placé sous mandat d'arrêt et qui incluent des faits de faux en écritures et d'usage de faux.
Le réquisitoire du ministère public, dont l'arrêt s'approprie les motifs à cet égard, énumère ces indices.
Il constate notamment que «lors des perquisitions ont été trouvés des documents en cours de confection ou confectionnés depuis peu et qui ne semblent pas correspondre à la réalité» et que la manière d'agir, qu'il décrit, de C.B., directeur financier de l'ICDI, «paraît permettre de douter de la fiabilité de toute la comptabilité» de cette intercommunale.
Il indique également que l'expert comptable requis par le juge d'instructiona constaté, au siège administratif de celle-ci à Couillet, «que le montant physique de la caisse ne correspondait pas au montant enregistré en comptabilité, que les dernières opérations n'étaient pas passées et que d'autres restaient injustifiées» et qu'à la lumière du rapport de cet expert, « les dépenses de représentation, de voyages, de réceptions et de sponsorisation pour les années 2004 et 2005 paraissent difficilement justifiables au regard de l'objet social de l'intercommunale [et]les caisses de l'ICDI ne semblent par ailleurs pas être tenues correctement et ne paraissent pas correspondre aux écritures comptables».
Le réquisitoire conclut que l'ensemble des éléments qu'il relève «paraissent mettre en évidence des transferts de fonds de l'ICDI vers des clubs sportifs ou des associations de loisirs sans relation réelle avec l'objet social de l'ICDI, certains de ces transferts de fonds ne paraissant pas avoir été faits en toute transparence».
L'arrêt ajoute, certes, qu' «à tout le moins», il résulte des explications de la nommée S. M. que le demandeur aurait, en tant que président de l'association sans but lucratif Procultura, signé avec elle un faux contrat de travail.
De cette considération, il ne résulte cependant pas que, contrairement à ce que l'arrêt constate expressément, les juges d'appel ne se seraient pas approprié l'ensemble des motifs du réquisitoire relatifs auxdits indices.
En tant qu'il soutient que l'arrêt ne retient que l'indice relatif au dernier faux en écritures précité à l'exclusion de ceux qui concernent les autres faits de ce chef d'inculpation, et en particulier les faux dans les écritures comptables, le moyen manque en fait.
Dans la mesure où il fait valoir que l'arrêt n'apprécie la nécessité du maintien de la détention préventive qu'en considération des faits de faux en écritures et d'usage de faux du chef desquels le demandeur a été inculpé, alors que l'arrêt a égard aussi aux faits d'abus de biens sociaux et de détournement par fonctionnaire ayant donné lieu à son inculpation, le moyen, en cette branche, manque également en fait.
Par les considérations précitées, l'arrêt répond, pour le surplus, aux conclusions du demandeur qui contestaient l'existence d'indices sérieux de culpabilité dans son chef concernant ces autres faits. Il n'était pas tenu de répondre en outre aux simples arguments invoqués à l'appui de cette défense.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen:
Le moyen reproche à l'arrêt de retenir, à titre d'indices sérieux de culpabilité concernant les faits de détournement par fonctionnaire, que «diverses sommes auraient été prélevées dans la caisse 'devises' de l'ICDI sans qu'elles soient mentionnées dans un livre de caisse, par ailleurs inexistant; qu'une des notes manuscrites y relatives contient la mention 'en attente Président' [et que le demandeur] a d'ailleurs déclaré au juge d'instruction qu'il s'était engagé à rembourser les montants litigieux».
Les juridictions d'instruction apprécient en fait l'existence d'indices sérieux de culpabilité.
Le moyen, qui se borne à critiquer cette appréciation en fait par la chambre des mises en accusation, est irrecevable.
Sur le cinquième moyen:
L'arrêt considère qu'il y a absolue nécessité pour la sécurité publique de maintenir la détention préventive du demandeur au motif qu'il existe de sérieuses raisons de craindre que celui-ci, s'il était laissé en liberté, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers, étant précisé que ce «seul risque [était] retenu».
L'arrêt précise à cet égard que «ce risque résulte aussi des décisions [du demandeur] de faire transférer dans l'urgence des documents qui se trouvaient dans les locaux de l'ICDI; que s'il s'agissait uniquement de documents relatifs à d'autres personnes morales et qui auraient dû être entreposés aux sièges de ces dernières, il se conçoit mal qu'une employée soit chargée de reprendre certains de ceux-ci en son domicile privé».
Par adoption des motifs du réquisitoire, l'arrêt justifie aussi le risque de déperdition des preuves par la constatation de «la dispersion et [du] déplacement de nombreux documents juste avant les perquisitions prescrites par le magistrat instructeur», par l'observation de «diverses manouvres telles que la rédaction de procès-verbaux et de conventions qui pourraient être antidatées» et par l'avis de l'expert en informatique désigné par le juge d'instruction, suivant lequel «des serveurs ont été manipulés».
Toujours par appropriation des motifs du réquisitoire, l'arrêt relève que «des témoins doivent encore être entendus, [que] des témoins déjà entendus doivent encore être confrontés [et que] le caractère quasi omnipotent [du demandeur] ainsi que celui de son directeur financier [.], la contrainte, ne fût-ce que morale, qui semble avoir été employée à l'égard du personnel, l'apparente tentative d'acheter le silence de ce personnel sont autant de raisons de craindre qu'en cas de remise en liberté à ce stade de la procédure, ils n'interfèrent dans l'enquête».
N'ayant retenu que les risques de déperdition des preuves et de collusion avec des tiers, les juges d'appel n'étaient pas tenus de répondre aux conclusions du demandeur qui contestaient le risque de récidive ou de soustraction à l'action de la justice, ces conclusions étant devenues sans pertinence en raison de leur décision.
Par les considérations précitées, l'arrêt répond pour le surplus aux conclusions du demandeur citées au moyen et motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Francis Fischer, président de section, Jean de Codt, Paul Mathieu, Sylviane Velu et Benoît Dejemeppe, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un juin deux mille six par Francis Fischer, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Patricia De Wadripont, greffier adjoint principal.