I. M. J., et cons.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation,
contre
D. J., L., G., et cons.,
défendeurs en cassation,
II. M.J., et cons.,
mieux qualifiés ci-dessus,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation,
contre
D.J., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. la procédure devant la cour
J. M., M. et P. S. se sont pourvus le 15 décembre 2005 contre un arrêt rendu le 2 décembre 2005 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle. Les deux premiers se sont également pourvus le 30 mars 2006 contre cet arrêt et contre un arrêt rendu le 17 mars 2006 par cette même cour.
Les demandeurs J. M. et M. S. présentent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Close a fait rapport.
L'avocat général Raymond Loop a conclu.
II. la décision de la cour
A. Sur les pourvois formés par J. M. et M. S. le 15 décembre 2005 contre l'arrêt du 2 décembre 2005 et le 30 mars 2006 contre celui du 17 mars 2006:
1. En tant que le pourvoi de J. M. est dirigé contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, sursoit à statuer sur la demande formée sur la base des préventions B.2 et B.3 de la cause I:
La demanderesse se désiste de son pourvoi.
2. En tant que le pourvoi de M.S. est dirigé contre l'arrêt du 17 mars 2006:
Le demandeur n'était plus à la cause devant la cour d'appel.
Le pourvoi est sans objet et, partant, irrecevable.
3. En tant que le pourvoi de J.M. est dirigé contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, statue sur l'action civile exercée par elle sur la base de la prévention A.4 de la cause II:
La demanderesse ne fait valoir aucun moyen.
4. En tant que les pourvois de J. M. et de M. S. sont dirigés contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, déclare la cour d'appel sans compétence, en raison de la prescription, pour connaître des actions civiles exercées par les demandeurs sur la base des préventions A, B.1, C.1, C.2 et C.3 de la cause I, C et D.1 de la cause II:
Sur le premier moyen:
Le premier défendeur était poursuivi, dans la cause I, du chef de viol (prévention A), attentats à la pudeur (préventions B, 1 à 3) et outrages publics aux mours (préventions C, 1 à 3).
L'arrêt énonce que les faits ont été commis en 1988, en 1989 et en 1991, qu'ils constituent un délit collectif par unité d'intention et que le dernier fait a été commis le 14 décembre 1991.
Nonobstant l'unité d'intention prêtée à l'auteur des faits, les juges d'appel n'ont pas considéré que la prescription avait commencé à courir à partir d'une date commune à l'ensemble desdits faits.
L'arrêt décide en effet que si le point de départ de la prescription relative aux préventions d'outrages aux mours s'identifie à la date du dernier fait, en manière telle que la prescription est acquise pour ces préventions, par contre, en ce qui concerne le viol et les attentats à la pudeur, le délai de prescription de l'action publique n'a commencé à courir qu'à partir du jour où la victime a atteint l'âge de dix-huit ans.
Le dix-huitième anniversaire de la victime des faits visés aux préventions A et B.1 ayant été atteint, selon l'arrêt, le 15 décembre 1995, ces préventions ont également été déclarées prescrites par les juges d'appel, et ce depuis le 15 décembre 2000, faute d'interruption ou de suspension de la prescription avant cette date.
Si les préventions B.2 et B.3 n'ont, en revanche, pas été déclarées prescrites, c'est, notamment, au motif que les victimes des faits qui en sont l'objet n'ont eu dix-huit ans qu'en 1999 et en 2002.
Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir, en assignant plusieurs points de départ différents au délai de prescription de l'action publique exercée du chef d'un délit collectif, violé les articles 65 du Code pénal et 21bis, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Selon les demandeurs, les juges d'appel n'ont pu déclarer prescrits certains éléments constitutifs du délit collectif alors que d'autres échappent à la prescription et qu'entre chacun de ces éléments il ne s'est pas écoulé un délai supérieur à celui de la prescription.
Contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel ont pu statuer comme ils l'ont fait.
En effet, d'une part, il ne résulte d'aucune disposition légale qu'en cas de délit collectif composé de plusieurs infractions aux articles 372 à 377, 379, 380, 409 et 433quinquies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code pénal, le délai de prescription de l'action publique ne commencerait à courir qu'à partir du jour où la plus jeune des victimes aurait atteint l'âge de dix-huit ans.
D'autre part, l'article 21bis, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui institue un mode particulier de calcul de la prescription, ne s'applique qu'aux infractions qui y sont limitativement énumérées.
Dès lors, lorsqu'un délit collectif est constitué de différentes infractions dont certaines sont visées par l'article 21bis, alinéa 1er, précité, tandis que d'autres ne le sont pas, chacune de ces infractions obéit, en ce qui concerne le point de départ de la prescription, au régime qui lui est propre.
En refusant d'étendre ce régime spécifique à d'autres infractions que celles qui lui sont assujetties, les juges d'appel ont répondu, en les écartant, aux conclusions des demandeurs et ont légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen:
Les juges d'appel étaient saisis des actions civiles exercées par les demandeurs contre le second défendeur sur la base des préventions A.1, A.2 et A.4 (viols), B.1 et B.2 (viols), C (viol), D.1, D.2, D.3 et D.5 (outrages publics aux mours) de la cause II.
En tant qu'il énonce que les juges d'appel ont déclaré acquise la prescription de l'action publique relative à la prévention A.4, alors qu'ils ont décidé (page 15) que les faits qui la constituaient n'étaient pas établis, le moyen procède d'une lecture inexacte de l'arrêt et manque en fait.
Pour le surplus, l'arrêt énonce que les faits ont été commis entre le 9 février 1986 et le 31 janvier 1995, qu'à les supposer établis, ils constitueraient dans le chef du second défendeur un délit collectif par unité d'intention, que les différentes infractions composant celui-ci ne sont pas séparées les unes des autres par un laps de temps supérieur au délai de la prescription et que le dernier fait a été commis le 31 janvier 1995.
Nonobstant l'unité d'intention prêtée à l'auteur des faits, les juges d'appel n'ont pas considéré que le point de départ du délai de la prescription était commun à l'ensemble desdits faits.
L'arrêt décide, en effet, que les préventions C et D.1 sont prescrites parce que la victime de ces faits a atteint l'âge de dix-huit ans le 15 décembre 1995 et qu'aucun acte interruptif ou suspensif de la prescription n'a été accompli au cours des cinq années qui ont suivi cette date.
Si les autres préventions n'ont pas été déclarées prescrites, c'est, notamment, au motif que les victimes qui en sont l'objet n'ont eu dix-huit ans qu'en 1999, en 2002 et en 2003.
Par le second moyen, les demandeurs élèvent contre cette décision la même critique que celle qu'ils ont formulée par le premier.
Mais, comme dit ci-dessus, il ne résulte d'aucune disposition légale qu'en cas de délit collectif composé de plusieurs infractions tombant dans le champ d'application de l'article 21bis, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, le délai de prescription de l'action publique ne commencerait à courir qu'à partir du jour où la plus jeune des différentes victimes aurait atteint l'âge de dix-huit ans.
En statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont répondu, en les écartant, aux conclusions des demandeurs et ont légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
5. En tant que le pourvoi de J.M. est dirigé contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, lui alloue une indemnité sur la base des préventions A.1, A.2, B.1, B.2, D.2, D.3 et D.5 de la cause II:
La demanderesse ne fait valoir aucun moyen.
6. En tant que le pourvoi de J. M. est dirigé contre l'arrêt qui, rendu le 17 mars 2006, alloue une indemnité à cette demanderesse sur la base des préventions B.2 et B.3de la cause I:
Sur le surplus du premier moyen:
Le grief formulé contre cette décision n'est déduit que de celui que la demanderesse a invoqué vainement contre l'arrêt du 2 décembre 2005.
Par identité de motifs, le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
B. Sur le pourvoi de P. S.:
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, sursoit à statuer quant à la demande formulée sur la base de la prévention B.3 de la cause I:
La demanderesse se désiste de son pourvoi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, statue sur l'action civile exercée par la demanderesse sur la base de la prévention C.3 de la cause I:
La demanderesse ne fait valoir aucun moyen.
C. Sur le pourvoi formé par M. S. le 30 mars 2006 contre l'arrêt du 2 décembre 2005:
En matière répressive, une partie ne peut, en règle, se pourvoir une seconde fois contre une même décision, même si le second pourvoi est formé avant le rejet du premier.
Le pourvoi est irrecevable.
D. Sur le pourvoi formé par J.M. le 30 mars 2006 contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005,
1. sursoit à statuer quant à la demande formée sur la base des préventions B.2 et B.3:
La demanderesse ne fait valoir aucun moyen.
2. statue sur le surplus:
En vertu de l'article 438 du Code d'instruction criminelle, une partie ne peut, en règle, se pourvoir une seconde fois contre une même décision, même si le second pourvoi est formé avant le rejet du premier.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi formé le 15 décembre 2005 par J.M. contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, sursoit à statuer sur l'action civile exercée par elle sur la base des préventions B.2 et B.3 de la cause I;
Décrète le désistement du pourvoi de P. S. contre l'arrêt qui, rendu le 2 décembre 2005, sursoit à statuer sur l'action civile exercée par elle sur la base de la prévention B.3 de la cause I;
Rejette les pourvois pour le surplus;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent cinquante-six euros vingt-trois centimes dont I) sur les pourvois de J. M. et consorts: trente-deux euros quarante-quatre centimes dus et trente euros payés par ces demandeurs et II) sur les pourvois de J. M. et M. S.: soixante-trois euros septante-neuf centimes dus et trente euros payés par ces demandeurs.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Francis Fischer, président de section, Jean de Codt, Frédéric Close, Benoît Dejemeppe et Jocelyne Bodson, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille six par Francis Fischer, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Patricia De Wadripont, greffier adjoint principal.