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23/02/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0046.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 février 2007, C.06.0046.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0046.N

KAREL RAEYMAKERS, societe privee à responsabilite limitee,

Me Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation,

contre

1.a. W. H.,

1.b. S. M.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

2. CLARA'S HOFKE, association sans but lucratif.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 avril 2005par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandew

al a conclu.

I. Les faits

Suivant le pourvoi en cassation, les faits peuvent etre resumes commesuit.

L'a.s.b.l. St.Agnetedal ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0046.N

KAREL RAEYMAKERS, societe privee à responsabilite limitee,

Me Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation,

contre

1.a. W. H.,

1.b. S. M.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

2. CLARA'S HOFKE, association sans but lucratif.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 avril 2005par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

I. Les faits

Suivant le pourvoi en cassation, les faits peuvent etre resumes commesuit.

L'a.s.b.l. St.Agnetedal a organise une adjudication publique à laquellela societe anonyme Aqua Reno, representee par les deux premiers defendeursqualitate qua, a soumissionne.

Lors de l'examen des soumissions presentees dans le cadre de la procedurede passation, la demanderesse a constate que la soumission de la societeanonyme Aqua Reno, qui apparaissait etre l'offre la plus basse lors del'ouverture, contenait un poste qui paraissait tres bas.

Les prix unitaires en cause ont ete remplaces pour cette raison par lesprix unitaires moyens des autres offres, la societe precitee n'etant plusla premiere mais devenant ainsi la cinquieme classee.

Apres verification des differentes offres et apres correction des erreurset des modifications, les travaux ont finalement ete adjuges par ladeuxieme defenderesse à l'entrepreneur apparaissant le moins cher.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 12, S:1er, de la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchespublics de travaux, de fournitures et de services, telle qu'elle estapplicable en l'espece en vertu de l'article 1er de l'arrete royal du 29janvier 1997 fixant la date de l'entree en vigueur de certainesdispositions de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics età certains marches de travaux, de fournitures et de services et de leursmesures d'execution ;

- articles 20, S: 5, et 25a, S: 1er, de l'arrete royal du 22 avril 1977relatif aux marches publics de travaux, de fournitures et de services,applicable en vertu de l'article 1er de l'arrete royal du 29 janvier 1997fixant la date de l'entree en vigueur de certaines dispositions de la loidu 24 decembre 1993 relative aux marches publics et à certains marches detravaux, de fournitures et de services et de leurs mesures d'execution ;

- principe general du droit suivant lequel une renonciation d'un droit estd'interpretation stricte et ne peut etre deduite que de faits nonsusceptibles d'une autre interpretation, principe dont l'article 1045 duCode judiciaire constitue notamment une application ;

- article 149 de la Constitution coordonnee.

Decisions et motifs critiques

L'arret annule le premier jugement et, statuant à nouveau, declare lademande principale recevable et partiellement fondee et la demande enintervention et garantie recevable et fondee, sur la base notamment desconsiderations suivantes :

« (...) Que l'article 12, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1976 relativeaux marches publics de travaux, de fournitures et de services dispose quelorsque l'autorite competente decide d'attribuer le marche, celui-ci doitetre confie au soumissionnaire qui a remis la soumission reguliere la plusbasse sous peine de dommages-interets fixes à 10 p.c. du montant de cettesoumission ; que sur la base de l'article 25A, S: 1er, de l'arrete royaldu 22 avril 1977 relatif aux marches publics de travaux, de fournitures etde services, sans prejudice des prescriptions du cahier des charges tellescelles enumerees à l'article 14, alinea 2, l'administration peutconsiderer comme irregulieres et partant, comme nulles et non avenues, lessoumissions qui ne sont pas conformes aux dispositions de la section 2,qui expriment des reserves ou dont les elements ne concordent pas avec larealite ; qu'en vertu de l'article 25, alinea 2, de l'arrete royal du 22avril 1977 relatif aux marches publics de travaux, de fournitures et deservices, applicable en l'espece, avant d'ecarter eventuellement uneoffre, notamment par reference à l'article 20, S: 5, en raison ducaractere apparemment anormalement eleve ou anormalement bas des prixunitaires ou globaux qu'elle contient, l'administration est tenued'inviter le soumissionnaire en cause, par lettre recommandee, à fournirdans un delai de douze jours de calendrier, les justificationsnecessaires ; qu'il dispose pour le surplus que l'administration informel'interesse des prix qui, apres examen de ces justifications, sontconsideres comme anormaux ;

(...) Que la cour d'appel doit constater que la demanderesse a omisd'inviter la societe anonyme Aqua Reno, en application de l'article 25,alinea 2, precite, à fournir dans un delai de douze jours de calendrierune justification circonstanciee des prix qu'elle considerait commeanormalement bas ; qu'il suit de cette omission que le premier intime arenonce à considerer les prix litigieux comme anormalement bas (C.E., 2septembre 1983, Arr. R.v.St., 1983, nDEG 23.459 ; Anvers, 17 octobre 1983,R.W., 1983-84, col. 929-931) ; qu'en l'espece, la derogation àl'obligation legale d'attribuer le marche à la soumission reguliere laplus basse a, des lors, eu lieu de maniere injuste ; que l'article 12, S:1er, de la loi du 14 juillet 1976 lie automatiquement au non-respect del'obligation legale de confier le marche au soumissionnaire qui a remis lasoumission reguliere la plus basse la sanction de dommages-interets fixesà 10 p.c. du montant de la soumission, sans qu'une quelconque preuvesupplementaire du dommage subi par l'offrant non retenu et du lien causalentre la passation fautive et le dommage precite puisse etre exigee ; quec'est des lors sur la base de motifs errones et en violation de la loi quele jugement entrepris a rejete la demande initiale ».

Griefs

Premiere branche

Lorsque le pouvoir adjudicateur estime qu'une soumission contient des prixanormalement bas, une procedure speciale doit etre suivie relative àl'interrogation du soumissionnaire et ensuite par la notification desresultats.

Si l'administration ne suit pas la procedure relative à l'examen des prixanormaux, prescrit par la reglementation des marches publics, elle peut-eventuellement - commettre une faute.

Aucune disposition legale ne prevoit, toutefois, qu'en pareille hypothese,la soumission serait obligatoirement consideree comme reguliere.

L'arret attaque deduit toutefois de l'article 12, S:A, de la loi du 14juillet 1976 que le non-respect des obligations formelles dans le cadre dela constatation de prix anormaux eventuels ou la non-interrogation dusoumissionnaire, entraineraient le caractere regulier de l'offre.

Toutefois, ni l'article 12, S: 1er, de la loi relative aux marches publicsde travaux, de fournitures et de services, ni une quelconque dispositionlegale ou reglementaire ne prevoient que le non-respect des formalitesdevrait entrainer une soumission reguliere.

Il s'ensuit que l'arret attaque qui decide que Aqua Reno, actuellementrepresentee par les premiers defendeurs q.q., a droit à desdommages-interets à concurrence de 10 p.c. de sa soumission, sur la basede la consideration qu'elle avait remis la soumission reguliere la plusbasse, n'est des lors pas legalement justifie (violation de l'article 12,S: 1er, de la loi du 14 juillet 1976 et des articles 20, S: 5 et 25 A, S:1er, de l'arrete royal du 22 avril 1977 relatif aux marches publics detravaux, de fournitures et de services).

Seconde branche

Dans la mesure ou il y aurait lieu d'interpreter l'arret attaque en cesens que le pouvoir adjudicateur aurait renonce à son droit, des lorsqu'il decoulerait de son omission de demander une justification des prixqu'il aurait renonce à considerer les prix litigieux comme anormaux, il ya lieu de remarquer que l'arret n'est pas davantage justifie legalement.

Une renonciation de droit est d'interpretation stricte et ne peut etrededuite que de faits non susceptibles d'une autre interpretation.

Dans un premier temps, l'arret attaque ne constate pas ceci. Il rend, deslors, impossible le controle de legalite de la Cour de cassation(violation de l'article 149 de la Constitution coordonnee).

L'arret omet egalement, sur la base des elements de fait qu'ilindiquerait, de constater que les faits vises n'etaient susceptiblesd'aucune autre interpretation, de sorte qu'il n'est pas legalementjustifie (violation du principe general du droit suivant lequel unerenonciation d'un droit est d'interpretation stricte et ne peut etrededuite que de faits non susceptibles d'une autre interpretation, principedont l'article 1045 du Code judiciaire constitue, notamment, uneapplication, et de l'article 149 de la Constitution coordonnee).

(...)

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

1. En vertu de l'article 12, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1976 relativeaux marches publics de travaux, de fournitures et de services, lorsquel'autorite competente decide d'attribuer le marche, celui-ci doit etreconfie ou soumissionnaire qui a remis la soumission reguliere la plusbasse sous peine de dommages-interets fixes à 10 p.c. du montant de cettesoumission.

En vertu de l'article 25, S: 1er, de l'arrete royal du 22 avril 1977relatif aux marches publics de travaux, de fournitures et de services,l'administration peut, sans prejudice de la nullite de toute soumissiondont les dispositions derogeraient aux prescriptions essentielles ducahier des charges, telles celles enumerees à l'article 14, alinea 2,considerer comme irregulieres et partant, comme nulles et non avenues, lessoumissions qui ne sont pas conformes aux dispositions de la presentesection 2, qui expriment des reserves ou dont les elements ne concordentpas avec la realite.

En vertu du paragraphe 2 du meme article, l'administration est tenue,avant d'ecarter eventuellement une offre, notamment par reference àl'article 20, S: 5, en raison du caractere apparemment anormalement eleveou anormalement bas des prix unitaires ou globaux qu'elle contient,d'inviter le soumissionnaire en cause, par lettre recommandee, à fournirdans un delai de douze jours de calendrier, les justificationsnecessaires. L'administration informe l'interesse des prix qui, apresexamen de ces justifications, sont consideres comme anormaux.

2. Suivant cet article, l'administration peut specialement ecarter commeirreguliere une soumission dont les elements ne concordent pas avec larealite, par exemple lorsque les prix sont anormalement bas ouanormalement eleves. En ce cas, avant d'ecarter l'offre, l'administrationest tenue d'inviter le soumissionnaire à fournir une justification de sesprix. Lorsqu'elle persiste à considerer les prix comme anormalement basou eleves, apres avoir rec,u une explication à leur sujet, elle doit eninformer les soumissionnaires. Il s'ensuit que si l'administration nenotifie pas aux interesses qu'elle considere leurs prix, apres qu'ilsaient ete justifies, comme etant anormaux, il y a lieu de presumer qu'ellene considere plus les prix comme etant anormaux et que la soumission estreguliere.

3. L'arret constate que « (la seconde defenderesse) a omis d'inviter lasociete anonyme Aqua Reno, en application de l'article 25, alinea 2, (del'arrete royal du 22 avril 1977 relatif aux marches publics de travaux, defournitures et de services) precite, à fournir dans un delai de douzejours de calendrier une justification circonstanciee des prix qu'elleconsiderait comme anormalement bas ». Suivant l'arret, le non-respect decette disposition reglementaire a pour effet que la deuxieme defenderessea renonce à considerer les prix litigieux de la societe anonyme Aqua Renocomme anormalement bas. Ainsi, l'arret considere qu'en omettant d'observerl'article 25 precite, la deuxieme defenderesse ne peut plus invoquerl'irregularite de la soumission de la societe anonyme Aqua Reno en raisondu caractere anormal des prix, de sorte que la soumission, dont il n'estpas allegue qu'elle serait irreguliere pour un autre motif, doit etreconsideree comme reguliere.

4. L'arret qui decide que la societe anonyme Aqua Reno a remis lasoumission reguliere la plus basse de sorte que, des lors que la deuxiemedefenderesse ne lui a pas attribue le marche, elle a droit auxdommages-interets vises à l'article 12, S: 1er, de la loi du 14 juillet1976 relative aux marches publics de travaux, de fournitures et deservices, justifie legalement sa decision.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

5. L'arret ne fonde pas sa decision que « la seconde defenderesse arenonce à considerer les prix litigieux de la societe anonyme Aqua Renocomme anormalement bas » et que la soumission de la societe anonyme AquaReno devait etre consideree comme reguliere sur une quelconquerenonciation d'un droit, mais sur une interpretation de l'article 25,alinea 2, de l'arrete royal du 22 avril 1977 precite.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi.

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, les conseillers Eric Dirix,Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononce enaudience publique du vingt-trois fevrier deux mille sept par le presidentIvan Verougstraete, en presence de l'avocat general Christian Vandewal,avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Didier Batsele ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

23 FEVRIER 2007 C.06.0046.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.06.0046.N
Date de la décision : 23/02/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-02-23;c.06.0046.n ?
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