Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.06.0074.N
VIVIUM, societe anonyme,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
* * contre
D.M. P.
I. La procedure devant la Cour
III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 avril2005 par la cour du travail d'Anvers.
IV. Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.
V. L'avocat general Anne De Raeve a conclu.
VI. II. Le moyen de cassation
VII. La demanderesse presente un moyen dans sa requete.
* Dispositions legales violees
* article 149 de la Constitution coordonnee le17 fevrier 1994 ;
* articles 8, plus specialement S:1er, alineas 1eret 2, 22 et 23 de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail.
* * Decisions et motifs critiques
Statuant par la decision attaquee sur la demande introduite par ledefendeur tendant à entendre condamner la demanderesse àreconnaitre que les faits qui se sont produits le 28 octobre 2002constituent un accident du travail et à payer les indemnites pourincapacite temporaire et incapacite permanente de travail prevues parla loi, majorees des interets et des depens, la cour du travaildeclare l'appel de la demanderesse non fonde par les motifssuivants :
« Se ralliant au premier juge, (la cour du travail) considere que,du point de vue chronologique egalement, le detour etait negligeable.
La victime a travaille jusqu'à 13 h. 15. Elle a quitte son lieu detravail vers 13 h. 30 [voir piece 2 - questionnaire - inventaire(demanderesse)] et vers 14h30 a quitte Chr. S. pour rejoindre sondomicile en motocyclette Kawasaki.
Elle a ete emportee en ambulance vers 14 h. 35.
La duree du trajet du lieu du travail de la victime jusqu'au domicilede Chr. S. est d'une dizaine de minutes, de sorte qu'il estvraisemblable qu'elle est arrivee à destination vers 13 h. 40.
Compte tenu de ce qui precede, elle a du rester de 50 à 55 minuteschez son collegue et ami, de sorte que, du point de vuechronologique, le detour etait negligeable. (...)
C'est à bon droit que le premier juge a decide que la victimedemontrait l'existence d'un motif legitime à l'origine del'interruption peu importante du trajet, qui n'etait pas uniquementjustifiee par des motifs d'ordre personnel mais concernait egalementl'execution du contrat de travail.
Dans ces circonstances, c'est à bon droit qu'il a decide quel'accident s'etait produit sur un trajet chronologiquement etgeographiquement normal.
(La cour du travail) decide en consequence que l'accident dont (ledefendeur) a ete victime le 28 fevrier 2002 s'est produit sur letrajet normal du lieu de travail au lieu de residence, de sortequ'(il) a ete victime d'un accident du travail au sens del'article 8, S:1er, alinea 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail ». (...)
* Griefs
* Premiere branche.
1.1 La demanderesse a fait valoir dans ses « conclusions d'appel etde reprise d'instance » regulierement deposees que :
« Il est incontestable qu'en l'espece, l'interruption doit etreconsideree comme importante ;
En effet, l'importance d'une interruption s'apprecie notamment à lalumiere de la duree de l'interruption et de la longueur du trajetnormal ; (...)
Il ressort en l'espece que l'accident s'est produit plus de75 minutes apres que le defendeur eut quitte le lieu de travail,alors que la duree normale du trajet entre son lieu de travail et sondomicile est d'une dizaine de minutes et que la distance entre lememe lieu de travail et le domicile de (son) collegue est de pres de3 km ;
Ainsi, il est incontestable qu'en l'espece, l'interruption a ete tresimportante ; (...)
Eu egard à l'importance de l'interruption, il ne peut etre questiond'un accident du travail - accident sur le chemin du travail que si(le defendeur) prouve la force majeure » (...).
La demanderesse a ainsi expose de maniere circonstanciee qu'il yavait lieu (egalement) d'apprecier l'interruption du trajet encomparant la duree objective de l'interruption et de la duree dutrajet normal (le principe de "proportionnalite") et qu'en l'espece,il y a lieu d'arriver à la conclusion que l'interruption a enl'espece ete importante.
1.2. La cour du travail a omis de repondre à ces allegations et atotalement neglige le « principe de proportionnalite ».
Ainsi, la cour du travail n'a pas pu decider sans violer sonobligation de motivation que l'interruption du trajet n'etait pasimportante (violation de l'article 149 de la Constitutioncoordonnee).
Seconde branche
2.1. L'article 8, S:1er, alineas 1er et 2, de la loi du 10 avril 1971sur les accidents du travail dispose que l'accident survenu sur lechemin du travail est egalement considere comme un accident dutravail et que le chemin du travail s'entend du trajet normal que letravailleur doit parcourir pour se rendre de sa residence au lieu del'execution du travail, et inversement.
Le juge appele à apprecier la normalite du trajet ne peut omettre decomparer la duree objective de l'interruption et la duree du trajetnormal.
La cour du travail a enonce (...) que la demanderesse faisait valoirque « la duree du trajet normal entre le lieu de travail et ledomicile de la victime est d'une dizaine minutes ». Les partiesn'ont pas consteste cet element de fait et la cour du travail ne l'apas davantage ecarte ou refute.
La cour du travail a constate d'autre part (...) que l'interruptiondu trajet avait dure "de 50 à 55 minutes".
2.2. Nulle part dans l'arret, la cour du travail n'a controle laduree objective de l'interruption, qu'elle fixe à une duree de 50 à55 minutes, à la lumiere de la duree du trajet normal, qu'elleconsidere etre d'une dizaine de minutes suivant les allegations de lademanderesse.
En tout cas, il ressort des constatations et des considerations del'arret attaque que la cour du travail appelee à apprecier lanormalite de l'interruption n'a pas compare la duree objective del'interruption et la duree du trajet normal.
Ainsi, en decidant sur la base de ces constatations quel'interruption du trajet n'etait pas importante, la cour du travailviole les notions legales de "chemin du travail" et de "trajetnormal" (violation des articles 8, plus specialement S:1er,alineas 1er et 2, 22 et 23 de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail).
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
1. Les juges d'appel fondent la decision que, « se ralliant aupremier juge », ils considerent que le detour etl'interruption du trajet n'etaient pas importants tant dupoint de vue chronologique que du point de vue geographique,non seulement sur les motifs reproduits au moyen mais aussisur les constatations que :
- le trajet du lieu de travail à la residence de la victime est de10, 31 km et le trajet du lieu de travail au domicile de Chr. S.n'est que de 3, 678 km ;
- l'importance du detour effectue s'apprecie non seulement sur labase de la comparaison mathematique entre le trajet parcouru et letrajet normal mais aussi à la lumiere des elements de fait ;
- l'employeur avait demande à la victime de se rendre aupres de soncollegue et ami pour une question de documents medicaux.
Les juges d'appel ont decide qu'en l'espece, le detour n'etait pasimportant tant sur le plan geographique que sur le plan chronologiqueet que, de surcroit, il reposait sur un motif legitime.
2. Par ces constatations et considerations, les juges d'appelont rejete les moyens de defense invoques par la demanderesseet y ont repondu.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
3. Le moyen, en cette branche, ne precise pas en quoi l'arretviole les dispositions des articles 22 et 23 de la loi du10 avril 1971 sur les accidents du travail dont il invoque laviolation.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est imprecis et,partant, irrecevable.
4. En vertu de l'article 8, S:1er, alinea 2, de la loi du10 avril 1971 sur les accidents du travail, il y a lieud'entendre par chemin du travail, le trajet normal que letravailleur doit parcourir pour se rendre de sa residence aulieu de l'execution du travail, et inversement.
Le trajet reste normal au sens de cette disposition tant quel'interruption est insignifiante, qu'elle est peu importante etjustifiee par un motif legitime ou qu'elle est importante maisjustifiee par la force majeure.
5. L'appreciation de l'importance de la duree d'une interruptionne repose pas uniquement sur des elements de temps.
6. Les juges d'appel ont constate que :
- le defendeur s'est rendu chez son collegue et ami à la demande del'employeur pour une question de documents medicaux ;
- le defendeur a quitte le lieu de travail pour se rendre chez soncollegue vers 13 h. 30 et a voulu rejoindre son propre domicile vers14 h. 30. Il a ete emporte en ambulance vers 14 h. 35 ;
- le trajet du lieu de travail à la residence de la victime est de10, 31 km et le trajet du lieu de travail au domicile de son collegueest de 3, 678 km ;
- la duree du trajet parcouru pour rendre visite à son colleguemalade etait d'une dizaine de minutes ;
- le defendeur est reste de 50 à 55 minutes chez son collegue etami ;
- il a profite de l'occasion « pour bavarder avec son collegue etami malade, ce qui est parfaitement justifiable d'un point de vuesocial ».
Les juges d'appel ont pu considerer sur la base de ces motifs que ledetour et l'interruption n'etaient pas importants et que lescirconstances precitees constituaient un motif legitime en relationavec l'execution du contrat de travail.
7. Ainsi, l'arret ne viole pas la disposition legale citee aumoyen, en cette branche.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etreaccueilli.
* Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette le pourvoi ;
* Condamne la demanderesse aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Robert Boes, president, lesconseillers Ghislain Londers, Eric Dirix, Beatrijs Deconinck et KoenMestdagh, et prononce en audience publique du cinq mars deux millesept par le president de section Robert Boes, en presence de l'avocatgeneral Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier-adjoint JohanPafenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Sylviane Velu ettranscrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.
Le greffier, Le conseiller,
5 MARS 2007 S.06.0074.N/1