Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG F.05.0020.N
1. BRITISH AMERICAN TOBACCO BELGIUM, societe anonyme,
et pour autant que de besoin
2. ALLGEMEINE VERSICHERUNGSAKTIENGESELLSSCHAFT,
3. TOBACCO INSURANCE COMPANY Ltd, societe de droit anglais,
4. FORTIS CORPORATE INSURANCE, societe de droit neerlandais,
5. AXA BELGIUM, societe anonyme,
6. HANNOVER INTERNATIONAL BELGIE, societe anonyme,
7. AVERO SCHADEVERZEKERING BENELUX, societe de droit neerlandais
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation.
contre
ETAT BELGE (Finances),
Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 octobre 2003par la cour d'appel de Bruxelles.
Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.
L'avocat general Dirk Thijs a conclu.
II. Les faits
Il ressort de l'arret que :
1. le 29 decembre 1994, un incendie survenu dans un entrepot a totalementdetruit des produits du tabac appartenant à la premiere demanderesse ;
2. les produits du tabac ont ete mis à la consommation en Belgique et ontete pourvus de ce chef d'une marque fiscale belge ;
3. les marques fiscales etaient dejà payes ;
4. les produits etaient destines à la consommation en Belgique.
III. Les moyens de cassation
Les demanderesse presentent deux moyens libelles dans les termessuivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- article 22 de la Directive 92/12/CEE du Conseil du 25 fevrier 1992,relative au regime general, à la detention, à la circulation et auxcontroles des produits soumis à accise;
- article 22 de l'arrete royal du 29 decembre 1992 relatif au regimegeneral, à la detention, à la circulation et aux controles des produitssoumis à accise.
Decisions et motifs critiques
La cour d'appel rejette la demande de remboursement introduite par lesdemanderesses en application de la Directive europeenne precitee et del'arrete royal du 29 decembre 1992, sur la base des considerationssuivantes :
« La societe anonyme BAT invoque en ordre principal l'article 22, 2, d)de la Directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 fevrier 1992, relative auregime general, à la detention, à la circulation et aux controles desproduits soumis à accise.
Tel qu'il ressort des considerations prealables se referant au Traiteinstituant la Communaute economique europeenne, cette directive vise lalibre circulation des marchandises, y compris celles soumises à accise,en fonction de la realisation d'un marche commun efficace ; autrement dit,la Directive comprend les regles en vue de mettre fin aux entraves à lalibre circulation intracommunautaire qui trouvent leur origine dans lesdroits d'accise qui sont perc,us dans les Etats membres.
Un seul article, l'article 22, figure sous le titre IV - Remboursement,qui est subdivise en 5 points. Seuls les numeros 1 et 2 sont importants enl'espece.
Le premier numero fixe la regle generale que l'accise peut etre rembourseelorsque les biens mis à la consommation dans un Etat membre ne sont pasdestines à etre consommes dans cet Etat.
L'accise est exigible lors de la mise à la consommation et notamment lafabrication des produits du tabac est consideree comme mise à laconsommation (voir article 6, 1, b de la Directive).
En l'espece il est etabli que la mise à la consommation, c'est-à-dire lafabrication, a eu lieu en Belgique, que les droits d'accise belges ont etepayes et que les produits etaient destines à etre consommes en Belgique.
Le numero 2 de l'article 22 de la Directive enumere les conditions quidoivent etre reunies pour pouvoir pretendre au remboursement dont il estfait etait au numero 1.
Ainsi l'expediteur doit introduire prealablement à l'expedition desmarchandises une demande de remboursement aupres des autorites competentesde son Etat membre et justifier que les droits d'accises ont ete acquittes(littera a) ; la circulation des marchandises doit s'effectuer au moyend'un certain document (littera b) ; l'expediteur presente aux autoritescompetentes de son Etat membre l'exemplaire de renvoi du documentaccompagne d'un document attestant de la prise en charge des droitsd'accises dans l'Etat membre de consommation (littera c).
Il est clair que toutes ces dispositions, soit les numeros 1 et 2 del'article 22 de la Directive et notamment, sous le numero 2, les litterasa) à c) inclus concernent la circulation communautaire des produitssoumis à accise, soit la circulation des produits soumis à accise entreles Etats membres ; ils ne sont, des lors, pas applicables en l'espece,des lors que les produits soumis à accise n'etaient pas destines dans cecas à la circulation communautaire mais bien à la consommation enBelgique.
Le numero 2 de l'article 22 de la Directive enonce, sous le littera d),une disposition qui, tel qu'il ressort du debut du numero 2, vaut pourl'application de la possibilite de remboursement prevue sous le numero 1.Ce littera d) est libelle comme suit :
`Les produits soumis à accise et mis à la consommation dans un Etatmembre et à ce titre munis d'une marque fiscale ou d'une marque dereconnaissance de cet Etat membre peuvent faire l'objet d'un remboursementde l'accise due aupres des autorites fiscales de l'Etat membre qui adelivre ces marques fiscales ou de reconnaissance, pour autant que ladestruction de ces marques soit constatee par les autorites fiscales del'Etat membre qui les a delivrees'.
En l'espece, les produits du tabac ont ete mis à la consommation enBelgique et, à ce titre, munis d'une marque fiscale belge.
Aux termes de la suite de la disposition citee de la Directive, il existedans ce cas une possibilite de remboursement de l'accise par les autoritesfiscales belges qui ont delivre ces marques fiscales, pour autant que ladestruction de ces marques soit constatee par les autorites fiscales.
En cas de combinaison entre cette regle et la regle contenue au numero 1de l'article 22 de la Directive, elle s'entend comme suit : l'accise surles produits du tabac qui sont mis à la consommation en Belgique et, àce titre, munis d'une marque fiscale belge et qui ne sont pas destines àetre consommes en Belgique, peut etre remboursee pour autant que ladestruction de ces marques soit constatee par les autorites fiscalesbelges.
Des lors qu'il est etabli que les produits du tabac etaient bien destinesà la consommation en Belgique, la possibilite de remboursement en vertude l'article 22 de la Directive disparait.
La societe anonyme BAT fait valoir que le littera d) constitue une sourceindependante de remboursement, qui s'applique aussi, et selon la societeanonyme BAT qui s'applique meme exclusivement, aux produits soumis àaccise destines à la consommation en Belgique.
Elle deduit cela du fait que le littera d) ne figurait pas dans lesprojets originaires qui ont donne lieu à la Directive et n'a ete ajoutequàu tout dernier moment'.
Elle ajoute que cela a ete fait de maniere negligente et que cettedisposition aurait du faire formellement l'objet d'une categoriedistincte, c'est-à-dire separee des hypotheses prevues à l'article 22,numeros 1 et 2, litterae a) à c) inclus.
Elle affirme enfin que la disposition, reprise au littera d), estdepourvue de sens si on la lit en combinaison avec les numeros 1 et 2,litterae a) à c) inclus : la destruction implique, selon elle, que lesproduits n'ont pas quitte le pays dans lequel ils ont ete mis à laconsommation.
Ces affirmations ne sont pas etablies et sont non fondees.
Meme s'il est admis que la disposition qui est reprise au littera d) a eteajoutee au tout dernier moment, cette simple constatation n'apporte pas lapreuve du fait que pour cette raison cela aurait ete fait de manierenegligente, a fortiori que l'auteur de la directive aurait eu l'intentionde creer une categorie distincte de remboursement independante descategories de remboursement dejà existantes.
En outre la lecture que la societe BAT fait du texte de la disposition esterronee : le littera d) ne se limite pas à la destruction dans le paysdans lequel les produits sont mis à la consommation ; combine aux autresdispositions de l'article 22 il concerne l'hypothese de la destructiondans un Etat membre different de celui dans lequel les produits ont etemis à la consommation.
Cette lecture correspond à l'objet de la directive, à savoir regler lacirculation communautaire pour les produits soumis à accise et, dans cecadre, le remboursement de l'accise dans des cas et à des conditionsdeterminees.
Le meme raisonnement vaut dans la mesure ou le remboursement est reclameen vertu de l'article 22, S: 2, d) de l'arrete royal du 29 decembre 1992,des lors que cette disposition belge constitue une transcription litteralede l'article 22 precite de la directive.
Cette disposition belge ne peut avoir un champ d'application different decelui vise par l'auteur de la directive europeenne.
En bref, cela equivaut au fait que les produits soumis à accise qui sontmis à la consommation en Belgique et qui sont destines à etre consommesen Belgique, et sur lesquels des droits d'accise ont ete payes, ne sontpas pris en consideration pour un remboursement en cas de destruction desmarques fiscales due à un incendie survenu dans un entrepot en Belgique,ni en vertu de l'article 22 de la Directive citee ni en vertu de l'article22 de l'arrete royal cite.
La demande de remboursement fondee sur ces dispositions legales est nonfondee ».
Griefs
Violation de l'article 22 de la Directive 92/12/CEE du Conseil du 25fevrier 199 relative au regime general, à la detention, à la circulationet aux controles des produits soumis à accise et de l'article 22 del'arrete royal du 29 decembre 1992 relatif au regime general, à ladetention, à la circulation et aux controles des produits soumis àaccise.
1. L'article 22, alinea 1er, de la Directive 92/12/CEE dispose que « lesproduits soumis à accise et mis à la consommation peuvent, dans des casappropries et à la demande d'un operateur dans l'exercice de saprofession, faire l'objet d'un remboursement de l'accise par les autoritesfiscales de l'Etat membre ou a lieu la mise à la consommation, lorsqu'ilsne sont pas destines à etre consommes dans cet Etat membre. Toutefois,les Etats membres peuvent ne pas donner suite à cette demande deremboursement lorsqu'elle ne satisfait pas aux criteres de regularitequ'ils etablissent ».
L'article 22, alinea 2, d), de la Directive 92/12/CEE est libelle commesuit : « les produits soumis à accise et mis à la consommation dans unEtat membre et à ce titre munis d'une marque fiscale ou d'une marque dereconnaissance de cet Etat membre peuvent faire l'objet d'un remboursementde l'accise due aupres des autorites fiscales de l'Etat membre qui adelivre ces marques fiscales ou de reconnaissance, pour autant que ladestruction de ces marques soit constatee par les autorites fiscales del'Etat membre qui les a delivrees ».
L'article 22, S: 1er de l'arrete royal dispose que « lorsqu'ils ne sontpas destines à etre consommes dans le pays (...), les produits d'accisequi y ont ete mis à la consommation peuvent, dans des cas appropries età la demande d'un operateur dans l'exercice de sa profession, fairel'objet d'un remboursement de l'accise ».
L'article 22, S: 2, d), de l'arrete royal est libelle comme suit : « lesproduits soumis à accise et mis à la consommation dans le pays et à cetitre munis d'une marque fiscale ou d'une marque de reconnaissance belgepeuvent faire l'objet d'un remboursement de l'accise due en Belgique, pourautant que la destruction de ces marques soit constatee parl'administration ».
2. La cour d'appel rejette la demande des demanderesses (demande deremboursement) et decide que « les produits soumis à accise qui sontmis à la consommation en Belgique et qui sont destines à etre consommeen Belgique, et sur lesquels des droits d'accise ont ete payes, ne sontpas pris en consideration pour un remboursement en cas de destruction desmarques fiscales due à un incendie survenu dans un entrepot en Belgique,ni en vertu de l'article 22 de la Directive citee ni en vertu de l'article22 de l'arrete royal cite ». (...)
3. Aux termes de l'article 22, alinea 1er de la Directive 92/12/CEE il nepeut etre donne suite à une demande de remboursement que si la mise à laconsommation et la consommation s'effectuent dans des Etats membresdifferents.
L'alinea 1er de l'article 22 de la Directive 92/12/CEE ne vise des lorsque les situations qui ont un point commun dans plus d'un Etat membre dela Communaute europeenne.
A ce propos, l'arret constate que « toutes ces dispositions,c'est-à-dire ls numeros 1 et 2 de l'article 22 de la Directive etnotamment, sous le numero 2, les litterae a) à c) inclus, concernent lacirculation communautaire des produits soumis à accise, soit lacirculation de produits soumis à accise entre les Etats membres » (...).
Comme les demanderesses l'ont fait valoir devant la cour d'appel (...)l'article 22, alinea 2, d), de la Directive 92/12/CEE a toutefois uneportee plus etendue.
Le littera d) de l'article 22 de la Directive 92/12/CEE, dispose que lesproduits soumis à accise et mis à la consommation dans un Etat membre età ce titre munis d'une marque fiscale de cet Etat membre peuvent fairel'objet d'un remboursement de l'accise due aupres des autorites fiscalesde l'Etat membre qui a delivre ces marques fiscales, pour autant que ladestruction de ces marques soit constatee par les autorites fiscales del'Etat membre qui les a delivrees.
La cour d'appel considere à tort que « l'accise sur les produits dutabac qui sont mis à la consommation en Belgique, qui sont munis à cetitre d'une marque fiscale belge et qui ne sont pas destines à etreconsommes en Belgique, peut etre remboursee pour autant que la destructionde ces marques fiscales soit constatee par les autorites fiscalesbelges » (...).
L'arret interprete ainsi de maniere trop restrictive l'article 22, alinea2, littera d), de la Directive 92/12/CEE.
Le littera d) de l'article 22 de la Directive 92/12/CEE ne pose nullementcomme condition que les produits soumis à accise qui sont mis à laconsommation dans un Etat membre doivent etre destines à etre consommesdans un autre Etat membre.
Le littera d) prevoit par contre en termes generaux que l'Etat membre quia delivre les marques fiscales peut rembourser l'accise pour autant quecet Etat membre ait constate la destruction des marques fiscales.
Rien ne fait etat de l'intention de limiter l'application de l'article 22,littera d) à des situations de circulation communautaire de produitssoumis à accise.
Si cela avait ete le cas, l'article 22, littera d) de la Directive92/12/CEE aurait pu simplement se referer à l'alinea 1er de l'article 22dans lequel se situe la mise à la consommation et la consommation dansdes Etats membres differents.
Le littera d) de l'article 22 de la Directive 92/12/CEE delimite lui-memele champ d'application de ce paragraphe - les produits soumis à accisequi sont mis à la consommation et munis d'une marque fiscale - et disposeensuite que l'Etat membre qui a delivre cette marque fiscale peutrembourser l'accise pour autant que les autorites fiscales de cet Etatmembre constatent la destruction des marques fiscales.
L'application du littera d) de l'article 22 de la Directive 92/12/CEEn'est donc pas subordonnee à la condition que les produits soumis àaccise doivent etre destines à la consommation dans un Etat membredifferent de celui dans lequel a eu lieu la mise à la consommation.
La constatation que les produits du tabac soumis à accise n'etaient pasdestines à la circulation communautaire, mais qu'ils seraient consommesen Belgique (...) ne fait, des lors, pas obstacle à « la demande deremboursement des demanderesses » en application de l'article 22, alinea2, littera d) de la Directive 92/12/CEE.
4.L'application de l'article 22, littera d), de la Directive 92/12/CEEreste toutefois limitee à la situation de destruction dans un Etat membredifferent de l'Etat membre ou a eu lieu la mise à la consommation, commel'admet à tort la cour d'appel (...).
Il ne ressort pas du littera d) de l'article 22 que son application doitetre limitee aux cas de destruction dans un Etat membre different del'Etat membre ou à eu lieu la mise à la consommation.
L'article 22, alinea 2, littera d), de la Directive 92/12/CEE peut aussis'appliquer si la destruction des marques fiscales a lieu dans un Etatmembre ou a lieu la mise à la consommation, à la condition que ladestruction des marques fiscales ait ete constatee par les autoritesfiscales de l'Etat membre qui a delivre ces marques fiscales.
5.La decision de la cour d'appel que « l'accise sur les produits du tabacqui sont mis à la consommation en Belgique , qui sont soumis à ce titred'une marque fiscale et qui ne sont pas destines à etre consommes enBelgique, peut etre remboursee pour autant que la destruction de cesmarques ait ete constatee par les autorites fiscales belges » ; « ...deslors que les produits du tabac etaient en l'espece bien destines à laconsommation en Belgique, la possibilite de remboursement disparait envertu de l'article 22 de la Directive 92/12/CEE » (...) et en outre quele littera d) de l'article 22 « combine aux autres dispositions del'article 22 ... concerne l'hypothese de destruction dans un Etat membredifferent de celui dans lequel les produits ont ete emis à laconsommation » (...) est fondee sur une interpretation erronee del'article 22, alinea 2, littera d) de la Directive 92/12/CEE et violel'article 22, alinea 2, d) et l'article 22, alinea 1er de la Directive92/12/CEE.
L'arret rejette par ces memes motifs (...) la demande de remboursementfondee par les demanderesses sur l'article 22, S: 2, d) de l'arrete royaltransposant la Directive 92/12/CEE et viole, des lors, aussi l'article 22,S: 2, d) et l'article 22, S: 1er de l'arrete royal.
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 6 de la Directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 fevrier 1992,relative au regime general, à la detention, à la circulation et auxcontroles des produits soumis à accise ;
- article 46 de l'arrete ministeriel du 1er aout 1994 relatif au regimefiscal des tabacs manufactures.
Decisions et motifs critiques
La cour d'appel rejette la demande de remplacement des signes fiscauxintroduite en ordre subsidiaire par les demanderesses, sur la base desconsiderations suivantes :
« La societe anonyme BAT affirme qu'il existe des circonstances specialesen l'espece : à la suite de l'incendie les signes fiscaux sont devenusinutilisables.
L'Etat belge ne conclut pas de maniere explicite à propos de l'article46.
Le premier juge a considere - sans autre motivation - que la societeanonyme BAT fait `une lecture trop extensive et erronee' en `considerantla possibilite de remplacement des signes comme un droit au remplacementdes signes dont sont munies les fabrications dedouanees et perdues'.
En l'espece, les marques fiscales ne sont pas devenues inutilisables.Elles ont ete apposees et definitivement utilisees au moment ou lesmarchandises ont ete mises à la consommation. Ni avant leur apposition niau cours de celle-ci elles ne sont devenues inutilisables en raison decirconstances particulieres.
Les marchandises n'ont ete detruites qu'apres leur apposition et leurutilisation complete ».
Griefs
Violation de l'article 46 de l'arrete ministeriel du 1er aout 1994 relatifau regime fiscal des tabacs manufactures et de l'article 6 de la Directive92/12/CEE du Conseil, du 25 fevrier 1992, relative au regime general, àla detention, à la circulation et aux controles des produits soumis àaccise.
1. Aux termes de l'article 46, alinea 1er, de l'arrete ministeriel du 1eraout 1994 les signes fiscaux livres aux operateurs ne sont ni repris niechanges par l'Administration sauf si les signes fiscaux sont devenusinutilisables par suite d'une modification du tableau des signes fiscauxou d'un changement des prix de vente au detail; par suite d'unedeterioration survenue, soit au cours de l'impression des mentions viseesaux articles 40 et 43, soit lors du decoupage mecanique des signesfiscaux, soit encore lors de leur apposition mecanique par suite d'autrescirconstances speciales.
L'article 6 de la Directive 92/12/CEE considere comme mise à laconsommation de produits soumis à accise toute sortie, y comprisirreguliere, d'un regime suspensif, toute fabrication, y comprisirreguliere, de ces produits hors d'un regime suspensif, touteimportation, y compris irreguliere, de ces produits lorsque ces produitsne sont pas mis sous un regime suspensif.
2. Dans leurs conclusions d'appel les demanderesses ont fait valoir queles signes fiscaux sont devenus inutilisables par suite de circonstancesparticulieres de sorte qu'elles pouvaient formuler une demande deremplacement/echange des signes fiscaux (...).
3. La cour d'appel rejette le moyen des demanderesses fonde sur l'article46 de l'arrete ministeriel du 1er aout 1994 et decide « qu'en l'especeles signes fiscaux ne sont pas devenus inutilisables. Ils ont ete apposeset definitivement utilises au moment ou les marchandises ont ete emises àla consommation. Ils ne sont devenus inutilisables ni avant d'avoir eteapposes ni lorsqu'ils ont ete apposes par suite de circonstancesspeciales. C'est apres avoir ete apposes et utilises que les marchandisesont ete detruites ».
Suivant la cour d'appel les signes fiscaux ne sont pas devenusinutilisables mais ils ont ete definitivement utilises et apposes lorsqueles marchandises ont ete mises à la consommation (...).
4.Lorsqu'elle definit la notion « devenir inutilisable », la courd'appel ne tient pas compte, à tort, de la destruction ulterieure desmarchandises et des signes fiscaux qui y sont apposes.
Il ressort en effet des termes de l'article 46 de l'arrete ministeriel quel'expression « devenir inutilisable » est une notion de faitcontrairement à la notion « mise à la consommation » telle qu'elle estdefinie à l'article 6 de la Directive 92/12/CEE.
Lorsqu'elle apprecie la demande de reprise ou d'echange la cour d'appel nedecide pas legalement de ne pas tenir compte des evenements qui sontsurvenus apres la mise à la consommation.
Dans la mesure ou, lors de l'appreciation du caractere inutilisable,l'arret se place au moment de la mise à la consommation et qu'il rejettela destruction ulterieure des marchandises et des signes fiscaux qui ysont apposes (...), l'arret viole la notion de « devenir inutilisable »(violation de l'article 46 de l'arrete ministeriel et, pour autant que debesoin, de l'article 6 de la Directive 92/12/CEE).
IV. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
L'article 22, S: 1er, de l'arrete royal du 29 decembre 1992 relatif auregime general, à la detention, à la circulation et aux controles desproduits soumis à accise, lorsqu'ils ne sont pas destines à etreconsommes dans le pays, les produits d'accise qui y ont ete mis à laconsommation peuvent, dans des cas appropries et à la demande d'unoperateur dans l'exercice de sa profession, faire l'objet d'unremboursement de l'accise.
L'article 22, S: 2, de ce meme arrete royal dispose que « Pourl'application du paragraphe 1, les dispositions suivantes sontapplicables : (...)
d) les produits soumis à accise et mis à la consommation dans le pays età ce titre munis d'une marque fiscale ou d'une marque de reconnaissancebelge peuvent faire l'objet d'un remboursement de l'accise due enBelgique, pour autant que la destruction de ces marques soit constatee parl'administration ».
Cet article constitue l'execution dans l'ordre interne belge de laDirective 92/12/CEE du Conseil du 25 fevrier 1992 relative au regimegeneral, à la detention, à la circulation et aux controles des produitssoumis à accise.
2. L'article 22, alinea 2, sub d de cette directive prevoit la possibilited'obtenir le remboursement aupres des autorites fiscales de l'Etat membrequi a delivre ces marques fiscales dans le cas particulier ou ladestruction de ces marques a ete constatee par les autorites fiscales del'Etat membre qui les a delivrees.
3. Il ressort de l'arret de la Cour de justice du 15 juin 2006, C-494/04que la reglementation fiscale du remboursement doit etre de nature à nepas favoriser les abus et les fraudes et à ne pas exclure leremboursement dans les cas ou une telle exclusion serait disproportionneeau but poursuivi.
4. Une constatation obligatoire par les autorites fiscales, avant la miseà la consommation des marchandises, est de nature à eviter tous les abuset est proportionnel au but poursuivi.
5. Le moyen part de l'hypothese que les autorites fiscales ont constate ladestruction des marques de sorte que tout abus etait exclu.
6. L'arret ne le constate pas mais part au contraire de l'hypothese queles marques ont ete detruites à un moment ou les marchandises etaientdejà mises à la consommation.
7. Le moyen demande un examen des faits pour lequel la Cour est sanscompetence et est, des lors, irrecevable.
Sur le second moyen :
8. En vertu de l'article 46 de l'arrete ministeriel du 1er aout 1994relatif au regime fiscal des tabacs manufactures, les signes fiscauxlivres aux operateurs ne sont ni repris ni echanges par l'Administration.
Il est toutefois fait exception à cette regle en ce qui concerne lessignes fiscaux qui sont devenus inutilisables :
a) par suite d'une modification du tableau des signes fiscaux ou d'unchangement des prix de vente au detail;
b) par suite d'une deterioration survenue, soit au cours de l'impressiondes mentions visees aux articles 40 et 43, soit lors du decoupagemecanique des signes fiscaux, soit encore lors de leur appositionmecanique;
c) par suite d'autres circonstances speciales.
9. Il y a lieu d'entendre par signes devenus inutilisables, les signes quile sont devenus avant d'etre apposees sur les produits du tabac qui ontete mis à la consommation.
10. Il s'ensuit que les signes fiscaux apposes en l'espece sur lescigarettes qui ont ete detruites par le feu apres leur mise à laconsommation, ne peuvent etre echanges.
11. L'arret attaque pouvait, des lors, decider legalement que les signesfiscaux ne pouvaient etre echanges des lors que les marchandises ont etedetruites apres que les signes fiscaux aient ete apposes et definitivementutilises.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demanderesses aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section EdwardForrier, les conseillers Luc Huybrechts, Paul Maffei et Eric Stassijns, etprononce en audience publique du vingt cinq mai deux mille sept par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general Dirk Thijs,avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Traduction etablie sous le controle du president Ivan Verougstraete ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le president,
25 MAI 2007 F.05.0020.N/16