Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.04.0460.N
PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE GAND,
contre
1. ALFA AURIGAE, s.p.r.l.,
2. V. J., q.q.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 mai 2004 parla cour d'appel de Gand.
Le president de section Ernest Wauters a fait rapport.
L'avocat general Dirk Thijs a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
Articles 700, 702, 860, 861, 864 et 867 du Code judiciaire.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque :
« annule le jugement attaque du 16 juillet 2003 ; des lors, statuant ànouveau :
declare nul l'exploit de la citation en faillite, signifiee le 27 fevrier2003 par l'huissier de justice Raoul Rogiers ;
annule le jugement rendu par defaut le 9 avril 2003 et retracte ladecision de declaration de la faillite ;
condamne l'Etat belge aux depens taxes à :
- dans le chef de la premiere defenderesse :
- 196,60 euros (citation et mise au role de la procedure d'opposition)
- 167,31 euros (indemnite de procedure en premiere instance)
- 55,76 euros (indemnite pour les depens d'appel)
- 186,00 euros (droit de role en appel)
- 228,06 euros (indemnite de procedure en appel)
- dans le chef du second defendeur :
- 17,10 euros (frais d'expedition)
- 122,70 euros (frais de signifcation)
p.m. frais et honoraires (le second defendeur) »,
sur la base des motifs suivants :
« 4. Le jugement entrepris constate à juste titre que la citation enfaillite tendant à la comparution de la premiere defenderesse devant letribunal de commerce de Furnes le 12 mars 2002 à 9 heures et pas le 12mars 2003 lui a ete signifiee le 27 fevrier 2003.
Il n'est pas conteste que l'huissier de justice Roegiers s'est tromped'annee dans l'exploit concernant la date de l'audience introductive.
Il ressort de l'original de l'exploit de citation que la copie n'a pas eteremise entre les mains de la defenderesse ou d'un delegue, mais qu'il aete depose dans la boite aux lettres sous pli ferme.
Lors de la citation introductive du 12 mars 2003, le gerant de la societefaillie etait absent. Il a declare devant le premier juge (sur opposition)et devant la cour d'appel qu'il n'avait pas ete informe de cette audienceet qu'ensuite, le 9 avril 2003, il a ete tout à fait surpris par lavisite du curateur et du juge-commissaire qui lui ont communique lejugement de faillite qui venait d'etre prononce, et lui ont dit qu'ildevait mettre fin immediatement à ses activites.
Quant à la copie dudit exploit de citation (retrouvee par la suite), legerant (qui recevait tres regulierement des significations et descitations de creanciers) a declare que cet exploit - en raison de la datequi y figure - avait ete classe dans ses papiers administratifs aupres dedocuments de l'annee 2002.
5. Lors de l'audience du 12 mars 2003, le procureur du Roi a requis unjugement par defaut, ce qui a donne lieu au jugement rendu par defaut le 9avril 2003 par lequel la premiere defenderesse a ete declaree en faillite.
Suivant l'article 702, 5DEG, du Code judiciaire, à peine de nullite,l'exploit de citation contient l'indication des lieu, jour et heure del'audience. L'exploit introductif n'indiquait pas la date de l'audienceintroductive du 12 mars 2003.
La date indiquee etait impossible (dans le passe) et cela equivaut audefaut d'indication du lieu, du jour et de l'heure de l'audience.
La nullite prevue est une nullite relative des lors qu'elle ne ressortitpas à l'enumeration limitative de l'article 862, S: 1er, du Codejudiciaire.
L'article 861 du Code judiciaire dispose que le juge ne peut declarer nulun acte de procedure que si l'omission ou l'irregularite denoncee nuit auxinterets de la partie qui invoque l'exception.
L'article 867 du Code judiciaire dispose que l'irregularite de la formed'un acte (y compris le non-respect des delais prescrits à peine denullite) ou de la mention d'une formalite ne peut entrainer la nullite,s'il est etabli par les pieces de la procedure que l'acte a realise le butque la loi lui assigne ou que la formalite non mentionnee a, en realite,ete remplie.
6. En l'espece, il peut etre presume que l'indication d'une date decomparution erronee dans l'exploit de citation presente un lien decausalite direct avec le fait que les defendeurs ont fait defaut. Ledemandeur n'a pas apporte la preuve contraire.
Si le gerant de la premiere defenderesse a suppose à tort au cours despremieres semaines apres la faillite que dans son administration il a lude maniere erronee un certain exploit (ce qui explique sa declarationoriginaire faite au curateur), il est apparu ensuite des pieces que lafaute reelle a ete commise par l'huissier de justice.
Le gerant de la premiere defenderesse a comparu à plusieurs repriseslorsque sa societe a ete appelee à comparaitre par la chambre desenquetes commerciales et il etait tout à fait illogique que la premieredefenderesse (qui forme actuellement opposition et appel) n'aurait passaisi une chance de se defendre contre une citation en faillite.
Le but de la norme prescrivant la citation introductive, à savoir que legerant de la premiere defenderesse pourrait comparaitre lors de l'audienceintroductive du 12 mars 2003 et faire valoir ses moyens de defense (pourproposer par exemple un plan de paiement afin d'eviter la faillite), n'apas ete atteint. En indiquant une date d'audience impossible situee dansle passe, le but informatif vise par l'article 867 du Code judiciaire n'apas ete atteint.
Le prejudice dans le chef de la premiere defenderesse est clair, des lorsqu'elle ne pouvait deduire de l'exploit litigieux à quelle date elledevait se rendre à l'audience. Une violation de l'exercice des droits dedefense est consideree comme un prejudice (Bruxelles, 13 fevrier 1990,JLMB 1990, 847).
La procedure d'opposition menee par la suite ne couvre pas la nullite del'acte introductif irregulier ayant cause un prejudice (Cass., 10 fevrier1975, Bull. et Pas., 1975, 588 ).
Au moment ou la premiere defenderesse a pu faire valoir ses moyens danscette procedure d'opposition, elle avait dejà ete declaree en faillitedepuis quelques mois et avait cesse ses activites. Elle n'a plus eu lapossibilite de se defendre sans delai contre une demande de faillite aumoment ou elle n'etait pas encore declaree en faillite et ou elleexploitait encore elle-meme son entreprise. Ses interets ont ete leses demaniere definitive par le jugement rendu par defaut.
La cour retient donc aussi la nullite de l'exploit introductif signifie le27 fevrier 2003.
Des lors que l'acte introductif d'instance est nul, il y a lieu dedeclarer nul le jugement rendu par defaut prononc,ant la faillite ».
Griefs
(...)
Deuxieme branche
En vertu de l'article 864, alinea 1er, du Code judiciaire, toutes nullitesqui entacheraient un acte de procedure en vertu des articles 702, 860 et861 du meme code sont couvertes si elles ne sont proposees simultanementet avant tout autre moyen.
Suivant l'indication authentique figurant dans le jugement entrepris à lapage 2, « le gerant de la premiere defenderesse a confirme à l'audiencedu 11 juin 2003 avoir eu connaissance en temps utile du contenu de lacitation, donc pour l'audience du 12 mars 2003, de sorte qu'en principerien ne l'empechait de comparaitre devant le tribunal, « d'ou il suit quela premiere defenderesse etait en possession de la citation introductiveoriginaire du 27 fevrier 2003 au moment de l'introduction de son acted'opposition par exploit du 15 mai 2003, alors que l'arret attaqueconstate la meme chose à la page 761, fut-ce en precisant que le gerantn'avait pas ete informe de l'audience du 12 mars 2003.
Dans son acte d'opposition du 15 mai 2003, la premiere defenderesse n'atoutefois pas invoque de nullite de la citation introductive originaire du27 fevrier 2003 mais elle s'est bornee à soutenir que les conditions dela faillite n'etaient pas reunies.
Ce n'est que dans des conclusions deposees le 28 mai 2003 au greffe dutribunal de commerce de Furnes par la premiere defenderesse qu'ellesouleve pour la premiere fois à la page 1 : « Etant donne que l'acte decitation introductif etait et est entache d'une nullite des lors que lacitation a ete faite pour l'audience du 12 mars 2002 ».
Il s'ensuit que la pretendue nullite de l'exploit du 27 fevrier 2003 estcouverte parce que la nullite n'a pas ete proposee avant tout autre moyenpar la premiere defenderesse et que, des lors, l'arret attaque violel'article 864 du Code judiciaire qui instaure cette nullite (violation desarticles 700, 702, 5DEG, 860, 861 et 864, alinea 1er, du Code judiciaire).
(...)
III. La decision de la Cour
Quant à la deuxieme branche :
1. L'article 702, 5DEG, du Code judiciaire dispose que, à peine denullite, l'exploit de citation contient l'indication des lieu, jour etheure de l'audience.
2. L'article 864, alinea 1er, du Code judiciaire s'applique à cettenullite.
3. L'article 864, alinea 1er, du Code judiciaire, dispose que toutesnullites qui entacheraient un acte de procedure sont couvertes si elles nesont proposees simultanement et avant tout autre moyen.
4. Il resulte de ces dispositions que la nullite qui n'est pas proposeedans l'acte d'opposition est couverte et, des lors, ne peut etre invoqueepour la premiere fois dans des conclusions ulterieures.
5. L'arret attaque constate que l'acte introductif d'instance n'indiquepas le jour de l'audience.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que la premieredefenderesse n'a pas propose la nullite de l'acte introductif à la suitedu defaut d'indication du jour de l'audience dans la citation enopposition du 15 mai 2003, mais qu'elle a propose d'autres moyens danscette citation.
6. La nullite invoquee de l'acte introductif à la suite du defautd'indication du jour de l'audience n'a pas ete proposee avant tout autremoyen et est donc couverte.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Autres griefs :
Les autres griefs ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declare l'appel recevable ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section ErnestWauters, les conseillers Eric Dirix, Albert Fettweis et Alain Smetryns, etprononce en audience publique du premier juin deux mille sept par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat general Dirk Thijs,avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction etablie sous le controle du president Christian Storck ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le president,
1er JUIN 2007 C.04.0460.N/1