Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.05.0032.N
1. AVERO BELGIUM INSURANCE,
2. FORTIS CORPORATE INSURANCE, societe de droit Neerlandais,
3. HANNOVER INTERNATIONAL BELGIUM, societe anonyme,
4. MERCATOR ASSURANCE, societe anonyme,
Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,
contre
WALK ABOUT, societe anonyme,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 septembre2004 par la cour d'appel d'Anvers.
Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.
L'avocat general Dirk Thijs a conclu.
II. Le moyen de cassation
Les demanderesses presentent un moyen libelle dans les termes suivants.
Dispositions legales violees
- article 39 du Code judiciaire ;
- article 111 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque declare l'appel des demanderesses irrecevables du chef detardivete et rejette le moyen de defense des demanderesses suivant lequella signification du jugement entrepris qui leur a ete faite est nulle deslors que cette signification n'a pas ete faite au domicile elu alors quela defenderesse etait obligee de respecter ce domicile elu meme s'ils'agit d'une election unilaterale de domicile faite par les demanderesses.
L'arret attaque rejette ce moyen de defense sur la base des motifssuivants :
« Le moyen de defense des demanderesses suivant lequel il y avait undomicile elu n'y deroge pas.
L'article 39 du Code judiciaire n'impose pas l'obligation de signifier audomicile elu.
Le texte de cet article est clair et ne necessite aucune interpretation.
Le texte dispose que les significations et les notifications peuvent etrefaites (mogen geschieden) à `ce domicile' (à savoir le domicile elu).
Afin de comprendre le terme `mogen' il ne faut pas se referer au textefranc,ais de cet article.
Ce texte ne dit rien d'autre sur les interets qui doivent etre servis parl'election de domicile ni sur la distinction entre l'election unilateraleet conventionnelle.
Le texte de l'article 111 du Code civil n'eclaire pas l'article 39 du Codejudiciaire. Ce texte n'est certainement pas necessaire pour comprendrel'article 39 du Code judiciaire ».
Griefs
Une election de domicile peut etre unilaterale.
Dans ce cas, le requerant (celui qui procede à la signification) peutsignifier l'acte soit au domicile reel soit au domicile elu dudestinataire si l'election de domicile a ete faite exclusivement dansl'interet du requerant.
Si, toutefois, l'election unilaterale de domicile a ete faite par ledestinataire dans son interet, le requerant est tenu de signifier l'acteau domicile elu à peine de nullite de la signification.
L'institution de l'election de domicile qui n'est pas reglee par le Codejudiciaire mais par l'article 111 du Code civil n'aurait sinon aucun sensdans le cas ou une partie fait election de domicile dans son propreinteret.
En l'espece, les demanderesses ont soutenu dans leurs conclusions deposeesdevant la cour d'appel que l'election de domicile qu'elle ont fait devantleur conseil, l'a ete dans leur propre interet.
L'arret attaque refuse d'admettre cela des lors que l'article 39 du Codejudiciaire ne dit rien sur les interets qui doivent etre servis parl'election de domicile et parce que l'article 111 du Code civil ne precisepas l'article 39 du Code judiciaire qui, selon les juges d'appel,n'imposent pas l'obligation de signifier au domicile elu, eu egard auterme « peuvent ».
L'arret attaque viole ainsi les articles 39 du Code judiciaire et 111 duCode civil.
III. La decision de la Cour
(...)
Sur le moyen :
1. L'article 39, alinea 1er, du Code judiciaire dispose que, lorsque ledestinataire a elu domicile chez un mandataire, la signification et lanotification, au sens de l'article 32, peuvent etre faites à ce domicile.
L'article 39, alinea 3, dispose en outre que la signification et lanotification ne peuvent plus avoir lieu au domicile elu, si le mandataireest decede, s'il n'y est plus domicilie ou s'il a cesse d'y exercer sonactivite.
6.L'article 39 du meme code permet à un destinataire d'elire domicilechez un mandataire.
Le destinataire qui elit domicile chez un mandataire fait savoir qu'en casde signification au domicile, telle que prevue à l'article 35 du Codejudiciaire, il ne souhaite pas etre atteint au domicile, tel que vise àl'article 36 du Code judiciaire, mais à un domicile auquel il est plusfacilement atteignable pour la defense de ses interets.
Une partie qui a connaissance du fait qu'une autre partie ne souhaite pasetre atteinte à son domicile, tel que vise à l'article 36, alinea 1er,du Code judiciaire, mais à un endroit elu, ne peut ignorer ce domicileelu sans violer l'article 39 du Code judiciaire.
L'article 39 n'a pas pour but de fournir une possibilite supplementaire designifier à la partie signifiante mais permet au destinataire, dans soninteret, d'elire un lieu de signification autre que celui prevu parl'article 35.
7. Les juges d'appel ont constate que la signification du jugement dontappel aux demanderesses n'a pas ete faite au domicile qu'elles ont elumais à leur siege social en Belgique, respectivement le 30 decembre 2003et le 8 janvier 2004.
Ils en ont deduit que l'appel qui a ete interjete le 12 mars 2004, enapplication de l'article 1051 du Code judiciaire, est tardif.
Les juges d'appel qui ont constate que la signification du jugement dontappel n'a pas ete faite au domicile elu par les demanderesses, mais àleur siege social, n'ont pu considerer sans violer l'article 39 du Codejudiciaire que cette signification a fait courir le delai pour interjeterappel.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section EdwardForrier, les conseillers Luc Huybrechts, Christine Matray et AlainSmetryns, et prononce en audience publique du vingt-deux juin deux millesept par le president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat generalDirk Thijs, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction etablie sous le controle du president Ivan Verougstraete ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le president,
22 JUIN 2007 C.05.0032.N/1