Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.07.0219.N
I
M. R.,
prevenu,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, et Me RafVerstraeten, avocat au barreau de Bruxelles.
II
S. B. D.,
prevenue.
I. la procedure devant la Cour
Les pourvois sont diriges contre l'arret rendu le 17 janvier 2007 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret.
La demanderesse II ne presente pas de moyen.
Le conseiller Luc Huybrechts a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur la portee des pourvois
1. La Cour considere que les demandeurs n'ont pas voulu diriger leurspourvois contre les dispositions de l'arret attaque qui rejettent lesactions civiles exercees contre les demandeurs.
Sur le premier moyen
2. Le moyen concerne la condamnation du demandeur du chef de blanchiment(preventions C.I et C.II) et la confiscation, prononcee contre lui, desmontants blanchis sur le compte bancaire 320-0590870-16 BBL (preventionC.I).
Quant à la premiere branche
3. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 149 de laConstitution.
4. Par les considerations qu'il contient, l'arret attaque repond au moyende defense du demandeur selon lequel il peut tout au plus etre poursuivipour infraction à l'article 505, alinea 1er, 2DEG, du Code penal.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxieme branche
5. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 505,alinea 1er, 2DEG et 4DEG, et de l'article 505, alinea 2, du Code penal.
L'infraction prevue à l'article 505, alinea 1er, 2DEG, du Code penalconcerne les formes de blanchiment par toute prise de possession pard'autres personnes que l'auteur, le coauteur ou le complice del'infraction d'ou proviennent les choses visees à l'article 42, 3DEG, duCode penal, à savoir des avantages delictueux ou la somme d'argentequivalente visee à l'article 43bis, alinea 2, du Code penal.
Les operations par lesquelles l'auteur, le coauteur ou le complice del'infraction dont proviennent ces choses, effectue lui-meme leblanchiment, sont par contre comprises parmi les infractions decrites àl'article 505, alinea 1er, 3DEG et 4DEG, et alinea 2, du Code penal.
6. L'article 505, alinea 1er, 4DEG, et alinea 2, du Code penal punit ceuxqui auront dissimule ou deguise la nature, l'origine, l'emplacement, ladisposition, le mouvement ou la propriete des choses visees à l'article42, 3DEG, du code penal, alors qu'ils en connaissaient ou devaient enconnaitre l'origine.
Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, soutient, laditeinfraction peut consister dans le fait que l'origine des sommes d'originedelictueuse ou du montant y correspondant est dissimulee ou deguisee pardes operations par lesquelles l'auteur, egalement auteur de l'infractionde base, perc,oit directement et sans operation intermediaire, desavantages illegaux, par exemple en effectuant un placement sur son comptebancaire.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant à la troisieme branche
7. Le moyen demande de poser à la Cour constitutionnelle la questionprejudicielle suivante : « L'article 505, alinea 2, du Code d'instructioncriminelle, lu en combinaison avec l'article 505, alinea 1er, dudit code,viole-t-il (...) les articles 10 et 11 de la Constitution en tant quecette disposition legale etablit une distinction entre les auteurs defaits de recel ou de blanchiment vises à l'article 505, alinea 1er, 1DEGet 2DEG, d'une part, et les auteurs d'operations de blanchiment visees àl'article 505, alinea 1er, 3DEG et 4DEG, d'autre part, dans la mesure oules premiers auteurs mentionnes ne peuvent etre punis du chef de recel oude blanchiment lorsqu'ils sont egalement auteurs de l'infraction de basedont les choses recelees ou blanchies sont provenues, tandis que lesderniers auteurs mentionnes peuvent etre punis pour l'infraction deblanchiment, fussent-ils egalement les auteurs de l'infraction de basedont sont provenues les choses blanchies par eux ? »
8. L'infraction prevue à l'article 505, alinea 1er, 2DEG, du Code penalconcerne les modes de blanchiment par toute prise de possession pard'autres personnes que l'auteur, le coauteur ou le complice del'infraction d'ou proviennent les choses visees à l'article 42, 3DEG, duCode penal. Elles ne peuvent etre commises, de par leur nature, que pard'autres que les derniers nommes.
L'article 505, alinea 1er, 3DEG et 4DEG, et alinea 2, du Code penal punitpar contre tout auteur, quel qu'il soit, des modes de blanchiment qu'ilenonce. Il n'etablit pas de distinction selon leurs auteurs ou selon lacirconstance ensuite de laquelle ils possedent la chose.
9. Le moyen, en cette branche, n'indique pas clairement quellediscrimination pourrait resulter de la circonstance qu'une personne qui nepeut de fait effectuer un acte determine ne peut etre punie de ce chef,tandis que toutes les autres qui sont susceptibles d'effectuer un autreacte determine peuvent etre punies de ce chef.
Le moyen, en cette branche, est, à defaut de precision, irrecevable, desorte que la Cour n'est pas tenue de poser une question prejudicielle àla Cour constitutionnelle.
Quant à la quatrieme branche
10. Le moyen, en cette branche, allegue qu'en confisquant à deux reprisescertaines sommes d'argent à l'encontre du demandeur, l'arret attaqueviole le caractere reel de la confiscation et, par consequent, lesarticles 505, alinea 3, et 42, 1DEG, du Code penal.
11. Le caractere instantane des infractions de blanchiment prevues àl'article 505, alinea 1er, 2DEG, 3DEG et 4DEG, n'empeche pas sarealisation chaque fois que l'auteur accomplit un des actes decrits dansces dispositions.
Conformement à l'article 505, alinea 3, du Code penal, les choses viseesà l'alinea 1er, 1DEG, 2DEG, 3DEG et 4DEG, sont confisquees, meme si lapropriete n'en appartient pas au condamne.
Si les choses ont ete l'objet de differentes operations de blanchimentsuccessives commises par un prevenu determine, elles ne peuvent toutefoisetre confisquees à son encontre qu'une seule fois.
12. L'arret attaque confisque « les montants des operations sur le compte320-0590870-16 BBL ainsi qu'explicites sous la prevention C.I ». Ilressort toutefois de l'arret attaque que les montants mentionnes dans laprevention C.I comprennent aussi bien des versements que des paiements, desorte que, manifestement, la meme chose a ete confisquee en partie deuxfois.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur le deuxieme moyen
13. Le moyen concerne la confiscation prononcee contre le demandeur del'avantage fiscal resultant du commerce illegal evalue en equite à118.988,90 euros (preventions E.I - impots directs - et F.I. - TVA).
Quant à la premiere branche
14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 149 dela Constitution.
15. L'arret attaque mentionne les declarations faites par les deuxdemandeurs au cours de l'instruction pour considerer que les revenus etl'avantage fiscal resultant du commerce illegal doivent etre calculesrespectivement à 150.000 et 50.000 francs (impots et TVA eludes) parmois.
L'arret attaque rejette ainsi les elements de fait differents oucontraires invoques par le demandeur dans ses conclusions, à savoir sadefense renvoyant aux pieces de la procedure de reclamation fiscale, pourposer que l'avantage fiscal devait etre calcule à 1.140.000 francs derecettes brutes par an, soit 95.000 francs par mois.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxieme branche
16. Le moyen, en cette branche, soutient que la confiscation prononceecontre le demandeur sur la base de l'article 42, 3DEG, du Code penal ainsique de l'article 43bis dudit code, n'est pas motivee comme le requiertl'article 195 du Code d'instruction criminelle.
17. L'arret attaque prononce contre le demandeur une peine principaled'emprisonnement de 3 ans avec sursis pendant 5 ans, une amende majoreedes decimes additionnels, portee à 4.957,87 euros ou une peined'emprisonnement subsidiaire de 3 mois, une interdiction professionnellependant 10 ans, la confiscation des montants blanchis des preventions C.Iet C.II, la confiscation de l'avantage fiscal provenant du commerceillegal des preventions E.I et F.I et la confiscation de l'objet du recelde la prevention D.1.
L'arret attaque motive les peines prononcees contre le demandeur commesuit :
« Eu egard à la gravite des faits, à leur longue duree, à leur ampleuret à l'absence totale de sentiment de culpabilite dans le chef dudemandeur, la peine est fixee de maniere appropriee ainsi qu'il est exposeci-dessous.
Eu egard à la distorsion de concurrence et à la desorganisation dumarche, une interdiction professionnelle telle que specifiee ci-dessouss'impose en outre ».
18. La premiere partie de ces considerations n'est pas de nature tropgenerale. Elle justifie legalement tant les peines principales que lesconfiscations.
En cette branche, le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la troisieme branche
19. Le moyen, en cette branche, allegue que la motivation de l'arretattaque concernant la confiscation de l'avantage patrimonial est ambigue,parce qu'il n'est pas possible de determiner si ladite confiscation doitetre consideree comme obligatoire ou bien comme facultative.
20. L'arret attaque ne peut etre compris dans le sens que les jugesd'appel considerent qu'ils seraient lies par la confiscation requise parle procureur du Roi.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrieme branche
21. Le moyen, en cette branche, soutient que l'arret attaque ne repond pasau moyen de defense souleve par le defendeur « selon lesquels laconfiscation requise par le procureur du Roi ne pouvait etre prononceedans la mesure ou `en matiere de TVA, l'avantage patrimonial a dejà eteconstate par l'administration de l'ISI' et ou `l'impot est paye auTresor', ainsi qu'il ressortait du systeme de paiement avecl'administration mentionne et produit par le demandeur ».
22. En motivant comme ci-dessus les peines prononcees contre le demandeur,l'arret attaque rejette cette defense.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le troisieme moyen
23. Le moyen concerne les confiscations simultanement prononcees contre ledemandeur, d'une part, de l'avantage patrimonial resultant du commerceillegal evalue en equite à 118.988,90 euros (preventions E.I et F.I),d'autre part, des montants sur le compte bancaire 320-0590870-16 BBL(prevention C.I) et du montant saisi de 164.018 dollars US (preventionC.II).
Quant à la premiere branche
24. Le moyen, en cette branche, invoque la violation du caractere reel dela confiscation prevue à l'article 42, 3DEG, du Code penal en combinaisonavec l'article 43bis du Code penal, et de l'article 505, alinea 3, encombinaison avec l'article 42, 1DEG, du Code penal qui interdisent unedouble confiscation des memes montants ou de montants ayant la memeorigine, et par consequent la violation des articles 42, 1DEG et 3DEG,43bis, premier et deuxieme alineas, et 505, alinea 3, dudit code.
Le moyen, en cette branche, avance qu'eu egard au caractere reel des deuxconfiscations, l'arret attaque n'a pu prononcer legalement, du moins pascontre le demandeur, auteur aussi bien de l'infraction dont les avantagespatrimoniaux sont provenus que de leur blanchiment, en meme temps laconfiscation de l'avantage patrimonial resultant du commerce illegal debijoux de seconde main (preventions E.I et F.I), evalue à 118.988,90euros, et une seconde fois la confiscation de l'objet du blanchiment(preventions C.I et C.II), à savoir 241.830,24 euros et 164.018 dollarsUS, comprenant les recettes non versees du fait des infractions fiscales.
25. La confiscation des avantages patrimoniaux delictueux ou d'un montanty correspondant conformement à l'article 42, 3DEG, du Code penal encombinaison avec l'article 43bis du Code penal, et celle des chosesblanchies prevue à l'article 505, alinea 3, du Code penal, en combinaisonavec l'article 42, 1DEG, dudit code, sont l'une et l'autre des peinespresentant un caractere reel. Il s'ensuit qu'elles sont prononcees contretout coupable mais ne peuvent concerner que les choses prevues par la loi.
Lorsque le meme auteur est coupable d'une infraction qui a produit lesavantages patrimoniaux delictueux et de faits ulterieurs de blanchimentdesdits avantages, ceux-ci ne peuvent, certes, etre confisques à sonegard qu'une seule fois.
26. Il appartient au juge qui en est saisi, de decider en fait dans quellemesure l'avantage fiscal tire des infractions est compris dans les faitssubsequents de blanchiment des revenus illicites tires des ditesinfractions.
L'arret attaque ne procede pas à cet examen. Cela n'entache pas en soi lavalidite de la determination du montant de l'avantage fiscal provenant ducommerce illicite.
Le moyen, en cette branche, est uniquement fonde en tant qu'il concerne ladetermination des montants blanchis.
Quant à la deuxieme et à la troisieme branche
27. Il n'y a pas lieu de repondre à ces branches du moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue ou une cassation sansrenvoi.
Sur le quatrieme moyen
28. Le moyen concerne l'interdiction professionnelle prononcee contre ledemandeur.
Quant à la premiere branche
29. Le moyen soutient que l'article 6 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales et le principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense exigeaient que ledemandeur fut invite à se defendre sur une interdiction professionnellefacultative prevue à l'article 1er de l'arrete royal nDEG 22 du 24octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certainscondamnes et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ouactivites, modifie par la loi du 2 juin 1998.
30. L'interdiction professionnelle critiquee avait dejà ete prononcee parle jugement du tribunal correctionnel. En vertu de l'effet devolutif del'appel, l'interdiction professionnelle avait ete debattue devant le juged'appel de sorte que le demandeur ne devait plus etre invite à sedefendre à ce sujet.
En cette branche, le moyen ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche
31. Le moyen, en cette branche, soutient que l'interdictionprofessionnelle prononcee contre le demandeur n'est pas motivee comme lerequiert l'article 195 du Code d'instruction criminelle.
32. L'arret attaque motive les peines prononcees contre le demandeur,parmi lesquelles une interdiction professionnelle pendant 10 ans, commesuit :
« Eu egard à la gravite des faits, à leur longue duree, à leur ampleuret à l'absence totale de sentiment de culpabilite dans le chef dudemandeur, la peine est fixee de maniere appropriee ainsi qu'il est exposeci-dessous.
Eu egard à la distorsion de concurrence et à la desorganisation dumarche, une interdiction professionnelle telle que specifiee ci-dessouss'impose en outre ».
Par ces considerations, qui doivent etre lues dans leur ensemble, l'arretattaque motive, conformement à l'article 195, alinea 2, du Coded'instruction criminelle, d'une maniere succincte mais precise, les peinesinfligees au demandeur et leur taux, de meme qu'en ce qui concernel'interdiction professionnelle prononcee.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Moyen d'office concernant la demanderesse II
Disposition legale violee
Les articles 42, 1DEG et 3DEG, 43bis, premier et deuxieme alineas, et 505,alinea 3, du Code penal.
33. Les motifs et la conclusion mentionnes dans la reponse à la premierebranche du troisieme moyen du defendeur I valent egalement pour lademanderesse II.
Examen d'office de la decision rendue sur l'action publique
34. Sauf en ce qui concerne la decision cassee ci-apres, les formalitessubstantielles ou prescrites à peine de nullite ont ete observees et ladecision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur la confiscation desmontants sur le compte bancaire 320-0590870-16 BBL, actuellement ING, etdu montant de 164.018 dollars US.
Rejette les pourvois pour le surplus.
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse.
Condamne les demandeurs aux deux tiers des frais de leurs pourvois etlaisse le surplus de ces frais à charge de l'Etat.
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers LucHuybrechts, Etienne Goethals, Jean-Pierre Frere et Paul Maffei, etprononce en audience publique du quatre septembre deux mille sept par lepresident de section Edward Forrier, en presence de l'avocat general MarcTimperman, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section Jean de Codtet transcrite avec l'assistance du greffier adjoint principal Patricia DeWadripont.
Le greffier adjoint principal, Le president de section,
4 septembre 2007 P.07.0219.N/1