Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.07.0501.N
R. A. M.,
prevenu,
Me Max Van Battel, avocat au barreau de Malines,
contre
M. E. R.,
partie civile.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 14 mars 2007 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un memoire annexe au present arret.
Le conseiller Luc Huybrechts a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. les antecedents de la procedure
1. L'arret attaque condamne le demandeur, en application de l'article 65du Code penal, à une peine unique du chef de, le 27 avril 1998 :
A. faux et usage de faux en ecritures authentiques ou publiques, enl'espece avoir appose sa signature au bas d'un acte notarie d'inventaireincomplet apres divorce (articles 193, 196 et 214 du Code penal);
B. faux serment lors dudit inventaire "en declarant qu'il n'y a plus rienà inventorier et qu'il n'a rien detourne ou n'a pas connaissance d'un teldetournement, sachant que l'inventaire est incomplet et ne fais pasmention, au moins, des [...] biens et valeurs presents à dater del'introduction de la demande de divorce, à savoir le 29 decembre 1995"(article 226 du Code penal).
2. L'arret attaque considere notamment :
« Cause d'excuse absolutoire
C'est à tort que [le demandeur] pretend que la cause d'excuse absolutoireprevue à l'article 462 du Code penal s'appliquerait aux faits (faux enecritures et faux serment lors de l'inventaire), et ce eu egard àl'inexistence d'un texte legal en la matiere.
Les presentes infractions ne sont par ailleurs pas des infractionspatrimoniales, mais des infractions contre la foi publique ainsi que la[defenderesse] le fait remarquer à bon droit.
De plus, au moment des faits, les parties n'etaient plus des conjoints, ledivorce entre eux etant dejà accompli.
Par ailleurs, une cause d'excuse absolutoire n'entraine pasl'irrecevabilite de l'action publique, ainsi que [le demandeur] le pretendà tort, mais uniquement une exoneration de peine.
Eu egard à l'ensemble de ces elements, le premier juge a des lors decideà bon droit, et la cour y adhere en l'espece, qu'il n'y a pas lieu deposer une question prejudicielle à la [Cour constitutionnelle] ».
III. la decision de la cour
Sur la recevabilite du pourvoi :
1. L'arret attaque acquitte le demandeur des faits mis à sa charge sousla prevention B, en ce qui concerne 9 actions Electrabel, 5 actions TotalFina, 3 actions Deutsche Bank.
En tant qu'il est dirige contre cette decision, le pourvoi du demandeurest, à defaut d'interet, irrecevable.
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
2. L'article 226 du Code penal dispose que
« Celui à qui le serment aura ete defere ou refere en matiere civile, etqui aura fait un faux serment, sera puni d'un emprisonnement de six moisà trois ans, et d'une amende de vingt-six [euros] à dix mille [euros];il pourra, de plus, etre condamne à l'interdiction, conformement àl'article 33.
Est puni des memes peines celui qui a fait un faux serment lors d'uneapposition de scelles ou d'un inventaire ».
Ces incriminations visent à faire respecter la foi publique,c'est-à-dire la bonne foi dans les relations sociales.
3. L'article 462, alinea 1er, du Code penal dispose que :
« Ne donneront lieu qu'à des reparations civiles, les vols commis pardes epoux au prejudice de leurs conjoints, par un veuf ou une veuve, quantaux choses qui avaient appartenu à l'epoux decede, par des descendants auprejudice de leurs ascendants, par des ascendants au prejudice de leursdescendants, ou par des allies aux memes degres."
Cette disposition accorde aux auteurs d'un vol y mentionnes une immunitepersonnelle contre les poursuites penales. Lorsque le juge penal constatequ'un vol est mis à charge d'un des auteurs mentionnes par cettedisposition legale, il doit se borner à declarer l'action publiqueirrecevable sans pouvoir statuer sur la preuve du fait ou sur laculpabilite du prevenu. Par consequent, il ne peut davantage se prononcersur l'action civile, egalement irrecevable, dirigee contre le prevenu duvol.
Cette disposition n'est applicable qu'à l'alienation frauduleuse au coursdu mariage ou apres le deces d'un conjoint. Elle ne l'est plus apres ladissolution du mariage d'une autre maniere que par le deces du conjoint.
4. Le moyen, en cette branche, se fonde sur la premisse juridique erroneeselon laquelle l'article 226, alinea 2, du Code penal ne sanctionne pas untransfert de patrimoine frauduleux.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
5. Le moyen demande de poser à la Cour constitutionnelle la questionprejudicielle suivante :
« L'article 226, alinea 2, du Code penal, interprete en ce sens que lacause d'excuse absolutoire ou exoneratoire, prevue par l'article 462,alinea 1er du Code penal, dans le cas ou le serment en question porte surdes operations et/ou un transfert de patrimoine entre des personnes alorsencore mariees et/ou leurs patrimoines respectifs en tant que personnesalors encore mariees, est-il ou non contraire aux articles 10 et 11 de laConstitution ? »
Cette question se fonde sur l'hypothese juridiquement erronee quel'article 226, alinea 2, du Code penal sanctionnerait un transfert depatrimoine frauduleux. Cette hypothese manque toutefois en droit.
Conformement à l'article 26, S: 2, alinea 2, 1DEG, de la loi speciale du6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, la Cour n'est pas tenue de poserune question prejudicielle reposant sur une hypothese juridique erroneequi ne fait pas elle-meme l'objet de la demande de la questionprejudicielle.
Quant à la deuxieme branche :
6. Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, allegue,l'interpretation donnee par l'arret attaque de l'article 462 du Code penalest claire.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Troisieme et quatrieme branches :
7. Contrairement à ce que le moyen, en ces branches, soutient, l'arretattaque repond, par les motifs qu'il donne, à la defense du demandeur.
Le moyen, en ces branches, manque en fait.
Quant à la cinquieme branche :
8. Le moyen qui, en cette branche, est dirige contre la motivationsurabondante concernant la recevabilite de l'action publique sur la basede l'article 462 du Code penal, ne saurait entrainer la cassation et, deslors, est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
9. Le juge du fond apprecie souverainement si la defense d'un prevenu, quirepose sur des elements de fait qu'il allegue, est denuee ou non d'unequelconque credibilite.
Il appartient seulement à la Cour de verifier si le juge ne fonde pas sadecison en l'espece sur une consideration qui ne peut l'etayer.
Le moyen qui, en cette branche, est dirige contre l'appreciation des faitspar les juges d'appel ou qui requiert de la Cour un examen des faits pourlequel elle est sans pouvoir est irrecevable.
Quant à la deuxieme branche :
10. Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, soutient, l'arretattaque repond, par les motifs qu'il donne, à la defense du demandeur.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la troisieme branche :
11. L'arret attaque considere que :
« Pour l'infraction de faux serment lors de l'inventaire, aucun dolspecial n'est requis et il ressort incontestablement de ses aveux que [ledemandeur] a sciemment et volontairement passe sous silence certainsbiens ».
Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, soutient, les jugesd'appel n'ont pas dit, par cette consideration, que les aveux du demandeurportaient sur tous les titres de la prevention B.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le troisieme moyen :
Quant à la premiere branche :
12. Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, soutient, l'arretattaque non seulement confirme les considerations du jugement dont appelconcernant la determination de la peine, mais il mentionne ses propresmotifs en ce qui concerne ladite determination.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxieme branche :
13. Le moyen, en cette branche, n'explique pas en quoi la motivationconcernant la determination de la peine est contradictoire sur le planinterne.
Le moyen, en cette branche, est imprecis et, des lors, irrecevable.
Le controle d'office
14. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers LucHuybrechts, Paul Maffei, Luc Van hoogenbemt et Koen Mestdagh, et prononceen audience publique vingt-cinq septembre deux mille sept par le presidentde section Edward Forrier, en presence de l'avocat general Marc Timperman,avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section Jean de Codtet transcrite avec l'assistance du greffier adjoint principal Patricia DeWadripont.
Le greffier adjoint principal, Le president de section,
25 septembre 2007 P.07.0501.N/1