Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.06.0060.F
H. M-P.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,
contre
SERVICE DES PENSIONS DU SECTEUR PUBLIC, organisme public dont le siège estétabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 30,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il estfait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 27 juin 2005par la cour du travail de Bruxelles.
Le président Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens, dont le premier est libellé dans lestermes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 5, 6 et 7, § 2, de la loi du 3 juillet 1967 sur la préventionou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, desaccidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public, rendue applicable aux membres dupersonnel définitif des établissements d'enseignement subventionnés par laCommunauté française par l'article 1^er de l'arrêté royal du 24 janvier1969 relatif à la réparation, en faveur de membres du personnel du secteurpublic, des dommages résultant des accidents du travail et des accidentssurvenus sur le chemin du travail ;
- articles 7 à 10decies de l'arrêté royal n° 297 du 31 mars 1984 relatifaux charges, traitements, subventions-traitements et congés pourprestations réduites dans l'enseignement et les centrespsycho-médico-sociaux :
• l'article 7 tel qu'il a été remplacé par le décret du 19 juillet 1993,tant avant qu'après avoir été complété par le décret du19 décembre 2002 ;
• l'article 8 tel qu'il a été remplacé par le décret du 19 juillet 1993,tant dans sa version applicable au 1^er décembre 2001, soit après qu'ileut été complété par le décret du 22 décembre 1994 et modifié par lesdécrets des 2 avril 1996 et 13 juillet 1997, que dans les versionsapplicables après qu'il eut été complété par le décret du 17 décembre 2003puis ensuite par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article 9 tel qu'il a été remplacé par le décret du 19 juillet 1993avant son abrogation par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article 10 tel qu'il a été remplacé par le décret du 19 juillet 1993,tant dans sa version applicable au 1^er décembre 2001, soit après qu'ileut été complété par le décret du 22 décembre 1994 et modifié par ledécret du 2 avril 1996, que dans la version applicable après samodification par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article 10bis tel qu'il a été inséré par le décret du 19 juillet 1993,tant dans sa version applicable au 1^er décembre 2001, soit après qu'ileut été complété par le décret du 22 décembre 1994 et modifié par lesdécrets des 2 avril 1996, 24 juillet 1997 et17 juillet 1998, que dans la version applicable après qu'il eut étémodifié par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article 10ter tel qu'il a été inséré par le décret du 19 juillet 1993,tant dans sa version applicable au 1^er décembre 2001, soit après qu'ileut été complété par le décret du 22 décembre 1994 et modifié par lesdécrets des 2 avril 1996 et 24 juillet 1997, que dans sa version après sonremplacement par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article 10quater inséré par le décret du 19 juillet 1993 ;
• l'article 10quinquies inséré par le décret du 22 décembre 1994, tantdans sa version applicable au 1^er décembre 2001, après qu'il eut étécomplété par le décret du 19 juillet 1993, que dans la version applicableaprès son remplacement par le décret du4 mai 2005 ;
• l'article 10sexies inséré par le décret du 22 décembre 1994 ;
• l'article 10septies inséré par le décret du 24 juillet 1997, tant avantqu'après avoir été modifié par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article l0octies inséré par le décret du 24 juillet 1997 ;
• l'article 10nonies inséré par le décret du 24 juillet 1997, tant avantqu'après avoir été complété par le décret du 4 mai 2005 ;
• l'article 10decies inséré par le décret du 4 mai 2005.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté qu'au 1^er décembre 2001, la demanderesse a été miseen disponibilité pour convenances personnelles précédant la pension deretraite sur la base de l'arrêté royal n° 297 du 31 mars 1984 et qu'elleperçoit depuis cette date un traitement d'attente réduit dont le montantest beaucoup plus faible que son traitement ou que la pension de retraitedont elle devrait bénéficier à partir du 1^er décembre 2006, et aprèsavoir analysé cette mise en disponibilité comme un régime de fin decarrière « irréversible », en sorte que, « loin de rester disponible,celui qui en bénéficie ne doit (et ne peut) plus jamais enseigner dansl'état actuel de la législation », l'arrêt déboute la demanderesse de sonaction tendant à voir condamner le défendeur à lui servir, depuis le 1^erdécembre 2001, la rente pour accident du travail correspondant àl'incapacité permanente partielle de travail de 40 p.c. qui lui a étéreconnue, par tous ses motifs considérés ici comme intégralementreproduits et plus particulièrement aux motifs que
« La question posée est de dire si l'enseignant qui bénéficie d'une miseen disponibilité pour convenances personnelles précédant la pension deretraite conserve l'exercice de fonctions au sens de l'article 6, § 1^er,[de la loi du3 juillet 1967] ;
V. Discussion
A. Dispositions applicables : la rente d'accident du travail (articles 6et 7 de la loi du 3 juillet 1967)
9. La réparation des accidents du travail des enseignants est régie par laloi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommagesrésultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemindu travail et des maladies professionnelles dans le secteur public ;
10. Suivant l'article 6, § 1^er, de [cette] loi, la rente d'accident dutravail ne peut dépasser 25 p.c. de la rémunération sur la base delaquelle elle a été établie, aussi longtemps que la victime conservel'exercice de fonctions ;
Suivant l'article 6, § 2, lorsque la victime est reconnue inapte àl'exercice de ses fonctions mais qu'elle peut en exercer d'autres qui sontcompatibles avec son état de santé, elle peut être réaffectée, selon lesmodalités et dans les limites fixées par son statut, à un emploicorrespondant à de telles fonctions. Lorsque la victime est ainsiréaffectée, elle conserve son statut pécuniaire ;
L'article 7, § 1^er, règle quant à lui le cas où la victime cesse sesfonctions et obtient une pension de retraite en vertu des dispositionslégales et réglementaires propres aux pouvoirs publics. Dans ce cas, larente est cumulée avec la pension jusqu'à concurrence de 100 p.c. de ladernière rémunération, adaptée le cas échéant selon les règles applicablesaux pensions de retraite et de survie ;
L'article 7, § 2, enfin, vise la victime qui cesse ses fonctions sansavoir droit à une telle pension de retraite. Dans ce cas, la victimebénéficie de la totalité de la rente d'accident du travail ;
B. Dispositions applicables : mise en disponibilité pour convenancespersonnelles précédant la pension de retraite (arrêté royal n° 297 du 31mars 1984)
11. Le statut des enseignants est régi par des dispositions particulières,propres à chaque communauté et à chaque réseau d'enseignement. Ce statutest très proche de celui des agents de l'Etat [...] ;
La mise en disponibilité pour convenances personnelles précédant lapension de retraite est propre aux enseignants. C'est un régime de fin decarrière, qui, malgré son nom, est irréversible : loin de resterdisponible, celui qui en bénéficie ne doit (et ne peut) plus jamaisenseigner, dans l'état actuel de la législation ;
12. La mise en disponibilité pour convenances personnelles précédant lapension de retraite est régie par les articles 7 et suivants de l'arrêtéroyaln° 297 du 31 mars 1984 relatif aux charges, traitements,subventions-traitements et congés pour prestations réduites dansl'enseignement et les centres psycho-médico-sociaux ;
Elle est ouverte, notamment, aux membres du personnel nommés ou engagés àtitre définitif, qui ont atteint l'âge de cinquante-cinq ans et comptentau moins vingt ans de service, et qui ne peuvent pas bénéficier d'unepension de retraite à charge du Trésor public. Elle est accordée jusqu'àla date à laquelle les membres du personnel peuvent prétendre à cettepension, c'est-à-dire jusqu'au premier jour du mois qui suit lesoixantième anniversaire ;
La mise en disponibilité pour convenances personnelles précédant lapension de retraite est irréversible. L'emploi est ainsi libéré [...](article 10bis de l'arrêté royal n° 297). Il est déclaré vacant dès lepremier jour de disponibilité [...] ;
Pendant toute sa durée, il est accordé à l'enseignant un traitementd'attente, proportionnel à la durée du service (article 8), soumis auxretenues sociales et fiscales. Il est également accordé un pécule devacances et une prime de fin d'année. Les années de disponibilité sontprises en compte pour calculer la pension de retraite. En règle générale,le membre du personnel ne peut pas exercer d'activité lucrative (article8) et il ne peut en tout cas plus en exercer dans l'enseignement (article9). Toutefois, sur autorisation du ministre ou de son délégué, il peuttravailler dans les mêmes conditions qu'un pensionné ou dans desconditions similaires, en dehors de l'enseignement ;
C. L'exercice de fonctions
13. En droit de la fonction publique, l'expression `l'exercice defonctions' a (au moins) deux sens. Au sens large, il s'agit du lienstatutaire, qui persiste de la nomination à la cessation des fonctions :la `fonction publique', `fonctionnaire', la `cessation des fonctions',etc. Dans l'enseignement, il s'agit de la durée pendant laquellel'enseignant est sous statut, fait partie du corps enseignant. Au sensrestreint, il s'agit de l'exercice, matériel et effectif, des obligationsqui résultent de ce lien statutaire, de l'accomplissement des prestations:`La position administrative des agents de la fonction publique se définitcomme la situation dans laquelle l'agent se trouve par rapport àl'occupation de l'emploi et à la réalité de l'exercice des fonctions yafférentes' […] ;
Ces deux sens correspondent, dans une certaine mesure, aux termesnéerlandais àmbt' et `functie' (`functie' se définissant comme l'exercicede fonctions au sens large : `uitoefening van een ambt' - van Dale) ;
Ils existent aussi dans le langage courant. La fonction peut en effet êtredéfinie au sens large comme l'exercice d'un emploi ou d'une charge. Ausens étroit, c'est l'ensemble des obligations de la profession dequelqu'un (Petit Robert) ;
14. La cour du travail estime que `l'exercice de fonctions' au sens del'article 6, § 1^er, de la loi du 3 juillet 1967 s'entend au sens del'article 6 ;
Il existe en effet de très nombreuses situations dans lesquelles l'agent,ou l'enseignant, ne fournit pas de prestations mais reste sous statut ;
15. Aussi longtemps que se maintient le lien statutaire, l'agent, oul'enseignant, se trouve placé dans une position administrative, définiecomme la situation dans laquelle l'agent se trouve par rapport àl'occupation de l'emploi et à la réalité de l'exercice des fonctions yafférentes […] ;
Il y a trois positions administratives : l'activité, la non-activité et ladisponibilité (article 65 du décret de la Communauté française du 1^erfévrier 1963 (lire : 1993) fixant le statut des membres du personnelsubsidié de l'enseignement libre subventionné) ;
La position administrative normale est l'activité de service. Cetteposition n'a pas pour objet de constater la présence effective de l'agentà son poste, mais elle définit une position juridique, savoir la positionnormale de l'agent nommé régulièrement à son grade. L'enseignant enactivité de service bénéficie en règle générale du traitement et del'avancement […] ;
L'enseignant en activité de service ne travaille pas nécessairement : lescongés annuels de vacances, pour convenance personnelle, pour maladie ouinfirmité, par exemple, sont assimilés à des périodes d'activité deservice […] ;
L'enseignant est en position de non-activité, sans traitement, par l'effetde sanction disciplinaire (article 68 du décret de la Communauté françaisedu 1^er juillet 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidié del'enseignement libre subventionné) ;
Enfin, il peut être en disponibilité, c'est-à-dire, en règle générale,qu'il n'est plus en service sans être licencié, qu'il continue àbénéficier de certains avantages et le cas échéant d'un traitementd'attente, et qu'il est enfin susceptible d'être repris en activité […] ;
Entraînent la mise en disponibilité, par exemple : l'incapacité de travailpour maladie ou infirmité qui, sans entraîner l'inaptitude définitive auservice, excède la durée de congés pour maladie et infirmité, le retraitd'emploi dans l'intérêt du service, etc. ;
16. Les articles 6 et 7 de la loi du 3 juillet 1967 n'envisagent que troispossibilités : l'exercice de fonctions (article 6, § 1^er) , l'inaptitudeà l'exercice de ses fonctions laissant subsister l'aptitude à d'autresfonctions (article 6, § 2) et, enfin, la cessation de ses fonctions, avecou sans pension de retraite (article 7) ;
Hors l'hypothèse très limitée de l'article 6, § 2, ces articles ne règlentaucun des cas dans lesquels l'agent cesse de travailler tout en restantsous statut : congés annuels de vacances, incapacité de travail, sanctiondisciplinaire, suppression d'emploi, etc. En particulier, ils nedistinguent pas selon que l'agent conserve son traitement (en règlegénérale, activité), le perd (en règle générale, non-activité) ou, encore,bénéficie d'un traitement d'attente (en règle générale, disponibilité) ;
Hors cette hypothèse très limitée de l'article 6, § 2, les articles 6 et 7s'articulent sur une seule variable : l'exercice ou la cessation defonctions ;
Les fonctions ont par conséquent le même sens à l'article 6, § 1^er, et àl'article 7 : il s'agit du sens large, de lien statutaire. S'il existe, larente est limitée conformément à l'article 6, § 1^er. S'il n'existe plus,elle est soumise à l'article 7 ;
17. Les travaux préparatoires relatifs à l'article 6, § 1^er, de la loi du3 juillet 1967 ne donnent pas d'indication claire ; ils ne permettent doncpas de s'écarter de la solution ci-dessus ;
Certains passages envisagent l'exercice de fonctions comme l'exerciceeffectif, matériel des prestations : `A un commissaire qui demande sil'expression « exercice de fonctions » veut dire que l'agent doit pouvoircontinuer d'exercer sa propre fonction, il est répondu que le projet [deloi] prévoit plusieurs cas, dont celui-là, mais aussi celui d'unepossibilité de réaffectation à d'autres fonctions tout en conservant lebénéfice du régime pécuniaire dont l'agent jouissait lors de l'accident oude la maladie professionnelle' (Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 242) ;
D'autres sont susceptibles de plusieurs interprétations (n° 343, p. 23) ;
D'autres encore envisagent d'appliquer l'article 6, § 1^er, à un agent quine travaille pas effectivement mais qui conserve son traitement :`Toutefois, comme les agents du secteur public, maintenus en fonctionnonobstant leur invalidité, sont assurés de conserver les avantagespécuniaires, il s'indiquait de limiter, dans une mesure raisonnable, lecumul de la rente et du traitement d'activité' (Doc. parl., Sénat,1966-67, n° 314, p. 23) ;
Ce dernier passage envisage le traitement comme critère de distinction.Cependant le texte légal n'y fait pas référence et ne permet pas dedistinguer selon que l'agent conserve le traitement, le perd, ou encorequ'il bénéficie d'un traitement d'attente ;
18. En conclusion, l'article 6, § 1^er, de la loi du 3 juillet 1967s'applique à [la demanderesse] pendant sa mise en disponibilité, et larente d'accident de travail doit être plafonnée à 25 p.c. ».
Griefs
Par la loi du 3 juillet 1967, le législateur a entendu accorder aupersonnel des services publics le bénéfice d'un régime comparable à celuiqui est applicable dans le secteur privé, tout en prenant en considérationle fait que le statut des fonctionnaires comporte des particularités quijustifiaient, dans certains cas, l'adoption de règles propres. L'article 5de ladite loi consacre le principe que, sans préjudice des dispositionsdes articles 6 et 7, la rente pour incapacité de travail permanente peutêtre cumulée avec la rémunération, cette rente constituant, comme dans lesecteur privé, un mode de réparation propre du dommage provoqué parl'accident. Ce droit ne peut être limité que dans les hypothèses et selonles modalités prévues aux articles 6 et 7 de cette loi.
En vertu de l'article 6, § 1^er, aussi longtemps que la victime conservel'exercice de fonctions, la rente ne peut dépasser 25 p.c. de larémunération sur la base de laquelle elle est établie.
Cette exception concerne uniquement le cas de l'agent qui conserve,nonobstant l'accident, l'exercice effectif de ses anciennes fonctions et,partant, du traitement d'activité y afférent ou qui, reconnu inapte àl'exercice de ses anciennes fonctions à la suite de l'accident, estréaffecté dans d'autres fonctions conformément au paragraphe 2 del'article 6 qui lui garantit le maintien du régime pécuniaire dont ilbénéficiait avant l'accident. En d'autres termes, l'article 6, § 1^er, nes'applique qu'aux situations caractérisées par la conservation dutraitement antérieur et du bénéfice de la stabilité d'emploi dontjouissent les fonctionnaires, ce qui justifie de s'écarter de la règle ducumul de la rente pour incapacité de travail permanente avec larémunération.
Ainsi que le reconnaît l'arrêt, il se déduit des dispositions de l'arrêtéroyal n° 297 visées au moyen que l'enseignant placé en disponibilité pourconvenances personnelles sur la base dudit arrêté royal n'exerce plus sesfonctions et n'est pas réaffecté dans d'autres fonctions compatibles avecson état de santé; qu'il ne bénéficie plus du traitement d'activité quiétait le sien avant l'accident mais perçoit un traitement d'attenteréduit, et que, la mise en disponibilité étant irréversible, il ne peutprétendre retrouver un emploi d'enseignant au service de la Communautéfrançaise ou dans un centre psycho-médico-social et perd ainsi le bénéficede la stabilité d'emploi. La situation de cet agent n'est donc pas régiepar l'exception contenue dans l'article 6, § 1^er, de la loi, en sortequ'il peut se prévaloir du principe de la réparation intégrale desconséquences de l'accident du travail consacré par l'article 5 ainsi quepar l'article 7, § 2, aux termes duquel, lorsque la victime cesse sesfonctions sans avoir droit à une pension de retraite visée à l'article 5,elle bénéficie de la totalité de la rente, qui n'en est qu'uneapplication.
L'arrêt, qui constate que la demanderesse a été victime d'un accident dutravail le 31 mai 1983 à la suite duquel elle subit depuis le 4 mars 1993une incapacité permanente de 40 p.c., qu'elle a, à partir du 1^er décembre2001, été mise en disponibilité pour convenances personnelles sur la basede l'arrêté royal n° 297, qu'elle a ainsi définitivement perdu le droitd'enseigner et qu'elle ne perçoit plus qu'un traitement d'attente réduitbeaucoup plus faible que son traitement ou que la pension de retraite dontelle devrait bénéficier à partir du 1^er décembre 2006, mais qui décidenéanmoins qu'elle ne peut prétendre à la totalité de la rentecorrespondant à son pourcentage d'incapacité, viole l'article 6, § 1^er,de la loi du 3 juillet 1967 qu'il applique illégalement à la demanderesse,privée, ainsi qu'il ressort des articles 7 à 10decies de l'arrêté royal n°297, du bénéfice de son traitement antérieur et de la stabilité d'emploi,ainsi que ces dispositions légales. En refusant à la demanderesse lebénéfice des articles 5 et 7, § 2, de la loi du 3 juillet 1967, il violeégalement ces dispositions (violation de toutes les dispositions visées aumoyen).
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Aux termes de l'article 6, § 1^er, de la loi du 3 juillet 1967 sur laprévention ou la réparation des dommages résultant des accidents dutravail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public, aussi longtemps que la victimeconserve l'exercice de fonctions, la rente pour incapacité de travailpermanente ne peut dépasser 25 p.c. de la rémunération sur la base delaquelle elle est établie.
En vertu de l'article 7, § 2, de cette loi, lorsque la victime cesse sesfonctions sans avoir droit à une pension de retraite allouée en vertu desdispositions légales et réglementaires propres à son statut, ellebénéficie de la totalité de la rente pour incapacité de travailpermanente.
L'article 10bis de l'arrêté royal n° 297 du 31 mars 1984 relatif auxcharges, traitements, subventions-traitements et congés pour prestationsréduites dans l'enseignement et les centres psycho-médico-sociaux, insérépar l'article 5 du décret de la Communauté française du 19 juillet 1993relatif aux fins de carrière dans l'enseignement et les centrespsycho-médico-sociaux, organise un régime de mise en disponibilité pourconvenances personnelles précédant la pension de retraite, duquel ilressort que l'emploi de l'enseignant mis en disponibilité sur cette baseest libéré et que celui qui en était le titulaire ne peut plus exercer defonctions dans l'enseignement.
Il s'ensuit que l'enseignant mis en disponibilité en vertu de l'article10bis de l'arrêté royal n° 297 du 31 mars 1984 ne se trouve pas dans lasituation de la victime d'un accident du travail qui, au sens de l'article6, § 1^er, de la loi du 3 juillet 1967, conserve l'exercice de fonctions.
L'arrêt qui, après avoir constaté que la demanderesse a été victime d'unaccident du travail à la suite duquel une incapacité permanente de travailde 40 p.c. lui a été reconnue et qu'elle a ensuite été mise endisponibilité pour convenances personnelles précédant la pension deretraite, ce qui, suivant le régime de l'arrêté royal n° 297 du 31 mars1984 auquel se réfère l'arrêt, a pour effet de libérer l'emploi qu'elleoccupait, considère que la poursuite de l'exercice de fonctions s'entenddu maintien du lien statutaire et décide que l'article 6, § 1^er, de laloi du 3 juillet 1967 s'applique à la demanderesse pendant sa mise endisponibilité, viole cette disposition légale ainsi que l'article 7, § 2,de la même loi.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour du travail de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Daniel Plas,Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, et prononcé enaudience publique du huit octobre deux mille sept par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.
8 OCTOBRE 2007 S.06.0060.F/14