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22/10/2007 | BELGIQUE | N°C.06.0078.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 octobre 2007, C.06.0078.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.06.0078.F

UNION NATIONALE DES MUTUALITES LIBRES, dont le siège est établi àWoluwe-Saint-Pierre, rue Saint-Hubert, 19,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,

contre

VILLE DE SAINT-GHISLAIN, représentée par son collège des bourgmestre etéchevins, dont les bureaux sont établis à Saint-Ghislain (Tertre), enl'hôtel de ville,

défen

deresse en cassation,

en présence de

D. G. P.,

partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devan...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.06.0078.F

UNION NATIONALE DES MUTUALITES LIBRES, dont le siège est établi àWoluwe-Saint-Pierre, rue Saint-Hubert, 19,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,

contre

VILLE DE SAINT-GHISLAIN, représentée par son collège des bourgmestre etéchevins, dont les bureaux sont établis à Saint-Ghislain (Tertre), enl'hôtel de ville,

défenderesse en cassation,

en présence de

D. G. P.,

partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 17 février2005 par le tribunal de première instance de Mons, statuant en degréd'appel.

Par ordonnance du 8 août 2007, le premier président a renvoyé la causedevant la troisième chambre.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 1384, alinéa 1^er, du Code civil ;

- article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins desanté et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994, annexée à l'arrêtéroyal du 14 juillet 1994 portant coordination de la loi du 9 août 1963instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santéet indemnités.

Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué, après avoir exonéré l'appelé en déclaration d'arrêtcommun de toute responsabilité dans la survenance de l'accident et décidéque la défenderesse en était seule responsable en sa qualité de gardienned'une chose vicieuse, déboute la demanderesse de son action subrogatoireen remboursement des soins de santé décaissés au profit de l'appelé endéclaration d'arrêt commun aux motifs que « la présomption deresponsabilité instituée par l'article 1384, alinéa 1^er, du Code civilest inspirée par le souci d'assurer une protection plus efficace auxvictimes des dommages causés par le fait des choses que l'on a sous sagarde ; qu'elle n'existe qu'en faveur des personnes directement victimesdu dommage et ne peut être invoquée que par elles (Cass., 17 janvier 1991,Pas., 1991, I, 457) ; [...] que cette restriction de responsabilitédélimitée par la Cour de cassation est parfaitement logique, eu égard aufait que l'article 1384 du Code civil institue une présomption deresponsabilité dérogatoire au droit commun et qui ne doit donc bénéficierqu'aux victimes directes de l'accident ayant résulté du vice de la chose ;qu'il n'y a donc pas lieu de condamner [la défenderesse] à couvrir, surcette base juridique, les dommages vantés par [la demanderesse], [...] qui[n'est] pas [une] des victimes directes du vice de la voirie ».

Griefs

En vertu de l'article 1384, alinéa 1^er, du Code civil, le gardien d'unechose vicieuse est tenu de réparer le dommage causé par cette chose ; laprésomption irréfragable de responsabilité que cette disposition instaureprofite à la victime du dommage et à ceux qui, subrogés dans ses droits,exercent son action.

En vertu de l'article 136, § 2, alinéa 1^er, de la loi coordonnée visée aumoyen, l'assuré ne peut bénéficier de prestations de l'assurance soins desanté s'il a obtenu du responsable en droit commun la réparation intégralede son dommage. Lorsque le responsable du dommage ne s'acquitte pas de sonobligation de réparation, l'organisme assureur octroie - en vertu del'article 136, § 2, alinéa 3, de la même loi - les prestations dans lesconditions fixées par le Roi et en attendant que le dommage soiteffectivement réparé. Cet organisme assureur est alors, en vertu del'article 136, § 2, alinéa 4, subrogé de plein droit au bénéficiaire;cette subrogation vaut à concurrence du montant des prestations octroyées,pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu de la législation belgeou du droit commun et qui réparent partiellement ou totalement leditdommage. L'organisme assureur, qui exerce ainsi l'action de la victime quin'a pas obtenu la réparation intégrale de son dommage, doit être considéré- au même titre que celle-ci - comme une victime directe de l'accident dûau vice de la chose au sens de l'article 1384 du Code civil.

En l'espèce, le jugement attaqué décide que la défenderesse est la seuleresponsable de l'accident du 5 octobre 2000 en sa qualité de gardienne dela voirie atteinte d'un vice et qu'elle doit réparer intégralement ledommage de l'appelé en déclaration d'arrêt commun.

Il ne conteste pas que, à la suite de l'accident, des soins de santé ontdû être prestés au profit de l'appelé en déclaration d'arrêt commun et quecela a entraîné des décaissements de la demanderesse. En déboutantnéanmoins celle-ci de son action en remboursement desdits décaissements aumotif qu'elle n'est pas la victime directe « de l'accident ayant résultédu vice de la chose », le jugement attaqué viole les articles 1384 du Codecivil et 136, § 2, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

III. La décision de la Cour

En vertu de l'article 136, § 2, alinéa 1^er, de la loi coordonnée du14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé etindemnités, les prestations prévues par cette loi sont refusées lorsque ledommage découlant d'une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels oudu décès est effectivement réparé en vertu d'une autre législation belge,d'une législation étrangère ou du droit commun ; toutefois, lorsque lessommes accordées en vertu de cette législation ou du droit commun sontinférieures aux prestations de l'assurance, le bénéficiaire a droit à ladifférence à charge de l'assurance.

Suivant l'alinéa 3 de ce paragraphe 2, les prestations sont octroyées,dans les conditions déterminées par le Roi, en attendant que le dommagesoit effectivement réparé en vertu d'une autre législation belge, d'unelégislation étrangère ou du droit commun.

Aux termes de l'alinéa 4 du même paragraphe, l'organisme assureur estsubrogé de plein droit au bénéficiaire ; cette subrogation vaut, àconcurrence du montant des prestations octroyées, pour la totalité dessommes qui sont dues en vertu d'une législation belge, d'une législationétrangère ou du droit commun et qui réparent partiellement ou totalementle dommage visé à l'alinéa 1^er.

Il suit de ces dispositions que, lorsqu'un organisme assureur, qui aoctroyé à la victime d'un accident des prestations de l'assurance, demandeau responsable du dommage ou à son assureur de la responsabilité civile leremboursement de ces prestations, il n'exerce pas une action distincte decelle de la victime mais, par une demande distincte de celle de lavictime, il exerce l'action en paiement des indemnités de la victimeelle-même, à laquelle il est subrogé de plein droit.

L'organisme assureur ainsi subrogé à la victime peut, dès lors, au mêmetitre que celle-ci, invoquer contre l'auteur responsable du dommage laprésomption de responsabilité instituée par l'article 1384, alinéa 1^er,du Code civil, qui existe en faveur des seules personnes directementvictimes du dommage.

Le jugement attaqué qui, pour débouter la demanderesse de son actionsubrogatoire contre la défenderesse en remboursement des soins de santédécaissés au profit de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun,énonce que « la responsabilité de [la défenderesse] est […] établie sur[la] base de l'article 1384 du Code civil » mais considère que « [lademanderesse] n' [est] pas [la] victime […] directe […] de l'accidentayant résulté du vice de la chose », viole les dispositions légales viséesau moyen.

Celui-ci est fondé.

Le demandeur a intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la partieappelée à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué en tant qu'il déboute la demanderesse de sonaction contre la défenderesse fondée sur l'article 1384, alinéa 1^er, duCode civil et qu'il statue sur les dépens des parties à cette action ;

Déclare le présent arrêt commun à P. D. G. ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instancede Tournai, siégeant en degré d'appel.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Storck, les conseillers Daniel Plas, ChristineMatray, Philippe Gosseries et Martine Regout, et prononcé en audiencepublique du vingt-deux octobre deux mille sept par le président ChristianStorck, en présence du procureur général Jean-François Leclercq, avecl'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

22 OCTOBRE 2007 C.06.0078.F/5


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.06.0078.F
Date de la décision : 22/10/2007

Analyses

ASSURANCE MALADIE-INVALIDITE - ASSURANCE SOINS DE SANTE


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-10-22;c.06.0078.f ?
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