Cour de cassation de Belgique
Arrêt
**101
8200301
**401
N° P.07.0448.F
I. H.-R. B. A.,
II. H.-R. B., mieux qualifiée ci-dessus,
partie civile,
demanderesse en cassation,
représentée par Maîtres Cécile Draps et Jacqueline Oosterbosch, avocats àla Cour de cassation,
les deux pourvois contre
L.E., . agissant en qualité d'héritière de feu L. L., prévenu,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maître Dominique Léonard, avocat au barreau deBruxelles.
I. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre des jugements rendus respectivement les26 mars 2003 et 28 février 2007 par le tribunal correctionnel d'Eupen,statuant en degré d'appel sur les intérêts civils.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Paul Mathieu a fait rapport.
L'avocat général Jean-Marie Genicot a conclu.
II. la décision de la cour
A. Sur le pourvoi dirigé contre le jugement du 26 mars 2003 :
Sur le premier moyen :
Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse soutenait que « le premierjuge a constaté que le principe du préjudice ménager n'était pas contestéet a alloué pour ce poste un montant forfaitaire de 300.000 BEF enrelevant qu'une partie des travaux profitait au défunt lui-même parcequ'ils constituaient son hobby. Ce raisonnement est cependant erroné dansla mesure où le fait que le défunt effectuait avec plaisir de multiplestravaux d'entretien et de décoration de sa maison ainsi que de jardinage,n'enlève rien au caractère nécessaire de ces travaux et à la nécessité,pour la [demanderesse] de faire effectuer lesdits travaux par des tiersdepuis le décès de son époux. »
L'arrêt confirme le montant alloué par le premier juge au motif que« l'évaluation faite par le tribunal de police, qui tient compte de lasatisfaction que le défunt retirait lui-même de ces travaux domestiques,paraît juste et adéquate ».
Ni par cette considération ni par aucune autre, les juges d'appel n'ontrépondu aux conclusions de la demanderesse.
Le moyen est fondé.
Sur le deuxième moyen :
Les juges d'appel ont calculé le dommage lucratif échu sur une baseannuelle de 7.855, 49 euros.
Il est contradictoire, d'une part, de prendre en considération, pour lecalcul du dommage lucratif futur, « les chiffres adoptés pour le calcul dudommage échu » et, d'autre part, de tenir compte, pour la capitalisationde ce dommage lucratif futur, d'un préjudice annuel de 6.636, 69 euros.
Le moyen est fondé.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
En raison de la cassation à prononcer sur le deuxième moyen relatif audommage lucratif futur, il n'y a pas lieu d'examiner la première branchedu troisième moyen dès lors que cet examen ne saurait conduire à unecassation plus étendue.
B. Sur le pourvoi dirigé contre le jugement du 28 février 2007 :
Sur le troisième moyen :
Quant à la seconde branche :
Le jugement du 26 mars 2003 statue, notamment, sur le dommage lucratiffutur sans rien réserver à cet égard. Il ne réserve à statuer qu'à l'égarddu dommage post-lucratif, ce que le jugement du 28 février 2007 confirmeexpressément en énonçant que par son jugement du 26 mars 2003, le tribunala statué sur la réparation du préjudice matériel et moral subi par lademanderesse, « tout en réservant la seule question du dommage matérielaprès pension ».
Supposant, en cette branche, que le jugement du 26 mars 2003 a « réservé àstatuer sur la demande portant sur l'octroi d'intérêts judiciaires surl'indemnité destinée à réparer le préjudice lucratif futur », le moyenprocède d'une interprétation inexacte dudit jugement et manque dès lors enfait.
Sur le quatrième moyen :
Le jugement du 28 février 2007 constate que la demanderesse « n'a produitaucune nouvelle pièce permettant au tribunal de juger de la réalité d'unpréjudice post-lucratif résultant d'une réduction de sa propre pension àla suite du décès prématuré de son mari » et rejette la demanded'indemnisation du dommage post-lucratif en considérant que lademanderesse « se borne à réitérer sa réclamation initiale en se référantà un document émanant d'une agence britannique apparemment privée, daté du17 janvier 2003, qui ne contient qu'une projection hypothétique de sesrevenus après pension, alors que, née le 3 janvier 1943, et compte tenu del'âge de la pension des femmes en Angleterre, elle devrait être pensionnéedepuis 2003 et être parfaitement en mesure de communiquer desrenseignements concrets à propos de sa situation actuelle et plusprécisément des revenus qu'elle promérite ».
Il ressort de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient lemoyen, les juges d'appel n'ont pas rejeté la demande relative au dommagepost-lucratif subi par la demanderesse à la suite du décès de son mari, enraison de l'existence d'une éventuelle pension de survie dans le chef deladite demanderesse, mais en raison de l'absence de pièces probantesconcernant la réduction de sa propre pension de retraite.
Le moyen, qui repose sur une interprétation inexacte du jugement attaqué,manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué du 26 mars 2003 en tant qu'il statue sur lepréjudice ménager et sur le dommage lucratif futur ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne la défenderesse à la moitié des frais du pourvoi formé contre lejugement du 26 mars 2003 ;
Condamne la demanderesse à l'autre moitié des frais de ce pourvoi ainsiqu'aux frais du pourvoi dirigé contre le jugement du 28 février 2007 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement du 26mars 2003 partiellement cassé ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Verviers,statuant en degré d'appel.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent sept euros septante centimesdus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Jean de Codt, président de section, président, Frédéric Close,président de section, Paul Mathieu, Benoît Dejemeppe et Jocelyne Bodson,conseillers, et prononcé en audience publique du sept novembre deux millesept par Jean de Codt, président de section, en présence de Jean-MarieGenicot, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffieradjoint.
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| T. Fenaux | J. Bodson | B. Dejemeppe |
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| P. Mathieu | F. Close | J. de Codt |
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7 NOVEMBRE 2007 P.07.0448.F/1