Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.06.0048.F
COMMUNE DE SAINT-JOSSE-TEN-NOODE, représentée par son collège desbourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis en la maisoncommunale,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est faitélection de domicile,
contre
1. ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinetest établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est faitélection de domicile,
2. BELGACOM, société anonyme dont le siège social est établi àSchaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27,
défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée endéclaration d'arrêt commun,
représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de Loxum, 25, où il est faitélection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 mars 2005par la cour d'appel de Bruxelles.
Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :
Premier moyen
Disposition légale violée
Article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que l'immeuble litigieux n'a vu sa constructionterminée qu'en 1994 en sorte que le précompte immobilier afférent à cetimmeuble n'aurait pu être réclamé qu'à partir de 1995, l'arrêt attaquédécide que l'Etat belge n'a commis aucune faute en admettant que Belgacométait exonérée du précompte immobilier relatif à cet immeuble sur la basede l'article 253, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 dès lorsqu'à compter de 1998, elle avait imposé celui-ci.
Il se fonde sur les motifs suivants :
« 16. L'article 253, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 prévoitqu' « est exonéré du précompte immobilier le revenu cadastral : ... 3° desbiens immobiliers qui ont le caractère de domaines nationaux, sontimproductifs par eux-mêmes et sont affectés à un service public oud'intérêt général ; l'exonération est subordonnée à la réunion de cestrois conditions ».
Seule la notion d'improductivité oppose la commune à l'Etat et à Belgacom.
La commune considère que cette exigence d'improductivité serait àinterpréter dans sa plus grande rigueur, ce qui exclurait touteexonération en dehors d'une affectation totale à un service d'utilitégénérale.
Belgacom soutient que le bien immobilier litigieux est effectivementimproductif par lui-même et qu'il est affecté à un service d'utilitégénérale puisque rentrant dans une mission légale d'établissement publicauquel il appartient. Belgacom ajoute que la condition d'improductivitéest satisfaite dès lors que l'immeuble litigieux n'est, selon elle, pasdonné en location.
17. L'Etat observe qu'en raison de la libéralisation complète des servicesde télécommunications suite à la loi du 19 décembre 1997, il peut êtredifficilement soutenu que tous les biens immobiliers de Belgacom, et lesactivités y exercées en matière de télécommunications, répondent encoretoujours actuellement aux trois conditions requises par l'article 253, 3°,du Code des impôts sur les revenus 1992.
Il ajoute que depuis l'exercice d'imposition 1998, Belgacom :
- cherche à obtenir un bénéfice comme n'importe quelle autre entreprisecommerciale ;
- ne vise plus exclusivement un service public ou d'intérêt général.
Ces conclusions sont conformes à la circulaire du 19 mai 1998 qui a prisen considération ces modifications en précisant que « les biensimmobiliers de Belgacom (...) ne sont plus exonérés du précompteimmobilier lorsqu'ils sont affectés à des activités ou à des objectifscommerciaux (directement ou indirectement, totalement ou partiellement) oulorsqu'ils ne sont plus utilisés exclusivement à un service public oud'intérêt général ».
18. Le libellé de cette circulaire fait ainsi apparaître que l'Etat n'acommis aucune faute puisque précisément cette circulaire a tiré lesconclusions de la libéralisation des services de communications quant àl'application restrictive de l'exonération en matière de précompteimmobilier pour les biens immeubles qui ne répondent pas aux troisconditions cumulatives de cet article 253, 3°, du Code des impôts sur lesrevenus 1992, et ce à partir du 1^er janvier 1998.
A l'audience de plaidoiries, il est apparu que l'administration aconsidéré qu'il y avait lieu d'imposer les parcelles cadastrales quiétaient la propriété de Belgacom, sans aucune distinction, laissant àBelgacom le soin d'introduire des réclamations pour justifier, parcellepar parcelle, la réunion des trois conditions légales d'exonération ».
Griefs
L'arrêt attaqué laisse sans réponse les conclusions circonstanciées parlesquelles la demanderesse faisait valoir que contrairement à ce quesoutenait l'Etat, la société anonyme Belgacom ne pouvait plus bénéficierde l'exonération totale du précompte immobilier relatif à ses immeublesdès avant l'exercice 1998 en sorte qu'en négligeant de prévoir leprécompte avant cette date l'Etat avait commis une faute, ceci aux motifsque :
« L'immunisation [du revenu cadastral au précompte immobilier prévue parl'article 253, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992] ne peut êtreaccordée que si l'immeuble est totalement improductif et totalementaffecté à un service public ou d'utilité générale (...) ;
La loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiqueséconomiques a prévu que chaque organisme d'intérêt public qui devaitdisposer d'une autonomie de gestion dans un secteur industriel oucommercial donné pouvait, après adaptation par la loi de son statutorganique, obtenir une telle autonomie par la conclusion d'un contrat degestion avec l'Etat, le Roi ayant été habilité à classer tout organismeainsi défini parmi des entreprises publiques autonomes à dater de l'entréeen vigueur de son premier contrat de gestion (voy. article 1^er de la loidu 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiqueséconomiques) ;
L'autonomie ainsi accordée à l'organisme considéré se traduisait, d'unepart, par la conclusion d'un contrat de gestion devant régler, notamment,les tâches que l'entreprise publique devait assumer en vue de l'exécutionde ses missions de service public, et, d'autre part, par la possibilité dedévelopper, dans certaines limites, toute activité compatible avec sonobjet social et de pouvoir constituer des succursales ou des agences (voy.les articles 3 et 7 de la loi précitée du 21 mars 1991) ;
Un arrêté royal du 19 août 1992 a approuvé le premier contrat de gestionde la Régie des Télégraphes et des Téléphones et a fixé les mesures en vuedu classement de ladite régie parmi les entreprises publiques autonomes ;
Dès son classement parmi les entreprises publiques autonomes, la sociétéanonyme Belgacom a exercé, outre des missions de service public, desactivités strictement commerciales (services non réservés) ;
Ainsi, les télécommunications publiques étaient définies comme comprenant(voy. l'article 82 de la loi précitée du 21 mars 1991) :
1°) l'établissement, la maintenance, la modernisation et le fonctionnementde l'infrastructure publique des télécommunications ;
2°) l'exploitation des services réservés en faveur de tiers ;
3°) l'établissement, la maintenance et le fonctionnement des installationsaccessibles au public et situées dans le domaine public, destinées auxtélécommunications ;
Ces télécommunications publiques étaient ainsi accordées en concessionexclusive à Belgacom (voy. l'article 84 de la loi de 1991 dans sa versionoriginale) ;
Les services réservés étaient alors définis comme comportant les servicesde téléphonie, de télex, de mobilophonie, de radio messagerie, decommutation de données, de télégraphies et de mise à disposition deliaisons fixes (voy. l'article 83 de la loi du 21 mars 1991) ;
A côté de ces missions de service public, la société anonyme Belgacom aété autorisée à exploiter les services dits non réservés (voy. lesarticles 87 et s. de la loi de 1991) ;
Compte tenu de la définition des missions de service public telles qu'encours en 1991, relevaient de l'activité en concurrence l'infrastructurerelative aux terminaux (téléfax, télex, modem, mobilophonie,radiomessagerie, ...) de même que les installations constituant desréseaux privés et des services offerts sur des réseaux publics ou ligneslouées (service de télécopie, télex, messagerie électronique, messagerieorale, vidéotex, paiement électronique,...) (voy. l'article 87 de la loide 1991 tel que rédigé à l'époque et D. Nuchelmans et G. Pagano, `Lesentreprises publiques autonomes', Crisp, n° 1321-1322, pp. 33 et s. qui seréfèrent à l'annexe 2 jointe au rapport de la Commission del'infrastructure de la Chambre, Doc. Parl., Ch., n° 1287/10 (session1989-1990), pp. 397-399) ;
Au fil du temps, le législateur a restreint l'importance des servicesréservés alors accordés en concession exclusive à Belgacom ;
Ont été ensuite ouverts à la concurrence le marché des livres, listesannuelles et fichiers contenant exclusivement ou principalement desdonnées concernant les personnes raccordées aux services réservés (voy.l'article 45 de la loi-programme du 24 décembre 1993, M.B., 31 décembre1993) le secteur de la mobilophonie (voy. une loi du 12 décembre 1994,M.B., 28 décembre 1994), l'utilisation d'antennes satellites (arrêté royalde décembre 1994), le secteur de la sémaphonie (arrêté royal du 28 octobre1996, M.B., 10 décembre 1996) et le service de téléphonie vocale (loi du19 décembre 1997) (voy. aussi le Rapport précédant l'arrêté royal du 10décembre 1997 approuvant la modification du contrat de gestion entrel'Etat belge et la R.T.T., M.B., 30 décembre 1997) ;
On soulignera que déjà dans sa version originaire, la loi de 1991prévoyait que Belgacom devait organiser sa comptabilité de telle manièreque ses résultats d'exploitation relatifs aux télécommunications publiquesapparaissent séparément de ceux relatifs à ses autres activités, aucunesubsidiation n'étant admise des télécommunications publiques vers lesautres activités de Belgacom (voy. l'article 109 de la loi de 1991 tel querédigé à l'époque) ;
Il s'en déduit que c'est depuis la transformation en entreprise publiqueautonome, soit le 4 septembre 1992 (date d'entrée en vigueur de l'arrêtéroyal du 19 août 1992 portant approbation du premier contrat de gestion dela Régie des Télégraphes et des Téléphones et fixant les mesures en vue duclassement de cette régie parmi les entreprises publiques autonomes), queles biens immeubles de la société anonyme Belgacom ne sont plus nitotalement improductifs de revenus ni totalement affectés à un serviced'utilité générale, et non pas, comme le prétend l'Etat, uniquement àdater de l'exercice d'imposition 1998 ».
Il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'est pas régulièrement motivé et viole dece chef l'article 149 de la Constitution.
Second moyen
Dispositions légales violées
- articles 142, 144 et 149 de la Constitution ;
- articles 1^er, 9, 26 et 28 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage du6 janvier 1989 ;
- articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne du25 mars 1957 approuvés par la loi belge du 2 décembre 1957 ;
- articles 87 et 88 du Traité instituant la Communauté européenne dans saversion consolidée à Amsterdam le 2 octobre 1997 approuvée par la loibelge du 10 août 1998 (ci-après Traité CE) ;
- articles 1, b v et c, et 2 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE(JO,n° L83/1 et s. du 27 mars 1999) ;
- article 1315 du Code civil ;
- articles 5, 774 et 870 du Code judiciaire ;
- principe général du droit en vertu duquel le juge est tenu, tout enrespectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridiqueapplicable à la demande portée devant lui et d'appliquer celle-ci ;
- article 45 de la loi-programme du 24 décembre 1993 ;
- articles 3 à 14 de la loi du 12 décembre 1994 modifiant la loi du 21mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiqueset la loi du 17 juin 1991 portant organisation du secteur public du créditet de la détention des participations du secteur public dans certainessociétés financières de droit privé ;
- articles 1^er à 3 de l'arrêté royal du 16 décembre 1994 portanttransformation de Belgacom en société anonyme de droit public et fixantses statuts ;
- articles 1^er à 6 de l'arrêté royal du 22 décembre 1994 modifiant letitre III de la loi du 22 mars 1991 portant réforme de certainesentreprises publiques économiques ;
- articles 1^er à 14 de l'arrêté royal du 28 octobre 1996 transposant lesobligations en matière de libre concurrence sur les marchés des servicesde télécommunications découlant des directives en vigueur de la Commissioneuropéenne ;
- articles 11, 14, 15, 23 à 56, 67 à 73, 74 à 78 de la loi du 19 décembre1997 modifiant la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certainesentreprises publiques économiques afin d'adapter le cadre réglementaireaux obligations de libre concurrence et d'harmonisation sur le marché destélécommunications découlant des décisions de l'Union européenne.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt décide que la demanderesse n'établit pas l'existence d'une fautedans le chef de l'Etat, faute ayant consisté à maintenir après 1991,l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 en contradiction avec laréglementation européenne en matière d'aides d'Etat (articles 87 [ex 92]et 88 [ex 93] du Traité CE).
Il se fonde sur les considérations suivantes :
« 28. Le 28 avril 2003, la Commission européenne avait écrit au conseil dela commune de Schaerbeek que ses services l'avait informée antérieurement`... de procéder au classement de (la) plainte en raison de l'abrogationde la disposition litigieuse' (à savoir l'article 25 de la loi du 19juillet 1930) et qu'en conséquence aucune procédure formelled'investigation n'avait été ouverte.
29. Le 13 mai 2004, [la demanderesse] et la commune de Schaerbeek ontdéposé une nouvelle plainte auprès de la Commission des Communautéseuropéennes `pour non-respect, par l'Etat, du droit communautaire'. LaCommission leur en a accusé réception par courrier du 25 juin 2004.
30. L'Etat ne conteste pas que l'exonération litigieuse constituait uneaide d'Etat au sens du Traité, mais ce à partir de l'exercice d'imposition1998, c'est-à-dire après la libéralisation complète des services detélécommunication (point 17 supra). Cette reconnaissance découle del'abrogation de l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930, suite àl'invitation expresse de la Commission européenne.
31. De son côté, la commune ne conteste pas qu'elle ne peut invoquer uneéventuelle contravention avec le droit communautaire en matière d'aide quesi celle-ci peut être considérée comme `nouvelle'.
La commune a la charge d'établir qu'il s'agirait d'une aide nouvelle, ceque contestent tant l'Etat que Belgacom.
Si cette qualification de `nouvelle' peut être retenue, [la demanderesse]invoque le bénéfice de l'article 88, 3°, du Traité qui impose uneinformation préalable de la Commission et oblige l'Etat à suspendre lamise en oeuvre de l'aide envisagée jusqu'à la fin de son étude par laCommission et de sa conclusion d'absence d'incompatibilité avec le Marchécommun.
La Cour d'arbitrage a relevé que les articles 87 et 88 du Traitéconfiaient à la Commission, la charge de l'examen permanent des régimesd'aides existant dans les Etats (arrêt du 5 novembre 2003, point B.6.I etarrêt du 10 mars 2004, point B.6.1). Elle a observé que si la Commissionconstate qu'une aide n'est pas compatible avec le Marché commun, elle`décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans ledélai qu'elle détermine' en ajoutant que `cette décision n'a pas d'effetrétroactif' (idem).
Enfin, la Cour d'arbitrage a souligné qu'
`... il résulte de cette procédure qu'une mesure qualifiée d'aide d'Etatau sens des articles 87 et 88 du Traité précité ne saurait être considéréea priori, sans décision de la Commission européenne, comme contraire auMarché commun. Lorsque la Commission décide que tel est le cas concernantune aide existante, l'aide est supprimée ou modifiée dans un délaidéterminé par elle. S'agissant d'une aide nouvelle, le seul défaut denotification préalable à la Commission ne la rend pas incompatible avec leMarché commun. Lorsqu'une aide nouvelle mise à exécution sans notificationest jugée contraire au Marché commun par la Commission, celle-ci exige enprincipe la récupération' (points B.6.2. des deux arrêts).
32. Dans son arrêt du 5 novembre 2003, la Cour d'arbitrage avait déjàsignalé après examen de l'aspect de droit communautaire qu' `il résulte dece qui précède que l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 a été envigueur dans l'ordre juridique belge jusqu'à son abrogation expresse parl'entrée en vigueur de l'article 79 de la loi-programme du 30 décembre2001. L'exemption fiscale litigieuse n'a donc, à aucun moment, manqué defondement légal ...'.
Dans son arrêt du 10 mars 2004, la Cour d'arbitrage a précisé que :
`Il ressort du dossier soumis à la Cour que la Commission européenne,saisie de plaintes relatives à l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930,a classé celles-ci après avoir reçu des autorités belges l'assurance quecet article serait abrogé en date du 1^er janvier 2002 et, pour les impôtset taxes au profit des provinces et des communes, à partir de l'exerciced'imposition 2002.
L'exemption en cause peut être considérée comme une aide existante même sicette qualification ne lui a pas été donnée formellement par laCommission, aide dont l'abrogation, par l'entrée en vigueur de l'article79 de la loi-programme du 30 décembre 2001 à la date fixée par l'article134 de la loi-programme du 2 août 2002, satisfait aux exigences du Traité.
Etant donné qu'il s'agit d'une aide existante, qui ne pourrait, le caséchéant, être considérée comme non conforme au Marché commun qu'à partirde l'adoption d'une décision en ce sens par la Commission européenne, ilse déduit de ce qui précède que les articles 87 et 88 du Traité n'ont pasété violés durant la période litigieuse'.
33. De ces deux arrêts il résulte que la Cour d'arbitrage a conclu àl'absence d'aide nouvelle au sens du Traité et en conséquence à l'absencede faute à charge de l'Etat.
Il n'y a pas lieu dès lors de poser une question préjudicielle telle queformulée par la commune à la Cour de justice des Communautés européennes.
Comme [la demanderesse] ne démontre pas l'existence d'une faute à charge[du défendeur], son appel est non fondé ».
Griefs
Première branche
L'arrêt laisse sans réponse les conclusions par lesquelles la demanderessefaisait valoir que le maintien de l'article 25 de la loi du 19 juillet1930 après les modifications qu'avait connues la R.T.T. depuis la loi du21 mars 1991 constituait une «aide nouvelle» au sens de l'article 88, § 3(ex article 93, § 3) du Traité CE en sorte qu'elle aurait dû être notifiéeà la Commission des Communautés européennes sous peine d'illégalité deprincipe, et par lesquelles elle soutenait à cet égard :
« b) Quant aux pouvoirs du juge national et de la Commission européenne enmatière d'aides d'Etat `nouvelles'
1. Qu'il appartient à la cour [d'appel] d'apprécier le caractère d'aideexistante ou d'aide nouvelle de l'exemption en cause et, s'agissant d'uneaide nouvelle, de sanctionner la violation de l'article 88, § 3 (exarticle 93, § 3) du Traité CE, les aides nouvelles ou les modificationsd'aides existantes ne pouvant être mises à exécution avant leur contrôlepar la Commission ;
Qu'ainsi qu'il a été exposé, en matière d'aide d'Etat nouvelle, laCommission assure un rôle de contrôle préventif ; qu'elle doit êtreinformée des projets tendant à instituer ou à modifier des aides (soit lesaides nouvelles), lesquelles ne peuvent être mises à exécution tantqu'elles n'ont pas été déclarées, par la Commission, compatibles avec leTraité (voy. l'article 88, § 3 (ex-article 93, § 3) du Traité C.E.) ;
Que cette interdiction de mise à exécution des aides nouvelles inscriteaudit article 88, § 3 (ex-article 93, § 3), du Traité C.E. a un effetdirect en droit interne ; que, partant, il appartient aux juridictionsnationales d'assurer le respect des droits issus de cet effet direct ; quedans ce cadre, les juridictions nationales doivent constater`l'institution ou la modification d'aides' et donc interpréter la notiond'aide, et donc d'aide nouvelle, quitte à demander des éclaircissements àla Commission ou à interroger à titre préjudiciel la Cour de justice poursavoir si la mesure étatique relève ou non de cette procédure de contrôlepréalable des aides nouvelles (voy. notamment C.J.C.E., 22 mars 1977,Steinike et Weiling C-78/76, Rec., p. 595 ; voy. également les conclusionsde Monsieur l'avocat général Lenz, présentées le 22 juin 1994, aff.C-44/93, qui a donné lieu à l'arrêt de la C.J.C.E. du 9 août 1994, Namur /Les Assurances du Crédit S.A., Rec., 1994, pp. 1-3829) ; qu'il s'en déduitque saisie d'une demande visant à sanctionner la violation de l'article88, § 3, du Traité, la juridiction nationale n'a pas à se déclarerincompétente, ni même n'a à surseoir à statuer dans l'attente de ladécision de la Commission (voy. C.J.C.E., 11 juillet 1996, SFEI, C-39/94,Rec., pp. 1-3547 ; voy. également H. Chavrier, Actualité du droitcommunautaire, A.J.D.A., 1996, pp. 750 à 753 ; M. Fallon, Droit matérielgénéral de l'Union européenne, 2^e éd., Bruylant, Bruxelles, août 2002, p.371 et les nombreuses références citées ; F. Laget, `Le pouvoir du jugenational et les aides non notifiées à la Commission', A.J.D.A., 2004, pp.298 à 304) ;
2. Que selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautéseuropéennes, les aides existantes au sens de l'article 88 du Traité CEsont les aides qui existaient avant l'entrée en vigueur du Traité (ou del'acte d'adhésion du nouvel Etat membre) et celles qui ont pu êtres misesrégulièrement à exécution dans les conditions de l'article 88, § 3, tandisque les aides nouvelles consistent en toutes les mesures qui tendent àinstituer ou à modifier des aides, les modifications pouvant porter soitsur des aides existantes, soit sur des projets initiaux notifiés à laCommission (voy. à ce sujet notamment J. Vandersanden, `Examen dejurisprudence (1993 à 1998) - Communautés européennes', R.C.J.B., 2000, p.559, spéc. n° 156) ;
Que l'article 1^er du règlement CE n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999portant modalités d'application de l'article 93 du Traité C.E. (JO 27 mars1999, L83/1) précise au surplus qu'une aide peut être réputée existantedans l'hypothèse où il peut être établi qu'elle ne constituait pas uneaide au moment de sa mise en vigueur mais qu'elle est devenue une aide parla suite en raison de l'évolution du Marché commun sans avoir été modifiéepar l'Etat membre ; que la même disposition ajoute que les mesures quideviennent une aide suite à la libéralisation d'une activité par le droitcommunautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après ladate fixée pour la libéralisation ;
Que, conformément à l'article 88, § 3, du Traité CE et la jurisprudence dela Cour de justice, la cour [d'appel] doit donc se prononcer sur lalégalité de la mise à exécution d'une aide nouvelle, et donc interprétercelle-ci sans être tenue par l'appréciation faite par la Cour d'arbitragepar ses arrêts susvisés quant à la nature d'aide d'Etat, existante ounouvelle, que constitue l'exonération fiscale litigieuse ;
c) Quant à l'incidence des arrêts rendus par la Cour d'arbitrage les5 novembre 2003 et 10 mars 2004
1. Que les arrêts rendus par la Cour d'arbitrage portant rejet des recoursen annulation sont revêtus d'une autorité absolue de chose jugée (voy.l'article 9 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage).
Que l'arrêt rendu le 5 novembre 2003 susvisé concernait les articles 79 et168 de la loi-programme du 30 décembre 2001 et l'article 134 de laloi-programme du 2 août 2002, de sorte que, nonobstant l'autorité de chosejugée qui s'y attache, il est indifférent en l'espèce s'agissant del'article 25 de la loi du19 juillet 1930 ;
2. Qu'un arrêt rendu sur question préjudicielle quant à lui s'impose aujuge a quo ainsi qu'à toute juridiction appelée à se prononcer dans lesmêmes affaires (voy. l'article 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989susvisée) ; qu'en d'autres termes, le juge qui a posé les questionspréjudicielles, et toute autre juridiction qui se prononcerait dans lamême affaire, devront appliquer la norme dont la conformité avec laConstitution a été proclamée par la Cour d'arbitrage (voy. F. Delperée etA. Rasson-Roland, La Cour d'arbitrage, Larcier, Bruxelles, 1996, n° 91) ;
Que l'arrêt prononcé le 10 mars 2004 non seulement ne s'impose pas en soià la cour [d'appel] dans le cadre de la présente affaire, mais aussi etsurtout ne concerne que la conformité aux articles 10 et 11 de laConstitution, combinés avec les articles 86 et 87 du Traité CE, duditarticle 25 de la loi du 19 juillet 1930 ;
Que cet arrêt ne peut, et ne saurait avoir pour effet de priver la cour[d'appel], d'une part, d'apprécier le caractère d'aide d'Etat nouvelle ouexistante, de l'exemption en cause, compte tenu de l'effet direct quis'attache à l'article 88,§ 3, du Traité et des pouvoirs qu'il revient au juge national dans cecadre conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (voy.ci-avant) et, d'autre part, compte tenu de son caractère d'aide nouvelle,de tirer les conséquences de l'absence de notification de l'aideconformément à l'article 88, § 3, du Traité CE ;
Que la Cour d'arbitrage n'est point dotée d'une compétence exclusive pourcontrôler le respect des lois par rapport aux normes de droit européenrevêtues d'un effet direct ;
Que la référence par la Cour d'arbitrage aux droits et libertés inscritsdans le Traité CE `transite' par les articles 10 et 11 de la Constitutionde sorte qu'elle ne saurait censurer que les distinctions injustifiées quele législateur instaurerait dans la jouissance des droits et libertésconsacrés par le droit international (voy. F. Delperée et A.Rasson-Roland, o.c., n° 66) ; qu'il s'en déduit que la Cour d'arbitragen'est point le juge constitutionnel chargé de la protection de tous lesdroits fondamentaux, notamment issus du droit européen (ibidem) ;
Qu'en d'autres termes, l'examen auquel a procédé la Cour d'arbitrage parson arrêt du 10 mars 2004 relativement aux articles 87 et 88 du Traité CEne concernait que l'examen d'une éventuelle atteinte discriminatoire auxprincipes inscrits dans lesdites dispositions ; que la cour [d'appel]n'était bien évidemment pas saisie des conséquences liées à l'effet directde l'article 88, § 3 du Traité ;
Que c'est à la cour [d'appel] qu'il appartient de trancher cettequestion ;
Que ceci a d'ailleurs bien été aperçu par la Cour d'arbitrage elle-même ;
Qu'ainsi, par son arrêt du 10 mars 1994 (n° 32/2004), [cette juridiction]a estimé que : `La cour [d'appel] est compétente pour examiner si une loiest compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu'estinvoquée une violation de ces dispositions constitutionnelles encombinaison avec d'autres dispositions constitutionnelles ouinternationales, par exemple les articles 86 et 87 du Traité CE. Ilimporte peu à cet égard que le juge qui lui pose la question préjudicielleait déjà lui-même examiné si la loi est compatible avec les dispositionsinternationales puisque l'objet du contrôle exercé par ce juge et par lacour [d'appel] est différent' (voy. le considérant B.3.2. de l'arrêt) ;
Que l'on observera également que dans cette affaire, la Cour d'arbitrage aestimé, pour les motifs tels qu'énoncés à l'arrêt, que l'aide ne pouvaitpas être considérée comme non conforme au Marché commun ;
Que dans le cadre du présent litige, la commune ne postule pas de la cour[d'appel] qu'elle se prononce sur cette question ou non de conformité auMarché commun, mais bien sur les conséquences qu'il y a lieu de tirer del'absence de notification préalable de l'aide conformément à l'article 88(ex-article 93), § 3, du Traité CE ».
Il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'est pas régulièrement motivé et viole dece chef l'article 149 de la Constitution.
Deuxième branche
La Commission CE doit être informée en temps utile de chaque projettendant à instituer des aides nouvelles ou à modifier des aidesexistantes. En ce qui concerne les nouvelles aides ou les modificationsprojetées par les Etats membres, la procédure préalable doit êtreintroduite, aucune aide n'étant réputée régulièrement instituée sans cetteprocédure (article 93, § 3, du Traité du 25 mars 1957 instituant laCommunauté européenne, devenu article 88, § 3, de la version consolidée duTraité CE). La décision rendue par la Commission CE quant à lacompatibilité d'une aide nationale avec les conditions prévues à l'article92 du Traité (devenu article 87 de la version consolidée du Traité CE) n'apas à cet égard pour effet de couvrir l'irrégularité des mesuresd'exécution prises en violation de l'interdiction imposée par l'article93, § 3, du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne(devenu article 87 dans la version consolidée du Traité CE) (articles 92et 93, § 3, du Traité du 25 mars 1957 visés au moyen, devenus articles 87et 88, § 3, de la version consolidée du Traité CE).
Par ailleurs, les instances judiciaires nationales sont tenues de garantiraux justiciables pouvant invoquer la violation du devoir d'informationque, conformément au droit national, toutes les conséquences en seronttirées, tant en ce qui concerne la validité des actes d'exécution desaides litigieuses, qu'en ce qui concerne la réclamation de l'aide octroyéeen violation de cette disposition.
Enfin, si les arrêts rendus par la Cour d'arbitrage portant rejet d'unrecours en annulation « sont obligatoires pour les juridictions », cetteautorité de chose jugée ne vaut qu' « en ce qui concerne les questions dedroit tranchées par ces arrêts » (article 9, § 2 de la loi spéciale sur laCour d'arbitrage) c'est-à-dire la compatibilité de dispositionslégislatives belges avec diverses dispositions de la Constitution(articles 142 de la Constitution et 1^er de la loi spéciale sur la Courd'arbitrage du 6 janvier 1989).
Il se déduit par ailleurs de l'article 28 de la loi spéciale sur la Courd'arbitrage du 6 janvier 1989 que les arrêts de cette cour statuant surune question préjudicielle n'ont pas autorité de chose jugée erga omnes.En toute hypothèse, cette autorité ne saurait s'étendre qu'à ce qui a étéjugé par la cour [d'appel] dans le cadre de ses compétences, à savoir lacompatibilité d'une disposition législative belge avec la Constitution(articles 142 de la Constitution et 26 de ladite loi spéciale sur la Courd'arbitrage).
Il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'a pu déduire légalement la régularité del'aide nouvelle dénoncée par la demanderesse de la seule circonstancequ'il résulte de ses arrêts du 5 novembre 2003 (n° 143/2003) (statuant surles recours en annulation introduits par la province de Hainaut, et parles communes de Schaerbeek et Saint-Josse-ten-Noode contre les articles 79et 168 de la loi-programme du 30 décembre 2001 et 134 de la loi-programmedu 2 août 2002 - numéros du rôle 2466, 2472, 2547 et 2640) et du 10 mars2004 (n° 32/2004) (statuant sur la question préjudicielle relative àl'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 créant la Régie des Télégrapheset des Téléphones, posée par le tribunal de première instance de Bruxellesdans la cause opposant la commune de Schaerbeek à l'Etat belge et autres -numéro du rôle 2550) «que la Cour d'arbitrage a conclu à l'absence d'aidenouvelle au sens du Traité et en conséquence à l'absence de faute à chargede l'Etat » ;
En effet, ce faisant, l'arrêt attaqué a :
1°) méconnu l'étendue de l'autorité de chose jugée s'attachant aux arrêtsde la Cour d'arbitrage des 5 novembre 2003 et 10 mars 2004 en l'étendant àla compatibilité de l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 avecl'article 93, § 3, du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communautéeuropéenne devenu l'article 88, § 3, du Traité CE, alors que fût-ellesaisie de moyens pris de la méconnaissance des articles 10 et 11 de laConstitution, lus en combinaison avec certaines dispositions du Traité deRome, la Cour d'arbitrage n'a pour compétence que de vérifier laconformité d'une disposition législative belge à la Constitution et queses arrêts ne peuvent dès lors lier les cours et tribunaux lorsqu'ils sontappelés à apprécier la conformité de cette même disposition législative àun texte relevant du droit européen ou du droit international commel'article 93, § 3, du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communautéeuropéenne, devenu l'article 88, § 3, de la version consolidée du TraitéCE (violation de l'article 142 de la Constitution et des articles 1^er, 9,26 et 28 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage) ;
2°) méconnu les articles 92 et 93, spécialement § 3, du Traité du 25 mars1957 instituant la Communauté européenne, devenus les articles 87 et 88,spécialement § 3, de la version consolidée du Traité CE adoptée àAmsterdam le2 octobre 1997 et approuvée par la loi belge du 10 août 1998 (violation deces dispositions), en refusant d'examiner in concreto si le maintien del'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 après 1991 ou, en tout cas après1998, date à laquelle le défendeur reconnaissait que ledit article 25 dela loi du 19 juillet 1930 était devenu une aide à la suite de lalibéralisation complète du secteur des télécommunications, constituait uneaide nouvelle au sens de l'article 93, § 3, du Traité du 25 mars 1957,devenu l'article 88, § 3, de la version consolidée du Traité CE.
Troisième branche
Il appartient au juge, tout en respectant les droits de la défense,d'appliquer, même d'office, aux faits dont il est régulièrement saisi lesrègles de droit dont l'application est commandée par ceux-ci (article 44de la Constitution, 5 et 774 du Code judiciaire et principe général dudroit visé en tête du moyen).
Par ailleurs, si le demandeur a la charge de la preuve des faits qu'ilallègue (article 870 du Code judiciaire et article 1315 du Code civil), ilne lui incombe pas d'établir la règle de droit qu'il invoque, le jugeétant censé connaître celle-ci (principe général du droit visé en tête dumoyen).
Il s'ensuit que dès lors que la demanderesse faisait valoir que lemaintien de l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 après la loi du 21mars 1991 et les dispositions légales et réglementaires qui l'ont suiviedans le cadre de la libéralisation du marché des télécommunicationsimposée par les autorités européennes, constituait une aide nouvelle ausens de l'article 93, alinéa 3, du Traité du 25 mars 1957 instituant laCommunauté européenne, devenu l'article 88, alinéa 3, de la versionconsolidée du Traité CE, l'arrêt attaqué devait procéder à l'examen decette qualification et ne pouvait se borner à relever qu'en raison desarrêts rendus par la Cour d'arbitrage les 5 novembre 2003 et 10 mars 2004,la demanderesse ne rapportait pas la preuve de la qualification d'aidenouvelle du maintien après 1991 de l'article 25 de la loi du 19 juillet1930 alors que cette preuve lui incombait.
La qualification d'éléments de fait ou de mécanismes légaux constitue, eneffet, une question de droit.
Il en résulte que s'il fallait interpréter - quod non - l'arrêt attaquécomme ayant rejeté la demande de la demanderesse au motif qu'elle n'auraitpas rapporté la preuve de la qualification d' « aide nouvelle » qu'elleinvoquait, l'arrêt attaqué :
I°/ méconnaîtrait le principe général du droit relatif à l'office du jugevisé au moyen (violation des articles 144 de la Constitution, 5 et 774 duCode judiciaire et des principes généraux du droit visés en tête du moyen);
2°/ méconnaît à tout le moins les articles 870 du Code judiciaire et 1315du Code civil en appliquant ces derniers à la preuve du droit alors qu'ilsne s'appliquent qu'à la preuve du fait.
Quatrième branche
Une exonération fiscale accordée à une administration publique disposantd'un monopole légal - telle la Régie des Télégraphes et des Téléphonescréée par la loi du 19 juillet 1930 - constitue une aide nouvelle lorsquecette administration est transformée en entreprise économique et que sonmonopole est progressivement supprimé à la suite de la libéralisationd'une activité par le droit communautaire (article 93, § 3, du Traité du25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, devenu 88, § 3, de laversion consolidée du Traité CE et article 1 b (v) et c du règlement (CE)n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant application de l'article 93du Traité CE).
Les directives 90/387/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relatives àl'établissement du marché intérieur des services de télécommunications parla mise en service de la fourniture d'un réseau ouvert detélécommunications et 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relativeà la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, ontimposé la libéralisation du secteur des télécommunications.
La loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiqueséconomiques (articles 1^er et 56) complétée par l'arrêté royal du 19 août1992 (article 2) a transformé la Régie des Télégraphes et Téléphones enentreprise publique autonome sous le nom de Belgacom en lui confiant commeobjet social :
« 1° le développement de services, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays,dans le domaine des télécommunications ;
2° l'exécution de toutes les opérations destinées à promouvoir directementou indirectement ses activités ou à permettre une utilisation optimale deson infrastructure ;
3° la prise de participation dans des organismes, sociétés ou associationspublics ou privés, existants ou à créer, belges, étrangers ouinternationaux, laquelle peut contribuer directement ou indirectement à laréalisation de son objet social » (article 56 de la loi du 21 mars 1991).
Cette même loi qui limitait son monopole à certains « services réservés »(articles 82 à 84) permettait à Belgacom d'exploiter en concurrence avectoute entreprise économique des services non réservés (articles 87 à 89).
Par la suite, les services réservés ont été progressivement réduits(articles 45 de la loi-programme du 24 décembre 1993, 3 à 14 de la loi du12 décembre 1994, 1 à 6 de l'arrêté royal du 22 décembre 1994, 1 à 14 del'arrêté royal du28 octobre 1996, 11, 14, 15, 23 à 56, 67 à 73, 74 à 78 de la loi du 19décembre 1997).
Parallèlement, Belgacom a été transformée en société anonyme par l'arrêtéroyal du 16 décembre 1994 pris en exécution de l'article 3 de la loi du12 décembre 1994.
Nonobstant cette situation, Belgacom a continué à bénéficier del'exonération des centimes additionnels communaux au précompte immobilierprévu par l'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 créant la Régie desTélégraphes et des Téléphones jusqu'à son abrogation par l'article 79 dela loi-programme du 30 décembre 2001.
Il s'ensuit que l'exemption prévue par l'article 25 de la loi du 19juillet 1930 qui était applicable à la Régie des télégraphes et destéléphones lorsqu'elle disposait du monopole des télécommunications enBelgique est devenue une aide nouvelle lorsque, à compter de la loi du 21mars 1991, le marché des télécommunications a été libéraliséprogressivement en application des directives 90/387/CEE du Conseil et90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 ou, à tout le moins, à compterde 1998, comme le défendeur le reconnaissait devant la cour d'appel.
Cette aide aurait ainsi dû être notifiée à la Commission conformément àl'article 93, § 3, du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communautéeuropéenne, devenu 88, § 3, de la version consolidée du Traité CE.
En considérant que l'exemption dont a bénéficié Belgacom jusqu'en 2002 neconstituait pas une aide nouvelle, l'arrêt attaqué a méconnu ledit article93,
§ 3, du Traité du 25 mars 1957, devenu 88, § 3, de la version consolidéedu Traité CE, l'article 1 b (v) et c du règlement (CE) n° 659/1999 duConseil et les autres dispositions légales visées au moyen à l'exceptiondes articles 142, 144 et 149 de la Constitution, des articles 1, 9, 26 et28 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage, de l'article 1315 du Codecivil et des articles 5, 774 et 870 du Code judiciaire et du principegénéral du droit visé en tête du moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
D'une part, l'arrêt constate que la défenderesse n'a occupé l'ensembleimmobilier litigieux qu'au cours de l'année 1994, de sorte que leprécompte immobilier n'aurait pu être établi qu'à partir de l'exerciced'imposition 1995.
D'autre part, s'agissant des exercices ultérieurs, l'arrêt considère que« comme les circulaires administratives […] de 1995 et 1998 l'ont relevé,l'administration ne pouvait en toute hypothèse pas enrôler puis recouvrerà charge de [la défenderesse] des centimes additionnels afférents auxprécomptes immobiliers sans violer l'article 25 de la loi du 19 juillet1930 qui exemptait expressément la [défenderesse] `de tous impôts ou taxesau profit des provinces et communes' » et en déduit que le défendeur, tenude respecter cette disposition légale, n'a commis aucune faute.
L'arrêt répond ainsi, en les contredisant, aux conclusions de lademanderesse qui faisait valoir que la défenderesse ne pouvait plusbénéficier de l'exonération fiscale susvisée dès avant l'exercice 1998 etqu'en négligeant de prévoir le précompte immobilier avant cette date, ledéfendeur avait commis une faute.
L'arrêt n'était pas tenu de répondre plus amplement aux argumentsreproduits au moyen et ne constituant pas des moyens distincts.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Par les considérations reproduites dans le moyen et relatives à l'absenced'aide nouvelle qu'aurait constituée le maintien en vigueur de l'article25 de la loi du 19 juillet 1930, l'arrêt répond, en les contredisant, auxconclusions de la demanderesse qui soutenait que, s'agissant d'une aidenouvelle, elle aurait dû faire l'objet d'une notification à la Commissiondes Communautés européennes.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
D'une part, en adhérant à certains motifs des arrêts de la Courconstitutionnelle du 5 novembre 2003 et du 10 mars 2004, l'arrêt ne leurreconnaît pas une autorité de la chose jugée et, partant, ne méconnaît pasl'étendue limitée de cette autorité.
D'autre part, après avoir constaté que le législateur avait décidé desupprimer, à partir de l'exercice d'imposition 2002, « l'exemption de tousimpôts ou taxes au profit des provinces et des communes » qui figurait àl'article 25 de la loi du 19 juillet 1930, l'arrêt considère que cetteexemption doit être tenue pour une « aide existante, qui ne pourrait, lecas échéant, être considérée comme non conforme au Marché commun qu'àpartir de l'adoption d'une décision en ce sens par la Commissioneuropéenne », laquelle n'a pas eu lieu, et non pour une aide nouvelle, ausens de l'article 93, § 3, du Traité instituant la Communauté européenne.
Ainsi, contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arrêtne refuse pas d'examiner concrètement si le maintien en vigueur del'article 25 précité représentait une aide nouvelle.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Il résulte de la réponse aux deux premières branches du moyen que la courd'appel n'a pas omis de procéder à l'examen de la qualification d'aidenouvelle donnée par la demanderesse au maintien en vigueur de l'article 25de la loi du 19 juillet 1930.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
Il se déduit de l'arrêt n° C-44/93 du 9 août 1994 de la Cour de justicedes Communautés européennes qu'il n'y a modification d'une aide existanteou institution d'une aide nouvelle soumise à l'obligation de notificationà la Commission européenne, prévue par l'article 93, § 3, du Traitéinstituant la Communauté européenne, que si la modification porte sur lerégime d'aide lui-même.
Le moyen, qui soutient que la libéralisation du marché destélécommunications et la transformation de l'ancienne Régie desTélégraphes et Téléphones en une entreprise publique autonome ont eu poureffet que le maintien de l'exonération fiscale accordée par l'article 25de la loi du 19 juillet 1930 constitue une aide nouvelle, au sens de ladisposition précitée de droit communautaire, manque en droit.
Et, l'application correcte du droit communautaire s'imposant sans aucundoute raisonnable, il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice desCommunautés européennes la question préjudicielle proposée par lademanderesse.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent seize euros quarante-huitcentimes payés par la partie demanderesse, à la somme de deux centsoixante-sept euros septante-cinq centimes payés par la première partiedéfenderesse et à la somme de cent trente-six euros dix-huit centimespayés par la deuxième partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Sylviane Velu et Martine Regout, etprononcé en audience publique du neuf novembre deux mille sept par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralAndré Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
9 NOVEMBRE 2007 F.06.0048.F/23