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19/11/2007 | BELGIQUE | N°S.06.0053.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 novembre 2007, S.06.0053.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° S.06.0053.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est faitélection de domicile,

contre

I. P.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2006 parla cour du trav

ail de Liège.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Le...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° S.06.0053.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est faitélection de domicile,

contre

I. P.,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2006 parla cour du travail de Liège.

Le conseiller Philippe Gosseries a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur présente deux moyens dont le premier est libellé dans lestermes suivants :

Dispositions légales violées

- article 1^er de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminairedu Code de procédure pénale ;

- articles 28quater, alinéa 2, et 55 du Code d'instruction criminelle ;

- article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire ;

- article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement surles frais de justice en matière répressive, modifié par l'article 12 del'arrêté royal du 7 décembre 2003 réglant la destination des archives desjuridictions militaires supprimées et portant diverses mesures etmodifications concernant le collège des procureurs généraux ;

- article 6, § 1^er, de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspectiondu travail (inséré par l'article 190 de la loi-programme du 22 décembre1989).

Décisions et motifs critiqués

En confirmant le jugement entrepris, l'arrêt annule la décisionadministrative du 28 avril 2004 — par laquelle le demandeur avait exclu ledéfendeur du bénéfice des allocations de chômage en date du 26 janvier2004, avait récupéré les allocations de chômage perçues indûment pour lajournée du 26 janvier 2004 et avait exclu le défendeur du droit auxallocations de chômage à partir du 3 mai 2004 pendant une période dequatre semaines - et délaisse les dépens à charge du demandeur, aux motifssuivants :

« V. Appréciation

1. L'illégalité de la transmission du rapport de contrôle

Il apparaît des éléments du dossier que la police fédérale de Herve acommuniqué, par fax du 28 janvier 2004, le rapport du contrôle du 26janvier 2004 concernant [le défendeur] directement au service publicfédéral de l'Emploi, du Travail et de la Concertation sociale qui l'atransmis, le 2 février 2004, au bureau du chômage de Verviers. Ce fax futà la base de l'audition [du défendeur] et de la décision administrativecontestée dans le cadre de la présente procédure ;

II n'est pas contesté que cette communication a eu lieu sans autorisationpréalable du procureur général ;

a) La loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail, invoquéepar [le demandeur], ne trouve pas à s'appliquer dans la présente affaire,le rapport ayant été transmis par la police et non par une inspection dutravail ;

b) L'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire dispose que le Roidétermine les conditions auxquelles sont soumises la communication ou lacopie des actes d'instruction et de procédure en matière criminelle,correctionnelle ou de police ;

L'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement surles frais de justice en matière répressive dispose qu'en matièrecriminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire,aucune expédition ou copie des actes d'instruction ou de procédure ne peutêtre délivrée sans une autorisation expresse du procureur général près lacour d'appel ou de l'auditeur général mais qu'il est délivré aux parties,sur leur demande, expédition de la plainte, de la dénonciation, desordonnances et des jugements (alinéa 1^er) ;

Cette disposition est le corollaire de la règle du secret del'instruction, dont le procureur général est le garant (Cass., 12 juin1913, Bull. et Pas., 1913, I, 322, concl. proc. gén. Terlinden ; Cass., 4janvier 1923, Bull. et Pas., 1923, I, 136 ; Cass., 11 janvier 1982, Bull.et Pas., 1982, I, 582 ; E. de le Court, « La communication des dossiersrépressifs… », J.T., 1963, 503 ; H.D. Bosly, « Les sanctions en droitpénal social belge », Gand-Louvain, 1979, 103 ; H.D. Bosly, « Secret del'instruction et décision administrative en matière sociale », J.T.T.,1978, n° 4, p. 333 ; Ph. Gérard, 'Observations sur le secret del'instruction et le pouvoir d'enquête du bureau régional du chômage',J.T.T., 1992, 289 ; trav. Mons, 6 mai 1988, J.T.T., 1988, 339 à 342) ;

Si le rapport de contrôle transmis n'est pas un acte d'instruction, il estbien un acte de procédure au sens de l'article 125 de l'arrêté royal du 28décembre 1950 précité ;

C'est ainsi que la cour [du travail] de céans a arrêté que lacommunication par un gendarme, de sa propre initiative et sansautorisation du ministère public, d'un rapport, non transcrit enprocès-verbal, au service de contrôle du bureau de chômage était illégale,alors même qu'une instruction pénale n'a pas été ouverte (trav. Liège, 2juin 1995, C.D.S., 1985, 151) ;

Il a été de même décidé qu'était illégale la transmission dans une lettreà l'Institut national d'assurance maladie-invalidité, par un gardechampêtre, d'informations recueillies dans le cadre de ses fonctions depolice, sans autorisation du procureur général (trav. Liège, 24 juin 2004,www. juridat.be) ;

II a encore été jugé que la gendarmerie ne pouvait pas transmettre,d'initiative et sans autorisation du ministère public, un rapportmentionnant des infractions commises par un chômeur (trav. Mons, 20 avril1984, J.T.T., 1984, 440, obs. V.P. ; trav. Mons, 19 décembre 1991, C.D.S.,1992, 144 ; cfr également trav. Mons, 22 avril 1997, R.G. 13772 ; trav.Mons, 7 juin 1996, R.G. 11243 ; trav. Mons, 5 avril 1995, R.G. 10498) ;

c) La loi sur la fonction de police ne permettait pas non plus à la policefédérale de transmettre directement le rapport de contrôle au ministère del'Emploi. En effet, comme le ministère public l'a judicieusement rappelédans son avis (auquel les parties n'ont pas répliqué), le Roi n'a pasdéterminé, par un arrêté délibéré en conseil des ministres, à quellesautres autorités publiques que celles prévues par les articles 5 et 44/1,alinéa 3, de ladite loi (et le ministère de l'Emploi ou [le demandeur] n'yfigurent pas) la police peut transmettre des informations relatives à despersonnes ;

De tout ce qui précède, il résulte que la communication directe du rapportde contrôle était illégale ».

Griefs

Première branche

L'article 6, § 1^er, de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspectiondu travail dispose que tous les services de l'Etat, y compris les parquetset les greffes des cours et de toutes les juridictions, des communautés,des régions, des provinces, des agglomérations, des fédérations decommunes, des communes, des associations dont elles font partie, desinstitutions publiques qui en dépendent, ainsi que de toutes lesinstitutions publiques et les institutions coopérantes de sécuritésociale, sont tenus, vis-à-vis des inspecteurs sociaux et à leur demande,de leur fournir tous renseignements, ainsi que de leur produire, pour enprendre connaissance, tous livres, registres, documents, disques, bandesou n'importe quels autres supports d'information et de leur en fournir desextraits, des duplicata, des impressions, des listages, des copies ou desphotocopies que ces derniers estiment utiles à la surveillance du respectdes législations dont ils sont chargés.

Tous les services précités, à l'exception des services des communautés etdes régions, sont tenus de fournir sans frais ces renseignements,extraits, duplicata, impressions, listages, copies ou photocopies.

Toutefois, les actes, pièces, registres, documents ou renseignementsrelatifs à des procédures judiciaires ne peuvent être communiqués sansl'autorisation expresse du procureur général ou de l'auditeur général.

Dans ses conclusions additionnelles d'appel, le demandeur avait faitvaloir que le contrôle par la police fédérale n'était pas prescrit par uneautorité judiciaire et qu'aucune procédure judiciaire n'avait été entamée,de sorte que la police fédérale avait régulièrement transmis le rapport decontrôle au service public fédéral de l'Emploi, du Travail et de laConcertation sociale, conformément à l'article 6, § 1^er, de la loi du 16novembre 1972 concernant l'inspection du travail, sans que l'autorisationexpresse du procureur général ou de l'auditeur général soit requise.

Les juges d'appel rejettent ce moyen au motif que la loi du 16 novembre1972 concernant l'inspection du travail ne s'applique pas au cas d'espèce,le rapport de la police fédérale « ayant été transmis par la police et nonpar une inspection du travail ».

Or, l'article 6, § 1^er, de la loi du 16 novembre 1972 concernantl'inspection du travail, invoqué par le demandeur en ses conclusions,impose à tous les services de l'Etat l'obligation de fournir tousrenseignements ainsi que de produire des pièces.

La police fédérale est un service de l'Etat, au sens de ladite dispositionlégale, et est dès lors tenue de ladite obligation.

Partant, en décidant que la loi du 16 novembre 1972 concernantl'inspection du travail ne s'applique pas au cas d'espèce, au motif que lerapport de la police fédérale a été transmis par la police et non par uneinspection du travail, l'arrêt viole l'article 6, § 1^er, de la loi du 16novembre 1972 concernant l'inspection du travail.

Seconde branche

En vertu de l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire, le Roi détermineles conditions auxquelles sont soumises la communication ou la copie desactes d'instruction et de procédure en matière criminelle, correctionnelleet de police et en matière disciplinaire.

L'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement surles frais de justice en matière répressive dispose que, en matièrecriminelle, correctionnelle et de police et en matière disciplinaire,aucune expédition ou copie des actes d'instruction et de procédure ne peutêtre délivrée sans une autorisation expresse du procureur général près lacour d'appel.

Dans ses conclusions additionnelles d'appel, le demandeur avait faitvaloir que le contrôle par la police fédérale n'était pas prescrit par uneautorité judiciaire et qu'aucune procédure judiciaire n'avait été entamée,de sorte que la police fédérale a régulièrement transmis son rapport sansl'autorisation du procureur général près la cour d'appel.

Conformément à l'article 55 du Code d'instruction criminelle, il fautentendre par actes d'instruction tous les actes qui ont pour objet derechercher les auteurs d'infractions, de rassembler les preuves et deprendre les mesures destinées à permettre aux juridictions de statuer enconnaissance de cause et qui forment ensemble l'instruction, conduite sousla direction et l'autorité du juge d'instruction.

Un acte de procédure en matière criminelle, correctionnelle et de police(et en matière disciplinaire) est tout acte par lequel l'action publique(ou disciplinaire) est intentée ou poursuivie devant l'autorité judiciaire(ou disciplinaire) compétente.

L'article 1^er de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminairedu Code de procédure pénale dispose que l'action pour l'application despeines ne peut être exercée que par les fonctionnaires auxquels elle estconfiée par la loi.

En vertu de l'article 28quater, alinéa 2, du Code d'instructioncriminelle, le procureur du Roi exerce l'action publique suivant lesmodalités prévues par la loi.

La police fédérale est sans compétence pour exercer l'action publique.

En rédigeant un rapport de contrôle, la police fédérale n'a donc pasexercé des poursuites à l'égard du défendeur et n'a saisi aucune autoritéjudiciaire. Partant, le rapport de contrôle rédigé par la police fédéralene constitue pas un acte de procédure.

Ledit rapport n'est pas davantage un acte d'instruction, comme le constatel'arrêt.

En décidant que le rapport de contrôle de la police fédérale est un actede procédure au sens de l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre1950, et que la transmission de ce rapport, sans l'autorisation duprocureur général près la cour d'appel, était irrégulière, l'arrêt violeles articles 1^er de la loi du 17 avril 1878 contenant le titrepréliminaire du Code de procédure pénale, 28quater, alinéa 2, du Coded'instruction criminelle, 1380, alinéa 2, du Code judiciaire et 125 del'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement sur les frais dejustice en matière répressive.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 1380, alinéa 2, du Code judiciaire, le Roi détermineles conditions auxquelles sont soumises la communication ou la copie desactes d'instruction et de procédure en matière criminelle, correctionnelleet de police.

L'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlementgénéral sur les frais de justice en matière répressive dispose, en sonpremier alinéa, qu'en matière criminelle, correctionnelle et de police,aucune expédition ou copie des actes d'instruction et de procédure ne peutêtre délivrée sans une autorisation expresse du procureur général près lacour d'appel.

L'arrêt constate que la police fédérale a transmis le 28 janvier 2004« sans autre procédure » au service public fédéral de l'Emploi, du Travailet de la Concertation sociale, qui l'a ensuite communiqué au demandeur, unrapport de contrôle qu'elle avait dressé le 26 janvier 2004 et dont, aprèsavoir entendu le défendeur, le demandeur a déduit qu'il avait, le jour ducontrôle, étant chômeur, exercé une activité excluant qu'il fût privé detravail et de rémunération sans en avoir préalablement fait mention sur sacarte de contrôle.

Pour dire illégale la communication du rapport de contrôle par la policefédérale aux autorités administratives, l'arrêt, qui relève qu' « il n'estpas contesté [qu'elle] a eu lieu sans l'autorisation préalable duprocureur général », considère que, « si [ce] rapport […] n'est pas unacte d'instruction, il est […] un acte de procédure au sens de l'article125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 ».

L'arrêt, qui ne constate pas qu'au moment de la communication litigieuse,une autorité judiciaire chargée par la loi d'exercer l'action publique eûtdéjà été saisie du rapport de contrôle ou de faits auxquels il serapporte, ne justifie pas légalement sa décision de le qualifier d'acte deprocédure.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;

Vu l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur auxdépens ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDaniel Plas, Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries, etprononcé en audience publique du dix-neuf novembre deux mille sept par leprésident de section Claude Parmentier, en présence du procureur généralJean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

19 NOVEMBRE 2007 S.06.0053.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.06.0053.F
Date de la décision : 19/11/2007

Analyses

CHOMAGE - DIVERS


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-11-19;s.06.0053.f ?
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