Cour de cassation de Belgique
Arrêt
**101
217
**401
N° P.07.1193.F
T. M., mère du mineur d'âge J. W.,
demanderesse en cassation,
contre
W.R., père du mineur d'âge J.W.,
défendeur en cassation.
*
*
* I. la procédure devant la cour
Le pourvoi, formé en langue allemande, est dirigé contre un arrêt rendu encette même langue le 29 juin 2007 par la cour d'appel de Liège, chambre dela jeunesse.
Par ordonnance du 6 août 2007, le premier président de la Cour a décidéque la procédure sera faite en langue française à partir de l'audience.
L'avocat général Raymond Loop a déposé des conclusions.
A l'audience du 21 novembre 2007, le conseiller Benoît Dejemeppe a faitrapport et l'avocat général Raymond Loop a conclu.
*
*
* II. la décision de la cour
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 1^er, 2, 8, 9 et15 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif àla compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matièrematrimoniale et en matière de responsabilité parentale (RèglementBruxelles II) et 2, 3, 6, 27, § 1^er, 28, 13°, et 30 du décret du 20 mars1995 du Conseil de la Communauté germanophone concernant l'aide à lajeunesse :
1. Le Règlement Bruxelles II établit des règles de compétence, dereconnaissance et d'exécution notamment en matière de responsabilitéparentale, que l'article 2, 7°, définit comme l'ensemble des droits etobligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur labase d'une décision judiciaire, d'une attribution de plein droit ou d'unaccord en vigueur, à l'égard de la personne ou des biens d'un enfant, ence compris le droit de garde et le droit de visite.
2. En vertu de l'article 1^er, 1 et 2, dudit règlement, celui-cis'applique notamment, quelle que soit la nature de la juridiction, auxmatières civiles relatives à l'attribution, à l'exercice, à la délégation,au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale. Ces matièresconcernent, entre autres, le droit de garde et le droit de visite, ainsique le placement de l'enfant dans une famille d'accueil ou dans unétablissement. La circonstance que la question spécifique de laresponsabilité parentale peut relever du droit public au sens du droitinterne ne fait pas obstacle à l'application de ce règlement.
Ainsi, il est d'application dans le cadre de l'aide judiciaire à lajeunesse organisée par le décret du 20 mars 1995 du Conseil de laCommunauté germanophone concernant l'aide à la jeunesse lorsque la mesureprise consiste à confier le jeune à l'un de ses parents.
3. Aux termes de l'article 8, 1, du règlement précité, les juridictionsd'un Etat membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale àl'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet Etat membre aumoment où la juridiction est saisie.
L'article 9, 1, prévoit que, par dérogation à cette disposition, lorsqu'unenfant déménage légalement d'un Etat membre dans un autre et y acquiertune nouvelle résidence habituelle, les juridictions de l'Etat membre del'ancienne résidence habituelle de l'enfant gardent leur compétence durantune période de trois mois suivant le déménagement, pour modifier unedécision concernant le droit de visite rendue dans cet Etat membre avantque l'enfant ait déménagé, lorsque le titulaire du droit de visite envertu de la décision concernant le droit de visite continue à résiderhabituellement dans l'Etat membre de l'ancienne résidence habituelle del'enfant.
4. Lorsqu'une juridiction compétente a été saisie, elle conserve sacompétence même si l'enfant acquiert une résidence habituelle dans unautre Etat membre au cours de la procédure.
Toutefois, aux conditions fixées par l'article 15, les juridictions d'unEtat membre compétentes pour connaître du fond peuvent, si elles estimentqu'une juridiction d'un autre Etat membre avec lequel l'enfant a un lienparticulier est mieux placée pour connaître de l'affaire et lorsque celasert l'intérêt supérieur de l'enfant, demander à la juridiction de cetautre Etat membre d'exercer sa compétence.
5. Il s'ensuit qu'après la saisine du tribunal compétent d'un Etat membre,le changement de résidence de l'enfant dans un autre Etat membren'entraîne pas de plein droit un transfert de la compétence à unejuridiction de cet autre Etat.
6. Le 9 mars 2005, le procureur du Roi a saisi le tribunal de la jeunessed'Eupen sur la base des articles 27, §§ 1^er et 3, 28, 29 et 30 du décretprécité.
7. Par jugement du 20 décembre 2006, ledit tribunal a confié la gardeexclusive de l'enfant au défendeur, son père, pour une durée de deux ans.Il a également déterminé les conditions d'un droit de visite de lademanderesse, la mère de l'enfant, assorti d'un encadrement par le serviced'assistance judiciaire, et a ordonné une expertise. Il a enfin fixé laréouverture des débats au 21 novembre 2007.
8. Par ordonnance du 23 mai 2007, le tribunal précité, après avoirconstaté que l'enfant avait sa résidence habituelle depuis plus de troismois auprès du défendeur en Allemagne, s'est déclaré incompétent et arenvoyé la cause devant le « Familiengericht » du « Amtsgericht » deKönigswinter.
9. Le premier juge, qui n'avait pas épuisé sa saisine, ne pouvait pas sedéclarer incompétent au motif que l'enfant a une résidence habituelledepuis plus de trois mois en Allemagne. En vue de renvoyer la cause devantune juridiction allemande, il lui incombait en effet de faire applicationde la procédure de coopération prévue par l'article 15 du RèglementBruxelles II.
10. En confirmant le jugement entrepris au motif que, l'enfant disposantd'un « domicile officiel » en Allemagne depuis le mois d'août 2005, lesjuridictions allemandes sont seules compétentes en vertu de l'article 9,1, dudit règlement, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leurdécision.
PAR CES MOTIFS,
*
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention sera faite du présent arrêt en marge de l'arrêtcassé ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège, chambre de la jeunesse,autrement composée.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-cinq euros vingt-quatrecentimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Frédéric Close, président de section, Paul Mathieu, BenoîtDejemeppe, Jocelyne Bodson et Pierre Cornelis, conseillers, et prononcé enaudience publique du vingt et un novembre deux mille sept par FrédéricClose, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | P. Cornelis | J. Bodson |
|------------------------+------------------------+----------------------|
| B. Dejemeppe | P. Mathieu | F. Close |
+------------------------------------------------------------------------+
21 NOVEMBRE 2007 P.07.1193.F/1