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14/12/2007 | BELGIQUE | N°F.06.0068.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 décembre 2007, F.06.0068.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° F.06.0068.F

 1. D. J.-M.,

 2. FLORIDIENNE, société anonyme dont le siège social est établi àWaterloo, chaussée de Tervueren, 198 F,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

défendeur en cassation,

représenté par Maître FranÃ

§ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est faitélection de domi...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° F.06.0068.F

 1. D. J.-M.,

 2. FLORIDIENNE, société anonyme dont le siège social est établi àWaterloo, chaussée de Tervueren, 198 F,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet estétabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

défendeur en cassation,

représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 décembre2005 par la cour d'appel de Mons.

Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 774, alinéa 2, 1138, 2°, et 1385quinquies du Code judiciaire ;

- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ;

- principe général du droit dit principe dispositif selon lequel le jugene peut élever d'office une contestation dont l'existence est exclue parles conclusions des parties et qui ne touche pas à l'ordre public.

Décisions et motifs critiqués

Saisie de l'appel du défendeur contre l'ordonnance par laquelle leprésident du tribunal de Charleroi, siégeant en référé, a rejetél'opposition du défendeur contre l'ordonnance du 12 avril 2002 parlaquelle, sur requête unilatérale des demandeurs, il avait désigné unséquestre chargé de conserver des photocopies des documents appartenantaux demandeurs et saisis par les agents du défendeur à l'occasion d'uncontrôle douanier du premier demandeur effectué à l'aéroport de Gosseliesle 11 avril 2002 et avait prononcé diverses injonctions et interdiction àl'encontre du défendeur ou de ses agents, en les assortissant de troistypes d'astreintes : (a) l'obligation faite au chef de service del'administration des douanes et accises détaché à l'aéroport de Charleroid'informer chacun de ses collègues concernés « sur l'heure » est assortied'une première astreinte de 50.000 euros ; (b) l'obligation pour ce mêmefonctionnaire de remettre, « dans un délai de deux heures à partir de lasignification de l'ordonnance », les photocopies des documents litigieuxau séquestre est assortie d'une deuxième astreinte de 25.000 euros pardocument, copie ou analyse retenus au-delà du délai ; (c) enfin,l'interdiction pour tout agent ou fonctionnaire ayant pris connaissancedesdits documents, copies ou analyses d'intervenir en quelque façon dansl'instruction de tout dossier ou toute procédure concernant les demandeursou les personnes physiques ou morales qui leur sont liées ou sontmentionnées dans les documents est assortie d'une troisième astreinte de25.000 euros par infraction ;

la cour d'appel, après avoir constaté que la deuxième astreinte estencourue, depuis le 12 avril 2002, en raison du défaut de remise par lesagents du défendeur au séquestre des documents litigieux dans le délaifixé par l'ordonnance, et après avoir décidé que c'est à bon droit que lepremier juge a rejeté l'opposition du défendeur en ce qui concerne ladésignation d'un séquestre et les mesures visant à assurer la remise àcelui-ci des documents litigieux, met à néant l'ordonnance du premier jugeen ce qui concerne les astreintes et, réformant, dit l'opposition dudéfendeur contre l'ordonnance du 12 avril 2002 partiellement fondée,ordonne la suppression des astreintes prévues par cette ordonnance et, enparticulier, de l'astreinte assortissant l'obligation du défendeur deremettre les documents litigieux au séquestre dans un délai de deux heuresà partir de la signification de ladite ordonnance.

L'arrêt fonde sa décision de supprimer les astreintes sur les motifssuivants :

(1) « [le défendeur] postule notamment l'application de l'article1385quinquies du Code judiciaire qui autorise le juge qui a ordonnél'astreinte à la supprimer, à la réduire ou à en suspendre le courspendant un délai déterminé, en cas d'impossibilité temporaire oudéfinitive, totale ou partielle de satisfaire à la condamnationprincipale ; qu'avant d'envisager l'application éventuelle de cettedisposition, il y a lieu d'examiner le caractère raisonnable des modalitésd'application des astreintes prévues par l'ordonnance dont opposition etnotamment des délais d'exécution, abstraction faite des circonstances,ayant en l'espèce, entouré la signification et l'exécution de laditeordonnance » ;

(2) « les [demandeurs] reconnaissent (...) que l'astreinte (unique) de50.000 euros 'n'est évidemment pas due' ; que dès lors rien ne s'oppose àsa suppression » ;

(3) « l'ordonnance du 12 avril 2002 désigne le fonctionnaire chargé de sonexécution en ce qui concerne les injonctions assorties des deux premièresastreintes ; qu'il s'agit du `chef de service de l'administration desdouanes et accises détaché à l'aéroport de Charleroi' ; que [le défendeur]déclare sans être valablement contredit sur ce point par les [demandeurs]qu'aucun fonctionnaire de l'administration des douanes ne répond à cettedescription et que plus précisément, le chef du contrôle des douanes etaccises de Charleroi a sous son autorité les agents de la brigade desdouanes et accises de l'aéroport de Charleroi ainsi que les agents de labrigade des douanes et accises installée au Centre Albert, place Albert1^er, n° 4 à Charleroi ; que le procès-verbal d'audition [du premierdemandeur] a été établi non par des fonctionnaires de l'administration desdouanes et accises à Charleroi mais bien par des fonctionnaires del'administration de l'inspection spéciale des impôts [cellule des douaneset accises] rue de Fragnée, n° 40 à Liège ; que les procès-verbaux deconstatations ont eux aussi été établis par l'administration del'inspection spéciale des impôts, rue de Fragnée, n° 40 à Liège ; que les[demandeurs] ne contredisent pas [le défendeur] lorsque celui-ci déclareque [le premier demandeur] et son avocat ont été informés de ce que lesphotocopies litigieuses étaient transférées par véhicule de service àl'administration de l'inspection spéciale des impôts à Liège, à l'adresseprécitée ; que l'ordonnance du 12 avril 2002 prévoit un délai d'une heurepour faire circuler l'information auprès de chacun des fonctionnairesconcernés ; que cela signifie que le délai de deux heures à partir de lasignification, prévu par ladite ordonnance et relatif à la deuxièmeastreinte est en réalité réduit à une heure en ce qu'il concerne lacollecte des photocopies litigieuses, l'organisation de leur transport etla remise effective des documents en mains du séquestre, de ses préposésou de l'huissier de justice mandaté par lui ; qu'un tel délai estmanifestement insuffisant eu égard principalement à la distance séparantles villes de Liège et de Charleroi ; qu'il s'impose dès lors de supprimerla deuxième astreinte et ce d'autant plus qu'elle a été prévue pardocument, copie ou analyse retenus au-delà du délai, en manière telle quele plus léger retard entraîne la débition du montant total » ;

(4) « [le défendeur] dénonce à juste titre le caractère excessif del'interdiction faite à tout agent ou fonctionnaire ayant pris connaissancedes documents, copies ou analyses d'intervenir dans l'instruction de toutdossier ou de toute procédure concernant les [demandeurs] ou les personnesphysiques ou morales qui leur sont liées ou qui sont mentionnées dans lesdocuments; qu'en effet cette interdiction vise les tâches à accomplir pardes agents de l'administration sans qu'il soit exigé que l'instruction dudossier ou de la procédure résulte d'une quelconque exploitation desdonnées contenues dans les photocopies litigieuses ; qu'en outre, les[demandeurs] ne sont pas les seuls qui sont concernés par cette mesuremais également toutes les personnes physiques ou morales qui leur sontliées, sans autre précision ; que [le défendeur] ne postule pas lasuppression de l'interdiction précitée mais uniquement de l'astreinte quis'y rapporte, que la cour [d'appel] ne pouvant statuer ultra petita, ils'impose dès lors de ne supprimer que ladite astreinte » ;

(5) « les photocopies litigieuses ont été remises au séquestre le 15 avril2002 ; qu'en vertu de l'article 1385bis avant-dernier alinéa du Codejudiciaire, l'astreinte ne peut être encourue avant la signification dujugement qui la prononce ; qu'une nouvelle astreinte relative à la remisedes photocopies litigieuses au séquestre, c'est-à-dire une astreinteassortie de nouvelles modalités et en particulier d'un délai d'exécutionplus long, serait dépourvue d'objet dès lors qu'elle ne pourrait être dueque postérieurement à la signification du présent arrêt alors quel'ordonnance du 12 avril 2002 est, quant à ce, d'ores et déjà exécutée ».

Griefs

Première branche

Aux termes de l'article 1385quinquies du Code judiciaire, le juge qui aordonné l'astreinte est en principe seul compétent pour en ordonner lasuppression, la suspension ou la réduction.

Lorsque l'astreinte a été prononcée par le juge de première instance, lejuge d'appel ne peut en principe être considéré comme « le juge qui aordonné l'astreinte» au sens de l'article 1385quinquies, alinéa 1^er, duCode judiciaire, compétent pour supprimer, suspendre ou réduirel'astreinte.

Il n'en va autrement que si, dans le dispositif de la décision d'appel :a) il est dit explicitement ou il ressort sans ambiguïté que le juged'appel a infirmé en totalité ou en partie le jugement rendu en premièreinstance, en ce qui concerne la condamnation principale assortie del'astreinte ou en ce qui concerne la condamnation à cette dernière, etqu'il a rendu sur un de ces points une décision s'écartant du jugement depremière instance, auquel cas le juge d'appel doit être considéré comme lejuge qui a ordonné l'astreinte, oub) il apparaît que le juge d'appel, tout en confirmant la condamnationprincipale prononcée par le juge de première instance et l'astreinterattachée à cette condamnation, a prononcé une nouvelle condamnationprincipale et l'a assortie soit d'une nouvelle astreinte, soit del'astreinte déjà prononcée par le juge de première instance auquel cas lejuge d'appel doit être considéré comme le juge qui a ordonné l'astreinteégalement à l'égard de la condamnation principale du premier juge,confirmée par lui, et de l'astreinte qui s'attache à cette condamnation.

Partant, le juge d'appel qui confirme une condamnation assortie d'uneastreinte ne peut ordonner lui-même la suppression de l'astreinteprononcée par le jugement dont appel s'il n'infirme pas la décision surl'astreinte.

En l'espèce, sous couleur de réformer la décision du premier juge en cequi concerne l'astreinte, l'arrêt se borne à supprimer les astreintesauxquelles le défendeur a été condamné par le premier juge et viole dèslors l'article 1385quinquies, alinéa 1^er, du Code judiciaire.

Seconde branche (subsidiaire)

Pour supprimer l'astreinte à laquelle le défendeur a été condamné parl'ordonnance du 12 avril 2002 à défaut de remettre au séquestre, dans lesdeux heures de la signification de l'ordonnance du 12 avril 2002, lesphotocopies des documents litigieux, l'arrêt considère que « l'ordonnancedu12 avril 2002 prévoit un délai d'une heure pour faire circulerl'information auprès de chacun des fonctionnaires concernés ; que celasignifie que le délai de deux heures à partir de la signification, prévupar ladite ordonnance et relatif à la deuxième astreinte est en réalitéréduit à une heure en ce qu'il concerne la collecte des photocopieslitigieuses, l'organisation de leur transport et la remise effective desdocuments en mains du séquestre, de ses préposés ou de l'huissier dejustice mandaté par lui ». Il en déduit « qu'un tel délai estmanifestement insuffisant eu égard principalement à la distance séparantles villes de Liège et de Charleroi » et « qu'il s'impose dès lors desupprimer la deuxième astreinte et ce d'autant plus qu'elle a été prévuepar document, copie ou analyse retenus au-delà du délai, en manière telleque le plus léger retard entraîne la débition du montant total ».

En l'espèce, aucune des parties n'a soutenu devant les juges d'appel oudevant le premier juge qu'en ordonnant de faire circuler l'information« sur l'heure » auprès de chacun des fonctionnaires concernés,l'ordonnance du12 avril 2002 aurait donné au défendeur « un délai d'une heure » en sorteque le délai imposé aux agents et services du défendeur pour remettre lesdocuments au séquestre désigné par la même ordonnance aurait été enréalité réduit à une heure.

Dès lors, en décidant que le délai fixé par l'ordonnance du 12 avril 2002pour la remise des documents litigieux au séquestre est « manifestementinsuffisant eu égard principalement à la distance séparant les villes deLiège et de Charleroi » au motif que ce délai est en réalité réduit à uneheure compte tenu du délai préalable d'une heure imposé par l'ordonnancedu 12 avril 2002 au fonctionnaire désigné pour faire circulerl'information auprès de ses collègues, l'arrêt attaqué :

(1) élève d'office une contestation étrangère à l'ordre public dontl'existence était exclue par les conclusions des parties (violation del'article 1138, 2°, du Code judiciaire et du principe général du droit,dit principe dispositif, selon lequel le juge ne peut élever d'office unecontestation dont l'existence est exclue par les conclusions des parties)et

(2) fonde sa décision sur un moyen, non invoqué par les parties, sansavoir préalablement permis aux demandeurs de le contredire et de fairevaloir leurs observations, le cas échéant dans le cadre d'une réouverturedes débats (violation de l'article 774, alinéa 2, du Code judiciaire et duprincipe général du droit relatif au respect des droits de la défense).

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt attaqué confirme le jugement entrepris sur les condamnationsprincipales prononcées contre le défendeur et, réformant, supprime lesastreintes dont ces condamnations étaient assorties.

Après avoir rappelé que le défendeur demandait qu'il fût fait applicationde l'article 1385quinquies du Code judiciaire, l'arrêt énonce « qu'avantd'envisager l'application éventuelle de cette disposition, il y a lieud'examiner le caractère raisonnable des modalités d'application desastreintes prévues par l'ordonnance dont opposition et notamment desdélais d'exécution ».

Le juge, saisi d'un appel contre une décision qui prononce unecondamnation principale assortie d'une astreinte, peut examiner sil'astreinte était, dès l'origine, justifiée dans les conditions et suivantles modalités prévues par le premier juge.

Ce faisant, il ne fait pas application de l'article 1385quinquies du Codejudiciaire et, partant, ne viole pas cette disposition.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le défendeur a, dans ses conclusions, critiqué le caractère inapproprié dela désignation du fonctionnaire invité à exécuter l'ordonnance et le délaiaccordé pour cette exécution et a souligné les incidents que ce caractèreavait entraînés lors de la signification de l'ordonnance.

L'arrêt attaqué, qui considère que le délai fixé par l'ordonnance pour laremise de documents au séquestre désigné est « manifestement insuffisanteu égard principalement à la distance séparant les villes de Liège et deCharleroi », n'élève pas une contestation dont l'existence était excluepar les conclusions des parties et ne fonde pas sa décision sur un moyenqu'aucune des parties n'invoquait.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de deux cents euros quatre-vingt-huit centimespayés par les parties demanderesses et à la somme de cent trente-six eurosdix-huit centimes payés par la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Martine Regout, etprononcé en audience publique du quatorze décembre deux mille sept par leprésident de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat généralAndré Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

14 DECEMBRE 2007 F.06.0068.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.06.0068.F
Date de la décision : 14/12/2007

Analyses

ASTREINTE


Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2007-12-14;f.06.0068.f ?
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