Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.06.0155.F
M. C.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est faitélection de domicile,
contre
1. S. L.,
2. F. I.,
3. FRANQUIN ET CIE, société anonyme dont le siège social est établi àWatermael-Boitsfort, avenue Van Becelaere, 21a,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Philippe Gérard, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est faitélection de domicile,
4. DE SMETH Anne, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillitede la société anonyme Odec Kid Cartoons, dont le cabinet est établi àUccle, avenue René Gobert, 20,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2005par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 10 et 11 de la Constitution ;
- articles 32, 33, 35, 40, 55, 792 et 1051 du Code judiciaire ;
- articles 1^er, 2, 3, 5 et 10 de la Convention du 15 novembre 1965relative à la signification et à la notification à l'étranger des actesjudiciaires en matière civile ou commerciale, faite à La Haye (ci-après laConvention), approuvée par la loi du 24 janvier 1970, et, pour autant quede besoin, violation de ladite loi du 24 janvier 1970 ;
- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ;
- article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du13 mai 1955, et, pour autant que de besoin, violation de ladite loi du 13mai 1955.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt dit l'appel du demandeur irrecevable et met les dépens d'appel àsa charge en se fondant sur les motifs suivants :
« 1. La chronologie de la procédure se présente ainsi :
- 7 octobre 2004 : prononcé du jugement du tribunal de première instancede Bruxelles,
- 9 novembre 2004 : signification du jugement [au demandeur], domicilié enSuisse, à la requête des trois premières [défenderesses], L.S., I. P. etla société anonyme Franquin & Cie, selon un double mode :
par la voie postale : envoi recommandé par l'huissier de justice belge del'exploit de signification du jugement au domicile [du demandeur],
par l'autorité centrale visée à l'article 2 de la Convention de La Haye du15 novembre 1965 : envoi recommandé par l'huissier de justice belge àl'autorité centrale cantonale suisse de l'exploit de signification dujugement en vue de sa remise [au demandeur],
- 12 novembre 2004 : réception de la demande de signification parl'autorité centrale cantonale suisse,
- 16 novembre 2004 : réception par [le demandeur] de l'exploit designification qui lui a été adressée par la voie postale,
- 7 décembre 2004 : envoi [au demandeur] par le tribunal d'arrondissementde la Côte (Nyon) de l'acte de signification adressé à l'autorité centralecantonale suisse,
- 9 décembre 2004: remise [au demandeur] de l'acte signifié parl'intermédiaire de l'autorité centrale cantonale suisse,
- 11 janvier 2005 : dépôt au greffe de la cour d'appel de la requête [dudemandeur].
2. Il n'est pas contesté que, [le demandeur] étant domicilié en Suisse, ledélai d'appel est en l'espèce d'un mois et trente jours à dater de lasignification, par application des articles 1051 et 55 du Code judiciaire.
Les [défenderesses] soutiennent que l'appel est irrecevable parce que, lejugement ayant été signifié le 9 novembre 2004, la requête d'appel auraitdû être déposée le 10 janvier 2005 au plus tard.
Elles retiennent comme date de signification la date de l'envoi recommandépar l'huissier de justice belge à l'autorité centrale cantonale suisse del'exploit de signification du jugement en vue de sa remise [au demandeur]ainsi que la date de l'envoi par la voie postale de l'expédition dujugement [au demandeur].
[Le demandeur] conteste le point de départ du délai de recours ainsiretenu et, par conséquent, l'irrecevabilité de l'appel.
La [dernière défenderesse] se réfère à justice sur la question.
3. 1l convient d'observer tout d'abord que l'appel serait recevable sil'on retenait comme point de départ du délai de recours, c'est-à-direcomme date à laquelle le jugement dont appel a été signifié, soit la datede réception de la demande de signification par l'autorité centralecantonale suisse (le12 novembre 2004) soit, a fortiori, la date de la remise effective de lasignification [au demandeur] (le 9 décembre 2004), soit encore la date dela réception par [le demandeur] de la notification par voie postale (16novembre 2004).
La seule question que la cour [d'appel] doit trancher consiste donc àdéterminer si la signification a eu lieu ou non à la date de l'envoirecommandé par l'huissier de justice belge à l'autorité centrale cantonalesuisse de l'exploit de signification du jugement en vue de sa remise [audemandeur] et, dans la négative, mais dans la négative seulement, si ladate de l'envoi par la voie postale de l'expédition du jugement [audemandeur] pourrait être le point de départ du délai de recours.
4. L'article 3 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 énonce quel'autorité ou l'officier ministériel compétents selon les lois de l'Etatd'origine adresse à l'autorité centrale de l'Etat requis une demandeconforme à la formule modèle annexée à la présente Convention, sans qu'ilsoit besoin de la légalisation des pièces ni d'une autre formalitééquivalente.
Dans son arrêt du 20 octobre 1994 (Pas., 841), la Cour de cassation adécidé que la signification faite conformément à l'article 3 précité de laConvention de La Haye était accomplie par la remise de l'acte aux servicesde la poste contre le récépissé de l'envoi recommandé.
Cette solution est celle qui offre le plus de sécurité quant à la date del'acte. Le système consistant à faire courir le délai à dater de la remisede l'acte au destinataire a montré ses limites, les autorités centralesdes Etats requis manquant parfois à leur obligation d'informer lerequérant des suites réservées à sa demande.
Certes, une partie des problèmes d'insécurité pourrait être résolue sil'on appliquait le système de la double date, la date de l'envoi réglantles droits du requérant (prescription, point de départ du délai decomparution...) alors que la date de réception de l'acte réglerait lesdroits du destinataire (délai de recours...). Cette solution n'esttoutefois pas de nature à garantir une sécurité parfaite dans la mesureoù, par exemple, sans connaître la date de réception de l'acte designification d'un jugement par le destinataire, il est impossible auxjuridictions belges de vérifier la recevabilité de l'acte d'appel.
La solution retenue par la Cour de cassation est en outre la seule qui nefasse pas dépendre la date de signification de prestations à accomplirdans un autre Etat (remise de l'envoi à l'autorité centrale etsignification de l'acte par celle-ci au destinataire) et donc la plusconforme à la souveraineté de l'Etat.
Elle doit être appliquée en l'espèce.
5. Selon [le demandeur], cette solution serait contraire au texte et àl'esprit de la Convention de La Haye.
La Convention ne détermine pas la date à laquelle la formalité de lasignification ou de la notification d'un acte judiciaire est censéeaccomplie. Cette question, qui relève de la procédure, doit être tranchéepar le droit national de chaque Etat et plus particulièrement, enl'espèce, par le droit belge. La Convention n'a pas pour objectif demodifier les règles internes de procédure des Etats parties à laConvention.
Dans ces conditions, il ne peut être déduit du texte de l'article 3précité de la Convention ou du texte de son article 2 selon lequel chaqueEtat contractant assume la charge de recevoir les demandes designification ou de notification en provenance d'un autre Etat contractantou d'y donner suite, que les auteurs de la Convention auraient considéréque la date de signification à prendre en considération doitnécessairement être postérieure à celle de l'envoi de la demande.
Si la Conférence de La Haye a eu le souci qu'il soit fourni audestinataire suffisamment d'informations judiciaires par l'autorité quienvoie l'acte à signifier, elle n'a émis aucune directive pour les Etatsquant à la date à donner à la signification de l'acte.
Cette date doit être fixée selon les mêmes critères pour tous les Etatsrequis soumis à l'article 3 de la Convention. Il ne peut donc être tenucompte du fait que la Suisse a déclaré s'opposer aux autres modes designification pour apprécier la portée de cette disposition.
De même, l'interprétation donnée par la Cour de cassation de l'article1^er, alinéa 1^er, 1°, de l'Accord belgo-allemand du 25 avril 1959 visantà faciliter l'application de la Convention de La Haye du 1^er mars 1954relative à la procédure civile, qui prévoit un autre mode de transmissionque l'article 3 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, ne peutdicter l'interprétation à donner à cet article 3.
6. [Le demandeur] fait observer que, dans son arrêt du 17 décembre 2003,la Cour d'arbitrage a décidé que, interprétés comme faisant courir lesdélais de recours contre une décision dont la notification se fait par plijudiciaire à la date de l'expédition de ce pli, les articles 32, 2°, 46, §2, combinés avec l'article 792, alinéa 2, du Code judiciaire violent lesarticles 10 et 11 de la Constitution.
La Cour d'arbitrage motive cette décision, qui constitue un revirement desa jurisprudence, par la considération qu'il est raisonnablement justifiéque, pour éviter toute insécurité juridique, le législateur fasse courirles délais de procédure à partir d'une date qui ne soit pas tributaire ducomportement des parties. Toutefois, le choix de la date d'expédition dupli judiciaire comme point de départ du délai de recours apporte unerestriction disproportionnée au droit de défense des destinataires, lesdélais de recours commençant à courir à partir d'un moment où ces derniersne peuvent pas avoir connaissance du contenu du pli.
La Cour d'arbitrage s'est ainsi prononcée sur la discrimination existant,en droit interne, entre la prise de cours d'un délai en cas designification et en cas de notification en Belgique. Dans les deux cas, ledestinataire doit agir dans un délai identique mais la prise de cours estdifférente pour chacun d'entre eux. A l'égard du 'signifié', le délaiprend cours à compter de la remise de l'exploit d'huissier à sa personneou à son domicile alors qu'à l'égard du 'notifié', le délai prend cours àcompter de l'envoi du pli judiciaire. La personne à laquelle est adresséun pli judiciaire se voit ainsi amputée d'une partie du délai alors quetel n'est pas le cas du destinataire d'une signification.
A ce jour, il n'est pas certain que la Cour de cassation se soit inclinéedevant la jurisprudence de la Cour d'arbitrage. Dans un arrêt de 2004,elle décide à nouveau qu'en cas de notification, le délai se compte àpartir du jour de la remise du pli judiciaire à la poste et non au momentde sa délivrance ou de sa réception par le destinataire (Cass., 26novembre 2004, J.T., 2005,p. 554).
Certes, dans son arrêt du 17 janvier 2005, la Cour de cassation, appelée àstatuer sur la tardiveté d'un pourvoi introduit contre une décision quiavait été notifiée par le greffe, a constaté la date à laquelle le plijudiciaire avait été envoyé par le greffe et celle à laquelle il a étéréceptionné par son destinataire. Il serait peut-être hâtif d'en déduireun revirement de jurisprudence dans la mesure où, dans le cas d'espècesoumis à la Cour, le pourvoi était tardif, que l'on prenne enconsidération la date d'envoi ou la date de réception.
Mais cette controverse importe peu pour la solution du présent litige, ladécision de la Cour d'arbitrage ne pouvant être transposée à l'hypothèsed'une signification à l'étranger parce que la situation n'est identique nien droit ni en fait.
Tout d'abord, la date à laquelle le destinataire de la signification a puavoir connaissance de l'acte n'est pas aussi aisément vérifiable lorsquece destinataire n'habite pas en Belgique.
Par ailleurs, la solution consistant à réputer la signification àl'étranger accomplie au jour de la remise du pli recommandé aux servicesde la poste est contrebalancée par la règle de la prorogation des délaisdont bénéficie, conformément à l'article 55 du Code judiciaire, la partiequi n'a ni domicile, ni résidence, ni domicile élu en Belgique (Rapportvan Reepinghen, éd. Moniteur belge, p. 58). Une telle prorogation du délain'existe pas au profit de la personne domiciliée ou résidant en Belgique.
Le délai peut commencer à courir à un moment où le destinataire qui n'a nidomicile, ni résidence, ni domicile élu en Belgique n'a pas connaissancede l'acte puisque les délais prescrits par l'article 55 du Code judiciairelui garantissent qu'il aura, en toute hypothèse, le temps nécessaire pourassurer efficacement sa défense.
On soulignera à ce propos que, lorsque la signification a lieu àl'étranger par pli recommandé à la poste, le délai commence également àcourir au jour de la remise de l'acte aux services de la poste, soit à unmoment où le destinataire n'en a pas connaissance (article 40, alinéa1^er, du Code judiciaire). Dans ce cas, la date d'envoi a été expressémentpréférée à celle de la réception de l'acte parce que cette dernièreprésente le désavantage de ne pas permettre à l'expéditeur de connaîtreavec certitude la date à laquelle, par exemple, le délai de prescriptionest interrompu ou le délai de comparution expire (Rapport Van Reepinghen,ibid.).
[Le demandeur] se plaint qu'en l'espèce, l'autorité centrale cantonalesuisse a mis un délai exagérément long avant de procéder à lasignification. Le délai de 27 jours utilisé par l'autorité centrale peutdonc être considéré comme le délai maximum nécessaire en pratique pourprocéder à la signification.
Or, malgré cela, [le demandeur] a encore bénéficié d'un délai total de 33jours entre le moment où il a reçu l'acte de signification et l'expirationdu délai d'appel, soit d'un délai plus long que le délai d'appelapplicable à une personne domiciliée en Belgique. En outre, il avaitconnaissance de l'exploit de signification dès le 16 novembre 2004 puisquel'huissier lui avait adressé cet acte par la voie postale également, desorte que, dans les faits, il a bénéficié d'un délai de près de deux mois.
Dans ces conditions, les droits de la défense [du demandeur] n'ont pas étéméconnus.
On observera en outre que, selon une partie de la doctrine et de lajurisprudence belges, la signification est réputée accomplie à la remisede la demande de signification à l'autorité centrale de l'Etat requis.S'il fallait suivre cette thèse, le délai aurait également commencé àcourir à l'insu [du demandeur], ce que ni cette doctrine ni cettejurisprudence ne critiquent.
7. [Le demandeur] soutient enfin que l'article 6.1 de la Conventioneuropéenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait étéviolé.
La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé à plusieurs reprisesque :
Elle n'a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C'estau premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours ettribunaux, qu'il incombe d'interpréter la législation interne. Le rôle dela Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention deseffets de pareille interprétation. Cela est particulièrement vrais'agissant de l'interprétation par les tribunaux des règles de natureprocédurale telles que les délais régissant le dépôt des documents oul'introduction de recours. La Cour estime par ailleurs que laréglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pourformer un recours vise à assurer la bonne administration de la justice etle respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Lesintéressés doivent pouvoir s'attendre à ce que ces règles soientappliquées. Toutefois, les règles en question, ou l'application qui en estfaite, ne devraient pas empêcher le justiciable d'utiliser une voie derecours disponible (C.E.D.H., 19 juin 2001, Tricard c. France). La Coursanctionne dès lors l'atteinte à la substance même du droit d'accès durequérant à un tribunal.
Il ressort des développements qui précèdent que [le demandeur] a toujoursconservé la possibilité d'interjeter effectivement appel puisqu'il adisposé d'un délai raisonnable de 33 jours pour ce faire après avoir prisconnaissance de la signification [du jugement].
La jurisprudence de l'arrêt M. E. et autres c. Espagne (C.E.D.H., 13janvier 2000) ne peut être invoquée en l'espèce dans la mesure où lesdonnées de fait sont très différentes. Dans cet arrêt, les partiesrequérantes n'avaient pas connaissance dès son prononcé de la décisioncontre laquelle elles souhaitaient introduire un recours parce qu'ellesn'étaient pas parties à cette procédure. Or, leur délai de recoursexpirait un an après ce prononcé. En l'espèce, [le demandeur] était partieau jugement dont appel et avait connaissance du contenu de celui-ci bienavant sa signification par les [défenderesses].
Par ailleurs, dans l'affaire soumise à la Cour européenne des droits del'homme, le délai commençait à courir au jour du prononcé de la décisionattaquée quel que soit le jour auquel cette décision serait publiée dansle Journal officiel et donc portée à la connaissance des partiesrequérantes. Il existait ainsi un risque grave que les parties requérantesse voient privées de la possibilité d'introduire leur recours avant mêmed'avoir connaissance de la décision si la demande de publication duJournal officiel était formulée tardivement par le Tribunal suprême.
En l'espèce, le délai n'a commencé à courir qu'au jour où la partieadverse a envoyé la demande de signification à l'autorité centrale, soitbien après le prononcé [du jugement dont appel].
L'interprétation donnée à l'article 3 de la Convention de La Haye n'estdonc pas déraisonnable et ne prive pas [le demandeur] du droitd'introduire un recours effectif contre la décision [dont appel].
8. La signification du jugement [dont appel] ayant eu lieu le9 décembre 2004 [lire : le 9 novembre 2004], date de l'envoi del'expédition du jugement à l'autorité centrale cantonale suisse en vue desa remise [au demandeur], la requête d'appel déposée le 11 janvier 2005est tardive.
Dès lors que la requête est irrecevable pour le motif précité, il estinutile d'examiner si, le cas échéant, cette requête serait en outreirrecevable pour avoir été déposée plus d'un mois et trente jours aprèsl'envoi recommandé de l'exploit de signification du jugement au domicile[du demandeur].
On relèvera simplement que, lors de la ratification de la Convention de LaHaye, la Suisse a fait usage des réserves autorisées par l'article 21,alinéa 2, lettre a), de la Convention en déclarant s'opposer à l'usage surson territoire des voies de transmission prévues aux articles 8 et 10,c'est-à-dire de la signification par voie postale ».
Griefs
Première branche
Aux termes de l'article 1051, alinéa 1^er, du Code judiciaire, le délaipour interjeter appel est d'un mois à partir de la signification dujugement ou de la notification de celui-ci faite conformément à l'article792, alinéas 2 et 3, ce délai étant augmenté, le cas échéant, conformémentà l'article 55 du Code judiciaire.
Le présent litige n'ayant pas trait à une matière visée par ledit article792, le délai d'appel ne pouvait prendre cours qu'à compter de lasignification du jugement dont appel.
Aux termes de l'article 1^er de la Convention visé au moyen, cetteconvention est applicable, en matière civile ou commerciale, dans tous lescas où un acte judiciaire doit être transmis à l'étranger pour y êtresignifié ou notifié.
C'est donc conformément à la Convention que la date de la significationeffectuée en exécution de celle-ci doit être établie.
L'article 5 de la Convention visé au moyen prescrivant que c'estl'autorité centrale de l'Etat requis qui procède à la signification del'acte, l'arrêt attaqué n'a pu décider que la date de la significationdevait être établie conformément au droit belge sans violer les articles1^er, 3 et 5 de la Convention visés au moyen, et sans violer les articles32, 33, 35 et 40, spécialement alinéa 1^er, du Code judiciaire en lesappliquant alors que leur application était exclue par les articles de laConvention visés au moyen.
Au reste, au sens du Code judiciaire, il faut entendre par signification :la remise d'une copie de l'acte ; elle a lieu par exploit d'huissier(article 32, 1°, du Code judiciaire).
Par ailleurs, en ratifiant la Convention visée au moyen, la Suisse s'estopposée, ainsi que l'y autorisait l'article 10, a), de ladite Convention,à la faculté d'adresser, par la voie de la poste, des actes judiciairesaux personnes se trouvant à l'étranger.
Enfin, il résulte de l'article 5 de la Convention visé au moyen que c'estl'autorité centrale de l'Etat requis qui procède ou fait procéder à lasignification de l'acte et que, par suite, la demande adressée à cetteautorité centrale conformément à l'article 3 de la Convention visé aumoyen ne vaut pas signification.
Il suit de là que, en considérant que la signification du jugement dontappel, faite au demandeur en vertu de l'article 3 de la Convention visé aumoyen, l'avait été à la date de la demande adressée à l'autorité centralecantonale suisse, et donc avant la remise d'une copie de l'acte et avantqu'il ait été procédé à la signification par cette autorité ou àl'intervention de celle-ci, l'arrêt attaqué :
1° méconnaît la notion légale de signification au sens du Code judiciaireen admettant que la signification peut avoir lieu avant la remise d'unecopie de l'acte (violation des articles 32, 1°, 33, 35 et 40 du Codejudiciaire) et méconnaît la notion de signification au sens des articles2, 3 et 5 de la Convention visés au moyen en accordant les effets de lasignification visée à l'article 5 à la demande de signification visée auxarticles 2 et 3 (violation des articles 2, 3 et 5 de la Convention visésau moyen et, pour autant que de besoin, de la loi du 24 janvier 1970approuvant cette Convention) ;
2° passe illégalement outre à l'opposition faite par la Suisse à l'usage,sur son territoire, de la transmission par voie postale, en donnant leseffets de la signification visée à l'article 5 de la Convention à lademande de signification effectuée par la voie de la poste et visée auxarticles 2 et 3 de cette Convention (violation des articles 2, 3, 5 et 10de la Convention visés au moyen, et, pour autant que de besoin, de la loidu 24 janvier 1970 approuvant cette Convention) ;
3° assigne, par voie de conséquence, un point de départ illégal au délaid'appel dont disposait le demandeur (violation des articles 55 et 1051 duCode judiciaire).
Deuxième branche
En admettant, par les motifs reproduits au moyen, que le délai d'appeldont disposait légalement le demandeur avait pris cours à un moment auquelil n'avait pas encore pu prendre connaissance de la signification dujugement dont appel, l'arrêt méconnaît tant le droit de défense dudemandeur (violation du principe général du droit relatif au respect desdroits de la défense) que son droit à un procès équitable (violation del'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme du 4novembre 1950 visé au moyen et, pour autant que de besoin, de la loi du 13mai 1955 approuvant ladite Convention).
A tort, l'arrêt considère que la solution consistant à réputer lasignification à l'étranger accomplie au jour de la remise du pli auxservices de la poste serait contrebalancée par la règle de la prorogationdes délais énoncée par l'article 55 du Code judiciaire.
L'application de cet article est en effet conditionnée par le fait que lapartie signifiée n'a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicileélu et non par le mode de signification auquel il est recouru.
Par ailleurs, la genèse des délais de distance ne s'est pas élaboréeuniquement au niveau de la transmission de l'acte signifié mais égalementà celui de la préparation et de la réalisation de la réponse que la partiesignifiée devra donner à cet acte.
L'allongement du délai dont bénéficiait le demandeur n'affecte donc enrien la violation par l'arrêt du droit de défense du demandeur et de sondroit à un procès équitable et, en refusant de sanctionner ces violationsen raison de la prorogation de délai prévue par l'article 55 du Codejudiciaire, l'arrêt méconnaît la portée dudit article 55 et, partant, leviole.
Par voie de conséquence, l'arrêt assigne un point de départ illégal audélai d'appel dont disposait le demandeur (violation des articles 55 et1051 du Code judiciaire).
Troisième branche
L'arrêt fonde sa décision sur le motif « que, lorsque la signification alieu à l'étranger par pli recommandé à la poste, le délai commenceégalement à courir le jour de la remise de l'acte aux services de laposte, soit à un moment où le destinataire n'en a pas connaissance(article 40, alinéa 1^er, du Code judiciaire). Dans ce cas, la dated'envoi a été expressément préférée à celle de la réception de l'acteparce que cette dernière présente le désavantage de ne pas permettre àl'expéditeur de connaître avec certitude la date à laquelle, par exemple,le délai de prescription est interrompu ou le délai de comparution expire(Rapport Van Reepinghen, ibid.) ».
Or, l'article 40, alinéa 3, du Code judiciaire dispose que lasignification peut toujours être faite à la personne si celle-ci esttrouvée en Belgique.
L'article 40 établit ainsi une discrimination entre la personne étrangèreappelante selon qu'elle est trouvée en Belgique ou non puisque, dans lepremier cas seulement, cette personne dispose d'un délai d'appel completpour se déterminer.
Cette discrimination est contraire aux articles 10 et 11 de laConstitution.
Si l'article 3 de la Convention du 15 novembre 1965 visé au moyen étaitinterprété en ce sens que la signification qu'il prévoit serait réalisée àla date de la demande adressée à l'autorité centrale de l'Etat requis, ilcomporterait, ainsi que la loi du 24 janvier 1970 qui approuve laditeConvention, une même discrimination par rapport à la personne étrangèretrouvée en Belgique.
Il suit de là qu'en fondant sa décision sur une telle interprétation duditarticle 3 et sur l'article 40, alinéa 1^er, in fine, du Code judiciaire,l'arrêt viole les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, n'estdès lors pas légalement justifié et, par voie de conséquence, assigne unpoint de départ illégal au délai d'appel dont disposait le demandeur(violation des articles 55 et 1051 du Code judiciaire).
III. La décision de la Cour
Quant à la première branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par lestrois premiers défendeurs et déduite de ce qu'il n'indique pas commeviolées les dispositions de l'article 57, alinéas 1^er et 2, du Codejudiciaire :
Le moyen, en cette branche, soutient qu'en considérant que lasignification du jugement entrepris a été faite à la date de la remise àla poste de l'acte adressé à l'autorité centrale suisse, et donc avant laremise d'une copie de cet acte au demandeur, l'arrêt méconnaît la notionlégale de signification au sens des articles 32, 1°, 33, 35 et 40 du Codejudiciaire.
Si l'article 57, alinéas 1^er et 2, du Code judiciaire contient des règlesgénérales qui, concernant l'espèce, sont rappelées de manière particulièreaux articles 40 et 1051 de ce code, la seule violation des dispositionsprécitées suffirait à emporter la cassation si le moyen, en cette branche,était fondé.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
L'article 32, 1°, du Code judiciaire définit la signification, au sens dece code, comme la remise par exploit d'huissier d'une copie de l'acte.
Aux termes de l'article 40, alinéa 1^er, du même code, à ceux qui n'ont enBelgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la copie del'acte est adressée par l'huissier de justice sous pli recommandé à laposte, à leur domicile ou à leur résidence à l'étranger et en outre paravion si le point de destination n'est pas dans un pays limitrophe, sanspréjudice des autres modes de transmission convenus entre la Belgique etle pays de leur domicile ou de leur résidence, et la signification estréputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste contrele récépissé de l'envoi dans les formes prévues à l'article.
L'article 2, alinéa 1^er, de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965relative à la signification et à la notification à l'étranger des actesjudiciaires en matière civile et commerciale dispose que chaque Etatcontractant désigne une autorité centrale qui assume, conformément auxarticles 3 à 6, la charge de recevoir les demandes de signification ou denotification en provenance d'un autre Etat contractant et d'y donnersuite.
Suivant l'article 5 de cette convention, l'autorité centrale de l'Etatrequis procède ou fait procéder à la signification ou à la notification del'acte, soit selon les formes prescrites par la législation de l'Etatrequis pour la signification ou la notification des actes dressés dans cepays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire,soit selon la forme particulière demandée par le requérant, pourvu quecelle-ci ne soit pas incompatible avec la loi de l'Etat requis.
En vertu de l'article 6, l'autorité centrale de l'Etat requis ou touteautorité qu'elle aura désignée à cette fin établit une attestation,conforme à la formule annexée à la convention, relatant l'exécution de lademande, indiquant la forme, le lieu et la date de l'exécution ainsi quela personne à laquelle l'acte a été remis, précisant, le cas échéant, lefait qui aura empêché l'exécution, et cette attestation est directementadressée au requérant.
Il suit de ces dispositions que, lorsqu'une convention règle les modes detransmission des actes judiciaires, il y a signification, à l'égard dudestinataire, au moment de la remise de l'acte à celui-ci.
L'arrêt qui, pour décider que l'appel est tardif, considère que lasignification du jugement entrepris a eu lieu à l'égard du demandeur « le9 novembre 2004, date de l'envoi [sous pli recommandé à la poste] del'expédition du jugement à l'autorité centrale cantonale suisse en vue desa remise [au demandeur] », viole l'article 40, alinéa 1^er, du Codejudiciaire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé,Albert Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et prononcé enaudience publique du vingt et un décembre deux mille sept par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avecl'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
21 DECEMBRE 2007 C.06.0155.F/1