Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.06.0635.F
Q. C., demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est établi à Bruxelles, rue de Loxum, 25, où il est fait électionde domicile,
contre
M. A., défendeur en cassation,
représenté par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est faitélection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 février 2006par la cour d'appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 13 décembre 2007, le premier président a renvoyé lacause devant la troisième chambre.
Le président Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Jean-Marie Genicot a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Disposition légale violée
Article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué condamne la demanderesse à payer au défendeur les intérêtsmoratoires, depuis le 22 octobre 1991, sur la somme de trente - cinqmillions de francs qu'elle a été condamnée à lui payer par l'arrêt de lacour d'appel de Bruxelles du 22 avril 1988.
L'arrêt attaqué se réfère à l'article 1153 du Code civil et décide ensuiteque « la somme de trente-cinq millions de francs due par la [demanderesse]est exigible au moins depuis le 11 mai 1988, date du commandement depayer. [Le défendeur] a par conséquent, en principe, droit aux intérêtsmoratoires sur la somme de trente-cinq millions depuis le 11 mai 1988 ».
L'arrêt attaqué vérifie aussi si l'autorité de la chose jugée de l'arrêtdu 22 avril 1988 s'oppose à la demande [du défendeur] et considère que "ledivorce entre les parties a été prononcé définitivement le 26 avril 1988,soit quatre jours après l'arrêt du 22 avril 1988, et [qu']il ressort del'examen de cet arrêt que la cour [d'appel] n'a pris aucune décision surles intérêts moratoires en cause actuellement, que [le défendeur] n'avaiten fait jamais demandés devant la cour [d'appel] (dans la citationintroductive d'instance, il avait réclamé des intérêts compensatoires). Lacour [d'appel] n'a donc pas débouté [le défendeur] d'une demanded'intérêts moratoires. Il y a lieu de réformer le jugement entrepris surce point ».
Enfin, l'arrêt attaqué fait référence à l'arrêt de la même cour du9 septembre 1996, dans lequel il avait été décidé que la créance dudéfendeur ne pouvait « actuellement » être augmentée d'intérêts moratoires(l'arrêt attaqué souligne le mot « actuellement »).
Griefs
.
Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse avait fait valoir que ledéfendeur avait à plusieurs reprises renoncé aux intérêts sur la somme detrente-cinq millions de francs, au moins jusqu'au 23 octobre 1996.
La demanderesse avait fait référence, non seulement aux déclarations deson époux devant le tribunal de première instance - siégeant en matièred'aliments en février 1996, à la suite de quoi un jugement fut rendu le 4juin 1996 -, mais aussi aux déclarations de celui-ci dans le procès-verbald'ordre et l'acte de quittance établis par le notaire Vernimmen le 23octobre 1996.
A la fin de l'arrêt attaqué, la cour d'appel a considéré que « lesarguments et les moyens des parties qui n'auraient pas explicitement faitl'objet des motifs repris ci-dessus sont soit non pertinents pourl'appréciation de la cause, soit implicitement rencontrés ».
Quoique l'obligation de motivation de l'article 149 de la Constitutionsoit considérée comme une règle de forme, il n'en reste pas moins que lejuge ne motive pas régulièrement sa décision s'il rejette une défenseprécise énoncée en conclusions par des considérations générales sansrencontrer les motifs sur lesquels cette défense se fonde.
Ni sur la base de ces considérations ni sur la base d'un autre motifquelconque, l'arrêt attaqué ne répond à la critique pertinente de lademanderesse que le défendeur avait renoncé aux intérêts sur la somme detrente-cinq millions de francs et que cette renonciation avait conditionnéle montant de la pension alimentaire qu'il devait à son épouse.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le défendeur et déduitede ce que la requête en cassation et l'exploit de la signification decelle-ci n'indiquent pas le domicile réel de la demanderesse mais uneadresse de référence qui est nulle :
Le juge ne peut, en règle, déclarer nul un acte de procédure que sil'omission ou l'irrégularité nuit aux intérêts de la partie qui invoquel'exception.
Les mentions relatives au domicile de la demanderesse contenues dans larequête en cassation et dans l'exploit de sa signification au défendeursont les mêmes que celles sous lesquelles elle a comparu devant la courd'appel, où le défendeur a défendu ses droits sans soutenir que cesmentions étaient inexactes.
Il ressort des pièces de la procédure suivie devant la Cour que ledéfendeur a, nonobstant l'inexactitude qu'il dénonce aujourd'hui, pu faireprocéder à la signification à la demanderesse de la décision attaquée et àdes actes tendant à l'exécution de celle-ci.
Le défendeur n'établit pas que la nullité qu'il allègue est de nature ànuire à ses intérêts.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le moyen :
L'arrêt attaqué constate que « la demande [du défendeur] tend à entendrecondamner [la demanderesse], à titre de dommages-intérêts par applicationde l'article 1153 du Code civil, aux intérêts moratoires sur la somme detrente - cinq millions de francs qu'elle a été condamnée à lui payer parl'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 22 avril 1988 et ce, depuis le11 mai 1988 […] jusqu'au complet paiement, intervenu […] en avril 2001 ».
En énonçant « que l'arrêt du 22 avril 1988 expose `que, devant le premierjuge, [le demandeur] avait déposé le 20 mai 1983 des conclusions tendant àl'obtention des fins de son action tout en demandant qu'il lui soit donnéacte qu'il renonçait à réclamer les intérêts sur la somme de quarante-sixmillions de francs pendant la durée d'application de l'arrêt de la courd'appel de Bruxelles du 7 juin 1982, tel qu'il a été rendu et, tout auplus, jusqu'à la prononciation du divorce aux torts de la[demanderesse]' » et que « le divorce entre les parties a été prononcéeffectivement le 26 avril 1988 », l'arrêt attaqué répond, en précisant lapériode sur laquelle portait la renonciation alléguée du défendeur auxintérêts litigieux, aux conclusions de la demanderesse se prévalant decette renonciation.
Le moyen manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent onze euros cinquante-deux centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de cent deux eurosquatre-vingt-quatre centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Daniel Plas,Christine Matray, Sylviane Velu et Philippe Gosseries et prononcé enaudience publique du sept janvier deux mille huit par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général Jean-Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.
7 JANVIER 2008 C.06.0635.F/6