Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.06.0433.F
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences dureceveur des contributions directes à Tournai, dont les bureaux sontetablis à Tournai, rue du Chateau, 49,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
V. T. T.,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 mars 2006 parla cour d'appel de Mons.
Le president de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat general Andre Henkes a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 2242, 2244, 2246, 2247 et 2251 du Code civil ;
- articles 81, 83, 84, alinea 1er, 85, specialement S: 2, 1DEG et 3DEG,89, specialement alinea 2, de la loi du 3 juillet 1969 creant le Code dela taxe sur la valeur ajoutee, dans leur redaction anterieure à leurmodification par les lois du 28 decembre 1992 en ce qui concerne l'article85 et du 15 mars 1999 en ce qui concerne toutes les dispositions ;
- principes generaux du droit public, auquel ressortit la taxe sur lavaleur ajoutee, dits « du prealable » et de l'execution d'office.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque, reformant le jugement entrepris et le mettant à neant,dit pour droit que le recouvrement des sommes faisant l'objet de lacontrainte delivree par le demandeur le 28 juin 1991, rendue executoire le2 juillet 2001, est eteint par prescription, en consequence fait droit àl'opposition de la defenderesse et condamne le demandeur aux depens desdeux instances exposes par cette derniere, soit une somme de 780,87 euros,aux motifs que : « en vertu de l'article 81 ancien du Code de la T.V.A.,l'action en recouvrement de la taxe, des interets et des amendes fiscalesse prescrit par cinq ans à compter du jour ou elle est nee ; quel'article 83 ancien du meme code prevoit notamment ce qui suit :
'Les prescriptions, tant pour le recouvrement que pour la restitution dela taxe, des interets et de l'amende fiscale, sont interrompues de lamaniere et dans les conditions prevues par les articles 2244 et suivantsdu Code civil. En ce cas, une nouvelle prescription, susceptible d'etreinterrompue de la meme maniere, est acquise cinq ans apres le dernier acteinterruptif de la precedente prescription, s'il n'y a instance en justice.La renonciation au temps couru de la prescription et la notification de lacontrainte (...) sont assimilees quant à leurs effets aux actesinterruptifs vises à l'alinea precedent' ; (...) en vertu de l'article2244 du Code civil, une citation en justice, un commandement ou unesaisie, signifies à celui qu'on veut empecher de prescrire, formentl'interruption civile ; (...) l'exploit introductif de la premiereinstance a ete signifie (au demandeur) et à la requete de (ladefenderesse) ; (...) cet exploit n'a donc pas interrompu la prescriptiondes lors qu'il ne s'agit pas d'une citation en justice signifiee à lapersonne qu'on veut empecher de prescrire ; (...) la prescription a eteinterrompue par une renonciation au temps couru de la prescription, dateedu 12 aout 1987 et signee par (la defenderesse) ; (...) la prescriptionpeut avoir ete interrompue par l'eventuelle notification de la contraintelitigieuse, à une date qui n'est pas renseignee par (le demandeur) ;(...) de maniere certaine, la prescription a de nouveau ete interrompuepar un commandement de payer signifie le 2 septembre 1991 (par un exploitayant egalement pour objet de signifier le proces-verbal [...] et lacontrainte litigieuse) ; (...) il resulte de la disposition precitee del'article 83 ancien du Code de la T. V.A. que l'effet interruptif de laprescription, que l'article 2244 du Code civil confere à la citation enjustice (signifiee à celui contre lequel on veut prescrire) se prolongeen principe pendant tout le cours de l'instance ouverte par laditecitation (Cass., 19 juin 1969, Pas., 1969, I, 965) ; (...) il estsignificatif de constater que l'arret precite de la Cour fait applicationd'une disposition, en matiere d'impots directs, redigee dans les memestermes que l'article 83 ancien precite et comprenant, elle aussi, les mots's'il n'y a instance en justice' ; (...) cet arret est relatif à uneespece concernant deux procedures jointes par le juge du fond, l'uneinitiee par le contribuable et l'autre formee par (le demandeur) ; (...)il est tout aussi significatif de constater que pour reconnaitre laprolongation de l'effet interruptif de la prescription pendant le cours del'instance en justice, la Cour n'a pris en consideration que la citationen recouvrement d'impots directs signifiee à la requete (du demandeur) ;(...) rien ne laisse supposer que l'article 83 ancien du Code de la T.V.A.fasse autre chose que consacrer le droit commun en vertu duquel,lorsqu'une citation en justice interrompt la prescription, cetteinterruption se prolonge, en principe, pendant tout le cours de l'instance(Cass., 13 septembre 1993, J.T., 1993, p. 84) ; (...) dans ledit article83 ancien ainsi que dans l'article 2244 du Code civil, il n'est d'ailleursnullement question de suspension du delai de prescription ; (...) il nepeut donc etre question ici que d'une prolongation des effets d'un acteinterruptif de la prescription, pendant le cours d'une instance en justice; (...) il suit de (ces) considerations (...) que les mots 's'il n'y ainstance en justice' ne visent pas n'importe quelle instance en justicemais uniquement l'instance en justice qui a ete introduite par unecitation qui a elle-meme interrompu la prescription et dont les effets seprolongent des lors pendant tout le cours de l'instance ; (...) enl'espece, la citation en justice n'a pas interrompu la prescription,s'agissant d'un exploit signifie (au demandeur) et non à la personnequ'on veut empecher de prescrire ; (...) le dernier acte interruptif de laprescription est le commandement signifie le 2 septembre 1991 ; (...) iln'apparait pas des elements produits aux debats que ce commandement aitete reitere, (...) la prescription est des lors acquise, plus de cinq anss'etant ecoules depuis le dernier acte interruptif de la prescription ».
Griefs
En matiere de taxe sur la valeur ajoutee, les articles 84, alinea 1er, 85,S: 2, 1DEG et 3DEG, et 89, alinea 2, du Code de la T.V.A., dans leurredaction anterieure à la loi du 15 mars 1999, instaurent une procedureparticuliere de poursuite et de recouvrement de la taxe. L'article 84,alinea 1er, qui dit que "la solution des difficultes qui peuvent s'eleverrelativement à la perception de la taxe avant l'introduction desinstances judiciaires appartient au ministre des Finances" institue unephase administrative prealable à la phase judiciaire. Lorsque l'assujettipersiste à contester, l'article 85, qui, en son premier paragraphe, porteque le premier acte de poursuite en vue du recouvrement de la taxe, desamendes fiscales, des interets et des accessoires est une contrainterendue executoire et notifiee à l'assujetti, dispose, en son paragraphe2, que « cette notification : 1DEG interrompt le delai de prescriptionpour le recouvrement de la taxe, des interets, des amendes fiscales et desaccessoires », et surtout « 3DEG permet au redevable de faire oppositionà l'execution de la contrainte de la maniere prevue par l'article 89 »,lequel, pour sa part, precise que « sous reserve de ce qui est prevu parles articles 85, S:S: 1er et 2, et 85bis, l'execution de la contrainte alieu compte tenu des dispositions de la cinquieme partie, titre III, duCode judiciaire relatif à l'execution forcee. L'execution de lacontrainte ne peut etre interrompue que par une opposition motivee, formeepar le redevable, avec une citation en justice. Cette opposition est faitepar un exploit signifie à l'Etat en la personne du fonctionnaire qui adecerne la contrainte. L'action est portee devant le tribunal dans leressort duquel est situe le bureau de ce fonctionnaire ».
Ces dispositions, et plus particulierement les articles 85 et 89 du Codede la T.V.A. ressortissent de deux principes fondamentaux du droitpublic : le privilege du prealable qui autorise l'administration à sedecerner un titre legal de perception de la taxe et le privilege del'execution d'office qui lui permet de poursuivre l'execution forcee de lacontrainte ou de prendre des mesures conservatoires, sans recoursprealable au juge.
Si l'assujetti entend contester les pretentions de l'administration quis'est delivree à elle-meme un titre executoire, il lui appartient desaisir le tribunal competent d'une opposition et il est evidemment le seulà pouvoir le faire, l'administration n'etant pas recevable à agir devantle tribunal, sauf cas exceptionnel lorsque le defaut de payement constitueune infraction.
Du reste, la delivrance d'une contrainte, avec pour consequence que lasaisine du juge est reservee au contribuable en cas de contestation del'impot, n'est pas, en matiere de T.V.A., une faculte pour le fisc :l'administration est tenue de decerner une contrainte en recouvrement dela taxe lorsque l'assujetti persiste à contester, notamment dans la phaseadministrative de la procedure, la taxe fixee aux termes du proces-verbalconfectionne par le fonctionnaire competent ; ainsi, l'assujetti est misen mesure de soumettre cette contestation à la juridiction competente parla voie d'une opposition à l'execution de la contrainte.
Cette contrainte, en matiere de T.V.A., constitue donc non seulement letitre de taxation concretisant la dette fiscale à defaut de paiementspontane et inconditionnel de la taxe due mais aussi l'acte valant titreexecutoire necessaire au recouvrement de la dette fiscale.
L'administration est donc tenue de decerner une contrainte rendueexecutoire et notifiee, en meme temps que le proces-verbal, à l'assujettiqui, à compter de ce moment, est en droit de former opposition devant lejuge competent, ce qui interrompt les mesures d'execution que le fiscpouvait poursuivre.
Elle differe de la contrainte en matiere d'impots directs car nonseulement elle etablit la dette, mais elle constitue aussi le titre legalde perception de la taxe, permettant à l'administration de passer àl'execution forcee, sans aucune intervention prealable des juridictionsciviles, seul l'assujetti pouvant saisir, apres notification ousignification de cette contrainte, celles-ci en cas de contestationpersistante.
C'est donc l'opposition du contribuable et elle seule qui, conformement àl'article 89 du Code de la T.V.A., peut ouvrir l'instance en justice, laprocedure differant à cet egard, en matiere de T.V.A., fondamentalementde celle prevue en matiere d'impots sur les revenus.
Par ailleurs, apres que l'article 81 du C.T.V.A. a prevu, dans son premieralinea, que « l'action en recouvrement de la taxe, des interets et desamendes fiscales se prescrit par cinq ans à compter du jour ou celle-ciest nee », l'article 83 du meme code dispose que « les prescriptions,tant pour le recouvrement que pour la restitution de la taxe, des interetset des amendes fiscales, sont interrompues de la maniere et dans lesconditions prevues par les articles 2244 et suivants du Code civil. En cecas, une nouvelle prescription, susceptible d'etre interrompue de la mememaniere, est acquise cinq ans apres le dernier acte interruptif de laprecedente prescription, s'il n'y a instance en justice. La renonciationau temps couru de la prescription et la notification de la contrainte dela maniere prevue par l'article 85, S: 1er, sont assimilees, quant àleurs effets aux actes interruptifs vises par l'alinea precedent ».
Il resulte de la combinaison de cette derniere disposition et des articles85 et 89 C.T.V.A. que la prescription ne saurait etre acquise lorsqu'il ya « instance en justice » ouverte moins de cinq ans apres le dernieracte interruptif de cette prescription, acte qui peut etre l'un de ceuxvises par l'article 2244 du Code civil ou ceux prevus par l'article 83,alinea 2, C.T.V.A.
Le regime de prescription instaure par l'article 83 C.T.V.A., eu egard auxparticularites que presente la matiere, specialement à l'obligation pourl'administration de decerner une contrainte à laquelle seul l'assujettiest en droit de s'opposer devant les juridictions de l'ordre judiciaire,l'instance en justice ne pouvant etre ouverte qu'à son initiative, que cesoit en ce qui concerne le recouvrement de la taxe ou sa restitution,deroge au droit commun et le complete. Lorsque le legislateur fiscalutilise l'expression « s'il n'y a instance en justice », dans le domainede la T.V.A., il ne fait aucune distinction, quelle que soit la partiedemanderesse. Des qu'il y a instance en justice, l'interruption de laprescription provoquee par l'un des actes prevus par l'article 2244 duCode civil et l'article 83, alinea 2, C.T.V.A., accompli moins de cinq ansavant l'ouverture de cette instance, poursuit ses effets aussi longtempsque celle-ci n'est pas definitivement terminee, peu importe qu'elle aitete initiee par l'assujetti, c'est-à-dire par la partie qui pourraitpretendre au benefice de la prescription.
De surcroit, l'opposition à contrainte introduite par le redevable saisitle tribunal competent de toutes les questions relatives à la taxation, lejuge ayant plein pouvoir de juridiction, l'opposition interdisant àl'administration de prendre toute nouvelle initiative aussi longtemps quele juge n'a pas statue definitivement sur ses merites. Elle empechel'administration d'agir et rend impossible le recours à un nouvel acteinterruptif de prescription au sens des articles 2244 du Code civil et 83,alinea 2, C.T.V.A.. Celle-ci ne serait pas recevable à solliciter du jugela delivrance d'un titre executoire par le biais d'une demande decondamnation de l'assujetti, puisque la contrainte qu'elle est, en toutehypothese, obligee de decerner, constitue dejà un titre etablissant sacreance, qui reste valide jusqu'à eventuelle annulation par le tribunalsaisi, seule l'execution immediate de ce titre etant suspendue par l'effetde l'opposition. Et, ayant delivre une contrainte, l'ayant fait signifierou notifier et ayant fait eventuellement commandement de payer,l'administration n'est pas autorisee, des que le redevable a faitopposition, à renouveler ces actes, le pouvoir judiciaire etant saisi del'ensemble des questions relatives à cette taxation. En consequence, ils'impose aussi de considerer qu'à partir du moment ou l'assujetti, parson opposition faite conformement à l'article 89 C.T.V.A., a saisi lejuge competent, l'administration se trouve dans l'impossibilite, au sensde l'article 2251 du Code civil, d'accomplir encore aucun acte interruptifde la prescription, celle-ci etant, par consequent, suspendue durant toutel'instance en justice ouverte à la suite de l'opposition.
En toute hypothese, l'opposition à contrainte, en matiere de T.V.A., doitetre qualifiee d' « instance en justice » au sens de l'article 83,alinea 1er, ancien C.T.V.A., la procedure engagee par le redevable pourprevenir l'exercice immediat de poursuites contre lui, sur le fondementd'une contrainte que l'administration est tenue de decerner, et quiempeche le fisc de prendre toute autre initiative aussi longtemps que lajuridiction civile ne s'est pas prononcee de telle maniere que l'instanceest definitivement terminee, ne peut etre legalement interpretee commepermettant le deperissement des droits du Tresor, ceux-ci devant etreproteges jusqu'à ce qu'une decision definitive, cloturant l'instance,intervienne, meme si l'article 83, alinea 1er, ancien du Code de la T.V.A.ne doit pas etre compris comme instituant une veritable cause desuspension du cours de la prescription au sens des dispositions du Codecivil.
L'arret attaque, qui, statuant sur l'opposition formee par citation du 18septembre 1991, par la defenderesse, à la contrainte delivree en matierede taxe sur la valeur ajoutee par le demandeur, decernee le 28 juin 1991et rendue executoire le 2 juillet, qui admet par ailleurs que cettecontrainte a valablement interrompu la prescription de cinq ans del'action en recouvrement dont est titulaire le demandeur et encore quecelui-ci a fait signifier, le 2 septembre 1991, un commandement de payer,lui-meme aussi interruptif de la prescription, decide neanmoins quel'opposition est fondee parce que l'action en recouvrement du demandeurest prescrite des lors que, d'une part, l'opposition, qui a ouvertl'instance en justice, n'a pas ete introduite par le demandeur, mais parla defenderesse, à savoir par la partie qui pretendait prescrire, ensorte que cette instance n'a pas eu pour effet de prolonger l'interruptionde la prescription jusqu'à ce qu'elle soit totalement videe ni de lasuspendre, et, que, d'autre part, le demandeur n'a pas, au cours de cetteinstance et au plus tard dans les cinq ans de la signification, à sarequete, du commandement de payer du 2 septembre 1991, accompli de nouvelacte interruptif de la prescription, tels que ces actes sont prevus parl'article 2244 du Code civil ou l'alinea 2 de l'article 83 ancienC.T.V.A., :
- meconnait la portee legale des articles 84, alinea 1er, 85, et 89anciens du Code de la T.V.A., ainsi que les principes du droitadministratif du prealable et de l'execution d'office, ignore la notion decontrainte en matiere de T.V.A., l'obligation qui s'impose àl'administration de decerner une telle contrainte et le droit, reserve auseul assujetti, qui conteste la dette d'impot, de s'opposer à cettecontrainte et aux mesures d'execution que l'administration peut entamerd'office en consequence, en portant le litige devant la juridiction civileet en ouvrant ainsi l'instance en justice ;
- viole les articles 83, 85 et 89 anciens du Code de la T.V.A. dont il sededuit que l'opposition formee par le redevable devant le tribunalcompetent à la contrainte notifiee ou signifiee ouvre « l'instance enjustice » au sens dudit article 83, en sorte que, jusqu'à ce que cetteopposition ait fait l'objet d'une decision definitive vidant completementla contestation, l'effet de l'interruption de la prescription intervenuemoins de cinq ans avant la signification de cette opposition, persiste,tandis que, par ailleurs, l'administration fiscale se trouve dansl'impossibilite, au sens de l'article 2251 du Code civil, d'accompliraucun nouvel acte interruptif de la prescription au sens des articles 2244dudit code, et 83, alinea 2, ancien C.T.V.A. ;
- meconnait les articles 2242, 2244 et 2251 du Code civil ainsi que lesarticles 81, 83, 85 et 89 ancien du Code de la T.V.A. en limitant à laseule assignation signifiee à la requete du fisc le maintien de l'effetinterruptif de la prescription de l'action en recouvrement de la dette detaxe sur la valeur ajoutee durant l'instance, alors que la contrainte quel'administration doit obligatoirement delivrer vaut titre de creance etdroit d'executer, qu'elle a pour effet de permettre à l'assujetti deporter sa contestation devant la juridiction civile, qu'il est le seul àpouvoir prendre cette initiative et que l'ouverture de cette instanceempeche le demandeur de proceder à aucun nouvel acte interruptif de laprescription.
III. La decision de la Cour
Aux termes de l'article 81, alinea 1er, du Code de la taxe sur la valeurajoutee, dans sa version applicable au litige, l'action en recouvrement dela taxe, des interets et des amendes fiscales se prescrit par cinq ans àcompter du jour ou elle est nee.
L'article 83, alinea 1er, du meme code, dans la meme version applicable,dispose que les prescriptions, tant pour le recouvrement que pour larestitution de la taxe, des interets et des amendes fiscales, sontinterrompues de la maniere et dans les conditions prevues par les articles2244 et suivants du Code civil. En ce cas, une nouvelle prescription,susceptible d'etre interrompue de la meme maniere, est acquise cinq ansapres le dernier acte interruptif de la precedente prescription, s'il n'ya instance en justice.
L'article 85, S: 2, de ce code prevoit notamment que la notification de lacontrainte decernee par le fonctionnaire charge du recouvrement interromptle delai de prescription pour le recouvrement de la taxe et de sesaccessoires et permet au redevable de faire opposition à l'execution dela contrainte de la maniere prevue à l'article 89.
En vertu de l'article 89, alinea 2, l'execution de la contrainte ne peutetre interrompue que par une opposition motivee, formee par le redevable,avec citation en justice.
Aux termes de l'article 2251 du Code civil, la prescription court contretoutes personnes, à moins qu'elles ne soient dans quelque exceptionetablie par la loi.
Il se deduit de ces dispositions, qui doivent etre lues ensemble pourdeterminer le regime de la prescription en matiere de taxe sur la valeurajoutee, que la contrainte constitue, d'une part, le titre de la taxationconcretisant la dette fiscale à defaut de paiement spontane etinconditionnel de la taxe due et, d'autre part, l'acte valant titreexecutoire necessaire au recouvrement de la dette fiscale ; que lacontrainte notifiee à celui qu'on veut empecher de prescrire constituel'un des modes d'interruption de la prescription au sens de l'article 2244du Code civil ; que, sauf nouvel acte interruptif, la prescription estacquise contre l'Etat cinq ans apres la notification de la contrainte, àmoins qu'il n'y ait instance en justice ; que cette instance peut etrel'opposition du redevable, qui a pour effet de suspendre la forceexecutoire de la contrainte et d'ou il resulte que, pendant toute saduree, la prescription n'est pas acquise contre l'Etat.
L'arret considere que la prescription etait acquise au profit de ladefenderesse, plus de cinq ans s'etant ecoules depuis le dernier acteinterruptif, soit la notification de la contrainte, aux motifs quel'opposition à la contrainte n'a pas ete signifiee à la personne qu'onveut empecher de prescrire et qu'apres la notification de la contrainte,le demandeur n'a pas accompli de nouvel acte interruptif de laprescription.
Il viole ainsi les dispositions legales visees au moyen.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel et qu'il statuesur la demande de dommages et interets de la defenderesse ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Claude Parmentier, les conseillersDidier Batsele, Albert Fettweis, Daniel Plas et Martine Regout, etprononce en audience publique du seize octobre deux mille huit par lepresident de section Claude Parmentier, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
16 OCTOBRE 2008 C.06.0433.F/1