Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG F.08.0022.N
Etat belge, (Finances),
contre
1. S. S.,
2. G. C.,
Me Ann Verbist, avocat au barreau de Gand.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 avril 2007par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.
L'avocat general Dirk Thijs a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992, telqu'il est applicable aux exercices d'imposition 1999 et 2000 ;
- article 149 de la Constitution.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque constate que les indemnites ou allocations qui compensentune perte permanente de revenus sont imposables à titre de pensionsconformement à l'article 34, S: 1er, 1DEGbis, du Code des impots sur lesrevenus 1992, que par suite de la jurisprudence de la Courconstitutionnelle il est manifestement clair que l'absence d'une perte derevenus constitue le seul critere pour rendre imposable des revenus deremplacement et ce tant en ce qui concerne les indemnites en matiered'accidents du travail que les autres allocations.
Ensuite, l'arret attaque considere que ni la deduction des primesd'assurance, ni le fait que l'union professionnelle du demandeur initialavait conclu la police d'assurance collective, ne donnent lieu aucaractere imposable des allocations, dans la mesure ou il n'est pasquestion d'une quelconque perte de revenus, celle-ci n'etant pasimposable.
L'arret attaque decide, des lors, que de telles allocations d'invaliditene sont pas imposables, des lors qu'elles ne peuvent pas etre considereescomme une indemnite pour une perte de revenus professionnels et qu'il y alieu de reformer le jugement du premier juge sur ce point.
Griefs
Le demandeur en cassation soutient que l'arret attaque n'a pas legalementjustifie pour quel motif l'article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impotssur les revenus 1992, qui rend une allocation d'invalidite imposable àpartir du moment ou elle se rattache directement ou indirectement à uneactivite professionnelle independamment de la question de savoir sil'allocation indemnise reellement ou non une perte de revenus, nes'applique pas en l'espece.
Conformement à l'article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992, sont imposables, les pensions et les rentes, ainsi que lesallocations en tenant lieu, quels qu'en soient le debiteur, lebeneficiaire, la qualification et les modalites de determination etd'octroi, qui se rattachent directement ou indirectement à une activiteprofessionnelle, sans qu'il y ait lieu de distinguer à cet egard si ellesindemnisent reellement ou non une perte de revenus professionnels.
C'est à tort que l'arret attaque considere que l'article 34, S: 1er,1DEGbis, du Code des impots sur les revenus 1992 est applicable et quecontrairement à jadis, des allocations sans perte de revenus ne sont plusimposables. L'arret attaque se fonde, à cet egard, sur l'arret de la Courconstitutionnelle du 9 decembre 1998 (99/99) et considere à tort que parsuite de la jurisprudence precitee de la Cour constitutionnelle, il estmanifestement clair que l'absence d'une perte de revenus constitue le seulcritere pour rendre imposables des revenus de remplacement et ce, tant ence qui concerne les indemnites en matiere d'accidents du travail que lesautres allocations et que le fait de savoir si les primes d'assurance ontete deduites ou non est sans importance.
L'arret nDEG 132/98 du 9 decembre 1998 de la Cour constitutionnelle a,toutefois, dit pour droit que l'article 32bis du Code des impots sur lesrevenus 1964 (actuellement article 34 du Code des impots sur les revenus1992) viole l'article 10 de la Constitution, en ce qu'il rend imposablesles indemnites versees en reparation d'une incapacite permanente enapplication de la legislation sur les accidents du travail, sans qu'il yait perte de revenus dans le chef de la victime.
La loi du 19 juillet 2000 visant à modifier les articles 34, S: 1er, et39 du Code des impots sur les revenus 1992 a tenu compte de l'arret de laCour constitutionnelle nDEG 132/98 du 9 decembre 1998.
Conformement à l'article 34, S: 1er, 1DEG et 1DEGbis, du Code des impotssur les revenus 1992, les pensions, rentes et allocations en tenant lieucomprennent, quels qu'en soient le debiteur, le beneficiaire, laqualification et les modalites de determination et d'octroi :
1DEG les pensions et les rentes viageres ou temporaires, ainsi que lesallocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ou indirectementà une activite professionnelle ;
1DEGbis les pensions et les rentes viageres ou temporaires, ainsi que lesallocations en tenant lieu, qui constituent la reparation totale oupartielle d'une perte permanente de benefices, de remunerations ou deprofits ;
(...)
Il s'agit de deux dispositions distinctes qui rendent imposables lespensions et rentes viageres ou temporaires, ainsi que les allocations entenant lieu, et qui ne doivent pas etre cumulativement remplies.
Conformement à l'article 39 du Code des impots sur les revenus 1992, lespensions, les rentes viageres ou temporaires et les allocations en tenantlieu visees à l'article 34, S: 1er, 1DEG, qui sont attribuees en casd'incapacite permanente en application de la legislation sur les accidentsdu travail ou les maladies professionnelles, sont exonerees dans la mesureou elles ne constituent pas la reparation d'une perte permanente debenefices, de remunerations ou de profits.
L'article 39, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 ne prevoit,toutefois, que l'exoneration des pensions, rentes viageres ou temporaires,ainsi que les allocations en tenant lieu, qui sont attribuees en casd'incapacite permanente en application de la legislation sur les accidentsdu travail ou les maladies professionnelles dans la mesure ou elles neconstituent pas la reparation d'une perte permanente de benefices, deremunerations ou de profits.
En n'exonerant de l'impot sur les revenus les pensions, rentes etallocations qui ne constituent pas la reparation d'une perte permanente debenefices, de remunerations ou de profits que pour autant qu'elles soientoctroyees en application de la legislation sur les accidents du travail oules maladies professionnelles, le legislateur a pris une mesure pertinenteau regard de l'objectif de la modification legale du 19 juillet 2000, quietait de se conformer à l'arret 132/98 (arret de la Courconstitutionnelle nDEG 120/2001 du 10 octobre 2001).
C'est à tort que l'arret attaque se refere ensuite à l'arretnDEG120/2001 du 10 octobre 2001 dans lequel la Cour constitutionnelle aconsidere, dans le cadre d'une autre cause ayant pour objet l'applicationde l'article 34 du Code des impots sur les revenus 1992, que l'article32bis du Code des impots sur les revenus 1964, actuellement l'article 34,S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992, avant samodification par la loi du 19 juillet 2000, viole les articles 10 et 11 dela Constitution en ce qu'il rend imposables les indemnites versees par unecompagnie d'assurances en reparation d'une invalidite physiologique et/oueconomique, sans qu'il y ait perte de revenus dans le chef de la victime,et alors que les primes liees au contrat d'assurance n'ont pas etededuites par le beneficiaire de l'indemnite au titre de chargesprofessionnelles.
La Cour constitutionnelle souligne qu'elle ne se prononce pas, enl'espece, sur le cas dans lequel le beneficiaire de l'indemnited'assurance a deduit les primes liees au contrat d'assurance au titre decharges professionnelles (arret nDEG 120/2001 du 10 octobre 2001).
C'est, des lors, à tort que l'arret attaque a considere que le fait desavoir si les primes d'assurances ont ete deduites ou non est sansimportance.
Dans son arret nDEG 102/2005 du 1er juin 2005, la Cour constitutionnelle aconsidere que si le legislateur admet que les allocations versees enexecution d'un contrat d'assurance individuelle contre les accidentscorporels sont exonerees d'impot lorsque les primes liees au contrat n'ontpas ete deduites fiscalement par le beneficiaire de l'indemnite, celajustifie que l'indemnite attribuee en execution d'un contrat d'assurance« revenu garanti » soit taxee lorsque les primes ont ete deduites par lebeneficiaire de l'indemnite.
En outre, il suit de la definition de la notion de « fraisprofessionnels » figurant à l'article 49 du Code des impots sur lesrevenus 1992 juncto article 52, 10DEG, du Code des impots sur les revenus1992, qu'une prime deduite a pour but d'acquerir ou de conserver desrevenus, de sorte que l'indemnite allouee est necessairement imposable.
En ce sens, on peut se referer à l'arret de la Cour constitutionnelle du10 mai 2007 (arret nDEG 73/2007).
En vertu de l'article 52, 10DEG, du Code des impots sur les revenus 1992,sont deductibles au titre de frais professionnels, les cotisations en vuede beneficier d'une indemnite en cas d'incapacite de travail pour cause demaladie et d'invalidite.
Sont vises, les contrats d'assurance maladie et les contrats de type« revenu garanti », comme en l'espece, contractes aupres de compagniesd'assurances, de caisses sociales etc., à l'exclusion des mutualites.
Il va, des lors, de soi qu'une indemnite du chef d'incapacite permanentequi est octroyee dans le cadre d'une assurance « revenu garanti » et quise rattache directement ou indirectement à l'activite professionnelle,doit etre qualifiee de pension imposable en vertu de l'article 34, S: 1er,1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992.
C'est, des lors, à tort que l'arret attaque s'est uniquement fonde surl'article 34, S: 1er, 1DEGbis, du Code des impots sur les revenus 1992sans tenir compte des circonstances de fait invoquees par l'administrationdans ses conclusions, qui ont demontre un lien manifeste avec l'activiteprofessionnelle.
En considerant qu'en application de l'article 34, S: 1er, 1DEGbis, du Codedes impots sur les revenus 1992, les indemnites d'invalidite ne sont pasimposables au motif qu'elles ne peuvent pas etre considerees commeindemnisant une perte de revenus, sans legalement justifier pour quelmotif l'article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992qui rend une indemnite d'invalidite imposable des qu'elle se rattachedirectement ou indirectement à une activite professionnelle,independamment de la question de savoir si l'indemnite repare une pertereelle de revenus, ne s'applique pas en l'espece, l'arret attaque violel'article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992.
Le demandeur soutient, des lors, que l'arret attaque n'a pas legalementjustifie en quoi l'article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992, ne s'applique pas en l'espece, comme il l'avait invoque dansses conclusions, de sorte que les articles 34, S: 1er, 1DEG, du Code desimpots sur les revenus 1992 et 149 de la Constitution sont violes.
III. La decision de la Cour
1. L'article 23 du Code des impots sur les revenus 1992 dispose que lespensions, rentes et allocations en tenant lieu sont des revenusprofessionnels imposables.
L'article 34, S: 1er, de ce code, tel qu'il est applicable aux exercicesd'imposition 1999 et 2000, dispose que les pensions, rentes et allocationsen tenant lieu comprennent, quels qu'en soient le debiteur, lebeneficiaire, la qualification et les modalites de determination etd'octroi :
- 1DEG les pensions et les rentes viageres ou temporaires, ainsi que lesallocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ou indirectementà une activite professionnelle;
- 1DEGbis les pensions et les rentes viageres ou temporaires, ainsi queles allocations en tenant lieu, qui constituent la reparation totale oupartielle d'une perte permanente de benefices, de remunerations ou deprofits.
L'article 39, S: 1er, de ce code, dispose que pensions, les rentesviageres ou temporaires et les allocations en tenant lieu visees àl'article 34, S: 1er, 1DEG, qui sont attribuees en cas d'incapacitepermanente en application de la legislation sur les accidents du travailou les maladies professionnelles, sont exonerees dans la mesure ou ellesne constituent pas la reparation d'une perte permanente de benefices, deremunerations ou de profits.
2. Il s'ensuit que les pensions et les rentes viageres ou temporaires,ainsi que les allocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ouindirectement à une activite professionnelle sont, en regle, imposables,qu'elles visent ou non la reparation totale ou partielle d'une pertepermanente de benefices, de remunerations ou de profits. Il n'est derogeà ce caractere imposable de principe que si les pensions, rentes viageresou temporaires et les allocations en tenant lieu visees à l'article 34,S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992 sont attribuees encas d'incapacite permanente en application de la legislation sur lesaccidents du travail ou les maladies professionnelles et ne constituentpas la reparation d'une perte permanente de benefices, de remunerations oude profits.
3. En vertu de l'article 52, 10DEG, du Code des impots sur les revenus1992, les cotisations en vue de beneficier d'une indemnite en casd'incapacite de travail pour cause de maladie et d'invalidite constituentdes frais professionnels deductibles au sens de l'article 49 de ce code,ce qui implique que ces cotisations ont ete payees en vue d'acquerir ou deconserver des revenus professionnels et que l'indemnite se rattache à uneactivite professionnelle.
Il s'ensuit qu'une indemnite pour incapacite de travail permanente alloueedans le cadre d'une assurance « revenu garanti » dont les primes ont etededuites au titre de frais professionnels par le beneficiaire, de sorteque cette indemnite se rattache necessairement à l'activiteprofessionnelle, doit etre qualifiee de pension imposable en vertu del'article 34, S: 1er, 1DEG, du Code des impots sur les revenus 1992.
4. Les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision que lesallocations d'invalidite ne sont pas imposables des lors qu'elles nepeuvent pas etre considerees comme une indemnite pour une perte de revenusprofessionnels.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur le caractere imposable del'allocation « revenu garanti » perc,ue par le premier defendeur ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, le president de section LucHuybrechts, les conseillers Eric Stassijns, Alain Smetryns et GeertJocque, et prononce en audience publique du douze novembre deux mille neufpar le president Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat generalChristian Vandewal, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Didier Batsele ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,
12 NOVEMBRE 2009 F.08.0022.N/9