Cour de cassation de Belgique
Arret
1766
NDEG C.09.0317.F
GENERAL MOTORS ACCEPTANCE CORPORATION, societe de droit etranger dont lesiege est etabli à Anvers, Noorderlaan, 401,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 mars 2009par la cour d'appel de Liege.
Le conseiller Christine Matray a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 10, 11 et 159 de la Constitution ;
- articles 1462 et 1675/7, S: 1er, du Code judiciaire ;
- article 101 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites ;
- articles 544, 1101, 1108, 1134, 1165, 1185, 1186, 1582, 1604, 1650 et1651 du Code civil ;
- article 20, 5DEG, alineas 7 et 8, de la loi hypothecaire du 16 decembre1851, formant le titre XVIII du livre III du Code civil ;
- article 1er, 9DEG, de la loi du 12 juin 1991 relative au credit à laconsommation ;
- principe general du droit de l'opposabilite de la clause de reserve depropriete en cas de concours, consacre notamment par l'article 101 de laloi du 8 aout 1997 sur les faillites.
Decisions et motifs critiques
L'arret confirme l'ordonnance entreprise, ayant dit la requete non fondeeet delaisse à la demanderesse ses depens, aux motifs que :
« Par la requete rec,ue le 16 fevrier 2009, la [demanderesse] interjetteappel de l'ordonnance rendue le 2 fevrier 2009 par le juge des saisies deNamur qui refuse d'accueillir la requete en saisie-revendication que luipresentait (la demanderesse) pour obtenir [la recuperation de] la voitureOpel Corsa dont elle a assure le financement au profit de J.-F. C., touten se reservant la propriete du vehicule jusqu'au complet paiement du prixglobal, y compris les interets et frais (point II, f, des conditionsparticulieres annexees au contrat à temperament du 18 fevrier 2008).
Bien que la decision ne soit pas produite, il est certain que, le 3novembre 2008, l'acquereur a ete admis au reglement collectif de dettespar le tribunal du travail de Namur.
Le 4 novembre 2008, (la demanderesse) ecrivait au mediateur de dettes,designe en application de l'article 1675/6, S: 2, du Code judiciaire, pourreclamer le respect de la clause de reserve de propriete et la remisevolontaire du vehicule pour qu'il puisse etre vendu, le produit de lavente etant affecte au paiement du solde restant du sur le financement.Cette demande a ete rejetee au motif que la clause n'est pas opposablelorsqu'elle est invoquee apres l'ouverture du concours provoque par ladecision d'admissibilite.
Dans le cadre de la procedure de reglement collectif de dettes, ladecision d'admissibilite fait naitre une situation de concours selonl'article 1675/7 du Code judiciaire.
La clause de reserve de propriete, valable entre les partiescontractantes, n'est pas opposable aux creanciers de l'acheteur enconcours avec le vendeur d'objets mobiliers lorsque l'acheteur a ete misen possession de la chose vendue : `en effet, l'article 20, 5DEG, de laloi hypothecaire du 16 decembre 1851 determine quels sont les droits duvendeur d'effets mobiliers en concours avec des creanciers de l'acheteur'(Cass., 22 septembre 1994, R.G. nDEG C.92.9517.F), le droit derevendication du vendeur qui s'est dessaisi des biens n'etant maintenu`que (si) la revendication (est) faite dans la huitaine de la livraison etqu'ils se trouvent dans le meme etat que lors de la livraison' (article20, 5DEG, alinea 7, de la loi hypothecaire). Or, `l'article 20 precite estd'ordre public en tant qu'il regle les rapports entre le vendeur et lescreanciers de l'acheteur ; il n'appartient pas, des lors, aux parties dederoger par des conventions speciales aux regles qu'il etablit sur cepoint ; notamment, elles ne peuvent, par la clause de reserve depropriete, retablir le droit de revendication que cette disposition legalen'a laisse subsister que dans les limites rigoureuses qu'elle precise eten remplacement duquel elle a cree le privilege du vendeur' (Cass., 22septembre 1994, precite).
Certes, cette situation a conduit le legislateur à intervenir dans lecadre de la faillite en permettant `la reconnaissance, dans certaineslimites, de l'opposabilite aux tiers de la clause de reserve depropriete'(Doc. Parl., Chambre, session 1995-1996, nDEG 330/2, amendementnDEG5, introduisant un article 101bis dans le projet de loi sur lesfaillites), telle qu'elle a ete consacree aux conditions de l'article 101de la loi sur les faillites. Mais, `pour legitimes que soient les raisonsqui plaident en vue de la reconnaissance de principe de l'opposabilite dela reserve de propriete aux tiers en cas de concours, elles ne suffisentpas à permettre une application extensive de la loi sur les faillites'(B. Deconinck, La clause de reserve de propriete et son opposabilite encas de concours, R.G.D.C., 2005, 250).
Le legislateur n'a par ailleurs pas modifie l'article 20, 5DEG, de la loihypothecaire, qui demeure d'application, de sorte que, `eu egard à cetexte, le reglement collectif de dettes, la liquidation de la personnemorale ou la simple saisie du bien paraissent empecher toute invocationulterieure de la reserve de propriete' (F. Georges, Reserve de proprieteet reglement collectif de dettes, note sous Civ. Namur, 8 octobre 2007,J.L.M.B., 2008, 81 ; dans le meme sens, voir E. Balate, P. Dejemeppe et F.Domont-Naert, Le reglement collectif de dettes ; F. T'Kint, Droit dessuretes, C.U.P., volume XX, p. 122, nDEG 36).
Lors des travaux preparatoires de la loi sur les faillites, le ministre dela Justice a expose que `la reglementation proposee se situe dans lecontexte des faillites et du concordat mais est muette quant aux autresformes de concours. On s'attend à ce que la pratique du droit evolue àla lumiere de la reglementation elaboree dans le projet de loi sur lesfaillites' (Doc. parl., Chambre, 329/17, pp. 157 à 159) mais, outre lefait que ce voeu se heurtait par ailleurs au maintien de l'article 20,5DEG, de la loi hypothecaire, le legislateur ne l'a pas concretiseulterieurement lors de l'introduction de la loi sur le reglement collectifde dettes puisque aucune disposition particuliere n'a ete prevue à cetegard.
Le premier juge a des lors decide à juste titre que la clause de reservede propriete invoquee apres la decision d'admissibilite est inopposableaux tiers, meme si, de lege ferenda, une modification des reglesapplicables au reglement collectif, envisagee par la doctrine, peutapparaitre souhaitable (v. F. Georges, dejà cite ; F. Davreux, Le pointsur les suretes. Developpements recents à propos de la clause de reservede propriete, C.U.P., octobre 2000, vol. 41, p. 297) ».
Le premier juge avait decide quant à lui :
« Que monsieur C., qui a ete mis en possession du vehicule, a neanmoinsete admis en reglement collectif de dettes le 3 novembre 2008 ;
Qu'il ne ressort pas des explications de la [demanderesse] et des piecesdeposees qu'elle aurait, avant cette admissibilite, invoque la clause dereserve de propriete ;
Que l'admissibilite du debiteur en reglement collectif de dettes faitnaitre une situation de concours ;
Que, nonobstant la jurisprudence et la doctrine citees par la[demanderesse], il doit etre considere qu'une clause de reserve depropriete invoquee apres la naissance d'un concours est inopposable auxtiers (Cass., 22 septembre 1994, R.D.C., 1995, 546 : Civ. Namur, 8 octobre2007, J.L.M.B., 2008, 73) ».
Griefs
Premiere branche
Il ressort de l'article 1462 du Code judiciaire que, dans les cas ou il ya lieu à revendication de la propriete, de la possession ou de ladetention d'un objet mobilier, le revendiquant peut, moyennantl'autorisation du juge, saisir cet objet, en quelques mains qu'il setrouve.
Partant, le vendeur d'un bien meuble qui a stipule une clause de reservede propriete pourra, en cas de non-paiement du prix convenu, saisirl'objet en l'attente de la resiliation du contrat.
La clause de reserve de propriete retarde en effet conventionnellement letransfert de la propriete du bien vendu jusqu'au moment ou le prix convenuaura ete paye integralement, affectant ainsi l'obligation du vendeur detransferer la propriete du bien vendu d'un terme suspensif.
Il s'ensuit qu'avant l'echeance du terme, l'acheteur n'est que ledetenteur du bien ; il n'en devient le proprietaire que lors du paiementcomplet du prix.
Lorsque le prix reste impaye, la clause de reserve de propriete autorisele vendeur ou la personne subrogee dans ses droits à revendiquer le bienvendu.
Cette saisie-revendication reste possible, meme apres la decisiond'admissibilite à la procedure en reglement collectif de dettes dont faitetat l'article 1675/7, S: 1er, du Code judiciaire, aux termes duquelcelle-ci fait naitre une situation de concours entre les creanciers et apour consequence la suspension du cours des interets et l'indisponibilitedu patrimoine du requerant. Font partie de la masse tous les biens durequerant au moment de la decision, ainsi que les biens qu'il acquiertpendant l'execution du reglement collectif de dettes.
Si, selon le troisieme alinea de ce meme paragraphe, l'effet des cessionsde creance est suspendu jusqu'au terme, au rejet ou à la revocation duplan de reglement et si, de meme, et sauf en cas de realisation dupatrimoine, l'effet des suretes reelles et des privileges est suspendujusqu'au terme, au rejet ou à la revocation du plan, cette disposition nes'oppose nullement à l'exercice de la saisie-revendication, ayant pourobjet le retour d'un bien appartenant au revendiquant, ni d'ailleurs aurecours à la clause de reserve de propriete.
La clause de reserve de propriete constitue en effet un mecanismeconventionnel, librement consenti par les parties.
Or, si, aux termes de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ontd'effet qu'entre les parties contractantes et qu'elles ne nuisent pointaux tiers et ne leur profitent que dans le cas prevu par l'article 1121dudit code, les tiers sont tenus de respecter les effets qu'elles ontentre les parties.
Il s'ensuit que les tiers devront respecter l'effet qu'a la clause dereserve de propriete entre les parties, à savoir la remise du transfertde propriete à un moment ulterieur, tout comme les creanciers d'unacheteur ont à respecter l'effet retroactif d'une condition resolutoiredont serait affectee l'obligation du vendeur, l'effet d'un cantonnement àl'amiable reservant une certaine somme au paiement d'une dette precise àl'exclusion de toute autre ou les effets d'un credit-bail.
L'article 1675/7, S: 1er, alinea 2, du Code judiciaire, delimitant lamasse, ne fait d'ailleurs etat que des biens du debiteur, autrement ditdes biens dont il est proprietaire.
Le principe de l'opposabilite de la clause de reserve de propriete apresla naissance d'un concours est d'ailleurs consacre par l'article 101 de laloi du 8 aout 1997 sur les faillites, qui dispose que les biens meublesvendus avec une clause suspendant le transfert de propriete jusqu'aupaiement integral du prix peuvent etre revendiques, mais qui soumet cetteopposabilite à des conditions specifiques en cas de faillite, dontl'obligation d'un ecrit et l'exercice de l'action en revendication, àpeine de decheance, avant le depot du premier proces-verbal deverification des creances.
L'arret, qui rejette l'opposabilite de la clause de reserve de proprieteaux tiers apres la naissance du concours à la suite de la decisiond'admissibilite à la procedure en reglement collectif de dettes, alorsque tout tiers est tenu de respecter les effets qu'ont les contratslegalement conclus entre parties, statue en violation de la regle selonlaquelle les tiers ont à reconnaitre les effets que le contrat a entreles parties (violation des articles 1101, 1108, 1134 et 1165 du Codecivil), meconnait le principe general du droit de l'opposabilite de laclause de reserve de propriete en cas de concours, consacre notamment parl'article 101 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, meconnaitl'effet du terme suspensif dont est affectee l'obligation du vendeur detransferer la propriete du bien vendu, retardant le transfert de lapropriete jusqu'au moment du paiement du prix integral (violation desarticles 544, 1101, 1108, 1134, 1185, 1582 et 1604 du Code civil), decideillegalement que le concours ne de la decision d'admissibilite empeche levendeur de biens meubles impayes ou la personne subrogee dans ses droitsde se prevaloir encore de cette clause (violation de l'article 1675/7, S:1er, du Code judiciaire et, pour autant que de besoin, 101 de la loi du 8aout 1997 sur les faillites et 20, 5DEG, de la loi hypothecaire du 16decembre 1851 formant le titre XVIII du livre III du Code civil) et,partant, n'a pu decider legalement qu'il y avait lieu de rejeter larequete en saisie-revendication (violation de l'article 1462 du Codejudiciaire).
Deuxieme branche
Aux termes de l'article 20, 5DEG, alinea 7, de la loi hypothecaire du 16decembre 1851, le vendeur peut, si la vente a ete faite sans terme,revendiquer les objets vendus tant qu'ils sont en possession de l'acheteuret en empecher la revente, pourvu que la revendication soit faite dans lahuitaine de la livraison et qu'ils se trouvent dans le meme etat que lorsde la livraison.
Il est prevu à l'alinea 8 de ce meme article 20, 5DEG, que la decheancede l'action revendicatoire emporte egalement celle de l'action enresolution à l'egard des autres creanciers.
L'article 20, 5DEG, alineas 7 et 8, de la loi hypothecaire faitexplicitement etat de la vente faite sans terme.
Il s'ensuit que seuls les contrats de vente qui, conformement à l'article1650 du Code civil, prevoient explicitement que le prix est payable à lalivraison, ainsi que ceux qui n'ont rien regle quant au jour de paiement,auquel cas le paiement se fera conformement à l'article 1651 du Codecivil dans le temps ou doit se faire la delivrance, et plus generalementtout contrat de vente dans lequel ne figure aucun terme au sens del'article 1185 du Code civil, retardant l'execution de l'engagementjusqu'à l'echeance convenue ainsi qu'il est precise à l'article 1186 duCode civil, sont vises par cette disposition.
L'article 20, 5DEG, alineas 7 et 8, de la loi hypothecaire ne s'appliquedes lors ni à la vente à terme en general, à savoir le contrat danslequel l'engagement de l'acheteur est soumis à un terme, ni à la venteà temperament, à savoir, aux termes de l'article 1er, 9DEG, de la loi du12 juin 1991 relative au credit à la consommation, tout contrat decredit, quelle que soit sa qualification ou sa forme, qui doit normalementemporter acquisition de biens meubles corporels ou prestations deservices, vendus par le preteur ou l'intermediaire de credit, vise àl'article 1er, 3DEG, alinea 2, et dont le prix s'acquitte, par versementsperiodiques, en trois paiements au moins, non compris l'acompte.
Dans ces deux cas, l'engagement de l'acheteur est en effet retarde dans letemps.
En declarant la clause de reserve de propriete non opposable auxcreanciers de l'acheteur en concours avec le vendeur d'objets mobiliers encas de reglement collectif de dettes à partir de la decisiond'admissibilite au motif que l'article 20, 5DEG, de la loi hypothecairepose comme condition que le droit de revendication soit exerce dans lahuitaine de la livraison, alors que les alineas 7 et 8 dudit article neconcernent que la vente sans terme, à l'exclusion de la vente àtemperament ou à terme, dans lequel le prix ne devient exigible qu'au furet à mesure des echeances convenues, l'arret ne justifie pas legalementsa decision (violation des articles 20, 5DEG, alineas 7 et 8, de la loihypothecaire du 16 decembre 1851, 1185, 1186, 1582, 1650, 1651 du Codecivil et 1er, 9DEG de la loi du 12 juin 1991 relative au credit à laconsommation).
Troisieme branche
Dans l'hypothese ou la Cour admettrait que l'article 1675/7, S: 1er, duCode judiciaire, lu en combinaison avec l'article 20, 5DEG, de la loihypothecaire du 16 decembre 1851, s'oppose à ce que le vendeur impaye seprevale, apres la naissance du concours, de la clause de reserve depropriete afin de revendiquer le bien lui appartenant, l'arret faitapplication d'une disposition inconstitutionnelle.
En effet, aux termes des articles 10 et 11 de la Constitution, les Belgessont egaux devant la loi.
Il s'ensuit que les personnes se trouvant dans des situations identiquesdoivent etre traitees de fac,on identique.
Le vendeur d'un bien meuble à une personne physique dont la requete enobtention d'un reglement collectif de dettes a ete declaree recevable, oula personne subrogee dans ses droits, se trouve dans une situationidentique à celle du vendeur d'un bien meuble à une personne physiquequi a ete declaree en etat de faillite puisque aussi bien la decisiond'admissibilite dont il est question à l'article 1675/7, S: 1er, du Codejudiciaire que le jugement declaratif de faillite font naitre unesituation de concours entrainant la constitution d'une masse, lasuspension du paiement des dettes ainsi que la suspension de toute mesured'execution à partir de cette date.
Or, alors que l'article 101 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillitesprevoit explicitement la possibilite pour le vendeur d'un bien meuble,vendu sous reserve de propriete, de revendiquer ledit bien apres lanaissance du concours et ce, jusqu'au depot du premier proces-verbal deverification des creances, la clause de reserve de propriete, comprisedans le contrat de vente d'un bien meuble à une personne physique noncommerc,ante, qui a obtenu une decision d'admissibilite au sens del'article 1675/7, S: 1er, du Code judiciaire, est inopposable auxcreanciers concurrents du vendeur impaye, sans qu'un critere objectif nejustifie raisonnablement ce traitement different du vendeur impaye d'unbien meuble vendu sous reserve de propriete.
Bien au contraire, le legislateur a lui-meme indique dans les travauxparlementaires de la loi du 8 aout 1997 que la meme solution s'imposaitdans le cadre des autres situations de concours.
En excluant la possibilite de se prevaloir de la clause de reserve depropriete et, partant, de revendiquer le bien vendu sous reserve depropriete au motif que l'article 1675/7, S: 1er, du Code judiciaire, quidispose que la decision d'admissibilite fait naitre un concours, lu encombinaison avec l'article 20, 5DEG, de la loi hypothecaire, s'y oppose,alors que cette possibilite est reconnue dans le chef du meme vendeur,lorsque l'acheteur est declare en etat de faillite, l'arret faitapplication d'une disposition inconstitutionnelle (violation des articles10, 11 et 159 de la Constitution ainsi que, pour autant que de besoin,1675/7, S: 1er, du Code judiciaire, 101 de la loi du 8 aout 1997 sur lesfaillites et 20, 5DEG, de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851).Partant, la demanderesse invite la Cour à sanctionner cetteinconstitutionnalite, apres avoir soumis, en application de l'article 26,S: 2, de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à laCour constitutionnelle la question suivante :
L'article 1675/7, S: 1er, du Code judiciaire, le cas echeant lu encombinaison avec l'article 20, 5DEG, de la loi hypothecaire du 16 decembre1851, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cettedisposition, interpretee en ce sens que le concours entre creanciers, nede la decision d'admissibilite à la procedure en reglement collectif dedettes, s'oppose, en l'absence de disposition specifique en ce sens, à ceque le vendeur d'un bien meuble impaye, vendu sous reserve de propriete àune personne physique, admise à la procedure de reglement collectif dedettes, mette encore en oeuvre cette clause apres la naissance duconcours, alors qu'en cas de concours ne de la faillite, le vendeur impayed'un bien meuble identique, vendu sous des conditions identiques à unepersonne physique, declaree en etat de faillite, pourra, en application del'article 101 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, encore seprevaloir de ladite clause et exercer l'action en revendication apres lanaissance du concours et ce, jusqu'au depot du premier proces-verbal deverification des creances ?
III. La decision de la Cour
L'arret constate que la demanderesse a assure le financement del'acquisition par J.-F. C. d'un vehicule Opel Corsa, en se reservant lapropriete du vehicule jusqu'au paiement complet du prix ; que J.-F. C. aete admis au reglement collectif de dettes ; que la demanderesse avainement demande au mediateur de dettes la restitution du vehicule, et,par confirmation de l'ordonnance du juge des saisies, rejette la requeteen saisie-revendication de la demanderesse.
Quant à la premiere branche :
D'une part, il n'existe pas de principe general du droit de l'opposabilitede la clause de reserve de propriete en cas de concours.
D'autre part, la clause par laquelle les parties conviennent de retarderle transfert de propriete d'un effet mobilier est licite.
Toutefois, cette clause, valable entre les parties, n'est pas opposableaux creanciers de l'acheteur en cas de concours avec le vendeur lorsquel'acheteur a ete mis en possession de la chose vendue.
En ce cas, l'article 20, 5DEG, de la loi hypothecaire determine les droitsdu vendeur d'effets mobiliers en concours avec les autres creanciers : sile debiteur a ete mis en possession de la chose vendue, le vendeur nonpaye ne dispose que d'un privilege sur le prix.
L'article 1675/7, S: 1er, du Code judiciaire dispose que la decisiond'admissibilite fait naitre une situation de concours entre lescreanciers.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l'affirmation que le vendeurpeut obtenir, apres l'ouverture d'une procedure en reglement collectif dedettes, le benefice d'une saisie-revendication de la chose vendue avec uneclause de reserve de propriete, manque en droit.
Quant à la deuxieme branche :
S'il releve que « le droit de revendication du vendeur qui s'est dessaisides biens n'est maintenu que si la revendication est faite dans lahuitaine et qu'ils se trouvent dans le meme etat que lors de lalivraison », l'arret ne considere pas que les alineas 7 et 8 de l'article20, 5DEG, de la loi hypothecaire, qui prevoient les conditions danslesquelles subsiste le droit de revendication du vendeur, s'appliquent àla vente à terme et ne rejette pas pour ce motif la demande enrevendication.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la troisieme branche :
En cette branche, le moyen soutient que, si l'article 1675/7, S: 1er, duCode judiciaire, le cas echeant lu en combinaison avec l'article 20, 5DEG,de la loi hypothecaire du 16 decembre 1851, devait etre interprete commeexcluant que le vendeur d'effet mobilier impaye puisse se prevaloir d'uneclause de reserve de propriete, il y aurait lieu de poser à la Courconstitutionnelle la question s'il ne s'ensuivrait pas une difference detraitement injustifiee entre, d'une part, le vendeur impaye d'un effetmobilier qui, confronte à une situation de concours resultant d'unedecision d'admissibilite du debiteur à une procedure en reglementcollectif de dettes, ne peut invoquer le benefice d'une clause de reservede propriete et, d'autre part, le vendeur impaye d'un effet mobilier qui,confronte à une situation de concours resultant de la mise en faillite dudebiteur, peut invoquer le benefice d'une telle clause dans les conditionsprescrites par l'article 101 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites.
L'article 101 exige, pour que la clause suspendant le transfert depropriete jusqu'au paiement integral du prix permette la revendicationd'un bien, que cette clause ait ete etablie par ecrit, au plus tard aumoment de la delivrance du bien, que le bien se retrouve en nature chez ledebiteur, que l'action en revendication soit exercee avant le depot dupremier proces-verbal de verification des creances et que les frais degarde ou de restitution du bien soient pris en charge par le proprietaire.
A supposer que la Cour constitutionnelle donne une reponse positive àcette question, la Cour ne pourrait que constater une lacune legislative,sur les conditions dans lesquelles l'action en revendication pourraits'exercer dans une situation de concours resultant d'une procedure enreglement collectif de dettes.
Seul le legislateur pourrait combler une telle lacune.
La question prejudicielle proposee à l'appui du grief qui y est developpene doit pas etre posee à la Cour constitutionnelle.
En presence de cette lacune, seule la disposition legale existantactuellement doit s'appliquer, de sorte que la cour d'appel n'eut pudonner effet à la clause de reserve de propriete dont se prevaut lademanderesse.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de trois cent vingt-cinq euros envers lapartie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Christine Matray et Martine Regout, et prononce enaudience publique du sept mai deux mille dix par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Regout | Chr. Matray |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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7 MAI 2010 C.09.0317.F/1