Cour de cassation de Belgique
Arret
21
NDEG C.09.0451.F
1. K. A. S. et
2. K. G.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 523, ou il est faitelection de domicile,
contre
SATIM, societe privee à responsabilite limitee dont le siege social estetabli à Brunehaut (Guignies), rue Blanche Porte, 4,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 mars 2009par la cour d'appel de Bruxelles.
Le president Christian Storck a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 32 et 46 (tels qu'ils etaient applicables avant leurmodification par la loi du 5 aout 2006 et tels qu'ils sont applicablesdepuis leur modification par cette loi), 747, specialement S: 2 (tel qu'iletait applicable apres sa modification par la loi du 23 decembre 2005 etavant sa modification par la loi du 26 avril 2007, et tel qu'il estapplicable depuis sa modification par cette derniere), 748 et 750 (telsqu'ils etaient applicables avant leur modification par la loi du 26 avril2007 et tels qu'ils sont applicables depuis leur modification par cetteloi), 751 (tel qu'il etait applicable avant son abrogation par la loi du26 avril 2007), 754, 769, 802, 803, 804 et 1042 du Code judiciaire ;
- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.
Decisions et motifs critiques
L'arret declare statuer par defaut repute contradictoire à l'egard desdemandeurs en application de l'article 748 du Code judiciaire, dit l'appelprincipal seul fonde et, en consequence, met à neant le jugement attaque,sauf en ce qu'il a rec,u les demandes principale, incidentes etreconventionnelle et a liquide les depens de premiere instance, dit lademande reconventionnelle originaire seule fondee dans la mesure qu'ilprecise, ordonne aux demandeurs de passer, dans les deux mois, l'acteauthentique de vente constatant la vente à la defenderesse pour le prixde 632.128 euros de l'immeuble litigieux, dit qu'à defaut pour l'une desparties de passer l'acte authentique dans le delai precite, l'arrettiendra lieu de titre constatant la vente du bien et pourra etre transcritdans le registre des hypotheques, et condamne les demandeurs aux depensdes deux instances.
Griefs
En vertu de l'article 747, S: 2, du Code judiciaire, tel qu'il etaitapplicable avant sa modification par la loi du 26 avril 2007, les delaispour conclure peuvent etre fixes par le president ou par le juge designepar lui, à la demande d'au moins une des parties. Le president ou le jugedesigne par lui determine les delais pour conclure et fixe la date del'audience des plaidoiries. L'ordonnance de mise en etat et de fixationest notifiee par pli simple aux parties et à leur avocat, et, au jourfixe, la partie la plus diligente peut requerir un jugementcontradictoire.
En vertu de l'article 747, S: 2, du Code judiciaire, tel qu'il a etemodifie par la loi du 26 avril 2007, l'ordonnance de mise en etat et defixation est notifiee par pli simple aux parties et, le cas echeant, àleurs avocats, et par pli judiciaire aux parties defaillantes, et, au jourfixe, la partie la plus diligente peut requerir un jugement, lequel est,en tout etat de cause, contradictoire.
L'article 748 du Code judiciaire, tant dans sa version anterieure à laloi du 26 avril 2007 que dans sa version posterieure, permet à la partiequi a conclu de demander à beneficier d'un nouveau delai pour conclurelorsqu'une piece ou un fait nouveau et pertinent est decouvert. Le jugepeut ainsi determiner de nouveaux delais pour conclure et modifie sinecessaire la date des plaidoiries. L'article 748 du Code judiciairedispose qu'au jour fixe, la partie la plus diligente peut requerir unjugement contradictoire.
En vertu de l'article 754 du Code judiciaire, en cas de remise de lacause, le greffier envoie un simple avis de celle-ci aux avocats desparties ou à la partie elle-meme, si elle n'a pas d'avocat.
Il apparait du proces-verbal de l'audience publique de la premiere chambrebis de la cour d'appel du 26 avril 2007 que les demandeurs et ladefenderesse ont sollicite devant cette cour l'organisation d'uncalendrier d'echange des conclusions et la fixation d'une audience pourplaidoiries. La cour [d'appel] a fait droit à cette demande par uneordonnance du 26 avril 2007 prise en application de l'article 747, S: 2,du Code judiciaire, fixant un calendrier d'echange des conclusions, soitdeux jeux de conclusions pour la defenderesse et trois jeux de conclusionspour les demandeurs, fixant à quarante minutes le temps des plaidoirieset disposant que la demande de fixation pour plaidoiries prenait rang dansla liste d'attente des affaires en etat.
Ce calendrier d'echange n'a pu etre respecte, seules des conclusionsprincipales d'appel ayant alors ete deposees pour les demandeurs par lesdeux avocats mentionnes dans ces conclusions, à savoir Maitres Fathia ElBoubsi et Benoit Vandervelde, dont le cabinet etait alors etabli 283,avenue Louise, à Bruxelles, et des conclusions principales ayant etedeposees pour la defenderesse. Le conseil des demandeurs, Maitre BenoitVandervelde, dont le cabinet etait alors etabli 283, avenue Louise, àBruxelles, n'a pas rec,u lesdites conclusions principales de ladefenderesse. En consequence, il n'a pas davantage redige et communiqued'autres conclusions dont l'echange etait prevu par l'ordonnance du 26avril 2007 et, en raison d'un conflit deontologique sur la question de lacommunication des conclusions principales de la defenderesse, s'estfinalement deporte de l'affaire en juillet 2008. Les demandeurs n'ont pudes lors communiquer les deux autres jeux de conclusions que l'ordonnancedu 26 avril 2007 avait prevus et repondre ainsi aux conclusionsprincipales de la defenderesse, communiquees apres leurs propresconclusions principales d'appel, dont ils n'avaient en outre pu prendreconnaissance.
Le 19 novembre 2008, le greffe de la cour d'appel a notifie par simpleavis aux demandeurs, à la defenderesse, à son conseil et à Maitre ElBoubsi un avis de fixation, fixant la cause à l'audience du 27 janvier2009, ledit avis etant « communique pour satisfaire à l'article 754 duCode judiciaire ». A cette date du 19 novembre 2008, Maitre El Boubsin'etait dejà plus le conseil des demandeurs et Maitre Vandervelde s'etaitdeporte du dossier. A la date de l'avis de fixation litigieux, lesdemandeurs n'etaient donc plus assistes d'un conseil. Les demandeursexposent ne jamais avoir eux-memes rec,u l'avis de fixation litigieux.
L'arret constate que les demandeurs n'ont pas comparu à l'audience ainsifixee, à laquelle la cause a ete prise en delibere.
L'arret declare cependant statuer par defaut repute contradictoire àl'egard des demandeurs, en application de l'article 748 du Codejudiciaire, alors qu'il apparait qu'aucune demande fondee sur l'article748 du Code judiciaire, ancien ou nouveau, n'avait ete formulee aupres dela cour [d'appel], qui ne pouvait des lors statuer par defaut reputecontradictoire à l'egard des demandeurs, en application de cettedisposition. Ainsi, l'arret viole toutes les dispositions visees au moyen.
Subsidiairement, s'il apparait que l'arret commet une erreur materielle enindiquant statuer par defaut repute contradictoire en application del'article 748 du Code judiciaire, alors qu'il fonde en realite cettedecision sur l'article 747 de ce code, ancien ou nouveau, ou qu'il soitdecide que l'arret a effectivement pu fonder sa decision sur l'article 748du Code judiciaire, l'arret ne justifie en tout etat de cause paslegalement sa decision.
Lorsque l'affaire est mise en etat à l'audience d'introduction enapplication de l'article 747, S: 2, ancien ou nouveau, du Code judiciaireet est ensuite inscrite sur la liste d'attente des affaires en etat, cettefixation s'analyse comme une remise de l'audience à une dateindeterminee. Lorsque la date de l'audience des plaidoiries esteffectivement fixee à une date d'audience de plaidoiries, un avis est deslors envoye conformement à l'article 754 du Code judiciaire.
Le Code judiciaire prevoit un systeme de fixation contradictoire etgarantit à cet egard le droit de defense des parties.
Dans la presente cause, la fixation a ete effectuee contradictoirement parune ordonnance du 26 avril 2007 prise en application de l'article 747, S:2, ancien, du Code judiciaire, laquelle ordonnance a inscrit la cause dansla liste d'attente des affaires en etat. Sans que toutes les parties ledemandent ou l'acceptent, le greffe de la cour d'appel a unilateralementfixe la cause à l'audience du 27 janvier 2009, en application del'article 747, S: 2, du Code judiciaire. Les parties n'ont pas eteinformees de cette modification par pli judiciaire, mais par un pli simplecommunique aux parties et à leurs conseils par le greffe afin de «satisfaire à l'article 754 du Code judiciaire », selon lequel, en cas deremise de la cause, le greffier envoie un simple avis. Maitre El Boubsin'etait alors plus le conseil des demandeurs. L'avis de fixation litigieuxn'a par ailleurs pas ete envoye à Maitre Vandervelde, alors qu'iln'apparait pas du dossier que le greffe etait informe du fait que cedernier s'etait deporte de cette affaire et que, meme effectivementdeporte, il aurait pu et du informer les demandeurs de la fixation qui luiaurait ete signifiee. Les demandeurs n'ont quant à eux pas rec,u leditavis de fixation, expedie par un courrier ordinaire et apparemment egarepar un accident postal. Les demandeurs n'ont des lors pas comparu le jourde l'audience ainsi fixee, à laquelle la cause a ete prise en delibere,et n'ont pas pu y presenter leurs moyens.
Or, lorsque la fixation determinee en vertu de l'article 747, S: 2, duCode judiciaire, tel qu'il etait applicable avant sa modification par laloi du 26 avril 2007 ou tel qu'il est applicable depuis cettemodification, est modifiee par le juge sans que toutes les parties ledemandent ou l'acceptent et lorsqu'une partie ne comparait pas le jourainsi fixe à la suite de cette modification, le juge qui instruit lacause à cette date ne peut statuer par une decision reputeecontradictoire en application de cet article. Il en va de meme lorsque lafixation a ete determinee en vertu de l'article 748 du Code judiciaire etest ulterieurement unilateralement modifiee par le juge.
De la meme maniere et pour les memes raisons, lorsque la fixationdeterminee en vertu de l'article 747, S: 2, ancien ou nouveau, du Codejudiciaire s'apparente à une remise à une date indeterminee, et que,sans que toutes les parties le demandent ou l'acceptent, le greffe procedeà une remise de la cause à une date determinee, et lorsqu'une partie necomparait pas le jour ainsi fixe unilateralement par le juge, le juge quiinstruit la cause à cette date ne peut statuer par une decision reputeecontradictoire en application de l'article 747 ou 748 du Code judiciaire.
L'ordonnance du 26 avril 2007 ayant inscrit contradictoirement la causedans la liste d'attente des affaires en etat, le greffe de la cour d'appelayant redistribue la cause et l'ayant fixee au 27 janvier 2009, notifiantaux demandeurs cette redistribution par un simple avis le 19 novembre2008, lequel n'a pas ete rec,u par les demandeurs, et ces derniers n'ayantdes lors pas comparu à l'audience ainsi fixee, la cour d'appel n'a pustatuer par une decision reputee contradictoire en vertu de l'article 747,S: 2, ancien ou nouveau, du Code judiciaire. L'arret viole ainsi toutesles dispositions visees au moyen et meconnait le principe general du droitrelatif au respect des droits de la defense.
S'il est interprete comme faisant effectivement application de l'article748 du Code judiciaire afin de statuer par defaut repute contradictoire àl'egard des demandeurs, l'arret, pour les memes raisons que celles pourlesquelles il n'aurait pu statuer contradictoirement en vertu de l'article747 du Code judiciaire, n'a pu statuer contradictoirement en vertu del'article 748 du Code judiciaire. L'arret viole ainsi toutes lesdispositions visees au moyen.
III. La decision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse et deduitede ce qu'il est denue d'interet :
L'arret declare etre rendu « par defaut » mais « reputecontradictoire » à l'egard des demandeurs.
La circonstance que le juge qualifie sa decision de jugement ou arretcontradictoire, de jugement ou arret repute contradictoire ou de jugementou arret par defaut n'en modifie pas la nature veritable.
La qualification erronee d'un jugement ou d'un arret qui est, d'apres sanature, rendu par defaut, n'affecte pas le droit de la partie defaillanted'y faire opposition.
Le moyen, qui critique l'enonciation de l'arret qu'il est reputecontradictoire, est, partant, denue d'interet.
La fin de non-recevoir est fondee.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux depens.
Les depens taxes à la somme de sept cent trente-trois euros septante etun centimes envers les parties demanderesses et à la somme de centseptante-deux euros trente-six centimes envers la partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Albert Fettweis, Christine Matray et Martine Regout, et prononce enaudience publique du sept mai deux mille dix par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M. Regout | Chr. Matray |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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7 MAI 2010 C.09.0451.F/1