N° P.09.1245.F
I. R.W., G., S.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseils Maîtres Dominique Léonard et Marie-Françoise Dubuffet, avocats au barreau de Bruxelles,
II. V. R., J.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseil Maître Marie-Françoise Dubuffet, avocat au barreau de Bruxelles,
les deux pourvois contre
1. V.D.,
2. d. D.d. H. T.,
3. G. F.,
4. C. J.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 juin 2009 par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 25 juin 2008.
Chacun des demandeurs a déposé deux mémoires distincts invoquant deux moyens. Ces mémoires sont annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions rendues sur l'action publique :
Sur le premier moyen présenté pour les demandeurs par Maîtres John Kirkpatrick, Dominique Léonard et Michel Mahieu :
Quant à la première branche :
Devant les juges d'appel, les demandeurs ont contesté l'intention frauduleuse requise par la prévention de faux en écritures. A cet égard, ils ont invoqué que le compte ouvert au nom de l'Association nationale des patrons électriciens de Belgique (A.N.P.E.B.) auprès de la B.B.L. n'avait pas de caractère occulte dès lors que des sommes importantes avaient été versées depuis ce compte sur celui ouvert à la S.G.B. et comptabilisées, que le conseil d'administration de l'A.N.P.E.B. n'avait émis aucun grief lors de sa réunion du 16 février 1999 en ce qui concerne l'existence de ce compte, que lors des réunions dudit conseil tenues le 11 mai 1998 et le 16 février 1999, aucun reproche n'avait été émis en ce qui concerne les remboursements forfaitaires de frais et que l'absence de la mention de ce compte dans la comptabilité de l'A.N.P.E.B. ne résultait que d'une négligence.
Les demandeurs font grief à l'arrêt de ne pas répondre à ces conclusions ; le second demandeur reproche également aux juges d'appel d'avoir violé les articles 193 à 197, 213 et 214 du Code pénal.
Après avoir relevé que l'ouverture d'un nouveau compte à la B.B.L. n'avait pas été évoquée lors de la réunion du conseil d'administration du 11 avril 1990 et qu'il n'est pas sérieux de retenir qu'à cette date, ledit conseil avait pris la décision d'ouvrir un compte dans cette institution, l'arrêt énonce que la dissimulation de ce compte ressort du procès-verbal de la réunion du comité directeur tenue le 11 mai 1998, dans les débuts de l'enquête interne à l'A.N.P.E.B. mue sur l'initiative de certaines parties civiles, puisque ses membres ont regretté de n'avoir pas été mis au courant des remboursements forfaitaires litigieux. L'arrêt considère également que tant l'article 13 des statuts que la pratique instaurée par l'A.N.P.E.B. ne laissent aucune ambiguïté sur la nécessité de faire figurer ce compte sur les documents soumis au conseil d'administration et à l'assemblée générale et que la thèse de l'oubli et de la simple négligence s'avère fantaisiste si l'on se réfère aux détails des préoccupations du conseil d'administration.
Par ces considérations, les juges d'appel ont rencontré la défense des demandeurs, sans être tenus de répondre davantage aux conclusions précitées qui devenaient sans pertinence, et ils ont légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Les demandeurs font grief à l'arrêt de se contredire en reconnaissant que des transferts de sommes ont été réalisés sur le compte officiel de l'A.N.P.E.B. auprès de la S.G.B. au départ du compte ouvert au nom de cette association auprès de la B.B.L. tout en considérant que ce dernier compte était occulte.
L'arrêt ne contient pas la contradiction dénoncée. Il ressort en effet de la motivation de celui-ci que les juges d'appel ont qualifié d'occulte le compte B.B.L. dans la mesure où les versements autres que ceux effectués sur le compte officiel précité n'étaient pas comptabilisés et étaient dès lors celés aux autres administrateurs de l'A.N.P.E.B.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le second moyen présenté pour les demandeurs par Maîtres John Kirkpatrick, Dominique Léonard et Michel Mahieu :
Quant à la première branche :
Pour les motifs mentionnés en réponse à la seconde branche du premier moyen, similaire, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Les demandeurs soutiennent qu'aucune somme ne leur a été remise à la condition de la rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé.
Le délit d'abus de confiance est consommé dès que la personne à laquelle des biens meubles ont été confiés avec l'obligation de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé se trouve dans la situation de ne pouvoir, soit les restituer, soit en faire l'usage ou l'emploi convenu. Le détournement ne perd pas son caractère illicite du seul fait que les sommes d'argent dissipées qui en sont l'objet proviennent d'un compte ouvert au nom d'une personne morale.
Etant assimilé par la loi à un mandataire, l'administrateur d'une association sans but lucratif commet le délit d'abus de confiance lorsqu'il détourne ou dissipe les avoirs sociaux confiés à sa gestion.
L'arrêt énonce d'abord que les demandeurs, en qualité de dirigeants de droit d'une association sans but lucratif, ont fait deux emplois distincts de l'allocation des sommes versées annuellement à l'A.N.P.E.B. par le Fonds de sécurité d'existence pour couvrir les frais administratifs liés à la gestion des avantages sociaux dont l'association avait la charge. Il précise ensuite que l'un de ces emplois a consisté dans le prélèvement de fonds reçus sur le compte occulte B.B.L., lesquels étaient entre leurs mains en vertu de leur mandat et dont ils avaient la possession précaire à la suite du pouvoir de signature général dont ils avaient été investis. Il considère enfin qu'en agissant à l'insu des organes de contrôle de l'association, les demandeurs se sont comportés en véritables propriétaires de ces fonds au mépris des droits de celle-ci qui a été privée de la faculté d'en disposer, en temps réel, comme propriétaire.
Par ces considérations, l'arrêt justifie légalement la déclaration de culpabilité des demandeurs du chef d'abus de confiance.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le premier moyen présenté pour les demandeurs par Maître Marie-Françoise Dubuffet :
Dans la mesure où il invoque une contradiction dans l'arrêt sans indiquer en quoi les juges d'appel se sont contredits, le moyen est irrecevable à défaut de précision.
En tant qu'il réitère le grief, vainement invoqué, d'une absence de réponse aux conclusions déposées devant les juges d'appel, le moyen ne peut être accueilli.
En tant qu'il soutient que l'arrêt viole la foi due aux procès-verbaux du conseil d'administration de l'A.N.P.E.B. des 11 mai 1998 et 16 février 1999 ainsi qu'aux conclusions des demandeurs, alors que les juges d'appel ne se sont pas fondés sur ces pièces pour statuer sur l'élément moral de la prévention de faux en écritures, le moyen manque en fait.
Les demandeurs allèguent enfin que la cour d'appel ne pouvait considérer l'intention frauduleuse établie dès lors que les prélèvements opérés ont été ratifiés par le conseil d'administration.
L'existence des éléments constitutifs d'une infraction s'appréciant au moment de la commission de celle-ci, le moyen, à cet égard, manque en droit.
Sur le second moyen présenté pour les demandeurs par Maître Marie-Françoise Dubuffet :
Quant à la première branche :
Pour les motifs indiqués en réponse au second moyen ci-dessus, les juges d'appel ont rencontré la défense selon laquelle l'élément matériel de la prévention d'abus de confiance n'était pas établi et ils ont légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Pour les motifs indiqués en réponse au second moyen ci-dessus, ayant constaté l'élément matériel de l'abus de confiance et non l'usage abusif de biens sociaux par les demandeurs, la cour d'appel a légalement décidé de déclarer ceux-ci coupables de la première de ces infractions.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
B. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions qui, rendues sur les actions civiles exercées par les défendeurs contre les demandeurs, statuent sur
1. le principe de la responsabilité :
Les demandeurs ne font valoir aucun moyen spécial.
2. l'étendue des dommages :
Les demandeurs se désistent de leur pourvoi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre les décisions qui, rendues sur les actions civiles exercées par les défendeurs contre les demandeurs, statuent sur l'étendue des dommages ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent soixante-cinq euros trente-sept centimes dus dont I) sur le pourvoi de W. R. : quatre-vingt-deux euros soixante-neuf centimes et II) sur le pourvoi de R. V. :
quatre-vingt-deux euros soixante-huit centimes.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, président, Frédéric Close, président de section, Benoît Dejemeppe, Pierre Cornelis et Gustave Steffens, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept octobre deux mille dix par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.