Cour de cassation de Belgique
Arret
2326
NDEG P.10.1094.F
1. V.S.,
2. TOTAL MANAGEMENT ASSOCIATES, societe anonyme de droit luxembourgeoisdont le siege est etabli à Capellen (Grand-Duche de Luxembourg), ruede la Gare, 1 A,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. R.D., H., J., P., G.,
2. B. P.-Y., J., N., G.,
3. R. Y., J., L.,
4. T.S., C.,
5. SONIA TOUSSAINT & CO, societe privee à responsabilite limitee dont lesiege est etabli à Waimes, rue du Camp, 31, ayant pour mandataire ad hocMaitre Gilles Closon, avocat à Liege,
prevenus,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,et ayant pour conseil Maitre Dominique Leonard, avocat au barreau deBruxelles.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 20 mai 2010 par la courd'appel de Liege, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le president de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen :
Les demandeurs ont depose des conclusions soutenant, en substance, que lepremier defendeur a fait supporter par la societe dont il etait un desgerants, les honoraires dus à un architecte d'interieur pourl'amenagement de sa villa, en ce compris la partie privative del'immeuble. Ils ont fait valoir que les factures relatives à ces fraisont ete introduites frauduleusement dans la comptabilite de la societecomme se rapportant aux activites propres de celle-ci, que les facturesn'etaient pas accompagnees de leurs annexes descriptives, et que leurenregistrement comme frais de sous-traitance a empeche la societe decontroler la nature exacte des prestations passees en compte.
L'arret enonce que la repartition des resultats de la societe etaitdiscutee entre les associes, que la societe prenait en charge, avantimputation sur les comptes de resultats des gerants, les fraisattribuables personnellement aux associes, qu'il existait donc unepratique concertee d'imputation de frais supportes par la societe aubenefice des associes, et que meme si les factures de l'architected'interieur ont ete transmises sans leurs annexes, leur imputationcomptable a bien ete soumise à l'examen du demandeur. Les juges d'appelen ont deduit que l'intention frauduleuse n'etait pas prouvee àsuffisance.
Par ces enonciations, les juges d'appel ont satisfait à l'obligation demotivation. Ils n'etaient pas tenus de repondre en outre aux critiquesdenonc,ant les procedes de comptabilisation des factures, ces critiques neconstituant que des arguments invoques pour justifier le bien-fonde de laprevention, et non un moyen distinct.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Sous la prevention D.6, les trois premiers defendeurs ont ete poursuivisdu chef d'avoir, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire,outrepasse leur pouvoir d'acces à un systeme informatique, avec lacirconstance qu'ils en ont repris les donnees, en ont fait usage ou luiont cause un dommage quelconque.
L'arret releve que les deux premiers defendeurs avaient le droit d'accederaux donnees litigieuses lorsque le deuxieme en a demande et obtenu lacopie. Cette constatation exclut le depassement du pouvoir d'accesincrimine par l'article 550bis, S: 2, du Code penal.
Les juges d'appel n'avaient pas à verifier en outre si les trois premiersdefendeurs se sont maintenus dans le systeme informatique de lademanderesse ou y ont accede apres leur demission, puisqu'ils n'etaientpas, sous la prevention D.6, poursuivis du chef de l'infraction prevue auparagraphe premier de l'article 550bis precite.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
Quant à la premiere branche :
Les trois premiers defendeurs ont ete poursuivis, sous la prevention F.8,du chef d'avoir detourne ou dissipe des effets leur ayant ete remis à lacondition de les rendre ou d'en faire un usage ou un emploi determine. Leseffets vises par cette prevention sont les donnees liees au site et à lamessagerie de la societe, donnees qu'il etait reproche aux defendeursd'avoir manipulees et conservees par-devers eux à leur propre usage.
Les choses mobilieres sur lesquelles peut porter l'abus de confiance sontcelles qu'enumere limitativement l'article 491 du Code penal. Si cettedisposition ne s'applique pas, en regle, aux ecrits ne contenant niobligation ni decharge, en revanche elle sanctionne leur detournementlorsque ces ecrits constituent une marchandise ou ont une valeureconomique.
Des logiciels, etudes, rapports, documents contractuels, listes decontacts et autres outils de gestion, figurant dans un systemeinformatique, peuvent etre assimiles aux ecrits de toute nature ou autresobjets mobiliers corporels vises par l'article 491 du Code penal.
L'arret constate cependant (pp. 14 et 15, S:S: 28 et 29), qu'aucuneinformation fiable n'est fournie sur le contenu reel du site dont lademanderesse dit avoir ete depossedee et qu'à l'inverse, ce site n'etaitpas utilise ou seulement de maniere marginale.
Ces considerations suffisent à fonder l'acquittement critique, les jugesd'appel ayant denie aux objets vises par la prevention la valeursusceptible d'en faire des choses pouvant etre detournees.
Ne pouvant entrainer la cassation, le moyen, en cette branche, estirrecevable.
Quant à la seconde branche :
Les demandeurs reprochent à l'arret de fonder l'acquittement relatif àla prevention d'abus de biens sociaux sur l'affirmation que les donneesinformatiques ne sont pas visees par l'article 492bis du Code penal commepouvant faire l'objet de l'usage frauduleux que cet article reprime.
Sous la prevention E.7, les trois premiers defendeurs ont ete poursuivisdu chef d'avoir fait, des biens ou du credit de la personne morale, unusage qu'ils savaient significativement prejudiciable à ses interetspatrimoniaux, et ce en manipulant les donnees informatiques liees au sitehebergeant les fichiers, programmes ou repertoires indispensables àl'activite de la societe, et en conservant ces donnees par-devers eux àleur propre usage.
L'arret releve que la realisation d'une copie des donnees figurant sur lesite de la societe ainsi que de sa messagerie n'a entraine ni effacement,ni modification, ni manipulation (pp. 15 et 16, S:S: 30 et 35), et quecette operation n'a pas empeche la societe de poursuivre l'execution deses contrats puisque toute l'informatique utilisee lors des etudesrealisees par la demanderesse etait, en realite, implantee chez sesclients (p.15, S: 32).
Ces considerations excluent l'usage significativement prejudiciable,requis par l'article 492bis du Code penal. Sur ce fondement, les jugesd'appel ont legalement decide que l'infraction n'etait pas etablie.
Ne pouvant entrainer la cassation, le moyen est, en cette branche,irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de cent un euros quinzecentimes dont septante et un euros quinze centimes dus et trente eurospayes par ces demandeurs.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close et Paul Mathieu, presidents de section, Benoit Dejemeppe etPierre Cornelis, conseillers, et prononce en audience publique du cinqjanvier deux mille onze par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | P. Cornelis | B. Dejemeppe |
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| P. Mathieu | F. Close | J. de Codt |
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5 JANVIER 2011 P.10.1094.F/6