Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.10.2020.N
1. G. DE C.,
2. L. V.,
prevenues,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. R. T.,
2. L' INSPECTEUR URBANISTE REGIONAL,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 9 novembre2010 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le president de section Etienne Goethals a fait rapport.
L'avocat general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la cour :
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 159 de la Constitution et6.1.41, S: 1er, du Code flamand de l'amenagement du territoire : l'arretaccede aux deux aspects de la demande de reparation sur la base d'uncontrole de legalite qui n'est pas conforme à l'article 6.1.41, S: 1er,du Code flamand de l'amenagement du territoire ; en ce qui concerne lamesure de reparation à ordonner, cette disposition fait une distinctionentre les delits selon qu'il s'agit d'infractions aux prescriptionsd'affectation ou à un ordre de cessation ou contraires à d'autresprescriptions urbanistiques relatives aux affectations (point 1DEG) oud'infractions à d'autres prescriptions urbanistiques (point 2DEG) ; dansle premier cas s'applique la regle de la restauration de l'endroit dansson etat initial ou l'execution de travaux d'adaptation, alors que lesecond cas requiert le paiement d'une plus-value ; il peut etre deroge àla premiere regle si l'inspecteur urbaniste demontre que cela porteraitmanifestement et de fac,on disproportionnee prejudice à l'amenagementlocal si la construction ne devait etre demolie ou adaptee, mais que seulela plus-value ferait l'objet d'une compensation ; il est evident que cecontrole du caractere raisonnable, qui s'integre au controle de legalite,n'est effectue qu'en fonction du delit vise au point 2 et non (egalement)en fonction d'un autre delit qui a ete commis simultanement mais quiressortit au point 1 ; cependant, l'arret ne fait pas cette distinctionlors de l'appreciation du caractere raisonnable ; il rejette laproposition de la plus-value et ordonne pour l'ensemble les travauxd'adaptation requis au motif que les demandeurs ont commis deuxinfractions, d'une part aux prescriptions d'affectation du permis delotir, et, d'autre part, aux prescriptions relatives aux volumes despermis ; toutefois, les travaux d'adaptation requis etaient suffisammentpersonnalisables par delit, d'une part, en raison de la transformation del'immeuble professionnel en habitation conformement au permis de lotir,d'autre part, en raison de la reduction de la superficie et de la hauteurde faite de l'immeuble autorisee par le permis de batir et de lotir ; entout cas, l'arret ne constate pas le contraire ; c'est, des lors, enviolation des dispositions legales invoquees que l'arret accede àl'ensemble de la demande de reparation et refuse de remplacer les travauxd'adaptation consistant en la reduction de la hauteur et de la superficiede l'immeuble conformement aux prescriptions de volumes des permis par uneplus-value visee à l'article 6.1.41, paragraphe 1er, 2DEG, du Codeflamand de l'amenagement du territoire.
2. Pour les delits constitues, ou constitues entre autres, d'actescontraires à un ordre de cessation ou contraires aux prescriptionsurbanistiques relatives aux affectations autorisees pour la zone,l'article 6.1.41, paragraphe 1er, 1DEG, du Code flamand de l'amenagementdu territoire ordonne soit la restauration de l'endroit dans son etatinitial, soit l'execution de travaux de construction ou d'adaptation, s'ila ete clairement etabli que cela suffit pour retablir l'amenagement local.Pour les delits autres que ceux mentionnes à l'article 6.1.41, paragraphe1er, 1DEG, du Code flamand de l'amenagement du territoire, l'article6.1.41, paragraphe 1er, 2DEG, dispose que le paiement d'une plus-value estrequis, sauf s'il est demontre que cela porterait manifestement et defac,on disproportionnee prejudice à l'amenagement local, auquel casl'application d'une des mesures visees au point 1DEG est requise.
Il ressort de ces dispositions que la commission d'une infraction enmatiere d'urbanisme en tant que telle n'est pas seule determinante pour lanature et le mode de reparation. Le lien entre cette infraction etd'autres dans la meme matiere ainsi que la consequence qui en resulte pourl'amenagement local sont egalement determinants à cet egard.
En invoquant que la legalite de la demande de reparation ne peut etrecontrolee qu'à la lumiere de chaque infraction en matiere d'urbanismeindividuellement, en application de la distinction faite par l'article6.1.41, S: 1er, 1DEG et 2DEG, du Code flamand de l'amenagement duterritoire, et ce independamment des consequences qui resultent de laconnexite avec d'autres infractions en matiere d'urbanisme de quelquenature qu'elles soient, le moyen manque en droit.
Sur le deuxieme moyen :
3. Le moyen invoque la violation des articles 6.1, 7, 13 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 21terde la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre preliminaire du Code deprocedure penale et 6.1.41, S: 1er du Code flamand de l'amenagement duterritoire : c'est à tort que les juges d'appel ont refuse d'associer lamoindre consequence au depassement du delai raisonnable, des lors quel'article 21ter du Titre preliminaire du Code de procedure penaleimposerait la restitution, nonobstant ledit depassement, et des lors qu'ily a encore lieu de considerer l'action en reparation comme une mesurecivile en droit interne ; en ce qui concerne la restitution, les jugesd'appel ont ainsi attribue à l'article 21ter une portee qu'il n'a pas etont egalement meconnu le caractere penal de l'action en reparation ;l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales garantit le droit à une reparation adequate quidoit etre reelle et quantifiable, ce qui implique une reduction effective,à savoir plus qu'une simple constatation du depassement du delairaisonnable.
4. En outre, le moyen invoque qu'en ce qui concerne la reparation enmatiere d'urbanisme, l'arret interprete l'article 21ter du Titrepreliminaire du Code de procedure penale de maniere discriminatoire deslors qu'il ne reduit pas la mesure de reparation requise en raison ducaractere pretendument civil de cette mesure et des lors que l'article21ter du Titre preliminaire du Code de procedure penale ne permettrait pasune diminution de la peine en matiere de restitution. Par consequent, lesdemandeurs demandent que soit posee à la Cour constitutionnelle laquestion prejudicielle suivante: « L'article 6.1.41 du Code flamand del'amenagement du territoire viole-t-il les articles 10 et 11 de laConstitution, lus ou non en combinaison avec les articles 6.1, 7 et 13 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, interpretes en ce sens que la mesure de reparation n'estpas susceptible d'etre concretement diminuee au vu du depassement du delairaisonnable ou qu'il suffit que ce depassement soit constate, alors queles sanctions prevues par le droit penal commun, parmi lesquelles lespeines mixtes de restitution et de confiscation, sont susceptibles d'etreeffectivement diminuees en application de l'article 21ter du Titrepreliminaire du Code de procedure penale ».
5. Dans la mesure ou il est fonde sur l'hypothese que les juges d'appelont refuse d'accorder aux demandeurs une reparation adequate en raison dudepassement du delai raisonnable au seul motif que ni l'article 21ter duTitre preliminaire du Code de procedure penale ni le caractere civil de lademande de reparation ne l'admettraient, le moyen ne tient pas compte desautres motifs de l'arret (...) en concluant que la reparation requisen'est pas manifestement deraisonnable mais toujours necessaire.
Dans cette mesure, le moyen est fonde sur une lecture incomplete del'arret et manque en fait.
6. Ni l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales ni aucune autre disposition de cette conventionn'indiquent les suites que le juge doit donner au depassement du delairaisonnable qu'il constate. Des lors, il appartient au juge, lorsqu'ildecide, conformement à l'article 13 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales, d'octroyer une reparationadequate au vu du depassement du delai raisonnable, de decider dans quellemesure et sous quelles conditions cette diminution peut etre accordee pourautant qu'elle soit reelle et quantifiable.
7. La constatation que la remise des lieux en leur etat initial constitueune peine au sens de l'article 6, S:1er, de la Convention de sauvegardedes droits de l'homme et des libertes fondamentales, a pour seul effet queles garanties de cette disposition doivent etre observees, dont l'examende la demande dans un delai raisonnable.
Cette constatation n'implique pas la nature penale de cette mesure dans lalegislation belge, entrainant l'application des dispositions generales dudroit penal et du droit de procedure penale belges, particulierement en cequi concerne la diminution de la peine et meme la simple declaration deculpabilite.
8. Lors de la fixation de la peine au sens de la loi penale, la gravite del'infraction declaree etablie, la culpabilite et la personnalite duprevenu, sont des criteres sur la base desquels le juge fixe le taux de lapeine et definit la peine dans les limites de la loi. Dans ce cadre, unediminution est possible en raison de l'incertitude qu'a du connaitrel'interesse au vu de la duree des poursuites.
9. La demande de reparation n'a pas necessairement pour fondement unecertaine infraction mais bien l'obligation urbanistique qui doit etrerespectee et dont le non-respect donne lieu à une situation contraire àla loi qui porte atteinte à l'interet public et doit prendre fin.
La necessite de preserver un bon amenagement du territoire et, au besoin,de le reparer, n'offre, en raison de la nature meme de l'action enreparation tendant à annuler les consequences de l'infraction, aucunelatitude pour attenuer la mesure sur la base de motifs uniquement propresà la personnalite de l'auteur et inconciliables avec les objectifs de laloi.
10. Conformement aux articles 159 de la Constitution et 6.1.41, S: 1er, duCode flamand de l'amenagement du territoire, le juge examine, lors ducontrole de legalite de la reparation requise, si elle se fonde toujourssur des motifs relatifs à l'amenagement du territoire et sur uneconception de celui-ci qui n'est pas manifestement deraisonnable. A cetegard, il est aussi tenu compte du temps largement ecoule, en ce sensqu'en raison des circonstances ainsi modifiees, une reparation ulterieuretelle que celle reclamee peut paraitre manifestement deraisonnable.
11. Pour le surplus, il appartient au juge de decider dans quelle mesureles circonstances de la cause lui permettent d'accorder une reparationjustifiee de maniere adaptee et raisonnable, qui satisfait auxdispositions des articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales, sans outrepasser lescompetences que lui confere l'article 6.1.41, S: 1er, du Code flamand del'amenagement du territoire. La necessite d'une reparation adequate au vudu depassement du delai raisonnable est influencee par la circonstanceque, dans l'attente de la decision, l'interesse a pu tirer un avantage delongue duree de la situation illegale qu'il a lui-meme creee.
S'il ne peut accorder cette reparation, il constate de maniere authentiquele depassement du delai raisonnable, et il appartient alors à l'interessede s'adresser au juge competent afin d'obtenir cette reparation adequate.
En invoquant que le juge penal est tenu, dans tous les cas, d'accorderlui-meme une reparation adequate, le moyen manque, dans cette mesure, endroit.
12. L'article 21ter du Titre preliminaire du Code de procedure penale nedispose pas que la restitution est une peine que le juge pourrait diminueren cas de depassement du delai raisonnable.
Il n'y a pas lieu de poser la question prejudicielle qui est fondee surune conception du droit erronee.
(...)
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, en tant que le defendeur 1 est autorise à prevoirlui-meme l'execution dans le cas ou l'arret n'est pas executevolontairement ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne les demandeurs aux quatre cinquiemes des frais de leur pourvoi ;
Condamne le defendeur 1 au surplus des frais ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Etienne Goethals, les conseillers PaulMaffei, Luc Van hoogenbemt, Koen Mestdagh et Filip Van Volsem, et prononceen audience publique du vingt sept septembre deux mille onze par lepresident de section Etienne Goethals, en presence de l'avocat generalPatrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section chevalier Jeande Codt et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le president de section,
27 septembre 2011 P.10.2020.N/1