Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.11.0679.N
I
1. J. S.,
prevenu,
2. TRANSPORT JAAK SMETS scrl,
civilement responsable,
demandeurs,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
et Me Hugo Vandenberghe, avocat au barreau de Bruxelles,
II.
1. K. D.,
2. H. V.,
prevenus,
demandeurs,
Me Luc Gheysens, avocat au barreau de Courtrai,
III
F. D. G.,
prevenu,
demandeur,
tous les pourvois contre
1. L'ETAT BELGE, ministre de Finances,
partie poursuivante,
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
2. L'ETAT BELGE, ministre de l'Economie,
partie civile,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
3. BUREAU D'INTERVENTION ET DE RESTITUTION BELGE (BIRB),
partie civile,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. la procedure devant la Cour
Les pourvois sont diriges contre l'arret nDEG C/354/11 rendu le 1er mars2011 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant entant que juridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du 7 octobre2008.
Dans un memoire annexe au present arret, en copie certifiee conforme, lesdemandeurs I presentent quatre moyens.
Dans un memoire annexe au present arret, en copie certifiee conforme, lesdemandeurs II presentent deux moyens.
Le demandeur III ne presente pas de moyen.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la Cour
(...)
Sur le troisieme moyen du demandeur I.1 et le premier moyen des demandeursII :
Quant à la premiere branche :
15. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 217, 221du Reglement (C.E.E.) nDEG 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992etablissant le Code des douanes communautaire (ci-apres : Code des douanescommunautaire), 267 et 268 de la loi generale du 18 juillet 1977 sur lesdouanes et accises : l'article 217.2 du Code des douanes communautairedispose que les modalites de prise en compte des montants de droits sontdeterminees par les Etats membres, ce qui requiert de l'Etat concerne uneintervention legislative ; l'arret decide, à tort, que cettereglementation se trouve aux articles 267 et 268 de la loi generale surles douanes et accises ; l'article 267 ne prevoit rien concernantl'estimation et l'inscription des droits dus ; l'article 268 ne prescritpas que les droits dus seraient estimes et definitivement echus à tel outel debiteur.
16. Les modalites reglant le mode de prise en compte des montants dedroits sont des dispositions de droit materiel. Celles en vigueur aumoment de la naissance de la dette douaniere sont applicables.
L'arret (...) constate, sans etre critique sur ce point, que la dettedouaniere litigieuse est posterieure au 1er juillet 1990 et anterieure au1er janvier 1994.
17. Le moyen, en cette branche, qui, concernant le mode de prise en comptedes montants de droits, se fonde sur l'applicabilite de l'article 217 duCode des douanes communautaire, entre en vigueur le 1er janvier 1994, àla dette douaniere nee anterieurement, manque, dans cette mesure, endroit.
18. L'article 2.1, article 1er, du Reglement (CEE) nDEG 1854/89 du Conseildu 14 juin 1989 relatif à la prise en compte et aux conditions depaiement des montants de droits à l'importation ou de droits àl'exportation resultant d'une dette douaniere (ci-apres Reglement (CEE)nDEG 1854/89) dispose que tout montant de droits à l'importation ou dedroits à l'exportation qui resulte d'une dette douaniere, ci-apresdenomme «montant de droits», doit etre calcule par l'autorite douanieredes qu'elle dispose des elements necessaires et faire l'objet d'une priseen compte par ladite autorite.
Selon l'article 1.2.c) du Reglement (CEE) nDEG 1854/89, la prise en compteest l'inscription par l'autorite douaniere, dans les registres comptablesou sur tout autre support qui en tient lieu, du montant des droits àl'importation ou des droits à l'exportation correspondant à une dettedouaniere.
L'article 2.2, alinea 1er, du Reglement (CEE) nDEG 1854/89 dispose que lesmodalites pratiques de prise en compte des montants de droits sontdeterminees par les Etats membres. Ces modalites peuvent etre differentesselon que l'autorite douaniere, compte tenu des conditions dans lesquellesla dette douaniere est nee, est assuree ou non du paiement desditsmontants.
L'article 26, alineas 2 et 3, du Reglement (CEE) nDEG 1854/89 dispose quece Reglement est applicable à partir du 1er juillet 1990 et s'appliqueaux montants de droits pris en compte à partir de cette date.
19. Il ressort de l'arret Direct Parcel Distribution Belgium rendu le 28janvier 2010 par la Cour de justice en la cause C-264/08, concernantl'article 217 du Code des douanes communautaire, qui contient unereglementation similaire à celle qui est fixee par les articles 1.2.c,2.1, alinea 1er, et 2.2, alinea 1er, du Reglement (CEE) nDEG 1854/89 que,bien que ces dispositions ne prescrivent pas d'exigences minimales d'ordretechnique ou formel pour la prise en compte, celle-ci doit etre effectueede maniere à assurer que les autorites competentes inscrivent le montantexact des droits à l'importation ou des droits à l'exportation quiresulte de cette dette douaniere dans les registres comptables ou sur toutautre support qui en tient lieu, de sorte que la prise en compte desmontants concernes soit etablie avec certitude, y compris à l'egard duredevable.
Il resulte des arrets de la Cour de justice Distillerie Smeets Hasselt etcsrts rendu le 16 juillet 2009 en la cause C-126/08, et Direct ParcelDistribution Belgium, precite, que les Etats membres peuvent prevoir quela prise en compte du montant des droits resultant d'une dette douaniereest realisee par l'inscription dudit montant dans le proces-verbal prevupar l'article 267 de la loi generale sur les douanes et accises dresse parles autorites douanieres competentes et constatant une infraction à lalegislation douaniere applicable.
20. Les delits, fraudes et contraventions à la loi relative aux droitsdus à l'importation et l'exportation sont constates et recouvresconformement aux articles 267 à 285 de la loi generale sur les douanes etaccises.
En vertu de l'article 267 de ladite loi, les delits, fraudes oucontraventions sont constates au moyen de proces-verbaux dresses par despersonnes qualifiees à cet effet.
En vertu de l'article 268 de cette meme loi, le proces-verbal doitcontenir un narre succinct et exact de ce que l'on a reconnu, avecdesignation des personnes concernees.
La dette douaniere peut etre constatee au moyen dudit proces-verballorsque le montant exact des droits à l'importation et à l'exportationresultant de la dette douaniere est fixe avec certitude à l'egard desdebiteurs.
Il s'ensuit que la dette douaniere ainsi constatee est une prise en compteau sens des articles 1.2.c et 2.1., alinea 1er, du Reglement (CEE) nDEG1854/89, sans que la Belgique doive expressement decider que les articles267 et 268 de la loi generale sur les douanes et accises constituent desregles plus precises pour les modalites de la prise en compte des montantsde droits, conformement à l'article 2.2, alinea 1er, du Reglement (CEE)nDEG 1854/89.
Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque, dans cette mesure, en droit.
(...)
Sur le quatrieme moyen du demandeur I.1 et le second moyen des demandeursII :
26. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 et 13 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales : lesdemandeurs ont invoque qu'en raison du depassement du delai raisonnablepour juger l'action civile, cette action devait etre declaree prescrite,à tout le moins que des interets ne pouvaient etre alloues auxdefendeurs ; l'arret repond à cette defense par la seule constatation queles modes de reparation en droit invoques par les demandeurs sontimpossibles ; c'est à tort que l'arret ne se prononce pas, de cettemaniere, sur l'eventualite du depassement du delai raisonnable nidavantage sur la reparation adequate qui devrait, s'il echet, lui etreassociee (premiere branche) ; constaterait-il le depassement du delairaisonnable, l'arret omet, à tort, de prononcer une reparation en droitadequate (deuxieme branche) ; l'arret fonde, à tort, le rejet de lademande visant l'abandon des interets, sur la seule constatation qu'iln'est pas etabli que le depassement du delai raisonnable est imputable auxdefendeurs ; il ne peut etre conclu, par ce motif, au rejet de toutereparation dans le chef des demandeurs leses par ce depassement (troisiemebranche).
27. Dans la mesure ou le moyen concerne l'action du defendeur 2 à l'egardde laquelle le pourvoi des demandeurs est irrecevable, il n'y a pas lieud'y repondre.
28. L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales prevoit que toute personne a droit à ce que sacause soit entendue dans un delai raisonnable par un tribunal quidecidera, soit des contestations sur ses droits et obligations decaractere civil, soit du bien-fonde de toute accusation en matiere penaledirigee contre elle.
Les litiges sur les obligations en matiere fiscale ne sont pas descontestations sur les droits ou obligations de caractere civil et neconcernent pas davantage le bien-fonde de l'action publique.
Les actions de l'administration des douanes et du Bureau d'intervention etde restitution belge tendant au paiement des droits à l'importationeludes ne resultent pas de l'infraction mise à charge du prevenu, maissont directement fondees sur la loi fiscale imposant le paiement desdroits.
Les articles 6.1 et 13 de la Convention ne s'appliquent pas à l'actionfiscale qui concerne les droits dus et ne donne pas lieu à une peine ausens de l'article 6.1.
Le moyen qui, en ses trois branches, est entierement deduit d'une autrepremisse juridique, manque, dans cette mesure, en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, en tant que, sur l'action civile du defendeur 3, ildeclare la demanderesse I.2 civilement responsable de la condamnation aupaiement des droits à l'exportation et interets prononcee à charge dudemandeur I.1 ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne le defendeur 3aux frais du pourvoi de la demanderesse I.2 ;
Condamne les autres demandeurs aux frais de leur pourvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel deBruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, lesconseillers Luc Van hoogenbemt, Filip Van Volsem, Peter Hoet et AntoineLievens, et prononce en audience publique du quinze mai deux mille douzepar le conseiller faisant fonction de president Paul Maffei, en presencede l'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,
15 mai 2012 P.11.0679.N/1