Cour de cassation de Belgique
Arret
2177
NDEG P.12.1235.F
I. SWEDEPONIC BELGIUM, anciennement denommee Swedeponic Wallonie, societeanonyme dont le siege est etabli à Fontaine-l'Eveque, rue de laBriqueterie, 186,
partie civile,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de Cassation,
contre
1. F.H., H., J.,
2. R.N.,
prevenus,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.
II. 1. F. H.,
2. R. N.,
mieux qualifies ci-dessus,
prevenus,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
SWEDEPONIC BELGIUM, mieux qualifiee ci-dessus,
partie civile,
defenderesse en cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 23 mai 2012 par la courd'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent chacun deux moyens dans deux memoires annexes aupresent arret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.
L'avocat general Raymond Loop a conclu.
II. la decision de la cour
A. Sur le pourvoi de la societe anonyme Swedeponic Belgium :
Sur le premier moyen :
Il est reproche aux juges d'appel d'avoir decide que la prevention d'abusde biens sociaux n'etait pas etablie parce qu'elle vise des payements quin'ont pas ete reellement effectues. Le grief est deduit de ce que, d'apresles constatations de l'arret lui-meme, lesdits montants, faussementfactures par les fournisseurs, leur ont ete payes avec les fonds de lasociete avant d'etre retrocedes au prevenu qui les a utilises à sa guise.
Mais si l'arret ecarte, pour le motif critique par le moyen, la preventiond'abus de biens sociaux, il retient celle d'abus de confiance et ilcondamne le prevenu à indemniser la demanderesse à concurrence dessommes detournees, sous deduction des salaires payes au personnel àl'aide de ces fonds.
Le motif critique ne nuit donc pas à la demanderesse puisque sareclamation lui est adjugee sur un autre fondement.
Denue d'interet, le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civilainsi que de la meconnaissance du principe general du droit « Fraus omniacorrumpit ».
Il est fait grief à l'arret de decider que la demanderesse n'a pas subiun dommage indemnisable pour la totalite des montants faussement factureset vises à la prevention d'abus de confiance, et ce au motif que leprevenu a utilise une partie des montants detournes pour remunerer « ennoir » les heures supplementaires prestees, pour elle, par les ouvriersde la societe lesee.
En statuant de la sorte, l'arret ne decide pas que la perte d'un avantageillicite constitue un dommage reparable. Il n'autorise pas non plusl'auteur de l'infraction à se prevaloir d'une negligence de la victimeayant facilite la commission du delit, pour reduire le montant de lareparation du dommage cause par celui-ci.
L'arret se borne à decider qu'à concurrence de la partie des montantsdetournes, utilisee pour payer irregulierement les ouvriers de lademanderesse, le dommage de celle-ci est inexistant, s'agissant de laremuneration de prestations dont elle a beneficie.
Le fait que les montants aient ete detournes à l'aide de fausses factureset la circonstance que les ouvriers ont ete payes « en noir » à l'aidede ces montants, n'empechaient pas les juges d'appel de relever que laretrocession à la victime, sous quelque forme que ce soit, d'une partiede l'avoir derobe a diminue son prejudice à due concurrence.
L'irregularite de la restitution n'oblige pas le juge à la tenir pourinexistante.
En prenant la decision critiquee, la cour d'appel n'a des lors pas meconnule principe general ni viole les dispositions legales invoques par lademanderesse.
Le moyen ne peut etre accueilli.
B. Sur le pourvoi de H. F. :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action publique :
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Il est reproche à l'arret de ne pas repondre aux conclusions faisantvaloir que l'assurance-vie et les titres confisques, à tort, par lepremier juge constituent des avoirs acquis, à tout le moinspartiellement, par une autre prevenue à l'aide de fonds lui appartenant.
En tant que cette defense se rapporte à la legalite de la confiscation,les juges d'appel n'avaient pas à y repondre puisque cette peineaccessoire a ete requise sur la base des alineas 1er, 3DEG, et 5 del'article 505 du Code penal et qu'aux termes de ces dispositions, lesavantages patrimoniaux ayant ete convertis ou transferes dans le but dedissimuler leur origine illicite, doivent etre confisques meme si lapropriete n'en appartient pas au condamne.
Le demandeur fait valoir que si tel est le cas, les dispositions legalesprecitees violent l'article 1er du premier protocole additionnel de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales ainsi que les articles 10 et 11 de la Constitution.
Mais si l'article 505, alinea 3, abolit la condition de propriete dans lechef du condamne, c'est avec la precision que la peine de confiscationainsi prononcee ne peut pas porter prejudice aux droits des tiers sur lesbiens qu'elle a vocation à atteindre.
Si des poursuites penales se rapportent à un avoir passible deconfiscation mais qui est la propriete d'un tiers, ce dernier est admis àcomparaitre dans l'instance pour se defendre contre cette mesure.
Si l'objet appartenant à un tiers a ete confisque par un jugement sansintervention du tiers à l'audience, ce dernier a qualite pour releverappel ou former un pourvoi en cassation.
Enfin, apres que la condamnation emportant la confiscation est passee enforce de chose jugee, le tiers pretendant droit sur un avantagepatrimonial confisque en vertu des articles 42, 3DEG, et 505, alinea 1er,3DEG, du Code penal, et attribue à la partie civile conformement àl'article 43bis, alinea 3, du meme code, peut faire valoir ses droits enformant, en vertu du droit commun, une demande à cette fin devant le jugecivil.
En appliquant la confiscation obligatoire à l'objet du blanchiment memes'il n'appartient pas au condamne, l'article 505 du Code penal ne violedes lors pas la disposition conventionnelle invoquee par le demandeur,sauf à lire ledit article isolement des regles qui en attenuent larigueur.
En cette branche, le moyen ne peut etre accueilli.
A titre subsidiaire, le moyen invite la Cour à poser une questionprejudicielle à la Cour constitutionnelle, au sujet de la violation duprincipe d'egalite resultant de ce que les articles 42, 43bis, 43quater et505 du Code penal autoriseraient la confiscation de biens appartenant àun tiers lui-meme etranger au delit de blanchiment sur la base duquelcette peine est requise.
Mais la question repose sur une interpretation inexacte de cesdispositions, dans la mesure ou elle les isole, comme dit ci-dessus, desregles admettant et regissant le recours des pretendant droits sur leschoses confisquees.
Il n'y a des lors pas lieu d'ordonner le renvoi prejudiciel sollicite.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche à l'arret de statuer sur une chose non demandee, decommettre un exces de pouvoir et de violer notamment l'article 43bis,alinea 1er, du Code penal, parce qu'il ne resulte d'aucune piece de laprocedure que le procureur du Roi ou le procureur general pres la courd'appel aient requis la confiscation speciale de l'assurance-vie et destitres attribues à la partie civile et à l'Etat.
Aux termes de l'article 2 de la loi du 29 avril 1806 qui prescrit desmesures relatives à la procedure en matiere criminelle etcorrectionnelle, le prevenu en police correctionnelle ne sera pasrecevable à presenter, comme moyen de cassation, des nullites commises enpremiere instance et qu'il n'aurait pas opposees devant la cour d'appel,en exceptant seulement la nullite pour cause d'incompetence.
L'arret attaque confirme les confiscations ordonnees par le premier jugeet critiquees par le moyen.
Il n'apparait pas, des pieces de la procedure, que le demandeur aitinvoque devant la cour d'appel l'illegalite des confiscations ordonneespar le premier juge sans respecter la forme prescrite par l'article 43bis,alinea 1er, precite.
Le moyen est irrecevable.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee contre le demandeur :
Sur le second moyen :
Le demandeur soutient que l'arret est entache de contradiction.
La condamnation du demandeur au payement d'une somme de 300.630,77 eurosrepose notamment sur la decision qu'une partie de cette somme correspondà des fonds detournes par un mecanisme de fausses factures consistant àpayer fictivement de pretendus fournisseurs, l'argent etant retrocede audemandeur qui en a dispose à sa guise.
Il n'est pas contradictoire d'attribuer à ces faits la qualificationprevue à l'article 491 du Code penal tout en leur refusant celle que visel'article 492bis du meme code.
Il n'est pas non plus contradictoire de decider que le dommage a ete causepar le detournement et non par le blanchiment de son objet.
Sans doute l'arret enonce-t-il, en page 16, que le montant des faussesfactures etait officiellement paye par banque aux fournisseurs et, en page21, qu'il s'agit de payements qui n'ont pas ete reellement effectues.
Mais ces mentions ne se contredisent pas des lors que l'arret precise queles prestations facturees etaient fictives, que le montant des facturesetait retrocede au demandeur, et que sur les deniers de la societe lesee,les fournisseurs complices ne conservaient en realite, pour laremuneration de leur complicite, que le montant de la taxe sur la valeurajoutee.
Le payement se definissant comme etant l'execution d'une obligation et lesjuges d'appel ayant constate que la societe plaignante n'etait pas obligeeenvers les soi-disant prestataires de service, l'arret ne se contredit pasen considerant que les sommes dont la partie civile a ete depouillee ontfait l'objet d'une sortie officielle de sa comptabilite sans que cespayements puissent etre consideres comme reels.
Le moyen ne peut etre accueilli.
C. Sur le pourvoi de N. R. :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions rendues surles actions publique et civile exercees contre la demanderesse :
Acquittant la demanderesse et declarant la cour d'appel sans competencepour connaitre de l'action civile exercee contre elle, l'arret ne luiinflige aucun grief.
Denue d'interet, le pourvoi est irrecevable.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue sur lademande de restitution de la demanderesse :
Sur le surplus de la premiere branche du premier moyen :
La demanderesse a depose des conclusions soutenant que les titres saisispour une somme de 333.542 euros ont ete acquis à l'aide de son comptepersonnel alimente par son travail et celui de ses parents.
L'arret enonce, en pages 23 et 24, que ces titres sont le fruit d'uneconversion de fonds dont le coprevenu connaissait l'origine illicite.L'arret precise que ce dernier s'est attribue d'importants supplements desalaire, par prelevements sur les liquidites degagees illicitement par lesfausses factures.
Les juges d'appel ont repondu ainsi aux conclusions invoquees.
Le moyen manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxes à la somme de cent septante-huit euros soixante-neufcentimes dont I) sur le pourvoi de la societe anonyme SwedeponicWallonie : quatre-vingt-neuf euros trente-quatre centimes dus et II) surle pourvoi d'H. F. : quatre-vingt-neuf euros trente-cinq centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, president de section, president,Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, Pierre Cornelis etFranc,oise Roggen, conseillers, et prononce en audience publique du cinqdecembre deux mille douze par le chevalier Jean de Codt, president desection, en presence de Raymond Loop, avocat general, avec l'assistance deFabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | F. Roggen | P. Cornelis |
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| B. Dejemeppe | F. Close | J. de Codt |
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5 decembre 2012 P.12.1235.F/1