Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.0858.N
I.
M. S.,
* inculpe,
* demandeur,
Me Koen Verhaegen, avocat au barreau d'Anvers.
II.
M. H.,
inculpe,
demandeur,
Me Mounir Souidi, avocat au barreau d'Anvers,
contre
LA VILLE D'ANVERS,
partie civile,
defenderesse.
I. la procedure devant la Cour
III. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 29 mars 2012 parla cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
IV. Le demandeur I fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret.
V. Le demandeur II fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret.
VI. Le conseiller Luc Van hoogenbemt a fait rapport.
VII. L'avocat general suppleant Marc De Swaef a conclu.
II. la decision de la Cour
Sur la recevabilite des pourvois :
1. L'arret se prononce sur l'appel forme par les demandeurs contrel'ordonnance qui les a renvoyes au tribunal correctionnel en raison desinfractions retenues contre eux.
2. Conformement à l'article 416, alinea 2, du Code d'instructioncriminelle, l'arret de la chambre des mises en accusation rendu surl'appel interjete contre une ordonnance de renvoi n'est susceptible d'unpourvoi en cassation que lorsque cet appel est lui-meme recevable, àsavoir dans les cas prevus à l'article 135, S: 2, du Code d'instructioncriminelle.
Selon cette disposition legale, l'appel n'est recevable pour les causesd'irrecevabilite ou d'extinction de l'action publique que si le moyen aete invoque par conclusions ecrites devant la chambre du conseil, sauflorsque ces causes sont acquises posterieurement aux debats devant lachambre du conseil.
3. L'arret decide que l'appel dirige par le demandeur I contrel'ordonnance de renvoi est irrecevable, dans la mesure ou, ayant invoquedevant la chambre des mises en accusation son moyen de defense deduit dufait qu'il a ete entendu sans l'assistance d'un conseil, il n'avait pasinvoque ce moyen par conclusions ecrites devant la chambre du conseil.
De plus, l'arret decide que les appels formes par les deux demandeurs sontirrecevables, dans la mesure ou ils sont diriges contre la decision renduepar la chambre du conseil sur l'existence de charges suffisantes.
Par ces decisions, l'arret ne constitue pas une decision definitive et nese prononce pas dans l'un des cas prevus à l'article 416, alinea 2, duCode d'instruction criminelle.
Dans la mesure ou ils sont diriges contre ces decisions, les pourvois encassation sont irrecevables.
4. L'arret declare l'appel du demandeur II irrecevable à defautd'interet, dans la mesure ou il est dirige contre la decision prononc,antle non-lieu à son egard du chef des faits des preventions A.IV, F.II.a-d,F.V, G.II, O.II.a-d, O.IV et W.
Pour ces memes motifs, son pourvoi en cassation forme contre cettedecision est irrecevable.
5. L'absence, dans l'ordonnance de renvoi, de motivation concernantl'existence de charges suffisantes constitue une omission de cetteordonnance, de sorte que l'appel interjete par l'inculpe contre cetteordonnance est recevable lorsque le moyen presente à l'appui de l'appelprecite invoque, à bon droit, une telle omission ; l'appel de l'inculpeest, par contre, irrecevable, lorsque la chambre des mises en accusation,malgre qu'une telle omission soit invoquee, constate legalement quel'ordonnance dont appel est motivee à cet egard.
6. L'examen de la recevabilite du pourvoi du demandeur I à cet egardrequiert une reponse au premier moyen invoque, etroitement lie à cetterecevabilite.
Sur le premier moyen du demandeur I :
7. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 149 de laConstitution et « articles 127 et suivants » du Code d'instructioncriminelle, ainsi que la violation du devoir de motivation et des droitsde la defense : nulle disposition conventionnelle ou legale ne prescritque la juridiction d'instruction qui renvoie un inculpe au tribunal enraison de l'existence de charges suffisantes à son encontre, n'est pastenue de motiver sa decision ; le devoir de motivation est plus qu'uneformalite ; la simple constatation de l'existence de charges suffisantesne suffit pas.
8. Dans la mesure ou il invoque la violation des « articles 127 etsuivants » du Code d'instruction criminelle, sans nulle autre precision,le moyen est irrecevable, à defaut de precision.
9. L'article 149 de la Constitution n'est pas applicable aux juridictionsd'instruction qui reglent la procedure. En effet, leurs decisions ne sontpas des jugements au sens dudit article.
Dans la mesure ou il invoque la violation de cette disposition, le moyenmanque en droit.
10. Le droit au traitement equitable de la cause, tel que garanti parl'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, implique que la decision rendue sur l'actionpublique, en ce compris la decision d'y mettre un terme au moment dureglement de la procedure, enonce les motifs principaux qui fondent cettedecision, meme à defaut de conclusions.
Une ordonnance de renvoi ne constitue pas une decision definitive renduesur l'action publique.
En regle, l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales concerne uniquement l'exercice desdroits de la defense devant les juridictions d'instruction qui seprononcent sur le bien-fonde de la prevention ou sur des litiges enmatiere de droits et obligations civils.
Aucune violation des droits de la defense ne peut etre deduite de lacirconstance que la juridiction d'instruction qui conclut au renvoi devantle juge du fond puisse se satisfaire de la seule constatation souverainede charges suffisantes.
Dans cette mesure, le moyen manque egalement en droit.
11. Il resulte des articles 128, 129, 130, 229, 230 et 231 du Coded'instruction criminelle que la juridiction d'instruction apprecie enconscience l'existence ou non de charges suffisantes pour, soit renvoyerl'inculpe à la juridiction de jugement, soit justifier une decision denon-lieu.
Aucune disposition legale ne prescrit que les charges doivent etreprecisees en cas de renvoi.
Nonobstant le depot ou non de conclusions contestant l'existence decharges suffisantes, la juridiction d'instruction motive legalement sadecision de renvoi par sa constatation souveraine de l'existence de cescharges.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
12. L'arret constatant que l'ordonnance dont appel fait etat del'existence de charges suffisantes à l'encontre du demandeur I, decidelegalement que l'ordonnance de renvoi satisfait au devoir de motivation.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
13. Par consequent, le pourvoi est egalement irrecevable dans la mesure ouil concerne le pretendu defaut de motivation de l'ordonnance de renvoi.
Sur le second moyen du demandeur I :
14. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 10, 149 dela Constitution et 130 du Code d'instruction criminelle : il n'existeaucun critere objectif prevoyant un devoir de motivation different pourl'ordonnance de renvoi, un jugement ou un arret statuant sur le fond ;dans la mesure ou la Cour ne conclut pas à la violation du principed'egalite, le demandeur requiert que soit posee à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante : « L'article 149 dela Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994 viole-t-il les articles 10et 11 de cette meme Constitution, lu conjointement avec l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, en tant qu'il ne serait pas applicable à l'ordonnance derenvoi telle que rendue conformement à l'article 130 du Coded'instruction criminelle, alors que toutes les juridictions contentieusesont une obligation de motivation ? »
15. Le moyen qui ne critique pas la decision attaquee est irrecevable.
16. Le pourvoi en cassation du demandeur I etant declare irrecevable enapplication de l'article 416 du Code d'instruction criminelle, ce que neconteste pas litteralement la demande tendant à poser une questionprejudicielle à la Cour constitutionnelle, la Cour n'est pas tenue deposer la question.
(...)
Le controle d'office
20. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* * Rejette les pourvois ;
* Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller Luc Van hoogenbemt, faisant fonction depresident, les conseillers Filip Van Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet etAntoine Lievens, et prononce en audience publique du seize avril deuxmille treize par le conseiller Luc Van hoogenbemt, faisant fonction depresident, en presence de l'avocat general suppleant Marc De Swaef, avecl'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le president de section,
16 avril 2013 P.12.0858.N/1