Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.12.0946.N
I.
G. V. D. B.,
prevenu,
demandeur,
Me Filiep Deruyck, avocat au barreau d'Anvers,
II.
PRIMINVEST s.a.,
prevenu et civilement responsable,
demanderesse,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
III.
J. G.,
prevenu,
demandeur,
Me Filiep Deruyck, avocat au barreau d'Anvers,
IV.
PRODECO s.a.,
prevenu et civilement responsable,
demanderesse,
les pourvois en cassation I, II, III, et IV contre
1. S. D. P.
(...)
defendeurs,
V.
AG INSURANCE s.a.,
partie civile,
demanderesse,
contre
1. G. V. D. B.,
2. PRIMINVEST s.a.,
3. J. G.,
4. PRODECO s.a.,
5. CONIX ARCHITECS ,
prevenus,
defendeurs.
I. La procedure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont diriges contre l'arret rendu le 19 avril2012 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Le demandeur I presente un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme, et un second moyen dans un memoireadditionnel annexe au present arret, en copie certifiee conforme.
La demanderesse II presente deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme, et un troisieme moyen dans un secondmemoire annexe au present arret, en copie certifiee conforme.
Le demandeur III presente deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Les demandeurs IV et V n'invoquent pas de moyen.
(...)
II. La decision de la Cour :
Sur le second moyen du demandeur I :
14. Le moyen invoque la violation de l'article 18 de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail : la faute intentionnelle visee àcette disposition requiert l'existence dans le chef de l'auteur du dommagenon seulement de la volonte de causer le fait dommageable mais aussi de lavolonte de causer les effets dommageables de ce fait ; en constatant d'unepart que le demandeur a commis une faute intentionnelle et en decidantd'autre part que le demandeur n'a pas eu la volonte de causer les effetsdommageables de cette faute commise volontairement et sciemment, l'arretne decide pas legalement que le demandeur ne peut se prevaloir del'article 18 de la loi du 3 juillet 1978.
15. En vertu de l'article 18, alineas 1er et 2, de la loi du 3 juillet1978, le travailleur qui cause des dommages à l'employeur ou à des tiersdans l'execution de son contrat ne repond que de son dol et de sa fautelourde. Il ne repond de sa faute legere que si celle-ci presente dans sonchef un caractere habituel plutot qu'accidentel.
16. Le dol au sens de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 requiertl'existence dans le chef de l'auteur du dommage non seulement de lavolonte de causer le fait dommageable mais aussi de la volonte de causerles effets dommageables de ce fait.
La faute lourde au sens du meme article ne requiert pas que l'auteur dudommage ait voulu causer le fait dommageable et les effets dommageables dece fait.
17. L'arret decide (...) : (...) "En ce qui concerne la responsabiliteextracontractuelle, il y a lieu d'interpreter la notion de 'dol' (ou fauteintentionnelle) au sens de l'article 18, contrairement à la notion de'faute lourde' qui est denuee de l'element de 'l'intention', comme etantla violation volontaire d'une regle de droit qui prevoit un ordre ou uneinterdiction ou instaure une regle de diligence bien determinee.
Cette interpretation ne coincide pas seulement avec la definition en droitpenal de la notion de 'dol general' mais concorde aussi avec le droit desresponsabilites en vertu duquel le fait de causer un dommage ne constituepas necessairement une faute, de sorte que la definition de la notion doitessentiellement se referer à l'acte fautif (l'action ou la negligence) etses caracteristiques et non à ses effets dommageables. En l'espece, (ledemandeur), en sa qualite de travailleur, a commis une faute qualifiee quiest en relation causale avec le dommage subi par les parties civiles.
Au penal, son intention etait d'omettre volontairement et sciemment deposer les actes prevus en droit penal en matiere de securite destravailleurs (violation de la loi du 4 aout 1996 relative au bien-etre destravailleurs lors de l'execution de leur travail).
Aucun element du dossier ne permet de constater ou d'admettre qu'enl'espece, il a ete victime d'une erreur invincible ou que les faitsconstituent dans son chef une force majeure excluant sa faute.
Par ces motifs, (le demandeur) ne peut se prevaloir de l'article 18 de laloi du 3 juillet 1978".
Par ces motifs, l'arret decide que l'immunite instauree par l'article 18de la loi du 3 juillet 1978 n'est pas applicable en raison du dol commispar le demandeur, sans constater l'existence dans son chef de la volontede causer les effets dommageables. Par cette decision, l'arret violel'article 18 de la loi du 3 juillet 1978.
Le moyen est fonde.
(...)
Sur le deuxieme moyen de la demanderesse II :
23. Le moyen invoque la violation des articles 67 du Code d'instructioncriminelle et 807 du Code judiciaire : des lors qu'en premiere instance,les defendeurs 10 et 11 n'ont pas introduit une action civile au nom deleur enfant mineur I. R., l'arret ne pouvait admettre l'introduction d'unetelle action en tant qu'extension de l'action civile introduite en leurnom, de sorte que cette action ne pouvait etre declaree recevable.
24. Conformement aux articles 807 et 1042 du Code judiciaire, la partiecivile peut, meme en degre d'appel, etendre ou modifier l'action porteedevant le juge penal en application des articles 3 et 4 de la loi du17 avril 1878 contenant le titre preliminaire du Code de procedure penale,pour autant que cette extension ou modification reste fondee surl'infraction mise à charge du prevenu.
25. La demande nouvelle introduite par une partie formelle au proces, enqualite de representante legale d'une partie materielle au proces quin'est pas encore en tant que telle au proces, ne constitue pas uneextension de la demande que cette meme partie formelle au proces aintroduite anterieurement, en son propre nom ou en tant que representantelegale d'une autre partie materielle au proces.
26. L'arret decide (...) quant au mineur d'age I. R. que l'extension de lademande des defendeurs 10 et 11 formee en degre d'appel est recevable, deslors qu'elle est fondee sur les faits mis à charge des demandeurs I etIII declares etablis. Ainsi, il ne motive pas regulierement sa decision.
Le moyen est fonde.
(...)
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant que :
- il decide que le demandeur I ne peut se prevaloir de l'article 18 de laloi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ;
- il statue sur les actions civiles introduites par les defendeurs àl'egard du demandeur I ;
- il statue sur l'action civile introduite à l'egard de lademanderesse II par les defendeurs 10 et 11 en leur qualite derepresentants de leur enfant mineur I. R. ;
- il statue sur les autres actions civiles introduites à l'egard de lademanderesse II et declare cette demanderesse civilement responsable desfrais mis à charge du demandeur III ;
Pour le surplus, rejette les pourvois ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de partiellementl'arret casse ;
Condamne le demandeur I à la moitie des frais de son pourvoi et lesdefendeurs 1 à 13 à l'autre moitie des frais ;
Condamne les defendeurs 1 à 13 aux frais du pourvoi de lademanderesse II ;
Condamne les demandeurs III, IV et V aux frais de leurs pourvois ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Gand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, president, president desection Luc Van hoogenbemt, les conseillers Alain Smetryns, Peter Hoet etAntoine Lievens, et prononce en audience publique du onze mars deux millequatorze par le president de section Paul Maffei, en presence de l'avocatgeneral suppleant Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier KristelVanden Bossche.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
11 mars 2014 P.12.0946.N/1