Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.13.0764.F
T. C.
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Luc Misson, avocat au barreau de Liege, etOlivier Lambillon, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
1. M. V. et
2. L. L.,
agissant en nom personnel et en qualite d'administrateurs legaux des biensde leur fille mineure M M.,
parties civiles,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 20 mars 2013 par la courd'appel de Liege, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Pierre Cornelis a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
A. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action publique :
Sur le premier moyen :
Le demandeur reproche à l'arret de se fonder sur des expertises noncontradictoires ordonnees par le juge d'instruction. Il fait valoir quel'expertise doit etre realisee contradictoirement chaque fois qu'elle apour objet une question essentielle pour le jugement et qui echappe à laconnaissance du juge.
La circonstance qu'une partie ne peut participer à l'expertise ordonneepar le juge d'instruction, sauf si et dans la mesure ou il l'estimeadequat pour la recherche de la verite, ne constitue pas en soi uneviolation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales et du principe general du droitrelatif au respect des droits de la defense.
Il ressort des constatations de l'arret que le demandeur a pu participerde maniere adequate à la procedure suivie devant le juge du fond,notamment en produisant devant celui-ci les conclusions des conseilstechniques mandates par lui-meme à l'appui de sa defense.
L'arret releve egalement que le demandeur et ses conseils techniques ontpu prendre connaissance, afin de pouvoir les contredire utilement, detoutes les pieces sur lesquelles les experts judiciaires s'etaient basespour rediger leurs propres conclusions.
Les questions posees aux deux experts requis par le juge d'instruction nese confondant pas avec celles à trancher par la cour d'appel, ainsi quel'arret attaque le constate, la contradiction susvisee suffit pour assurerle respect du droit à un proces equitable, garanti par l'article 6 de laConvention.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Le demandeur fait valoir qu'il n'a pas pu, à tous les stades de laprocedure et donc egalement au cours de l'instruction preparatoire,interroger ou faire interroger l'enfant qui l'accuse. Il en deduit que lesjuges d'appel n'ont pas pu legalement se fonder sur l'enregistrementaudio-visuel des declarations de cet enfant.
L'article 6 de la Convention, au visa duquel le moyen pretend, nesubordonne pas necessairement la condamnation d'un prevenu d'abus sexuelau prejudice d'un enfant, à la mise en presence, directe ou indirecte, del'abuseur et de l'abuse.
Il appartient au juge du fond d'apprecier, en fonction du jeune age de lavictime et des droits de la defense du suspect, si la confrontation oul'interrogation d'une partie par l'autre peuvent servir la manifestationde la verite sans aggraver inutilement le traumatisme de la victime.
Deniant au juge du fond ce pouvoir d'appreciation, le moyen manque endroit.
Sur le troisieme moyen :
Le moyen est pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention et dunon-respect du principe d'egalite des armes.
Il soutient qu'inculpe tardivement, le demandeur n'a pas ete à memed'exercer ses droits de defense au cours de l'instruction, ne pouvantnotamment solliciter de prendre connaissance du dossier repressif et defaire executer des devoirs complementaires. Il fait egalement valoir qu'aumoment du reglement de la procedure, le demandeur n'a pas dispose du tempsnecessaire à sa defense.
Le principe de l'egalite des armes decoule du principe general du droitrelatif au respect du aux droits de la defense.
D'une part, il appartient au juge d'instruction d'apprecier souverainementle moment de proceder à une inculpation, sous reserve des recours prevuspar la loi.
D'autre part, en vertu de l'article 61bis, alinea 2, du Code d'instructioncriminelle, la personne à l'egard de laquelle l'action publique estengagee dans le cadre de l'instruction beneficie des memes droits quel'inculpe.
Il apparait des pieces de la procedure que le demandeur a ete visenominativement dans les requisitions du ministere public saisissant lejuge d'instruction.
Les juges d'appel, par ailleurs, ont considere
- qu'informe des accusations portees contre lui des sa premiere audition,le demandeur a ete reentendu dans le courant de l'instruction ;
- qu'il n'a pas repondu au juge d'instruction qui l'invitait à deposerune requete en vue d'obtenir l'acces au dossier, ce qui lui aurait permisde solliciter des actes d'instruction complementaires ;
- que, comparaissant devant la chambre du conseil, le demandeur aexpressement renonce à tous les delais concernant le reglement de laprocedure, de sorte qu'il soutient vainement ne pas avoir dispose du tempsnecessaire pour prendre connaissance du dossier.
Par ces considerations, les juges d'appel ont legalement justifie leurdecision.
A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.
Dans la mesure ou, pour le surplus, le moyen fait valoir que,contrairement à celles de l'enfant, ses declarations n'ont pas faitl'objet d'une analyse de credibilite, le moyen ne peut etre propose pourla premiere fois devant la Cour et est, partant, irrecevable.
Sur le quatrieme moyen :
Pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention, le moyen reprocheaux juges d'appel d'avoir refuse, sans motivation, de proceder à desdevoirs complementaires relatifs au fonctionnement d'un lecteur decassettes video.
Le juge apprecie en fait la necessite ou l'opportunite d'une mesured'instruction complementaire pour autant qu'en refusant d'ordonner lamesure sollicitee, il ne viole pas les droits de la defense. Il respecteceux-ci des lors qu'il donne à connaitre à la partie qui sollicitent lesdevoirs d'instruction, les raisons pour lesquelles il ne les prescrit pas.
Selon l'arret, le fait qu'il n'a pas ete procede à l'examen du lecteur decassettes du demandeur n'est pas de nature à jeter le discredit sur lespropos de l'enfant, puisqu'il s'agit d'un element tout à faitperipherique et etranger aux actes reproches. La cour d'appel a ajoute quele demandeur ne sollicite plus l'examen de cet appareil et que larealisation de ce devoir, qui n'apparait pas utile à la manifestation dela verite, retarderait inutilement le jugement de la cause.
Pour le surplus, il resulte de la procedure que le demandeur a eu lapossibilite de combattre librement tous les elements apportes contre lui,en sorte que ses droits de defense, et notamment son droit à un procesequitable, garanti par l'article 6 de la Convention, n'ont pas ete violes.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action civile exercee par les defendeurs, statue sur
1. le principe de la responsabilite :
Le demandeur n'invoque aucun moyen specifique.
2. l'etendue du dommage :
L'arret alloue une indemnite provisionnelle aux defendeurs, ordonne uneexpertise et renvoie les suites de la cause au premier juge.
Pareille decision n'est pas definitive au sens de l'article 416, alinea1er, du Code d'instruction criminelle et est etrangere aux cas vises ausecond alinea de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxes à la somme de nonante-sept euros quarante et uncentimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, premier president, Frederic Close,president de section, Pierre Cornelis, Gustave Steffens et Franc,oiseRoggen, conseillers, et prononce en audience publique du vingt-deuxoctobre deux mille quatorze par le chevalier Jean de Codt, premierpresident, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
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| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
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| P. Cornelis | F. Close | J. de Codt |
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22 OCTOBRE 2014 P.13.0764.F/7