Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.0311.N
I. L. L.,
prevenu,
demandeur en cassation,
Me Jasper Bolle, avocat au barreau de Courtrai,
II. C. V. G.,
Me Jasper Bolle, avocat au barreau de Courtrai,
III. PROCUREUR DU ROI PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BRUGES,
demandeur en cassation,
contre
L. L., precite,
defendeur en cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un jugement rendu le 15 janvier 2014 parle tribunal correctionnel de Bruges, statuant en degre d'appel.
Les demandeurs I et II invoquent quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
Le demandeur III invoque un moyen dans une requete annexee au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
Le procureur general Patrick Duinslaeger a conclu.
II. la decision de la cour
Sur les moyens des demandeurs I-II :
Sur le deuxieme moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 149 de laConstitution, 195 du Code d'instruction criminelle, 4 de la loi du 21 juin1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent repondre toutvehicule de transport par terre, ses elements ainsi que les accessoires desecurite, 1er, S: 2.75, 2, S: 2, 9DEG, 23ter, S: 1er, 7DEG, 23sexies, S:1er, 5DEG, 24, S: 1er, 26 et 81 de l'arrete royal du 15 mars 1968 portantreglement general sur les conditions techniques auxquelles doiventrepondre les vehicules automobiles et leurs remorques, leurs elementsainsi que les accessoires de securite, ainsi que la violation du principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense, dont ledroit au contradictoire : le jugement attaque constate que les vehiculesappartenant au demandeur I sont des vehicules lents, sans leur appliquerle regime legalement prevu ; il n'est pas correctement motive en ce quiconcerne le fondement de la qualification en tant que vehicule lent et ilmeconnait le droit au contradictoire en ce qui concerne la qualificationdes vehicules comme tracteur agricole ou forestier.
2. Le demandeur I est poursuivi sous les preventions B et H du chefd'avoir, en infraction aux articles 24, S: 1er, 26 et 81 de l'arrete royaldu 15 mars 1968, laisse se trouver sur la voie publique, sous le couvertd'une plaque d'immatriculation belge, un vehicule soumis au controletechnique selon ledit arrete, sans qu'il soit pourvu d'un certificat devisite accompagne d'une vignette de controle en cours de validite et d'unrapport d'identification ou fiche technique correspondant à sonutilisation et d'un document "Inspection visuelle du vehicule", pourautant que ces documents soient requis.
3. L'article 24, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 15 mars 1968dispose qu'aucun vehicule soumis au controle technique en vertu du presentarrete ne peut se trouver sur la voie publique s'il n'est pourvu d'uncertificat de visite accompagne d'une vignette de controle en cours devalidite et d'un rapport d'identification ou fiche technique correspondantà son utilisation et d'un document "Inspection visuelle du vehicule",pour autant que ces documents soient requis. L'article 26 de ce memearrete royal dispose qu'aucun vehicule ne peut etre utilise sur la voiepublique s'il ne repond pas aux dispositions du present arrete. L'article81 dispose que toute infraction au present arrete est punie des peinesprevues par la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniquesauxquelles doivent repondre tout vehicule de transport par terre, seselements ainsi que les accessoires de securite.
L'article 23sexies, S: 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 15 mars 1968dispose que, independamment des regles concernant les controlesperiodiques, des controles non periodiques sont obligatoires avant la datede premiere mise en circulation ou la date de la remise en circulationd'un vehicule lent. L'article 23ter, S: 1er, 7DEG, dispose que lesvehicules autres que ceux enonces sous 1DEG à 6DEG inclus, sont soumis aucontrole periodique avant la premiere mise en circulation en Belgique oula date de la remise en circulation et ensuite tous les ans à l'exceptiondes vehicules lents.
4. L'article 1er, S: 2.59, de l'arrete royal du 15 mars 1968 dispose que,aux fins du present arrete, il y a lieu d'entendre par "tracteur agricoleou forestier" : tout vehicule à moteur, à roues ou à chenilles, ayantau moins deux essieux et une vitesse maximale par construction egale ousuperieure à 6 km/h, dont la fonction reside essentiellement dans sapuissance de traction et qui est specialement conc,u pour tirer, pousser,porter ou actionner certains equipements interchangeables destines à desusages agricoles ou forestiers, ou tracter des remorques agricoles ouforestieres. Il peut etre amenage pour transporter une charge dans uncontexte agricole ou forestier et/ou peut etre equipe de sieges deconvoyeurs.
L'article 1er, S: 2.75, dispose que, aux fins du present arrete, il y alieu d'entendre par « "vehicule lent" : 1. tout vehicule automobile dontla vitesse maximale nominale ne peut, par construction et d'origine,depasser 40 km/h. Toute transformation qui a pour resultat de permettre dedepasser cette vitesse maximale, enleve à un tel vehicule le caractere devehicule lent, 2. toute remorque tiree exclusivement par les vehiculesdecrits au point 1. »
5. Il ne resulte pas de la circonstance qu'un vehicule a ete, à tort,immatricule en tant que "tracteur agricole ou forestier" au sens del'article 1er, S: 2.59, de l'arrete royal du 15 mars 1968, que cevehicule, en tant qu'il repond à la description d'un "vehicule lent" ausens de l'article 1er, S: 2.75, dudit arrete royal du 15 mars 1968, nepourrait beneficier de l'exemption du controle periodique prevu auxarticles 23sexies, S: 1er, 5DEG, et 23ter, S: 1er, 7DEG, de ce meme arreteroyal.
Le jugement attaque qui statue autrement et, par ce motif, condamne ledemandeur I du chef des preventions B et H, n'est pas legalement justifie.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Sur le troisieme moyen :
6. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 149 de laConstitution, 195 du Code d'instruction criminelle, 5, S: 1er, 1DEG, 28,S: 2, alinea 1er, 35 et 36 de la loi du 3 mai 1999 relative au transportde choses par route et des dispositions de l'arrete royal du 2 juin 2010relatif à la circulation routiere des vehicules exceptionnels, ainsi quela violation du principe general du droit relatif au respect des droits dela defense, dont le droit au contradictoire : le jugement attaque nepouvait prononcer la condamnation du chef des preventions J et K, quidecoulent de la prevention I pour laquelle il prononce l'acquittement ; lejugement attaque decide, en effet, qu'il n'y avait pas, pour le vehiculevise sous la prevention I, de depassement de la largeur maximale et que cevehicule n'etait pas en surcharge, de sorte qu'il ne pouvait decider pourla prevention J, en ce qui concerne le meme vehicule, que les masse etmesures autorisees ont ete depassees et, pour la prevention K, qu'ildevait disposer d'une autorisation de transport exceptionnel.
7. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que :
- la prevention I concerne le tracteur de marque Massey-Ferguson 8480 PS,qui, selon les verbalisateurs, avait une largeur de 2,68 metres ;
- eu egard à cette constatation, il y a egalement eu poursuite en raisondu caractere non valide de l'autorisation requise pour le transportexceptionnel (prevention K).
8. Les juges d'appel (...) ont acquitte le demandeur du chef de laprevention I parce que la defense sur les mesures a ete accueillie et quele proces-verbal contient trop peu d'informations concretes sur lestechniques de mesure utilisees. Ils ne pouvaient ainsi, eu egard à cettedecision, declarer le demandeur I coupable du chef des preventions J et Kqui decoulent, selon leurs propres constatations, de la prevention I.
Le moyen est fonde.
Sur le quatrieme moyen :
9. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 195du Code d'instruction criminelle, 1er, S: 2.75, de l'arrete royal du 15mars 1968 portant reglement general sur les conditions techniquesauxquelles doivent repondre les vehicules automobiles et leurs remorques,leurs elements ainsi que les accessoires de securite et 4 de l'arreteroyal du 23 mars 1998 relatif au permis de conduire : le jugement attaquedecide, à tort, que le demandeur II ne peut beneficier de la dispenseprevue à l'article 4 de l'arrete royal du 23 mars 1998 ; en effet, ledemandeur II est ne avant le 1er octobre 1982 et les vehicules dudemandeur I sont des vehicules lents ; en se referant aux articles 15 et16 de l'arrete royal du 15 mars 1968, le jugement attaque y ajoute, àtort, une condition relative à l'affectation ; ces dispositionsn'associent cependant pas le statut du vehicule lent à son affectation.
10. L'article 4, 12DEG, de l'arrete royal du 23 mars 1998 dispose que lesconducteurs de vehicules lents, definis par l'article 1er, S: 2.75, del'arrete royal du 15 mars 1968, nes avant le 1er octobre 1982 sontdispenses de l'obligation d'etre titulaires et porteurs d'un permis deconduire.
11. L'article 1er, S: 2.75, dudit arrete royal du 15 mars 1968 disposeque, aux fins du present arrete, on entend par « "vehicule lent" : 1.tout vehicule automobile dont la vitesse maximale nominale ne peut, parconstruction et d'origine, depasser 40 km/h. Toute transformation qui apour resultat de permettre de depasser cette vitesse maximale, enleve àun tel vehicule le caractere de vehicule lent, 2. toute remorque tireeexclusivement par les vehicules decrits au point 1 ».
12. Il ne resulte pas de la circonstance qu'un vehicule a ete, à tort,immatricule en tant que "tracteur agricole ou forestier" au sens del'article 1er, S: 2.59, de l'arrete royal du 15 mars 1968, que leconducteur de ce vehicule, en tant qu'il repond à la description d'un"vehicule lent" au sens de l'article 1er, S: 2.75, dudit arrete royal du15 mars 1968, ne pourrait beneficier de la dispense visee à l'article 4,12DEG, de l'arrete royal du 23 mars 1998, pour autant que le conducteursoit ne avant le 1er octobre 1982.
Le jugement attaque qui statue autrement et, par ce motif, condamne ledemandeur II du chef de la prevention L, n'est pas legalement justifie.
Le moyen est fonde.
Sur le premier moyen :
13. Il n'y a pas lieu de repondre au moyen qui ne saurait entrainer unecassation plus etendue ni une cassation sans renvoi.
Sur le moyen du demandeur III :
14. Le moyen invoque la violation des articles 2, S: 1er, 6, S: 1er, et22, S: 1er, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assuranceobligatoire de la responsabilite en matiere de vehicules automoteurs : lejugement attaque acquitte, à tort, le demandeur du chef des preventions Aet G ; les vehicules doivent etre immatricules conformement à leur usageet etre egalement couverts sous cette affectation par une assuranceconforme à la loi du 21 novembre 1989 ; l'assurance et l'immatriculationdoivent coincider selon la nature et l'usage ; l'article 6, S: 1er, de laloi du 21 novembre 1989 dispose que l'immatriculation d'un vehiculeautomoteur est subordonnee à la couverture conforme aux dispositions dela presente loi de la responsabilite civile à laquelle ce vehicule peutdonner lieu ; selon l'article 1er, 6DEG, de l'arrete royal du 20 juillet2001 relatif à l'immatriculation de vehicules, les vehicules sontimmatricules conformement à la definition mentionnee à l'article 1er, S:2, de l'arrete royal du 15 mars 1968, pour laquelle l'usage du vehiculeest determinant ; à partir du moment ou un vehicule est immatricule entant que vehicule agricole, il ne peut, s'il est utilise à d'autres fins,etre valablement assure d'un point de vue juridique des lors quel'immatriculation et l'assurance doivent coincider ; les mentions dans lesconditions particulieres d'assurance selon lesquelles le tracteur agricolepeut egalement etre utilise pour le transport de marchandises pour lecompte de tiers contre paiement ne peut ainsi concerner que le transportdans le cadre d'activites agricoles.
15. L'article 2, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 21 novembre 1989 disposeque les vehicules automoteurs ne sont admis à la circulation sur la voiepublique, les terrains ouverts au public et les terrains non publics maisouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de lesfrequenter, que si la responsabilite civile à laquelle ils peuvent donnerlieu est couverte par un contrat d'assurance repondant aux dispositions dela presente loi et dont les effets ne sont pas suspendus.
L'article 22, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 21 novembre 1989 punit leproprietaire d'un vehicule automoteur qui le met en circulation ou tolerequ'il soit mis en circulation dans l'un des endroits prevus à l'article2, S: 1er, sans que la responsabilite civile à laquelle il peut donnerlieu soit couverte conformement à la presente loi.
16. Il en resulte que le caractere punissable frappe uniquement la mise encirculation ou le fait de tolerer la mise en circulation d'un vehicule noncouvert par un contrat d'assurance repondant aux dispositions de la loi du21 novembre 1989 precitee ou dont les effets sont suspendus.L'immatriculation du vehicule à moteur à usage specifique n'implique pasqu'un autre usage donne lieu, en soi, à mettre en circulation le vehiculeou à en tolerer la mise en circulation sans l'assurance conforme à laloi du 21 novembre 1989.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
17. En vertu de l'article 26, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 25 juin1992 sur le contrat d'assurance terrestre, tel qu'applicable en l'espece,le preneur d'assurance a l'obligation de declarer, en cours de contrat,dans les conditions de l'article 5, les circonstances nouvelles ou lesmodifications de circonstance qui sont de nature à entrainer uneaggravation sensible et durable du risque de survenance de l'evenementassure.
Il en resulte qu'il n'est question d'aggravation du risque au sens del'article 26, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 precite, quelorsque celui-ci est durable. Une aggravation temporaire du risque neconstitue pas une aggravation du risque au sens de cette dispositionlegale.
18. Le juge apprecie souverainement en fait l'aggravation durable durisque. La Cour verifie neanmoins si le juge a legalement conclu, sur labase de ses constatations, à la presence ou non d'une aggravation durabledu risque.
19. Le jugement attaque qui decide que les tracteurs peuvent, selon lespolices, etre utilises pour le transport pour le compte de tiers contrepaiement et que telle etait l'activite en cours au moment desconstatations, ne constate pas d'aggravation durable du risque et pouvaitlegalement decider que la conduite en defaut d'assurance n'est pasetablie.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office de la decision rendue, pour le surplus, sur l'actionpublique :
20. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque, en tant qu'il :
* declare le demandeur I coupable et le condamne du chef des faits despreventions B et H et lui impose, du chef de ces preventionsrespectives, le paiement d'une contribution au Fonds special pourl'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence ;
* declare le demandeur I coupable et le condamne du chef des faits despreventions J et K conjointement et lui impose, du chef des deuxpreventions, le paiement d'une contribution au Fonds special pourl'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence ;
* declare le demandeur II coupable et le condamne du chef des faits dela prevention L et lui impose, du chef de cette prevention, lepaiement d'une contribution au Fonds special pour l'aide aux victimesd'actes intentionnels de violence ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;
Rejette le pourvoi I pour le surplus ;
Rejette le pourvoi III ;
Laisse la moitie des frais du pourvoi I à charge de l'Etat ;
Condamne le demandeur I au surplus des frais de ce pourvoi ;
Laisse les frais des pourvois II et III à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, au tribunal correctionnel de Flandreoccidentale, siegeant en degre d'appel, autrement compose.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Luc Van hoogenbemt, president de section, Geert Jocque, FilipVan Volsem, Alain Bloch et Erwin Francis, conseillers, et prononce enaudience publique du six janvier deux mille quinze par le president desection Luc Van hoogenbemt, en presence du procureur general PatrickDuinslaeger, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
6 JANVIER 2015 P.14.0311.N/1